EN septembre, le président Ben Bella n’ayant pas donné le moindre signe de vie (trois mois après son arrestation) un appel fut lancé à l’opinion publique internationale en vue d’obtenir, par une intervention concertée et massive auprès des dirigeants algériens, que celui qui, en droit, reste le président de la République algérienne, soit autorisé « à être assisté des avocats de son choix, à recevoir des visites, à être examiné par un médecin », en un mot, à jouir « des droits élémentaires de la personne humaine ».
LE colonialisme est fait de pillages et de meurtres. C’est un crime permanent qu’il faut sans cesse dénoncer.
Le temps du colonialisme doit finir bientôt car les peuples colonisés se réveillent et donnent l’exemple d’un magnifique combat. Chaque coup porté contre l’impérialisme par les mouvements révolutionnaires d’outre-mer a ses répercussions sur le capitalisme de chez nous. Chaque victoire des peuples colonisés est une victoire pour le prolétariat mondial. Chaque coup porté contre le militarisme – surtout en Indochine – affaiblit notre armée nationale de métier qui risque un jour ou l’autre – ne l’oublions pas – de devenir une armée contre-révolutionnaire entre les mains de la classe possédante, une armée de répression.
Article d’Yves Dechézelles paru dans La Commune, n° 6, février 1958
La publication du rapport de synthèse de la Commission de Sauvegarde des Droits et des Libertés Individuelles, si partiel et si limité qu’il soit, ne permet plus à des hommes de bonne foi de douter des traits barbares que revêt trop souvent la répression en Algérie.
Article de Daniel Guérin paru dans Correspondance Socialiste Internationale, 10e année, n° 102, décembre 1959, p. 4
Je ne crois pas avoir lu depuis longtemps un livre aussi riche et aussi bouleversant, traitant de problèmes particuliers dans une optique aussi universelle, collant à l’actualité et pourtant marqué à ce point du signe de la durée. L’An V de la Révolution algérienne, de Frantz Fanon, est, et restera, une source d’inépuisables réflexions, non seulement pour l’anticolonialiste, mais aussi pour le révolutionnaire prolétarien, pour le sociologue, le psychologue, le psychiatre, enfin pour l’humanité tout court.
Article de Pierre Boussel alias Pierre Lambert paru dans La Vérité, n° 475, 31 octobre 1957, p. 1 ; suivi d’un article paru dans La Vérité, n° 478, 28 novembre 1957,p. 2
AHMED BEKHAT, secrétaire général de l’U.S.T.A., vient d’être assassiné. Bien des questions troublantes se posent sur ces attentats systématiques organisés contre les dirigeants de l’U.S.T.A.
Appelparu dans Nouvelle Gauche,2e année, n° 34,du 12 au 25 octobre 1957; suivi d’un article paru dans Nouvelle Gauche, n° 36, du 9 au 22 novembre 1957; appel paru avec d’autres signatures dans La Vérité, n° 473, 17 octobre 1957
LE 20 septembre 1957, Ahmed Semmache, militant syndicaliste, dirigeant de la Région parisienne de l’U.S.T.A., était lâchement assassiné. Il fut l’un des promoteurs de cette Centrale syndicale et avait participé très activement à son congrès de fondation.
Article d’Yves Dechézelles paru dans La Commune, n° 5, novembre 1957
Ahmed Bekhat, secrétaire général de la Fédération de France de l’U.S.T.A., a été à son tour assassiné. Le 26 octobre, au petit matin, son cadavre a été retrouvé encore chaud dans un terrain vague de Colombes. Il avait été tué de deux balles dans la nuque.
Article de Louis Houdeville paru dans Nouvelle Gauche,2e année, n° 36, du 9 au 22 novembre 1957
AHMED BEKHAT, secrétaire général de l’Union des Syndicats des Travailleurs Algériens, est mort : assassiné. Deux balles dans la nuque ont mis un terme à l’action militante de celui qui était l’un des meilleurs dirigeants syndicalistes algériens.
