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A. : Les événements d’Algérie et du Liban

Article signé A. paru dans Le Réveil clandestin, n° 114, juin 1945, p. 4-5

Les peuples ont été nourris pendant cinq ans de cette idée que la catastrophe était venue uniquement des menées hitlériennes, et que celles-ci jugulées, on retrouverait des temps idylliques. En fait, les chemins de roses annoncés, s’avèrent pleins d’ornières et de virages abrupts. Nous n’énumérerons pas toutes les possibilités de conflits, qui se développent à travers le monde. On ne les voit que trop éclore partout, dans la proportion de treize à la douzaine. Nous fixerons seulement notre attention aujourd’hui sur les événement d’Algérie et du Liban.

A propos de l’Algérie, envisageant le nombre probable des victimes, nous avions timidement parlé de centaines, alors que si l’on en croit les communiqués américains, c’est par milliers qu’il eût fallu dire. Même en admettant que les Yankees aient exagéré, intéressés qu’ils sont à présenter le colonialisme français sous son jour le plus fâcheux, il n’est pas douteux que la répression des troubles de Sétif a été très onéreuse. Les journaux ont avancé, à ce sujet, que les moyens les plus modernes avaient été mis en œuvre, pour mater la révolte, et que les vaillantes troupes que la France entretient dans le Nord-Africain avaient montré que l’exemple laissé ailleurs par les S.S., tant honnis, n’avait pas été vain. Des villages entiers auraient été détruits, sans plus de façon, que s’il se serait agi de vulgaires Oradours ! On a su aussi, que la France avait enfin retrouvé les avions qui lui manquèrent dans tant de circonstances, et que leur première sortie avait consisté dans un vol de carnage contre de malheureuses populations berbères !

Si l’on voulait aborder la question au fond, c’est tout le procès des méthodes coloniales françaises qu’il faudrait instruire à nouveau. Les colons de l’Afrique du Nord ont toujours constitué une des variétés les plus bornées et les plus sordides de la bourgeoisie française. Ils tiennent qu’ils ont répondu à tout quand ils ont expliqué le mécontentement de l’indigène par l’influence de telle ou telle propagande étrangère. Alors que le mal vient, pour l’essentiel, de l’exploitation féroce et des conditions inhumaines d’existence qu’ils font peser sur le peuple algérien. L’histoire de la conquête de l’Algérie est un long tissu de crimes sans nom, et il ne serait pas besoin de chercher beaucoup pour y trouver des précédents aux pires horreurs perpétrées par les nazo-fascistes.

Les Nations unies ont offert encore un autre spectacle de leur « désunion » au Levant. Là, on ne saurait rejeter la faute sur une quelconque cinquième colonne hitléro-mussolinienne, et les plus hardis vont murmurant le nom redoutable de l’Intelligence Service. La vraisemblance de l’accusation est d’ailleurs plus grande, dans cette affaire que dans l’autre. La Syrie est une très ancienne pierre d’achoppement entre la France et l’Angleterre. Sous couleur de l’indépendance arabe, on se soucie surtout, dans ces endroits, des pétroles de Mésopotamie, et de leur acheminement jusqu’à la Méditerranée. Les événements y ont pris un cours fâcheux, dont rien de bon n’était augurable pour l’impérialisme français. Les mitrailleuses anglaises ont empêché qu’on ne procédât là-bas, avec la promptitude cavalière qu’on a pu mettre en Algérie. Le fameux colonel Lawrence a laissé des héritiers qui veulent faire aboutir cette fois le projet de la Confédération pan-arabe, qu’il avait conçu vers la fin de l’autre guerre Et Churchill n’a pu que donner son approbation à l’entreprise, surtout que la question syrienne est une de ses vieilles préoccupations. Le général de Gaulle n’a pas trouvé dans cette affaire un surcroît de prestige. Sa politique intérieure, largement déficitaire, se double maintenant d’une politique extérieure qui va d’échec en échec. Certes on ne peut pas dire que le mythe qui s’attache à son nom soit déjà épuisé, mais des signes de déclin sont perceptibles. On se satisferait du général, réactionnaire à l’intérieur, mais on ne saurait lui passer longtemps des fantaisies néo-impérialistes dans le genre de l’incident libanais. De Gaulle se soumettra ou Londres et Washington, appuyés par une importante fraction de la bourgeoisie française, le « démettront ».

A.

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