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La grève des dockers

Article paru dans Tribune algérienne, supplément au n° 11, septembre 1977, p. 10-20

« Un programme : la Charte nationale » (photo publiée dans El Djeich, n° 169, juin 1977, p. 38)

La grève des dockers de Mai 1977 est la première bataille d’envergure engagée par la classe ouvrière contre le régime de Boumediene, après le replâtrage des institutions visant à légitimer la dictature militaro-policière issue du putsch du 19 Juin 1965.

Il s’agit là, de la première réponse de la classe ouvrière au « Message à la Nation » de Boumediene, annonçant une ère d’austérité, de discipline et de rigueur. C’est aussi la réponse au discours du 1er Mai de AMIR, avalisé par BENIKOUS, annonçant que la bataille de la production-gestion ne pouvait être gagnée que par l’augmentation de la durée du travail et des cadences, la mise en place d’une grille de salaires basée sur la productivité du travail, la refonte de toute la législation du travail, et l’intégration définitive de l’UGTA dans les structures corporatistes de la Gestion Socialiste du travail (G.S.E) avant Décembre 1977.

Mais pourquoi les dockers et pourquoi la grève ? Sur quelle plate forme ? Qui a dirigé la grève ? Quelle fut la position de la direction de l’UGTA ? Comment ont réagi Boumediene-Amir ? Quelle a été la réaction de l’ensemble des dockers et de la classe ouvrière algérienne ? Qui a gagné et quels sont les nouveaux rapports entre les classes qui s’établissent en Algérie depuis Mai 77 ?

C’est à ces questions que nous allons commencer de répondre dans ce document qui constitue une première analyse de cette grève remarquable.

I/ Pourquoi les dockers ?

Depuis les années 1925-30, les dockers ont une solide tradition de combativité et d’organisation, qui ont fait de cette corporation, l’un des piliers du mouvement ouvrier algérien. Et c’est pourquoi après l’indépendance, les Sociétés étrangères : SCHIAFFINO, WORMS, CHARLES LE BORGNE, SNIM… conserveront le quasi monopole sur la manutention, les opérations d’arrimage et de désarrimage, de gardiennage et d’emmagasinage sur les quais, les terres pleins et les hangars.

En Avril 1971, la SONAMA remplaça ces entreprises, mais les mêmes méthodes de gestion prévalurent : embauchage chaque jour par les agents du BCMO (Bureau Central de la Main d’oeuvre) qui faisaient appel en priorité aux dockers professionnels, puis aux portefaix munis de carnets, et selon les besoins, aux occasionnels.

En Avril 1974, la SONAMA décida d’intégrer 5000 dockers, car

« sûre d’un effectif permanent, elle organisera ce personnel en équipes prêtes à toute éventualité. Le rendement serait meilleur et le travail plus rationnel « 

(El Moudjahid – 12 Avril 1974)

Malgré les avantages sociaux promis, nous dit-on

« La première réaction des dockers que nous avons vus à tous les niveaux a été la réserve ». « Pour un sujet aussi important, on doit nous consulter. Tout fait accompli est à rejeter On nous payera au mois, d’accord, mais à combien ? Nous accordera-t-on une mensualité nous permettant de mener une vie décente ? Travaillerons-nous dans de bonnes conditions d’hygiène et de sécurité ? « …

(id)

Avec un sûr instinct de classe, les dockers comprenaient que cette initiative de la direction de la SONAMA ne présageait rien de bon. Et de fait, la réorganisation « socialiste » aboutit à la constitution d’équipes permanentes fonctionnant selon le principe des 3X8, le renforcement de la discipline, l’alignement des salaires sur ceux du secteur public…

La corporation normalisée, Boumediene lança le 10/2/75, l’ordre de désengorger le port d’Alger 24 H sur 24. Un Comité spécial de 11 sociétés nationales (sous le contrôle de la DNC-ANP) fut créé avec pour objectif d’imposer le travail de nuit et les nouvelles cadences à l’ensemble des travailleurs du secteur public, décrétés tous « volontaires » ce qui évitait de payer ce surcroît de travail en heures supplémentaires.

Et comme d’habitude, le pouvoir présente cette politique d’extorsion maximum de la plus-value, comme une politique anti-impérialiste, et il rend à l’avance les travailleurs responsables des résultats de la politique qu’il lui impose.