Article d’A. Bertrand paru dans La Nation socialiste, 2e année, nouvelle série, n° 2, novembre 1957, p. 3
Le 27 octobre on découvre dans un terrain vague de Colombes le corps d’Ahmed Bekhat, secrétaire général des Syndicats algériens U.S.T.A. Plus d’une centaine de militants de l’U.S.T.A. avaient déjà subi le même sort depuis quelques mois : secrétaires de sections d’entreprises, d’unions locales ou régionales, membres du Bureau National. Tous signent leur arrêt de mort en acceptant les fonctions pour lesquelles ils sont élus par leurs camarades. La grande presse de toute nuance qui consacre de si larges colonnes à nous entretenir des faits et gestes des chefs du F.L.N. lors de leurs déplacements qui les mènent des palaces au Caire à ceux de New York ne trouvent au maximum que quelques lignes pour signaler les « règlements de compte entre Algériens ». Elle se garde bien d’expliquer comment et pourquoi ces ouvriers sont assassinés.
Article paru dans Nouvelle Gauche,2e année, n° 34,du 12 au 25 octobre 1957
A Alger, devant le Tribunal Permanent des Forces Armées de cette ville, s’est déroulé à la mi-Août, un procès d’une grande importance : celui des membres du Comité Directeur du Mouvement National Algérien pour Alger, défendus par nos camarades Yves Dechézelles et Yves Jouffa, et par le Bâtonnier Talbi.
Article d’Yves Dechézelles paru dans La Commune,n° 2, mai 1957,p. 10
DEPUIS quelques mois une fraction importante de l’opinion française a été vivement impressionnée par ce qu’elle a entrevu des aspects atroces de la guerre et de la répression en Algérie.
Editorial paru dans Nouvelle Gauche,1ère année, n° 5, 10 juin 1956,p. 1-2
LA guerre à outrance en Algérie, tel est le choix auquel Guy Mollet, qui s’était engagé à négocier la paix, s’est laissé entraîner sous la pression de la pire réaction.
Ce choix, qui risque d’avoir des conséquences catastrophiques pour l’avenir, est un danger mortel pour la liberté.
Compte-rendu paru dans La Nation socialiste, 2e année, nouvelle série, n° 2, novembre 1957, p. 8
Oreste ROSENFELD Conseiller S.F.I.O. de l’Union Française
« A plusieurs reprises, Guy MOLLET a déclaré – aussi bien au nom du gouvernement (notamment lors de son voyage aux Etats-Unis et au Canada) qu’au cours des manifestations socialistes en France, – qu’il « fallait épargner aux peuples sous-développés, le stade du nationalisme ». Il a ajouté – et il l’a répété des dizaines de fois – qu’il s’opposait à l’indépendance de l’Algérie. C’est parce que l’indépendance des pays colonisés était un leurre. Ce qui l’intéressait, lui, Président du Conseil et socialiste, c’était de rendre vraiment indépendant et libre chaque homme et chaque femme d’Algérie » et de les protéger ainsi contre l’exploitation des puissances capitalistes ou féodales. »
Article de Fred Zeller paru dans La Nation socialiste, nouvelle série, n° 1, octobre 1957
Il y a déjà trois années que nous sommes en guerre avec le peuple algérien et cette guerre dégénère en une affreuse tragédie dont on n’entrevoit pas l’issue.
Dans une opinion publique française jusqu’ici relativement insouciante – et dans une certaine mesure complice – l’inquiétude, je dirai même l’angoisse, a fait son apparition.
Un peu partout dans les villes et les villages de France, des familles sont amputées de leurs fils, ou de leurs pères.
