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Des strapontins pour le PAGS à la direction de l’UGTA

Article paru dans Travailleurs immigrés en lutte, n° 21, mai 1978, p. 7-8


Le Congrès de l’UGTA vient de se dérouler. Et, comme il était facile de le prévoir, (voir T.I.L n° 20), la direction de l’UGTA a été largement remaniée. C’est ainsi que sur les quinze membres de la direction sortante, trois seulement ont pu conserver leur poste.

– Benikoua et compagnie ont dû payer leur incapacité à bien encadrer la classe ouvrière. Boumediène s’est souvenu des grèves de cet été, et les têtes de ceux qui n’ont pas su « se hisser au niveau des exigences de l’étape actuelle de développement et d’élargissement de la base » (discours de Boumediène au Congrès de l’UGTA), sont tombées.

La nouvelle direction ne représentera pas plus les travailleurs que la première, mais elle devra se montrer plus vigilante dans sa fonction d’encadrement des travailleurs, et elle devra tenter de mieux faire accepter à la classe ouvrière l’axe principal de la propagande gouvernementale: l’accroissement de la production.

– On peut aussi évoquer, quand on parle du dernier Congrès de I’UGTA , la façon dont les dénués ont été désignés. Cela est très significatif quant au caractère anti-démocratique de ce congrès. C ‘est ainsi que pour être délégué au congrès, il faut être syndiqué depuis trois ans au moins, et exercer une responsabilité dans l’appareil syndical. C’est-à-dire que la quasi-totalité des délégués doivent être membres du FLN. Il est évident que ce mode de sélection des délégués écarte toute surprise, toute possibilité à ceux qui ne sont pas « dans la ligne » d’intervenir lors du Congrès.

– Cependant, on a assisté à un événement assez hors de l’ordinaire à ce congrès : l’élection de deux membres du PAGS à la direction de l’UGTA. Nous pouvons faire confiance aux bureaucrates du FLN, l’accession de militants du PAGS à la direction de l’UGTA n’a pas pu se faire à leur insu. Ces élections se sont faites avec l’approbation du FLN, et sont révélatrices à plus d’un point.

– On sait qu’en Algérie, la bourgeoisie (pas plus qu’ailleurs), n’est une classe monolithique. Elle se compose de fractions qui s’affrontent plus ou moins violemment selon les circonstances. Deux fractions principales (quoiqu’elles mêmes très hétérogènes) s’opposent donc : ceux qui sont partisans d’une étatisation complète de l’économie (et dont le chef de fila est actuellement Boumediène), et ceux qui sont partisans d’une diminution des prérogatives de l’Etat, d’une place plus grande au capital privé, voire à une plus grande ouverture aux capitaux étrangers.

Précisons que la fraction que l’on pourrait appeler « libérale » ne se compose pas uniquement de bourgeois privés, mais de membres de l’appareil d’Etat, qui sont liés directement (en étant eux-mêmes capitalistes privés également), ou indirectement (qui, du fait, de leur place dans l’appareil d’Etat ont pu suffisamment thésauriser, pour qu’ils éprouvent la nécessité d’investir pour leur propre compte…) au projet de privatisation.

On peut à ce titre interpréter l’accession de membres du PAGS (le PAGS étant un partisan farouche de l’étatisation) comme un des épisodes qui opposent au sein de l’appareil d’Etat, la tendance capitaliste d’Etat et la tendance « libérale ».

En effet, les strapontins du PAGS à la direction de l’UGTA sont un « geste » de Boumediène à ses rivaux : il veut ainsi leur montrer qu’il est prêt éventuellement à faire une petite place aux staliniens si ses adversaires au sein de l’appareil d’Etat continuent à lui mettre des bâtons dans les roues.

– On sait en effet que, par exemple, la résistance de la bourgeoisie foncière à la réforme agraire est due essentiellement à la complicité de membres de l’administration (de la fraction libérale) ; on peut en dire autant des mandataires qui entretiennent un circuit parallèle de commercialisation des fruits et légumes, tous ces secteurs étant considérés par la tendance capitaliste d’Etat comme parasitaires dans la mesure où ils accaparent une certaine masse de capitaux, – qui échappent ainsi à la centralisation du surproduit social par l’Etat qui l’investit dans les secteurs (sidérurgie, pétrochimie,..) lui permettant de réaliser une accumulation accélérée de capitaux industriels.

– Donc le PAGS devient directement une force d’appoint à la fraction boumedièniste capitaliste d’Etat. Cela n’a rien d’étonnant, vu la politique du PAGS jusqu’à ce jour. Mais cela montre que Boumediène ne veut plus d’un PAGS autonome, et qui ne se mouillait pas complètement avec le régime, – refusant de partager la déconsidération que valait au pouvoir sa politique d’oppression des masses.

On peut par ailleurs supposer que cette collaboration un peu plus étroite du PAGS avec Boumediène signifie que celui-ci ne désapprouverait pas une dissolution du PAGS au sein du FLN, qui pourrait ainsi devenir une véritable organisation d’encadrement, avec des bureaucrates actifs. Une telle hypothèse (un parti fort avec les staliniens à l’intérieur) cadrerait parfaitement avec la régénérescence des organisations de masse du pouvoir, et s’inscrirait tout à fait dans le cadre du prochain congrès du FLN.

On peut pour terminer, dire que cette participation du PAGS à la direction de l’UGTA montre une fois encore dans quel camp se placent nos staliniens. Plus que jamais, ils sont les ennemis de la classe ouvrière.

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