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Les amis d’Omar Khayyam : « Iran : 1 an après »

Texte des Amis d’Omar Khayyam paru dans Le Frondeur, n° 3/4, mars 1980, p. 22.

 

 

L’effondrement de l’Etat comme l’impuissance des dirigeants n’est pas toujours suffisant à rendre aux hommes leur liberté. Le Liban (dont on ne parle plus beaucoup en ce début 80) est un exemple de pays sans Etat et sans gouvernement où rien n’a changé. Bien évidement l’ordre est revenu sur les chars syriens et israéliens et la survie a repris ses droits.

 

L’Iran est aujourd’hui un pays sans gouvernement, mais les Iraniens pas plus que les Libanais n’ont réussi à rendre le mouvement irréversible, à chasser le pouvoir de leur tête. La participation aux élections du président de la république confirme nos craintes, et même si elle est artificiellement gonflée elle est le signe que l’aliénation n’est pas vaincue.

 

L’islam que les occidentaux assimilent hâtivement au catholicisme ou à une idéologie se distingue de ceux-ci par le fait qu’il concrétise un mode de vie traditionnel. Soumis depuis vingt ans à la pression du capitalisme, livré à l’économie, l’Iran en se révoltant cherche à retrouver son identité, et les iraniens succombent à la tentation facile de revenir aux traditions que symbolise pour eux le respect de la loi islamique.

 

Les aspects les plus modernes de l’aliénation spectaculaire voisinent en Iran avec la misère matérielle et le sous-développement. Encore largement soumis au mode de vie agricole, une grande partie du pays est tenté de considérer les villes (Téhéran, Tabriz, Abadan) comme un autre monde et surtout comme un monde qui lui est essentiellement étranger.

 

Ce qui frappait le visiteur en Iran avant la révolution, c’était d’abord l’ultra-modernisme de Téhéran, l’emprise du spectaculaire à travers ses marchandises reines : automobile, immeubles … Mais dès la sortie de la ville et dans certains quartiers on retrouvait l’image d’un mode de vie rythmé par les cycles traditionnels et les aspects classiques d’un pays sous-développé.

 

En quelques années (depuis les années 50 environ) l’Etat a progressivement pris la place des féodaux, a massivement gonflé son appareil et investi tous les domaines. Cela n’avait été possible que grâce à l’appui du capitalisme américain et de ses satellites ; la conséquence en a été la destruction systématique de la culture spontanée et traditionnelle au profit d’une culture importée, la substitution d’un nouveau mode de vie « à l’occidentale » au mode de vie traditionnel. Quoi d’étonnant alors que la révolution contre l’Etat et la marchandise se cristallise dans un premier temps autour de ce qui traduit les nostalgies : l’islam.

 

Mais cette illusion n’aura qu’un temps, elle s’essouffle déjà et perd de son pouvoir de séduction dans les luttes pour le pouvoir que se livrent les ayatollahs. Mais pour l’instant rien n’annonce vraiment l’irruption d’un prolétariat moderne capable de briser l’emprise de la bourgeoisie. C’est sans doute sur cette absence de réaction prévisible que tablent les islamologues américains pour laisser tranquillement s’épuiser le mouvement, espérant comme au Portugal que le temps est leur meilleur allié pour réinstaller un régime « compréhensif » … Au risque de décevoir les triomphalistes de tout poil qui annoncent la révolution mondiale à chaque éternuement, les prolétaires iraniens ne sont pas encore en train de réaliser l’abolition du prolétariat. Mais cela ne saurait tarder en Iran et ailleurs !

 

LES AMIS d’OMAR KHAYYAM

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