Article paru dans Alger Républicain, 25 février 1954
NOUSreprenons aujourd’hui, dans notre Tribune libre, la publication des interviews que nous avons sollicitées auprès de différentes personnalités d’Alger sur l’important problème de l’union des forces nationales et progressistes d’Algérie. A ces personnalités nous avions posé les questions suivantes :
Article de Maurice Clavel paru dans La Commune, n° 2, mai 1957, p. 10
J’arrive à Alger le 10 avril à la nuit. Le lendemain matin, je me rends au Tribunal Militaire. J’ai une grande partie de la ville à traverser. La mer et le ciel gris ne suggèrent pas l’Afrique. Les murs et les maisons de n’importe quelle ville de chez nous – à ceci près que c’est beau. Un musulman tous les 200 mètres donne une maigre et triste couleur locale. Il paraît qu’ils recommencent à se montrer (que devait-ce être ?). Alger, je le sais depuis hier soir, respire depuis l’opération Massu. La bombe de la « cafeteria » qui a tant marqué l’imagination (20 à 30 victimes, des fillettes amputées) s’éloigne peu à peu des mémoires.
Communiqué du MTLD paru dans Alger Républicain, 20 février 1954
On nous communique :
Le tribunal correctionnel de Tlemcen a condamné jeudi plusieurs dizaines d’Algériens à 84 années d’emprisonnement. Les faits qu’on leur reprochait remontent au mois d’octobre de l’an dernier.
Article de Pierre Boussel alias Pierre Lambert paru dans La Vérité, n° 330, du 19 février au 5 mars 1954, p. 2
PERSONNE ne s’aviserait de commenter les résultats des élections en Algérie selon les normes classiques. La « démocratie » que l’impérialisme français distille à ses millions d’esclaves coloniaux a comme contenu, la fraude ouverte, des urnes truquées, des bulletins falsifiés. C’est devenu une habitude si profondément enracinée dans les mœurs des « civilisateurs » de la matraque, que le gouverneur général Naegelen, socialiste, un Léonard, ou quiconque ne saurait en concevoir d’autres.
Extrait d’une note d’Informations ouvrières, n° 10, avril 1959, p. 2-3
II/- Les données de la situation algérienne peuvent se résumer brièvement ainsi :
– Du côté algérien. – Le peuple algérien, malgré les coups terribles qu’il reçoit, quoique indéniablement épuisé, reste derrière ses combattants. Les « fellaghas », bien que subissant les plus sévères échecs sur les plans militaire et répressif, continuent le combat avec l’acharnement de combattants qui ne veulent lâcher les armes qu’après avoir arraché satisfaction à leurs aspirations.
Communiqué du MTLD paru dans Alger Républicain, 13 février 1954
Le M.T.L.D. communique :
Les régions de Nedroma et Nemours sont depuis plusieurs mois le théâtre d’une répression grave. On se souvient que le 15 octobre 1953, lors de la « Quinzaine de lutte contre la répression » un Algérien avait été abattu par la police. Ce fut le point de départ d’une action répressive qui n’a cessé de se manifester dans ces centres et leurs environs avec une particulière violence.
Article paru en deux parties dans Informations ouvrières, n° 251, 26 juin 1965, p. 1-4 et n° 252, 3 juillet 1965, p. 1-4
Notre époque est impitoyable. Les événements balaient les savants édifices bâtis pour la consolation d’intellectuels petits-bourgeois, à la recherche d’un confort rassurant. Ainsi en est-il de la marche concrète de la révolution algérienne qui ne laisse pas pierre sur pierre des illusions intéressées. Tout ce qui, dans le domaine de la théorie et de la pratique est inachevé, ou erroné, toutes les positions qui ne trouvent pas leurs justifications dans la lutte de classes, sont vouées à s’effondrer.
Article de Jean Rous paru dans La Commune, n° 6, février 1958, p. 3
La conférence anti-impérialiste qui s’est tenue au Caire fin décembre 1957 et qui se présente comme la suite de la grande conférence de mai 1955, n’est que l’exploitation de l’esprit de Bandoeng aux fins d’un bloc contre l’autre.
LE 18 juin, Ben Bella démentait un prétendu « conflit qui existerait au sein de la direction révolutionnaire en Algérie » et affirmait que, sous sa direction socialiste, son pays était « plus uni que jamais ». Fort de cette affirmation gratuite, il annonçait des mesures de clémence en faveur des « égarés », pour employer son expression, à la tête desquels se trouvait Aït Ahmed.
