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Fascisme, racisme : quelle riposte ?

Editorial paru dans Courant alternatif, n° 34, mars 1984, p. 3


A l’heure des crimes et attaques racistes, de l’apparition de Le Pen mais aussi des rafles massives, des expulsions de travailleurs étrangers et de réfugiés politiques, se pose à toutes et à tous le problème de l’antifascisme. L’arrivée de la « gauche » au pouvoir a entraîné naturellement la montée de l’extrême-droite, comme, sous la droite, nous avons assisté à une poussée de l’extrême-gauche !

Tomber dans le panneau de l’antifascisme, c’est se tromper de cible, car le fascisme n’est que l’expression exacerbée de la démocratie parlementaire ; Le Pen n’a pas à s’en faire, les Etats deviennent de plus en plus autoritaires, totalitaires.

La social-démocratie au pouvoir (en France, en Espagne ou en Grèce) amène partout un pouvoir fort, centralisé, au consensus social sur la soumission des syndicats ; elle prend des mesures sévères, que la droite n’aurait jamais osé mettre en application. L’époque du régime totalitaire représentée par un seul, homme (Mussolini) est révolue, un pouvoir social-démocrate peut très bien y mener par un Etat de technocrates.

Le fascisme ne se combat pas de façon idéologique comme la « gauche » voudrait le faire, mais dans un mouvement social, dans une lutte, par exemple à Talbot : OS contre Maîtrise-CSL.

De nos jours, le fascisme ou sa variante le racisme, trouve sa légitimation dans le pouvoir en place : le 31 août 1983, lors d’un conseil des ministres, Mitterrand a déclaré: « Il faut renvoyer les immigrés clandestins chez eux » (n’est-ce pas du racisme, car enfin, qui se fait exploiter, les immigrés ou les patrons qui les engagent ? Et qui pourchasse-t-on ?) Lors du même conseil, des mesures anti-immigrés sont prises: « renforcer et multiplier les contrôles en vue de détecter les étrangers en situation irrégulière ; accélérer les procédures lorsque des infractions sont constatées ; améliorer les conditions de reconduite à la frontière (façon pour la « gauche » de parler d’expulsion) dans le respect de la dignité de chacun, les services de police concernés seront renforcés notamment à Paris, et dans les régions du Sud-Est ; les mineurs ne bénéficieront que d’une carte temporaire » (alors que jusqu’en août 83, les enfants ne pouvaient être reconduits à la frontière). Ces mesures instituent le délit de sale gueule et les contrôles d’identité basés sur celle-ci.

N’est-ce pas renforcer les idées réactionnaires dans la tête des citoyens quand « en haut » sont reprises les idées les plus attardées (« l’immigré dehors, noirs = drogué », etc.) ; c’est ce que fait la gauche pour se maintenir et pour rassurer un électorat potentiel de droite.

Les licenciements économiques de travailleurs principalement étrangers voulus par le pouvoir (pour restructurer le système capitaliste) dans l’automobile, la sidérurgie, etc., renforceront aussi le racisme.

Actuellement le fascisme n’est pas le problème numéro un : Le Pen n’est pas appuyé par les investisseurs ; ceux-ci font plutôt confiance à la social-démocrate musclée, efficace, par exemple:

les étudiants étrangers doivent maintenant justifier pour leur carte de séjour, en plus de l’inscription, d’une ressource de 1500 F par mois (ou de prise en charge) ; le demande-t-on aux étudiants français ?

les rafles et opérations de « salubrité publique » se succèdent (contre les homosexuels, les « clandestins », les africains, les « drogués ») ;

le droit d’asile est remis en question : sa réforme sera appliquée au début de l’été 84 ; les 3 Irlandais de Vincennes (mis hors de cause) et victimes d’une machination policière ont eu leur statut de réfugiés politiques refusé ; un Kurde et un Ghanéen faisant les formalités pour obtenir le droit d’asile politique sont jugés à Epinal et expulsés sur ordre de la préfecture !

Les Basques du Sud (côté « espagnol » réfugiés politiques au nord (côté « français ») sont soit assignés à résidence loin de chez eux, soit expulsés en Amérique Centrale, ou alors le gouvernement français laisse les commandos du GAL mener à leur guise des actions de représailles contre ces réfugiés politiques.

Peut-on oublier les déclarations d’un Mauroy accusant les mouvements de grève des travailleurs de l’industrie automobile d’être manipulés par les « intégristes » !

Quand au P. C. à Vitry (la ville du Bulldozer contre les immigrés il y a 4 ans, voir Brèves) ou à Tremblay les Gonesse, il emploie des mesures racistes et ce ne sont pas des faits isolés.

Le régime autoritaire actuel est bien plus dangereux que Le Pen même si celui-ci a changé son image de marque. En 1986 lors des prochaines élections, la « gauche » pour avoir le consensus autour d’elle, va brandir le drapeau du « halte au fascisme » ; certains s’y laisseront peut-être piéger, aussi nous devons agir en conséquence, dire ce que nous avons à dire : rejeter autant la gauche que la droite ; aucun accord idéologique n’est possible pour faire simplement de l’antifascisme ; c’est l’Etat à mettre en cause : tout mouvement social mettant en échec l’Etat social-démocrate, amènera une brèche, un espoir.

Poitiers le 17-2-84

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