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Grève générale des lycéens d’Alger

Textes parus dans le Bulletin de liaison, n° 12, 1er mai 1967, p. 8

APPEL AUX LYCEENS ET LYCEENNES DU GRAND’ALGER

« De graves événements se sont produits ces derniers jours au lycée EL IDRISSI. Une grève englobant tous les élèves du lycée EL IDRISSI a été déclenchée lundi soir et se poursuit à l’heure actuelle, pour protester contre la tentative de saisie de leur organe d’expression « TRAIT-D’UNION » par la direction de lycée et l’exclusion arbitraire du rédacteur en chef de ce journal.

En signe de solidarité avec les élèves d’EL IDRISSI, les lycéennes de HASSIBA BEN BOUALI ont observé une grève des cours et de la faim le mercredi 8 et jeudi 9 mars. Il s’en est suivi l’exclusion d’une vingtaine d’élèves et la fermeture de l’établissement.

Ces événements révèlent une tragique réalité dans le milieu lycéen. Déjà depuis plus d’un an, l’arbitraire des administrations et la riposte légitime des élèves se sont multipliés dans les établissements secondaires.

– Au lycée AMARA RACHID, 80 élèves ont été exclus en décembre dernier, une quarantaine d’internes, ont été mis à l’externat et une centaine d’autres s’est vue retirer la bourse à la suite d’un simple « chahut » organisé au réfectoire à la mi-décembre pour protester contre la mauvaise qualité de la nourriture.

– Au lycée HASSIBA BEN BOUALI, en janvier, la direction du lycée tente de contraindre les élèves à manger la soupe où nageait un rat et menace de prononcer des exclusions contre des « chahuteurs ».

– A l ‘école normale des filles de BEN AKNOUN, de mauvais traitements sont infligés à quelques élèves : les lycéennes ripostent par une grève des cours de deux jours, en janvier.

– Au lycée technique du CAROUBIER, la mauvaise qualité de la nourriture est à l’origine d’une grève de la faim de deux jours en février. (…)

Lycéennes, lycéens,

La grève d’EL IDRISSI n’est qu’une action parmi tant d’autres et, l’intérêt que portent les lycéens à cette grève démontre que nous nous heurtons tous aux mêmes difficultés… pour mener à bien notre action nous nous devons de poser clairement les problèmes… autour de principes bien définis par l’avant-programme des S.U – J.F.L.N. – U.N.L.C.A., à savoir :

1°) le droit d’expression à l’intérieur des lycées,

2°) le droit de participation à toutes les mesures administratives,

3°) le droit de s’organiser pour défendre les libertés syndicales.

De là découlent les revendications immédiates :

– réintégration de tous les élèves exclus des lycées EL IDRISSI et HASSIBA BEN BOUALI,

– la parution régulière de l’organe d’expression des lycéens d’EL IDRISSI,

– l’arrêt des poursuites policières engagées contre certains lycéens.

« … C’est pourquoi, noua lycéens du GRAND’ALGER, adhérents de la JFLN-UNLCA, réunis aujourd’hui 9 mars 1967 en conseil fédéral, nous vous appelons à une GREVE GENERALE DES COURS, LES LUNDI 13 et MARDI 14 MARS dans tous les lycées du GRAND’ALGER.

Le CONSEIL FEDERAL des sections JFLN-UNLCA du GRAND’ALGER


… des étudiants militarisés …

COMMUNIQUE

« A la suite du mot-d’ordre de grève générale lancé par le Conseil fédéral de la JFLN – UNLCA dons son appel du 9 mars 1967, l’ensemble des élèves de classes allant de la troisième aux terminales se sont abstenus de se rendre aux cours les 13 et 14 mars. Le meeting qui a suivi cette grève et qui a rassemblé plus de 5000 jeunes a été violemment réprimé par les forces de police qui ont décidé de poursuivre leur mouvement de grève jusqu’à nouvel ordre… »

« … En effet, ces luttes… ont pour raison profonde la détermination des étudiants et des lycéens à défendre… la liberté de s’organiser démocratiquement, de s’exprimer librement sans qu’il y ait d’ingérence dans leurs affaires, des autorités policières »…

En Algérie, il existe parallèlement à l’enseignement public tout un enseignement contrôlé par le Ministère de le Défense Nationale et qui dispose d’écoles secondaires (Cadets de la Révolution), de grandes écoles (école de le Santé, du Génie, de l’Administration…) qui doublent presque toutes les facultés. Cet enseignement, favorisé du point de vue matériel, a pour but de former des robots dociles et disciplinés. Aussi, le pouvoir accepte-t-il difficilement les « turbulences » et les « indisciplines » des lycéens et des étudiants qui « osent » discuter parce qu’ils voient le niveau de leurs cours baisser dangereusement, leurs conditions de vie se dégrader, leurs droits bafoués… Alors, les bourses sont supprimées sans raisons valables, des exclusions sont prononcées contre les « meneurs », les mesures arbitraires se multiplient…

C’est là le fond du problème : devant la volonté du pouvoir et du très réactionnaire Ministère de l’Education Nationale de faire des Jeunes Algériens des moutons dociles et obéissants, ces derniers ont répondu NON, car ils veulent, dès à présent, être des citoyens conscients et responsables.

P.R.S. Le 20 Mars 1967

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