Article paru dans Al Kadihoun, n° 2, février-mars 1973, p. 25-27
Pour une partie de l’opinion arabe et mondiale, l’Algérie est le modèle que devraient suivre tous les pays néo-colonisés pour échapper au sous-développement, à l’assujettissement et à la misère. La direction actuelle de l’Algérie fait beaucoup de publicité sur l’industrialisation « intensive » du pays qui devrait lui permettre de « décoller » économiquement et ce, à coups de plans quadriennaux. Nous y reviendrons.
Editorial de Claude Bourdet paru dans Nouvelle Gauche, organe du mouvement uni de la nouvelle gauche, 1ère année, n° 1, 15 avril 1956, p. 1
AU cœur même de la situation politique française se trouve la guerre d’Algérie. Elle n’est pas le seul objet d’intérêt, elle n’est même pas, pour beaucoup de salariés vivant difficilement et préoccupés de leur salaire insuffisant, de leur logement médiocre, elle n’est même pas le problème principal. Mais, tout compte fait, c’est d’elle que tout dépend. Le climat international est à la détente. Le Parti communiste soutient le gouvernement. Malgré l’absence du Front Populaire aux élections, la droite n’est pas ressortie de celles-ci assez puissante pour inquiéter sérieusement Guy Mollet, tant au moins que la situation algérienne n’est pas très aggravée. Dans de telles circonstances, il apparaît clairement que, sans la guerre d’Algérie, nous serions partis pour une longue période de stabilité, et peut-être de progrès. Mais il apparaît aussi qu’à cause de la guerre d’Algérie, tout peut changer : la logique de la guerre alimente le chantage de la droite et des militaires exigeant de Mollet des mesures toujours plus brutales, lesquelles doivent normalement provoquer la chute du gouvernement de Front Républicain et son remplacement par un gouvernement de guerre totale animé par Bourgès-Maunoury, Soustelle, ou tous les deux.
Tribune de Lucien Weitz parue dans Nouvelle Gauche, 2e année, n° 33, du 28 septembre au 11 octobre 1957, p. 6
IL y a des formes d’auto-critique qui se révèlent n’être qu’un réquisitoire contre les autres. Le titre de l’article (1) de Léo Hamon : « La gauche souffre-t-elle d’algéromanie ? » n’était que formellement dubitatif. Le contenu, lui, ne laissait aucun doute.
Article de Claude Devence paru dans Nouvelle Gauche, n° 8, 22 juillet 1956, p. 2
ALORS que la guerre d’Algérie trouble la conscience de nombreux Français, l’opinion d’un homme comme le Professeur Rivet ne peut manquer d’avoir une grande portée.
Or « Combat » vient de publier une interview du Directeur honoraire da Musée de l’Homme, intitulée : « Au nom de l’idéal de la Gauche, le professeur Paul Rivet condamne la rébellion algérienne » (1).
Article de Claude Devence paru dans Nouvelle Gauche-Tribune étudiante, 2e année, n° 22, 25 février au 10 mars 1957, p. 1 et 7
LE 2 FEVRIER, entre 15 h. et 17 h., les ouvriers français, italiens, portugais et espagnols du chantier Perignan, à Vitry-sur-Seine, sous l’impulsion d’une militant Nouvelle Gauche, débrayaient unanimement. De quoi s’agissait-il ? D’une revendication de salaires ? D’une protestation contre les conditions de travail ? Non pas, c’était un acte remarquable de solidarité envers les camarades algériens en grève. En délégation, les ouvriers se rendirent à la Mairie de Vitry pout y déposer une motion réclamant la paix en Algérie et approuvant la grève de 8 jours faite à l’unanimité par leurs camarades algériens. Une collecte fut effectuée sur le chantier pour leur venir en aide.
Article de Claude Devence paru dans Nouvelle Gauche, organe du mouvement uni de la nouvelle gauche, n° 5, 10 juin 1956
LE film de Resnais nous expose la réalité brute de l’horreur concentrationnaire. Ce n’est pas un cauchemar, c’est vrai.
Cela n’a pas seulement été vrai à un moment de l’histoire. Ce peut être encore vrai à tout moment, de la part de n’importe quel peuple, de n’importe quel groupe, parce que c’est le fait de l’homme. Il ne s’agit pas ici de l’Allemand ou même du nazi seulement. Resnais nous le montre clairement (1).