Ainsi dans El Moudjahid du 13/2/75, on peut lire :

« Le succès ou l’échec dépendent en grande partie de l’effort des travailleurs sur le terrain et de leur prise de conscience. Il s’agit notamment pour eux de se mobiliser pour le succès de l’entreprise sachant que l’engorgement des ports est préjudiciable à l’économie nationale dont ils sont les bâtisseurs et aussi les bénéficiaires.

Ainsi ils seront responsabilisés, afin que disparaisse la mentalité de « salarié pour laisser place à l’engagement total qui se traduira par une participation active et consciente à l’effort national de développement « 

Mais ce beau discours ne fut pas compris par les dockers « inconscients », qui ne se sentaient pas responsables de l’engorgement du port d’Alger. Ils ont tous les pouvoirs, ìls dépensent sans compter, ils gaspillent, mènent une vie de bourgeois, sont arrogants et lorsque la catastrophe est là, on fait appel à l’esprit civique des travailleurs pour rattraper gratuitement les erreurs des dirigeants faillis corrompus et inamovibles. Et l’opération tourna court.

La presse fut alors autorisée à mener une vaste campagne pour sensibiliser les travailleurs et les PDG des sociétés nationales, peu soucieux d’affronter leurs salariés, ainsi peut-on lire ces lignes étonnantes dans El Moudjahid du 19/2/75

« Ici est présente la vision de plusieurs milliards de devises perdues à jamais pour notre économie et pour la construction du pays… La SONATRACH a importé des produits chimiques devenus la proie des intempéries, depuis 1965. Elle n’est pas la seule société à avoir laissé pourrir ses produits importés… Ici sont présentes toutes les preuves d’un véritable crime économique, d’un gaspillage injustifiable et inqualifiable « .

Mais comme il n’était pas question de sanctionner les PDG de la Sonatrach (ABDESSELAM-GHOZALI) ni ceux des autres sociétés nationales, le pouvoir entreprit de réorganiser… la Fédération des ports et docks de l’UGTA d’Alger, en faisant élire une nouvelle direction, qui entreprit aussitôt de relancer le volontariat chez les dockers au nom de la lutte contre l’impérialisme.

El Moudjahid du 20/2 s’exprime pour eux en ces termes :

« L’actuelle opération vise en libérant les quais et les terres pleins à permettre aux navires en rade de décharger nos marchandises. Le succès d’une telle opération se traduira pour le pays, par une économie importante de devises. Ce seront en effet autant de millions de dinars en surestaries qui iront non pas dans les caisses des armateurs étrangers, mais qui prendront part à la bataille livrée par le pays pour son édification ».

Les dockers ne furent pas plus convaincus, mais jusqu’à la fin février, ils furent contraints de travailler dans les pires conditions d’hygiène et de sécurité (5 morts, des dizaines de blessés).

Ils purent apprécier ce quittaient le volontariat, la gestion socialiste, l’abandon de la mentalité de « salarié » pour celle de travailleur gestionnaire conscient et responsabilisé, la bataille pour l’édification nationale… La leçon ne sera pas perdue.

Poursuivant méthodiquement son offensive, le pouvoir lance en Mai 1975 une grande campagne de mobilisation de la population algéroise, en vue d’assainir la capitale encombrée par :

« des dizaines de milliers de tonnes de détritus et de déchets de toutes sortes… sans cette action d ‘assainissement (Alger) aurait pu devenir le royaume des rats et le couvoir par excellence des maladies et des épidémies »

(El Moudj. 4-5 Mai 75)

Cette révélation en dit long sur l’incapacité organique de ces dirigeants et de ce pouvoir à régler la moindre des tâches. Mais cette campagne avait pour but de généraliser le volontariat à toutes les entreprises, la jeunesse et la population.

Les travailleurs et la jeunesse comprirent aussitôt que la volonté de blanchir Alger cachait les plus noirs desseins et ils s’abstinrent. Quant aux dockers, sollicités à nouveau, ils répondirent par la grève massive et unitaire. Les revendications furent posées :

– Rappel sur le salaire de base dû à la permanentisation et à partir de la date de mise en application

– Horaires de travail conformes à l’ordonnance assimilant les dockers aux travailleurs des mines (6 heures la bordée ou schift au lieu de 7 heures)

– Droit à certaines primes reconnues par la législation du travail (salissures, risques…)

En bref une remise en question de tout le statut « socialiste » de la SONAMA !

