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Daniel Martinet : « Ceux qui s’en vont : Messali Hadj »

Article de Daniel Martinet paru dans La Révolution prolétarienne, n° 605, juin-juillet 1974


Messali Hadj, l’apôtre de l’indépendance du Maghreb, n’est plus. Il nous a quittés, après une longue et pénible maladie, le lundi 3 juin 1974 et il a été inhumé en terre algérienne.

Il a été, à mes yeux de jeune étudiant, dans les années 30 où j’ai le souvenir de l’avoir entendu à un meeting de l’Etoile Nord-Africaine, le prototype du militant nationaliste et prolétarien, l’équivalent pour l’Algérie de ce que fut Hô-Chi-Minh en Indochine.

J’ai eu le plaisir de faire vraiment sa connaissance à Belle-Ile en 1957 et d’apprécier le charme et la vigueur de sa conversation au cours de longs entretiens sur l’avenir de son pays, durant une semaine. Je puis témoigner qu’il était fidèle à son passé, même si les voies si cruelles de la politique divisaient gravement les militants algériens. Depuis, nous sommes restés attachés par des liens presque familiaux.

Sa position en porte à faux pendant les sept ans de la guerre s’explique en grande partie par son isolement en prison ou en résidence forcées pendant de longues années, destin à l’instar de celui de Blanqui.

Ses liens étroits avec le mouvement ouvrier français libre (il s’était détaché depuis longtemps de l’obédience communiste, ce qui ne lui fut pas pardonné) auraient été un utile apport à la construction de la jeune république algérienne.

En pleine guerre d’Algérie, il a pris la parole au Cercle Zimmerwald et est resté un fidèle ami de la R.P.

Né à Tlemcen le 16 mai 1898, il fut marqué par son milieu arabo-islamique, mais aussi par le kémalisme et la révolution russe.

Dès 1922, il prononce à Tlemcen un discours élogieux pour la révolution turque et contre le colonialisme franco-anglais. Dès lors il est fiché et poursuivi par les renseignements généraux.

Il gagne sa vie en France à partir de 1923 et perfectionne ses connaissances. En 1926, il y fonde, avec un groupe de travailleurs algériens, « L’Etoile Nord-Africaine ». L’année suivante, il représente l’Algérie au congrès anti-impérialiste de Bruxelles et prend contact avec les représentants des autres pays colonisés. Son implantation en France et en Belgique est solide dès 1930, date à laquelle il crée le journal « El Ouma ». Il proteste alors auprès de la S.D.N. contre la situation des Algériens et contre la célébration du centenaire de l’occupation de son pays. Il connaît la prison de la Santé en 1934, et son exil en Suisse en 1935 lui permet de rencontrer l’émir Chékib Arslan.

Le 2 août 1936, c’est le grand meeting au stade municipal d’Alger où il prononce un discours historique et prend une poignée de terre : « Cette terre n’est ni à vendre, ni à acheter, ses propriétaires sont là, c’est le peuple algérien ! » Au cours de la manifestation du 14 juillet 1937, le drapeau algérien fait sa première apparition au milieu de la foule.

A partir de là, le père du nationalisme algérien va aller de bagnes en prisons : Barberousse, Maison Carrée, Lambèze… En mai 1945, après les événements de Sétif, il est déporté à Franceville, dans l’ancien Congo français.

En octobre 1946, il est ramené à Bouzaréa en résidence surveillée. A cette époque, Messali Hadj est président du M.T.L.D., parti de l’indépendance dont l’impact est colossal dans l’Algérie d’alors. Sa grande personnalité n’est niée par personne. Il entre en contact avec les leaders tunisiens et marocains. Il est présent à la session de l’O.N.U. qui suit son retour au Moyen-Orient, fin 1951.

En 1952, il parcourt au cours de sa fameuse tournée de propagande le Constantinois et l’Algérois. Arrêté à la suite d’une provocation policière, il est envoyé en exil à Niort, en pleine crise politique du M.T.L.D.

Le déclenchement de l’insurrection algérienne trouve Messali en résidence forcée aux Sables d’Olonne, puis à Angoulême. Son activité politique, entravée mais non interrompue, lui vaut son transfert à Belle-Île-en-Mer.

Après l’indépendance, il fut enfin libéré le 10 mai 1962, mais il ne trouve pas sa place dans son pays, et sa mort survient à Paris, laissant un grand vide que les jeunes générations, espérons-le, se feront un devoir de combler.

Daniel MARTINET

Le corps de Messali Hadj a été déposé au cimetière musulman de Bobigny, puis transporté à Tlemcen où Dechézelles l’a accompagné et prononcé son éloge devant plusieurs milliers de participants.

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