Article paru dans Perspectives ouvrières, Bulletin du Comité national du Mouvement de Libération du Peuple, n° 27-28, juillet-août 1953, p. 19-22
La fusillade qui ensanglanta la pacifique manifestation populaire du 14 Juillet a consterné tous les républicains. On se trouve devant une provocation policière délibérée et devant un manque de sang-froid de la part d’une police dont le racisme violent n’est plus à démontrer.
Article de Blanquet paru dans Le Combat syndicaliste,33e année, nouvelle série, n° 172, décembre 1961, p. 1et 4
Pour essayer de pénétrer la cause de ces manifestations de masse, qui ont désagréablement surpris le peuple de Paris, et qui ont mobilisé la presque totalité des Algériens de la région parisienne, il faut revenir très en arrière.
Non pas, certes, remonter jusqu’à la conquête de l’Algérie (ce qui serait nécessaire pour une étude plus ample, sans doute), mais jusqu’à ces années 48-50, peu après la Libération
Communiqué du MTLD paru dans Alger Républicain, 26 janvier 1954
Le M.T.L.D. communique :
« Une fois de plus, le problème marocain revient au premier plan de l’actualité. Seul, en fait, le gouvernement français pouvait penser, ou feindre de croire, que le complot du 20 août 1953 contre la souveraineté chérifienne était un fait accompli sur lequel personne n’allait plus revenir.
JAMAIS je n’ai senti avec autant d’accablement l’incapacité de parler dignement d’un homme dont l’amitié m’était une raison de vivre et dont la perte me laisse désemparé.
Article de Robert Vaez-Olivera paru dans Correspondance Socialiste Internationale, 11e année, n° 105, mars 1960, p.5
La recrudescence de l’antisémitisme et du racisme justifie la publication de l’article ci-dessous que nous avons demandé à notre ami Vaez Olivera. Dans cette analyse claire et concise, notre ami exprime un point de vue qui peut ne pas être celui de nombre de nos lecteurs. Nos colonnes sont largement ouvertes aux observations ou réflexions dont vous voudrez bien nous faire part.
Article de Marceau Pivert paru dans Correspondance Socialiste Internationale, n° 20, mai 1952, p. 12
LECTURES RECOMMANDEES
Albert CAMUS : « L’Homme révolté » (Gallimard).
Il serait souhaitable que chaque militant socialiste soit en mesure de lire, de méditer, de discuter et de mettre à profit le livre de Camus et plus particulièrement le chapitre « Révolte et Révolution » (pp. 302 à 309). Certains camarades m’ont dit avoir éprouvé une sorte de déception à cette lecture. C’est qu’ils y recherchaient peut-être un système doctrinal reposant, une sociologie politique toute faite, alors que Camus présente tout le contraire : une mise en état de défense individualiste, une autoprotection libertaire en face du « délire historique » dont le stalinisme illustre, hélas ! les terribles errements. Il propose donc plutôt une règle de conduite individuelle (mais qui devrait précisément valoir aussi pour la classe opprimée) infiniment plus dangereuse pour les dogmes et les systèmes que les armées et les échafauds : « vivre et faire vivre pour créer ce que nous sommes » au lieu de « tuer et de mourir pour produire l’être que nous ne sommes pas ».
Article de Jean Rous paru dans Correspondance Socialiste Internationale, 9e année, n° 86-87, juillet-août 1958, p. 6
C’est en tant que secrétaire général du « Congrès des Peuples contre l’Impérialisme » (1948-1955) que je viens rendre hommage au noble exemple de militant socialiste anticolonialiste que Marceau Pivert a su incarner, et dont il laisse le souvenir à la future génération socialiste et aux peuples d’Afrique et d’Asie.
