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« Pierre est parti, Mohamed a pris sa place ». Les oppositions algériennes à l’heure du socialisme spécifique (1974-1982)

J’ai le plaisir d’annoncer la publication de mon dernier texte intitulé « ‘Pierre est parti, Mohamed a pris sa place’. Les oppositions algériennes à l’heure du socialisme spécifique (1974-1982) », dans l’ouvrage dirigé par Karima Dirèche, L’Algérie au présent. Entre résistances et changements (Paris, IRMC-Karthala).

En voici les premières lignes :

« Une opposition plurielle

« Les communistes authentiques se souviendront de la figure de combattant révolutionnaire du premier Messali Hadj et ils n’oublieront jamais que sa véritable mort a eu pour cause le terrible isolement de la révolte des masses coloniales » (Journal Le Prolétaire, 1974a, 2). Cet hommage dialectique rendu au dirigeant historique du nationalisme algérien dans Le Prolétaire – organe du Parti communiste international édité par les partisans d’Amadeo Bordiga, chef de file de l’aile gauche de l’Internationale communiste – constituait une réponse à un article à charge paru dans Lutte ouvrière (Chablis, 1974). Ce dernier texte constatait avec sévérité la « seconde mort » de Messali, pionnier du mouvement indépendantiste, progressivement marginalisé à partir de 1954, décédé à Paris le 3 juin 1974 et enterré trois jours plus tard à Tlemcen « devant une foule énorme » (Dechézelles, 1974).

Dépeint comme « le prophète exalté d’un islam prolétarien » dans Le Monde (Lacouture, 1974), les témoignages de respect se multiplièrent toutefois au sein de la gauche. Ainsi, un dirigeant trotskiste saluait « la mémoire de Messali » (Lambert, 1974), un militant anticolonialiste le qualifiait de « Blanqui algérien » (Rous, 1974) tandis qu’un socialiste révolutionnaire en faisait « l’apôtre de l’indépendance au Maghreb » (Martinet, 1974). À leur manière, ces prises de position illustrèrent la centralité de la question algérienne dans le champ politique radical français (Gottraux, 1997, 12). En outre, ces déclarations offrirent aux courants du mouvement ouvrier l’opportunité de se distinguer mais aussi l’occasion de critiquer le Parti communiste français (PCF) et le Front de libération nationale (FLN). Ce dernier était alors le parti unique d’un régime dont les dirigeants se réclamaient d’un socialisme spécifique, à l’instar d’autres pays africains décolonisés (Charles, 1965), et qui « pren[ait] au marxisme-léninisme l’analyse économique scientifique, mais plonge[ait] dans les tréfonds arabo-islamiques pour préserver la personnalité algérienne » (Etienne, 1975). Pourtant, les groupes révolutionnaires basés en France furent assez rares à tenter – ou plutôt réussir – le passage de la critique propagandiste de l’État algérien à celle de la constitution d’organisations-soeurs dans un contexte défavorable outre-Méditerranée où le développement était « étatique, centralisé, autoritaire si ce n’est dictatorial » (El-Kenz, 1992, 22). »

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