Imposant à la nouvelle direction de l’UGTA de les défendre, déterminés, solidement organisés et contrôlant leur mouvement s Assemblée Générale quotidienne, comité de grève, piquets de grève… les dockers résistèrent à l’action des PDG de la SONAMA, du Wali, du FLN et de la police et ne reprirent le travail que parce que Boumediene venu au port, s’engagea personnellement à satisfaire toutes les revendications des grévistes.

Cette magnifique victoire des dockers relayant celle des métallurgistes de la SNS de Kouba (oct 74) portait un coup fatal au volontariat de masse et remettait en cause toute la politique de Boumediene.

II/ Pourquoi la grève de Mai 1977 ?

Le replâtrage des institutions effectué, le pouvoir reprit son projet de mobilisation des travailleurs dans le cadre du volontariat, stoppé un moment par la grève des dockers.

A la session de l’APW d’Alger d’octobre 1976, le colonel-Wali BOUHARA définit sans détours ce projet. Critiquant les « insuffisances d’ordre structurel à tous les échelons administratifs de la wilaya », il précisa que l’ensemble des problèmes économiques et sociaux du Grand Alger (problèmes de l’eau, des transports, du logement, du ravitaillement…) ne pouvaient trouver de solution que dans la réorganisation de l’appareil administratif. Cela impliquait la refonte du statut de la fonction publique, l’encadrement des fonctionnaires par les jeunes officiers du Service National et le contrôle du secteur public par la DNC/ANP. C’est ainsi que tout le programme des constructions scolaires (118 établissements) sera confié à l’armée (DNC/ANP).

A partir de la mise en place de cette structure de tutelle et d’encadrement qui, nous dit-on, concrétise l’esprit de la Charte, BOUHARA affirma qu’il était maintenant possible de procéder avec efficacité à la « nécessaire mobilisation populaire autour de son ANP pour la sauvegarde des acquis de la Révolution » (El Moudjahid 14/10/76).

Et la presse fut chargée de mettre en condition la population et les travailleurs.

Le 14 Mars 1977, El Moudjahid ouvre le dossier du port d’Alger et dénonce le gâchis :

« Des milliers de tonnes de matériel, dont la plupart ne porte aucune indication « pourrissent » littéralement. Du métier à tisser ultra moderne aux tringles… des monceaux considérables de matériel et produits sont abandonnés au port d’Alger. Plus personne ne réclame ces marchandises importées à coups de millions de devises… Des stocks irrémédiablement perdus et dont la valeur initiale est estimée à plus de 1 milliard ancien chaque année… près de 20 pour cent des surfaces des terres pleins sont recouverts de déchets qui ne sont autres que des marchandises perdues… »

Qui est responsable se demande le plumitif ?

Interrogé, le PDG de la SONAMA incrimine les dockers dont la productivité a baissé d’un tiers, par suite des privilèges obtenus depuis la permanentisation totale : mise en retraite anticipée pour tous les ouvriers ayant atteint 55 ans, retraite mensuelle moyenne de 440 DA et comble du scandale,

« les veuves de dockers – accidents de travail ou mort naturelle – perçoivent grâce à l’assurance groupée une coquette somme qui leur assure souvent une retraite sinon confortable du moins beaucoup plus favorable que pour certains autres secteurs »

Le gâchis du port d’Alger c’est la faute des dockers et des veuves !

Pourtant rétorquent les ouvriers, la SONAMA exige depuis le statut, deux fois par jour, » un travail ininterrompu de 6 h 50, dans des conditions effroyables.

« Travailler sans lumière, avec des clarks et des grues vétustés, être exposé aux dangers imminents d’une élingue, d’un cordage, d’une chaîne ou de câbles qui ont été surutilisés est le lot quotidien du docker… Nous sommes les premiers au monde à avoir accepté de travailler sous palan »

De là, le nombre d’accidents mortels.

Les choses sont claires. Mais « El Moudjahid » poursuit son enquête et découvre que la responsabilité n’incombe pas aux P.D.G. mais aux ouvriers.