Article de Daniel Guérin paru dans Correspondance Socialiste Internationale, 10e année, n° 93, mars 1959, p. 2
Vers 1930, à l’époque, hélas déjà lointaine où certains d’entre nous faisaient leurs premiers pas dans l’action militante, la tâche essentielle était de faire connaître ce qu’est la colonisation, car bien peu de gens dans notre pays s’y intéressaient, et plus rares encore étaient ceux qui l’avaient sérieusement étudiée.
1953 aura vu le colonialisme français s’acharner avec plus de vigueur sur les peuples qu’il exploite.
Nous avons déjà, dans ce journal, dénoncé la répression sévissant en Afrique du Nord. Ce n’est pas dans le peu de place qu’offre un journal que nous pouvons relater un bilan de toute la répression qui sévit sous forme d’arrestations, de ratissages, d’assassinats, de tortures policières, d’emprisonnements, de traitrises de fantoches. Il faudrait un volume entier.
Je relate simplement ici un témoignage paru dans l’« Algérie Libre » du 14 novembre 1953. Mais je le relate avec une mauvaise conscience, car, jusqu’ici, nous n’avons rien fait contre cette répression.
LE modernisme semble, si nous en croyons certains, avoir bousculé de nombreux préjugés, de nombreuses croyances qui ont marqué si profondément le passé. Et, de fait, la croyance en Dieu, par exemple, est moins vive, moins tenace, de même que les nationalismes et les revanchismes déclinent depuis que les gens ont appris à se connaitre par-delà les frontières.
Article de Michel Lesure paru dans Le Monde libertaire, n° 13, décembre 1955, p. 3
La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’une époque sans esprit, c’est l’opium du peuple.
(K. MARX.)
FAISANT sienne la conception de Feuerbach sur l’esprit déiste, Marx la complétait en assignant à d’autres abstractions le soin de régler le sens des évolutions. C’est du commentaire des sophismes marxistes qu’est née la caste des clercs et des mandarins : les intellectuels dits de gauche, l’Intelligentsia, qu’il appartient à Raymond Aron de radiographier.
Article de Louis Chavance paru dans Le Monde libertaire,n° 23, décembre 1956, p. 4
SI la colère et le chagrin ne l’avaient emporté sur la curiosité, ce n’est pas sans amusement qu’on aurait pu assister aux contorsions des littérateurs distingués pour apaiser leur conscience, troublée par une atmosphère d’orage, après le coup de tonnerre de l’insurrection Hongroise. La tristesse serait d’ailleurs aussitôt revenue, devant les réactions de quelques honnêtes gens, asphyxiés par les nuages de confusion qu’ont répandus les faux penseurs.
Ecrit au lendemain de la guerre d’Espagne, cet ouvrage vient seulement d’être traduit. Sa qualité, la précision de l’information qu’il nous apporte sur les événements encore mal connus de 1937, nous fait regretter de ne pas l’avoir eu plus tôt entre les mains.
Article d’Yves Rochefort paru dans Le Monde libertaire, n° 296, 11 janvier 1979, p. 5 et 8
ECRIRE un article sur Israël est un exercice périlleux, surtout si l’on veut évoquer l’avenir du Moyen-Orient. Du coup d’éclat de Anouar el Sadate à la Knesset aux espoirs déçus de Camp David, les rebondissements de l’actualité peuvent rendre caduques les prévisions les plus raisonnables. L’état de belligérance ne durera pas éternellement et un jour la paix sera signée entre les différents Etats et une vie différente commencera pour tous les habitants du Levant. Mais quelle paix ?
Face au problème de la guerre et de la misère dans cette partie du monde, les libertaires doivent avoir une position claire. Comme l’indiquait Maurice Joyeux dans une brochure consacrée au problème de la Palestine, seul compte pour nous le destin des individus, et nous éprouvons un intérêt médiocre pour les combinaisons des gouvernements et des puissances économiques. Mais il faut balayer les idées fausses et les a priori mortels. Il faut aussi rappeler quelques faits historiques incontestables et quelques vérités premières (1).
