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Le 8 mars, journée prolétarienne et communiste

Article paru dans El Oumami, n° 3, mars 1979, p. 13

« La femme dans la Révolution : Un rôle important » (photo publiée dans El Djeich, n° 191, avril 1979, p. 18)

Au congrès de l’Internationale socialiste qui se tint à Copenhague en août-septembre 1910, le 8 mars fut choisi, sur une proposition de Rosa Luxemburg et de Clara Zetkin, comme journée internationale des femmes prolétaires : il s’agissait donc d’une « fête » analogue au 1er mai. Et, comme le 1er mai, elle trouve son origine dans un épisode sanglant de la lutte de classe.

Deux années auparavant, en 1908, les ouvrières de l’usine Cotton, à New York, s’étaient mises en grève, et le patron avait riposté en les enfermant dans l’établissement. Le 8 mars, pour une raison inconnue, le feu ravagea l’usine, les ouvrières furent prise au piège et 129 périrent carbonisées.

Par la suite, le 8 mars devint une date importante dans la lutte de classe.

Le 8 mars 1917 (le 23 février selon le vieux calendrier russe), commence la révolution de février qui conduit au renversement du tsarisme, et voit la participation massive des ouvrières et des femmes prolétaires. Voici ce qu’en dit Trotsky, dans son Histoire de la Révolution russe :

« En fait, il est donc établi que la Révolution de Février fut déclenchée par les éléments de base (…) et que l’initiative fut spontanément prise par un contingent du prolétariat exploité et opprimé plus que tous les autres – les travailleurs du textile, au nombre desquels, doit-on penser, l’on devait compter pas mal de femmes de soldats. La dernière impulsion vint des interminables séances d’attente aux portes des boulangeries. Le nombre des grévistes, femmes et hommes fut, ce jour-là, d’environ 90.000 (…). Une foule de femmes, qui n’étaient pas toutes des ouvrières, se dirigea vers la Douma municipale pour réclamer du pain (…). La « Journée des femmes » avait réussi, elle avait été pleine d’entrain et n’avait pas causé de victimes ».

L’importance de l’apport des femmes à la révolution est confirmée par la Pravda du 18 mars, qui apporte ce témoignage :

« Les femmes étaient plus que jamais combatives, et pas seulement les travailleuses, mais aussi les masses de femmes qui faisaient la queue pour le pain ou le pétrole. Elles organisèrent des meetings, se réunirent dans la rue et se dirigèrent vers la Douma municipale, pour demander du pain ; elles arrêtèrent les tramways : « descendez, camarades ! » criaient-el­les ; elles allèrent ainsi devant les usines et les bureaux et firent cesser le travail. Ce fut dans l’ensemble une journée resplendissante, et la température révolutionnaire commença dès lors à monter. »

Le 19 mars, poursuit la Pravda :

« Les femmes descendirent les premières dans les rues de Pétersbourg. Bien plus, à Moscou, ce sont elles qui décidèrent dans bien des cas du sort de la troupe. Elles entrèrent dans les casernes et convainquirent les soldats de passer du côté de la révolution. Aux temps désolés de la guerre, les femmes avaient enduré d’inimaginables souffrances. Affligées par le départ des leurs au front, préoccupées par les enfants qui souffraient de la faim, les femmes ne cédèrent pas au désespoir. Elles brandirent le drapeau de la révolution ».

Le 8 mars entre donc dans la tradition de la lutte prolétarienne ; il est indissolublement lié à des épisodes inoubliables de la lutte de classe.


Aujourd’hui, après la tempête contre-révolutionnaire qui a détruit le parti révolutionnaire international du prolétariat et, en même temps, toutes les traditions prolétariennes, le caractère prolétarien et communiste du 8 mars est obscurci et déformé.

Depuis des années et des années, les Unions de Femmes liées aux partis bourgeois comme le FLN, dans lesquelles les staliniens occupent souvent des postes de direction, fêtent cette journée eu nom du progrès social dont nous jouirions, au nom des « conquêtes obtenues » et des lois approuvées au Parlement. Non.pas journée de lutte mais de distractions, soirées dansantes, fêtes d’enfants, projections de films, journée de propagande réformiste. L’ONU elle-même, qui a proclamé 1975 année de la femme, fête le 8 mars avec une démagogie révoltante.

Les féministes de leur côté, célèbrent le 8 mars comme journée, non de la prolétaire, mais de la femme en général, ou mieux de la ménagère. Et pour faire leur cette journée elles doivent en altérer le sens ; c’est ainsi que, selon elles, les femmes luttèrent dans la révolution russe pour le mariage civil, les lois sur l’égalisation des droits des enfants légitimes naturels, sur le divorce, les congés de maternité, sur la libéralisation de la contraception et de l’avortement. Ceci n’est pas vrai ! Affirmer que les femmes russes luttèrent seulement pour cela, revient à ravaler leur lutte au simple niveau de revendications réformistes bourgeoises. Les prolétaires russes ne luttèrent pas seulement contre le mariage religieux ou l’infériorité juridique, mais contre tout l’ordre social existant qui déterminait aussi ces contradictions ; elles ne luttèrent pas seulement pour l’égalité juridique et une série de droits, ou pire, pour un prétendu bien-être social, mais surtout pour contribuer à l’assaut contre le capital international en vue d’un ordre social différent ; et de cela, les plus avancées étaient parfaitement conscientes. C’est pour cela qu’ elles furent capables de supporter de durs sacrifices encore pendant des années, comprenant que ce qu’elles avaient obtenu sur le plan juridique n’avait pas résolu leurs problèmes, qui étaient liés à la structure encore capitaliste (quand elle n’était pas plus arriérée) de la société russe, mais avait simplement mis en évidence les racines de leurs maux.

En souvenir des ouvrières de New York, de Pétrograd et du monde entier, nous célébrons le 8 mars comme journée internationale de la femme prolétaire, journée prolétarienne et communiste.

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