Catégories
presse tracts

Les luttes de classes en Algérie

Tract diffusé en Algérie à la fin de l’année 1965 et reproduit dans Internationale situationniste, n° 10, mars 1966, p. 12-21


On pourrait croire que le nouveau régime algérien s’est donné pour unique tâche de confirmer l’analyse sommaire que l’I.S. a présentée de lui, dès les jours qui suivirent son putsch inaugural, dans l’Adresse aux révolutionnaires que nous avons alors publiée à Alger. Liquider l’autogestion, c’est tout le contenu du boumediennisme, c’est sa seule activité réelle ; et elle commence à l’instant même où l’État, par le déploiement de la force militaire qui était sa seule cristallisation achevée sous Ben Bella, son seul organisme solide, a proclamé son indépendance en face de la société algérienne. Les autres projets de l’État, la réorganisation technocratique de l’économie, l’extension de la base de son pouvoir, socialement et juridiquement, dépasse les capacités de la classe dirigeante actuelle dans les conditions réelles du pays. La foule des indécis, qui n’avait pas été les ennemis de Ben Bella mais ceux qu’il a déçus, et qui ont attendu pour juger le nouveau régime sur ses actes, peuvent voir que finalement, ce régime ne fait rien, excepté son acte constituant la dictature autonome de l’État, qui est du même coup sa déclaration de guerre à l’autogestion. Même énoncer des accusations précises contre Ben Bella, ou l’abattre publiquement, semble être au-dessus de ses forces pour une longue période. Le seul reste de «socialisme» professé en Algérie est précisément ce noyau du socialisme renversé, ce produit de la réaction générale dans le mouvement ouvrier même que la défaite de la révolution russe a légué comme modèle positif au reste du monde, y compris à l’Algérie de Ben Bella : la contre-vérité policière du pouvoir. C’est ainsi que l’ennemi politique n’est pas condamné pour ses positions réelles, mais pour le contraire de ce qu’il a été ; ou bien même il se dissout soudainement dans un silence organisé, il n’a jamais existé, ni pour le tribunal ni pour l’historien. Et c’est ainsi que Boumedienne, un des principaux responsables depuis toujours du fait que l’autogestion algérienne n’est qu’une caricature de ce qu’il lui faut être, la traite officiellement de «caricature» afin de la réorganiser autoritairement. Au nom d’une essence de l’autogestion idéologiquement garantie par l’État, Boumedienne rejette les manifestations réelles ébauchées de l’autogestion.