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Algérie : Les dockers en grève

Article paru dans Travailleurs immigrés en lutte, n° 12, juillet-août 1977, p. 12-13

« 1er mai 1977 : l’heure est au bilan mais aussi aux perspectives » (photo publiée dans El Djeich, n° 168, mai 1977, p. 7)

Les dockers du port d’Alger viennent de faire une grève d’une semaine du 8 mai 1977 au 14 mai. Leur détermination est d’autant plus grande qu’on connaît quel déchaînement répressif entraîne une grève en Algérie !

Pour les dockers, c’est la deuxième lutte qu’ils mènent ; déjà en mai 1975, leur combat pour améliorer leurs très mauvaises conditions de travail avait amené Boumédienne sur le terrain : il faut croire que les vagues promesses qu’ils avaient obtenues en 1975 n’avaient pas été suivies d’effet !

Salaires misérables qui ne dépassent pas dans le meilleur des cas 640 dinars, conditions de sécurité inexistantes, cadences infernales… etc., si c’est déjà là une situation intolérable, il faut se dire que ceux qui l’ont sont relativement « privilégiés »- ce sont les « permanents ».

Car il existe bien une autre catégorie de dockers pour qui la situation est encore plus insupportable, les « occasionnels ». Ceux-là, doivent se pointer tous les matins au port dans l’espoir qu’il y ait du travail pour eux. Quand il n’y en a pas, on se contente de les renvoyer sans autre forme de procès, travailler un jour ne garantit en rien le lendemain…

Pourtant ces « occasionnels » existent alors qu’il y a un manque d’effectifs évident, ainsi les patrons des compagnies portuaires réalisent non seulement un maximum de profits, on réduisant le personnel et en faisant trimer ceux qui ont été embauchés pour des salaires dérisoires, mais diviser les dockers en « permanents » et en « occasionnels » leur permet d’entretenir une concurrence entre les ouvriers et de casser plus facilement leurs grèves.

Cette grève s’était organisée indépendamment des syndicats. Cela a d’autant plus surpris les patrons que ces dockers combatifs sont particulièrement surveillés par les flics et les indicateurs.

Les revendications des dockers sont claires :

– un salaire de base décent pour les permanents

– des horaires de travail assimilant les dockers aux travailleurs des mines, – 6 heures de bordée -.

– des primes de risque pour les mauvaises conditions de travail.

Leur lutte contre les directions portuaires (la CNAN, l’OPP et la Sonama), même si elle a été finalement brisée, a été dure : ainsi, plus que jamais il est important pour nous et pour nos luttes à venir, de comprendre cet échec.

Après avoir résisté pendant deux jours aux pressions patronales et syndicales pour leur, faire accepter des compromis et reprendre le travail, des policiers en civil et en tenue sont finalement intervenus devant la détermination des grévistes, et ont encerclé le port. La solidarité jusque-là effective entre les ouvriers permanents et les occasionnels, a mis en échec toutes les tentatives des exploiteurs :

– encerclement et contrôle rigoureux des entrées et sorties des travailleurs.

– emploi de « jaunes » pour briser la grève… etc.

Les travailleurs ont riposté en manifestant dans les rues d’Alger et en jetant des pierres sur les flics…

Pourtant leur lutte a été finalement cassée. Sous la pression de la direction, les dockers « occasionnels » se sont laissés amener à reprendre le travail aux côtés des « jaunes ». De ce moment, les dockers permanents encore en grève, isolés, ont subi plus facilement la répression du patronat et n’ont pu résister très longtemps.

Nous ne pouvons que déplorer le fait que les travailleurs du port n’aient pas su présenter des revendications leur permettant de cimenter l’unité entre dockers occasionnels et permanents (comme par exemple l’exigence d’embaucher tous les travailleurs comme permanents et de supprimer définitivement les emplois « occasionnels » qui entretiennent la concurrence entre les ouvriers).

En dernier lieu, nous constaterons que le régime a répondu par la matraque aux revendications des dockers, montrant ainsi encore une fois son vrai visage.

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