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Les conseillers municipaux (2eme collège) de Bouzaréa, communiquent

Article paru dans le quotidien Alger Républicain, le 23 juin 1954.

BOUZAREA

A propos de la réunion municipale du 17 juin

Les conseillers municipaux (2eme collège) de Bouzaréa, communiquent :

« Le 17 juin, le conseil municipal de notre commune s’est réuni en session ordinaire.

Dès l’ouverture de la séance, le maire, M. Essartier, demande aux conseillers d’observer une minute de recueillement à la mémoire des morts du corps expéditionnaire de Dien Bien Phu.

En ce qui nous concerne nous élus du 2e collège nous n’avons pas tenu à nous associer à cet hommage ; et quand l’un d’entre nous le frère Moulay, s’est levé pour donner les raisons de notre abstention et l’avis de notre peuple sur la guerre d’Indochine et situer les véritables responsables, le maire lui a retiré la parole, sous prétexte qu’il n’est pas permis de parler politique au sein du conseil municipal. En agissant ainsi, le maire oublie que, quelques minutes auparavant, il en avait lui même fait, en rendant hommage aux morts du corps expéditionnaire. Curieuse façon de se vanter d’être impartial quand on se permet pour soi-même ce qu’on interdit aux autres.

Mais ce n’est pas tout. Le maire est allé jusqu’à suspendre même la séance, quand notre orateur a élevé une protestation.

Ce n’est pas la première fois que la voix de la représentation musulmane est étouffée au sein de ce conseil. Il en est ainsi chaque fois que nous avons un point de vue à donner ou une revendication à formuler.

A la reprise de la séance, le maire soumet au conseil municipal un projet, tendant à l’agrandissement du cimetière européen par l’expropriation de propriétaires musulmans limitrophes.

Avant de donner notre avis quand au fond de ce projet, nous avons jugé utile de poser la question en ce qui concerne le cimetière musulman. Nous en avions en effet, depuis notre élection, demandé l’aménagement par la construction d’une clôture et d’un abri, mais rien n’a été fait.

La même réponse revient, à savoir que le cimetière musulman est classé comme « site » et que dans ces conditions, c’est au Gouvernement général qu’il appartient de décider de son aménagement.

Autrement dit, le conseil municipal n’a pas à s’en mêler.

Pourtant, M. le maire n’ignore pas que les dépenses du cimetière sont obligatoires (loi du 5 avril 1884, Art. 156) et qu’elles ne peuvent être décidées que par délibération du conseil municipal.

Quand nous avons tenu à lui rappeler cela, il a éludé la question en passant immédiatement au vote de son projet par un premier collège entièrement à sa dévotion, faisant ainsi fi de nos revendications.

Singulière façon de résoudre les problèmes municipaux et de gérer une commune dont la population est en majorité musulmane.

Devant cette attitude qui dénote le mépris de la démocratie des élus européens et porte indéniablement atteinte à notre dignité d’Algériens et de représentants du peuple, il ne nous restait qu’à quitter la réunion du conseil municipal. C’est ce que nous avons fait en signe de protestation et pour mettre le maire et les élus du 1er collège devant leurs responsabilités.

Car si de par la faute du régime colonialiste nous sommes minoritaires au sein de l’assemblée municipale, il n’en demeure pas moins que nous représentons une population qui compte les 4/5 des habitants de la commune et qui tient à ce que sa voix soit entendue et ses revendications satisfaites.

M. Essartier ainsi que le premier collège n’ont pas l’air de se rendre compte que le temps a changé et que l’Algérien ne peut plus vivre en paria, diminué, méprisé et réprimé dans son pays.

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