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Le conflit algéro-marocain : la guerre arrange tout, mais après?

Article paru dans Le Prolétaire, n° 4, novembre 1963, p. 5.

 

 

L’éclatement du conflit algéro-marocain apporte une nouvelle confirmation à la thèse marxiste sur l’impuissance des mouvements nationaux anti-colonialistes – privés par la trahison de l’opportunisme « communiste » de l’aide du prolétariat métropolitain – à atteindre les objectifs les plus immédiats et les plus modestes. L’unité du Maghreb était un de ces objectifs fondamentaux. Bornées par leur horizon nationaliste et bourgeois, les révolutions anti-coloniales de l’ex-Afrique française du Nord ne pouvaient toutefois donner naissance qu’à des Etats jaloux de leur propre souveraineté, de leurs propres frontières, de leur « propre » pétrole (ou de celui du voisin) – et en effet le conflit entre Alger et Rabat pue le pétrole en même temps que le pire chauvinisme.

Mais, pour l’Algérie comme pour le Maroc, le conflit résout provisoirement bien des problèmes intérieurs. Hassan II l’a clairement indiqué lorsqu’il a proclamé que la guerre a « consacré, une fois de plus, la communion intense entre le trône et le peuple ». Quant à Ben Bella, elle lui a permis de reconstituer l’ « unité populaire » qui semblait compromise par la « sécession » kabyle. Mais, le providentiel conflit terminé, les plaies sociales de l’Algérie se rouvriront. L’Humanité peut se contenter des mesures de nationalisation contre indemnités des propriétés françaises en territoire algérien et exulter parce que, comme l’a dit l’histrion Ben Bella, « à cet instant, il n’y a plus une seule parcelle de terre qui appartienne à un colon français » ; ce qui intéresse les paysans arabes et berbères misérables, ce n’est pas ce qui n’appartient plus aux français, mais ce qui n’est pas encore à eux. Et la rhétorique sur le « socialisme algérien » (un « socialisme » qui a de Gaulle pour parrain et qui se fonde sur le fitfty-fifty…) ne suffira pas à les satisfaire !

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