Le 5 Avril 1977, dans un article sur « le rendement en question », ZERMOUM dénonce la paresse, l’absentéisme et le comportement anti-socialiste des dockers qui ont entraîné un « processus de dégradation de la notion de travail à la SONAMA », et d’ajouter :

« Il est temps que le travail retrouve sa véritable signification, celle que la Charte Nationale a proclamé comme « étant non seulement un droit, mais aussi un devoir et un honneur »

Cela veut dire qu’il est temps que les dockers retroussent leurs manches, cessent de critiquer les PDG de la SONAMA et des Sociétés nationales et s’inspirent du message de Boumediene à la Nation qui dit :

« Sur le plan quantitatif, il nous faut travailler davantage et sur le plan qualitatif, rentabiliser concomitamment notre travail… Travailler toujours plus et toujours mieux, tel est notre principe »

Et Zermoum dévoile le plan de bataille du pouvoir, avalisé par la direction de l’UGTA, de l’UTAC et de la Fédération UGTA des ports : mise en place « de commissions de la bataille de la production » pour dégager le port.

Se trouvant à nouveau embrigadés, comme en 1975, dans un volontariat obligatoire, les dockers ripostent de la même façon en se plaçant sur leur terrain de classe.

LA GREVE EST GENERALE

Le 8 Mai, c’est la grève ! Les dirigeants de l’ATU et de l’ATE, de
l’UTAC et de l’UGTA condamnent la grève et appellent à la reprise du travail, au nom de l’intérêt national.

Réunis en Assemblée Générale, les dockers rejettent les arguments sur la nécessité de « gagner la bataille de la production », « la lutte anti-impérialiste »… et adoptent une plate forme revendicative : augmentation générale des salaires, réduction des heures de travail, paiement en heures supplémentaires des heures de « volontariat », redéfinition d’un nouveau statut, conditions de sécurité, d’hygiène et de transport…, congés payés.

Les structures corporatistes de la GSE n’ayant pas fonctionné, le Colonel-Wali intervient et exige la reprise préalable du travail avant toute discussion. Le travail ne reprend pas.

Le 10, la police encercle le port et cherche à intimider les grévistes qui ripostent par le renforcement de l’organisation du mouvement et la mise en place de piquets de grève.

Le 11, le Wali fait appel à des chômeurs et occasionnels pour décharger les navires et fait charger par la police les piquets de grève. Avec un violent accrochage (2 morts, 15 blessés), les grévistes sont expulsés du port d’Alger qui passe sous le contrôle des forces de l’ordre.

La police tente de faire décharger quelques navires pour casser la grève, mais il apparaît vite que rien de sérieux ne sera fait sans les dockers, qui ne baissent pas les bras.

Pas un train ne roule.

Boumediene menace…. et capitule.

Le relais est aussitôt pris par les agents de la R.S.T.A. (transports d’Alger) qui lancent le 1er Août, une grève générale qui risque de paralyser Alger : la plate forme est la même : salaires, conditions de travail, congés payés et droits sociaux.

Tous les dépôts sont fermés et protégés et une Assemblée Générale de tous les grévistes se tient au dépit central de Fougeroux.

Pas question d’envoyer les responsables de l’ATE, BENIKOUS ou AMIR qui risquent d’être expulsés brutalement. Pas question d’envoyer la police contre les agents de la RSTA, corporation très combative, car le pouvoir redoute une grève générale de toute la classe ouvrière. Alors Boumediene lui même quitte son Palais de Khalife, se rend humblement devant l’Assemblée générale des grévistes a Fougeroux et s’ engage à satisfaire la majeure partie de leurs revendications.

Défaite éclatante du Colonel Président qui menaçait de ses foudres le peuple algérien dans son « Message à la Nation » et qui s’incline, comme un petit Sadate devant la grève générale de la seule RSTA.

Défaite que les grévistes ont voulu humiliante avec l’organisation d’une randonnée triomphale dans toute la capitale.

« Le Monde » du 4 Août rédige ainsi le constat de cette défaite.

