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M. Bouhafa précise le sens de son appel à la médiation yougoslave

Article de Paul Yankovitch paru le 26 mai 1956 dans Le Monde.

Belgrade, 25 mai. – Un visiteur inhabituel s’est présenté hier matin au secrétariat d’État des affaires étrangères yougoslave ; M. El Abed Bouhafa, représentant du comité de libération nord-africain aux États-Unis, a remis au secrétaire d’État aux affaires étrangères un aide-mémoire relatif au problème algérien. C’est un document en français de près de sept pages et contenant en seize points un projet de médiation internationale en Algérie.

Au cours d’une conversation avec le correspondant du « Monde », M. Bouhafa a précisé que cet aide-mémoire n’a pas été rédigé par le comité de libération nord-africain, mais qu’il était « le produit du travail collectif d’éminentes personnalités algériennes et des autres pays arabes ». Toutefois, il a refusé de divulguer les noms de ses auteurs et s’est contenté de dire qu’il avait obtenu l’approbation du nationaliste Messali Hadj et du secrétaire général du Mouvement national algérien Moulay Merbah.

« L’aide-mémoire que j’ai remis au gouvernement yougoslave, a souligné M. Bouhafa, propose à la Yougoslavie de participer avec un autre pays européen et un pays du groupe de Bandoeng à une médiation internationale en Algérie. Nous avons choisi la Yougoslavie parce qu’elle ne fait partie d’aucun bloc politique actuellement existant et parce que, amie de la France et des pays arabes, elle présente pour nous toute garantie d’impartialité. »

Selon le nationaliste nord-africain, la « guerre sans issue » en Algérie peut et doit obtenir une solution rapide, « si le gouvernement français fait preuve de sa bonne foi et de ses intentions pacifiques et démocratiques ». Il considère en outre que le conflit actuel est surtout « un conflit de procédure et non de principe » qu’un « extrémisme oratoire » ne fait qu’aggraver. Le rôle de la commission internationale de médiation, commission de bons services, comme l’appelle M. Bouhafa, sera exclusivement technique. Elle aura à superviser le « cessez-le-feu » et les élections libres en Algérie en veillant à l’impartialité et à la légalité.

M. Bouhafa est arrivé à Belgrade venant de Zurich où il a rencontré M. Moulay Merbah, qu’il retrouvera de nouveau lundi prochain, cette fois à Rome. Ce voyage laisse présumer que l’Italie sera le second pays invité a participer à la médiation.

L’aide-mémoire de M. Bouhafa, avant d’être présenté au gouvernement yougoslave, avait été porté à la connaissance de la Ligue arabe. Il sera communiqué, a dit M. Bouhafa, à tous les membres du Conseil de sécurité de l’O.N.U.

M. Bouhafa a refusé de préciser par qui il a été reçu au secrétariat d’État et combien de temps il y est resté.

« Je puis seulement vous répondre, a-t-il dit, que ce matin même mon aide-mémoire s’est trouvé entre les mains du ministre des affaires étrangères yougoslave, M. Popovitck. »

Les milieux officiels n’ont pas encore commenté l’aide-mémoire, mais on sait que la Yougoslavie croit à la possibilité d’une solution au problème algérien, qui pourra satisfaire les parties intéressées.

De son côté la presse, ni hier, ni ce matin, n’a mentionné la présence à Belgrade du nationaliste algérien.

[Il n’est pas inutile de rappeler, au moment où diverses tentatives de médiation sont proposées ou suggérées, que le Mouvement national algérien, dont l’un des leaders est M. Moulay Merbah – avec qui M. Bouhafa a pris contact, – ne semble plus bénéficier d’une grande influence en Algérie. Il ne fait nullement partie du Front de libération nationale, qui a refusé son adhésion en bloc et n’accepterait qu’un ralliement sans condition des personnes et non du Mouvement.

Quant au Comité de libération de l’Afrique du Nord, au nom duquel M. Bouhafa dit parler, il s’agit d’une organisation également d’obédience messaliste (M.N.A.), dont le siège se trouve à New-York, et dont il ne faut exagérer l’importance ni l’influence.]

PAUL YANKOVITCH

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