Article d’I. Lauden suivi d’un commentaire de Joël Gochot parus dans Le Monde libertaire, n° 190, mai 1973, p.8-9
Diffamation sur le prétendu terrorisme anarchiste
Ces derniers temps, il a déferlé un ouragan de crimes politiques sur notre monde tumultueux ; terreur individuelle et piraterie aérienne qui ont pris un caractère dangereux. Une vague de terreur et de criminalité, exportée du Japon, de la Turquie et de l’Amérique latine, qui n’évite pas notre pays. Les terroristes qui se déguisent avec des plumes idéologiques se comportent de plus en plus en bandits et en bourreaux inhumains. Mais ces bandits idéologiques sont pires que les simples criminels : ils se dissimulent derrière des idées et une phraséologie et ignorent le regret ou le remords.
« Ecoutez, nous commencerons par provoquer des troubles, dit Verkhovensky… Je vous l’ai dit, nous pénétrons au plus profond du Peuple. Savez-vous que nous sommes déjà maintenant terriblement forts. Non seulement ceux qui égorgent et incendient travaillent pour nous, ceux qui manient le revolver à la manière classique ou bien les enragés qui se mettent à mordre… Je n’admets rien sans discipline. Je suis un gredin et non un socialiste, moi ! ha ! ha ! »
Dostoïevski – Les Possédés.
On a rarement vu une telle bestialité ! C’est par grappes que la mitraille fauche les êtres affolés qui fuient éperdus. Les obus lourds tracent des sillons sanglants dans la foule, les maisons s’écroulent ensevelissant sous les gravats hommes, femmes et enfants, blessés ou morts, réunis ainsi dans une apocalypse qui dépasse ce qu’avaient pu imaginer les prophéties de cerveaux dérangés qui depuis trois mille ans ont fait arrosé ce sol aride du sang de dizaines de générations.
Rien de plus complexe que les problèmes du Moyen-Orient en général et celui du problème israélien en particulier, non seulement en raison des oppositions et des errements inhérents à toute expérience humaine, mais aussi et surtout par l’intrusion de la finance et de la politique s’efforçant à brouiller les cartes, à diviser et à opposer les collectivités et les races, à multiplier les incidents et à nourrir les rancœurs et les haines.
Cela n’a jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui, en ce qui concerne le problème palestinien.
Les évènements récents ont mis à nouveau en lumière le phénomène du terrorisme. L’affaire de détournement d’un avion par des sympathisants de la Fraction Armée Rouge (R.A.F.) nous intéresse doublement.
Historiquement, la violence apparaît comme un instrument essentiel du maintien de chaque société de classe, et comme l’accoucheuse de la nouvelle société qui se forme au sein de la société existante. Ce double caractère suffit pour montrer l’absurdité de la condamnation systématique de toute violence (que prononcent les humanistes et pacifistes de tout poil) aussi bien que de son exaltation unilatérale de la part des terroristes. Il est donc ridicule de se prononcer pour ou contre la violence en général, en assaisonnant cette prise de position de considérations morales ou tactiques : le seul problème consiste a replacer l’action violente dans le cadre des rapports sociaux qu’elle exprime.
Une demi-douzaine de gros pétards ont explosé il y a quelque temps devant des succursales Citroën ; à la même époque, au Quartier Latin, un café fréquenté par des fascistes du Mouvement « Occident » était incendié ; depuis, d’autres incidents ont également eut lieu en divers autres endroits ; des arrestations ont été opérées.
Avant que les évènements en aient définitivement prouvé l’inconséquence, il était encore possible, à une certaine époque, d’être sincèrement révolutionnaire et non violent. Révolutionnaire et non violente elle l’était, la foule de Petrograd qui, derrière le pope Gapone, se fit sauvagement massacrer alors qu’elle portait des pétitions à « notre petit père le tzar ». « Le Dimanche sanglant » de Petrograd eut pour résultat de marquer à tout jamais l’impossibilité d’une transformation de la société par des moyens pacifiques. De ce jour, l’ouvrier comme le moujik russes, et avec eux le prolétariat mondial, surent qu’en dernier ressort la violence seule trancherait. La classe ouvrière ne parle plus de non-violence, elle ne se pose même plus la question ; elle sait. Il lui aura fallu payer dans le sang et dans les larmes cette dure leçon.