« Le Président Boumediene s’est déplacé jusqu’au dépôt de Fougeroux pour écouter les doléances des travailleurs. Ceux-ci ont obtenu des promesses précises concernant leurs principales revendications. Au terme de la réunion, les chauffeurs et receveurs de la RSTA ont tenu à marquer leur « victoire » par une tournée bruyante dans Alger. C’est la seconde grève déclenchée par les agents de la RSTA en moins d’un an. Le mouvement d’octobre avait abouti à une augmentation des salaires et au reclassement de différentes catégories d’agents »

Ce déplacement de Boumédiene devant une Assemblée Générale des grévistes et la remise en question par le maître lui-même de l’ensemble de sa politique économique et sociale, ce concert joyeux et bruyant des grévistes victorieux expriment le fait qu’en Algérie, c’est la classe ouvrière qui a l’initiative et que la concentration des pouvoirs entre les mains d’une poignée de militaires et du Secrétaire Général du Syndicat des Colonels, bien loin de renforcer le régime, en a aggravé les contradictions et accentué la décomposition.

POUR UN CONGRES DEMOCRATIQUE DE L’U.G.T.A. !

AMIR- BENIKOUS avaient annoncé le 1er Mai, au meeting de la Salle HARCHA, que le prochain Congrès de l’UGTA qui se tiendrait, avant la fin de 1977 serait celui de l’intégration du syndicat dans les structures corporatistes de la GSE.

Forts de la solidarité active de tous les dockers d’Algérie et d’Europe (Bordeaux, Hambourg…) et de la classe ouvrière algérienne, un millier de grévistes se réunissent le 14 Mai près du dock BOLOGHINE et tiennent une Assemblée Générale.

Des centaines de policiers les attaquent. L’affrontement est sévère.

Les dockers se dispersent et se regroupent devant la Maison du Peuple, siège de l’UGTA où ils décident d’aller en masse au siège de la Présidence.

A la hauteur de la Faculté de Médecine, les manifestants sont assaillis par les forces de l’ordre et contraints de refluer vers la Maison du Peuple que Boumediene n’ose pas faire attaquer par ses sbires. En Assemblée Générale, les dockers décident de tenir.

Devant cette détermination des dockers et la solidarité des travailleurs, Boumediene accepte de négocier avec les délégués des grévistes et satisfait une large partie des négociations.

UNE VICTOIRE DE TOUTE LA CLASSE OUVRIERE ALGERIENNE

Le pouvoir a subi une défaite sévère s les structures corporatistes de la G.S.E. (ATU, ATE) ont été balayées, les bureaucrates syndicaux de la Fédération des docks, de l’UTAC et BENIKOUS ont été écartés, l’APN fantôme n’a pas servi d’écran entre les masses et le pouvoir, le ministre du Travail AMIR et tout le gouvernement ont été impuissantes et c’est le Colonel Wali et Boumediene lui-même qui ont été contraints de monter en première ligne, révélant la fragilité extraordinaire des institutions actuelles.

La victoire des dockers et la capitulation du pouvoir ont porté un coup sévère à l’ensemble de la politique d’austérité et des revenus, de la bataille de la production/gestion, des salaires liés à la productivité du travail, bref à toute la politique économique et sociale imposée à Boumediene par le F.M.I, la Banque Mondiale et ROCKFELLER.

C’est aussi la faillite des institutions pseudo-démocratiques et socialistes, (ATU, ATE, APW, APN…) et la remise en question de la politique intégrationniste de l’UGTA dans le cadre de la GSE.

C’est surtout une profonde défaite pour Boumediene qui s’était engagé à satisfaire les revendications des dockers en 1975 et qui, en 1977, les fait matraquer par ses sbires.

Parce que les dockers se sont affrontés directement à Boumediene qui dispose de tous les pouvoirs, leur victoire a été considérée comme une victoire pour le compte de toute la classe ouvrière algérienne et comme un appel à l’action.

Et de fait, les cheminots déclenchent le 19 juillet une grève sur les salaires, les congés payés, les conditions de travail.

Les dirigeants de la GSE et de l’UGTA sont balayés et c’est Boumediene qui doit intervenir. En riposte à l’intimidation de la police, les cheminots organisent leur mouvement, et le 21, c’est la grève générale des cheminots algériens.

Après la triple victoire de la classe ouvrière et la défaite de Boumédiene, il est possible de faire avorter ce projet criminel de liquidation du syndicat.

Pendant la grève des dockers, les structures de la GSE ont été balayées,
et les bureaucrates syndicaux furent contraints de s’aligner sur les positions des grévistes organisés, en Assemblée Générale, Comité de grève, piquets de grève.

C’est dans ce mouvement, que les dockers affrontés au pouvoir ont
dégagé une leçon fondamentale, celle de la nécessité d’expulser de leurs rangs, les lieutenants ouvriers d’Amir-Boumediene et de reprendre en mains la direction du syndicat pour lui faire jouer son véritable rôle : celui de l’organe de la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs.

C’est le sens du regroupement des grévistes devant la Maison du Peuple, et la tenue d’Assemblées Générales dans les locaux de l’UGTA que le pouvoir n’a pas osé attaquer.

Ainsi dans la lutte, les travailleurs ont rejeté les théories fausses des ultra-gauchistes qui opposaient les comités de grève au syndicat « pourri » et celles du PRS qui préconisait la création d’une deuxième UGTA plus pure et plus dure, celle-là étant inféodée au pouvoir, ce qui était dans les deux cas abandonner l’UGTA à la clique de Bénikous.

Les cheminots et les agents de la RSTA assimilent parfaitement cette
expérience et créent non seulement leurs propres organes de combat : Comités de grève, piquets de grève contrôlés par les Assemblées générales, organes qui seront à une autre étape ceux du pouvoir politique de la classe ouvrière, mais ils règlent le compte aux ATU, ATE et autres commissions corporatistes et s’efforcent à chaque fois de reprendre la direction de l’UGTA.

Ainsi le prochain Congrès de l’UGTA se présente comme une bataille
acharnée entre les bureaucrates corporatistes, champions de l’austérité, de la bataille de la production/gestion, du renforcement de l’exploitation de la force de travail (volontariat), des salaires basés sur la productivité du travail, champions de la liquidation de l’UGTA et les délégués ouvriers qui se sont dégagés des dernières grèves et qui ont commencé à reconstruire le syndicat comme une arme entre les mains des travailleurs.

TRIBUNE ALGERIENNE DIT :

Le prochain Congrès de l’UGTA doit être celui des seuls délégués ouvriers élus par les Assemblées Générales souveraines, à l’exclusion des prétendus « travailleurs » PDG, officiers de l’ANP, fonctionnaires et walis qui ont l’habitude de présider les Congrès régionaux de l’UGTA.

Hors des tribunes et du Congrès de l’UGTA, les hommes d’un pouvoir qui a tiré sur les dockers !

– Le rapport moral ne peut être celui d’un dirigeant aligné totalement sur la politique anti-ouvrière d’Amir-Boumediene. Il doit être rédigé par les dirigeants ouvriers qui ont organisé et gagné les grèves contre le pouvoir. Il doit être centré sur les grèves de Mai-Août, les formes d’organisation et de lutte. Il doit dégager une plateforme revendicative pour toute la classe ouvrière : augmentation générale et massive des salaires, conditions de travail satisfaisantes (hygiène, sécurité, pauses, …) diminution des heures de travail, abandon du volontariat, abandon de la prétendue législation « socialiste » du travail qui renforce l’exploitation, congés payés, respect et renforcement des lois sociales ouvrières, statut de la fonction publique…

Les travailleurs n’ont pas à prendre en charge le prochain plan quadriennal, la bataille de la production/gestion et toute la politique de Boumediene qui n’a rien à voir avec les intérêts de la classe ouvrière et du peuple, car elle est, comme celle de Sadate, imposée par le FMI et ROCKFELLER.

Tribune Algérienne dit :

La tenue d’un véritable Congrès démocratique de l’UGTA, qui est la conclusion logique des grève générales des dockers, cheminots, agents de la RSTA, serait une victoire considérable pour la classe ouvrière algérienne.

Epurée des bureaucrates bourgeois, dirigée par des cadres éprouvés et
issus des luttes ouvrières et se battant sur le seul terrain des revendications ouvrières, l’UGTA serait un instrument de lutte extraordinaire entre les mains du prolétariat.

Une impulsion gigantesque serait donnée à la lutte des classes, la désintégration du régime bourgeois de Boumediene serait accélérée, la voie serait dégagée pour des millions de femmes, de jeunes, de fellahs et de chômeurs qui combattant derrière la classe ouvrière imposeraient l’ASSEMBLEE CONSTITUANTE SOUVERAINE élue démocratiquement au suffrage universel et désignant en son sein un gouvernement responsable, capable de donner au peuple algérien le travail, un logement, le pain et les libertés.

Août 1977

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