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Démagogie de l’antiracisme publicitaire

Article paru dans Le Prolétaire, n° 382, mai 1985, p. 1-3


Un nouveau produit idéologique est né. SOS Racisme vend des badges et une idée simple : « touche pas à mon pote », pour « submerger la France de la haine et du racisme ». Nous ferons simplement remarquer que les racistes ont aussi leurs potes. Par conséquent ce slogan passe-partout n’offre aucun intérêt particulier si ce n’est d’être le support d’une campagne pour la démocratie contre les extrémismes.

Imaginée par quelques étudiants de l’université de Villetaneuse (Seine St Denis), d’après « Le Monde » du 5/3/85, cette campagne pacifique de la main tendue ou protectrice veut s’inscrire dans le prolongement de la Marche de 83 et de Convergence 84. Parrainée par des écrivains et des artistes, soutenue par l’inévitable Delorme, cet anti-raciste professionnel, la campagne de SOS Racisme vise à constituer un « lobby » antiraciste (« Libération » du 15/3/85) dont le combat ne serait pas, selon les vœux de ses organisateurs, ou service d’une quelconque idéologie ou tendance politique. Formule classique maintenant du nouveau look contestataire. Parti de rien mais avec beaucoup d’ambition SOS Racisme annonce la parution d’un bulletin régulier, l’implantation de nouveaux répondeurs téléphoniques, la réunion de juristes pour former un « comité d’éthique » en vue de réformer la législation, et prévoit à l’automne prochain la tenue d’états généraux de la jeunesse pour une société pluri-ethnique. Pressée de se faire reconnaître comme nouveau partenaire social, l’association a tenu une conférence de presse à l’hôtel Lutetia et soutenu un meeting contre le racisme organisé par l’Union des étudiants juifs de France le 19 et le 21 février à Paris auxquels étaient conviés dans l’un et l’autre cas des personnalités de tous bords. A ne vouloir servir aucune idéologie ou tendance politique, on finit par se mettre au service de toutes les idéologies et tendances politiques officielles. La Marche de 83 avait vu la mobilisation de milliers de jeunes des cités pour protester contre la violence raciste qui avait fait de nombreuses victimes au cours de l’été 83, parmi lesquelles de très jeunes enfants. La manifestation en fin de marche qui rassembla cent mille personnes était susceptible de catalyser des énergies plus ou moins dispersées grâce aux contacts directs des groupes et individus qui ont participé à cette initiative. La perspective d’un regroupement national capable de rassembler et d’organiser une lutte anti-raciste en la dégageant de l’ornière du mouvement d’opinion où veulent la maintenir les adeptes de l’anti-racisme démocratique, style MRAP ou CIMADE, était et reste possible à condition d’intervenir activement dans le sens d’une coordination militante aux objectifs bien définis. Différents regroupements locaux ou régionaux ont effectivement eu lieu. De la manifestation de soutien aux ouvriers de chez Talbot aux Assises de Lyon en passant par Convergence 84, diverses tentatives aux formes et objectifs divers expriment une volonté de poursuivre la lutte. Dans un précédent article (« Le Prolétaire » n° 380) nous avions donné notre point de vue sur Convergence 84 en en soulignant les limites et les faiblesses, bien qu’au niveau du discours les convergents se démarquaient des organisations anti-racistes traditionnelles et critiquaient leur apathie. Si la Marche de 83 et Convergence 84 se soldent donc pour l’instant par des mobilisations sans lendemain cela est dû en grande partie à un manque de perspective capable de relier l’activité de différents groupes entre eux sur des objectifs de lutte déterminés. La revendication de l’égalité pour tous et de l’appel à agir est tout à fait insuffisant pour une activité anti-raciste un tant soit peu coordonnée et continue.

L’apparition de SOS Racisme concrétise une tendance présente dès la Marche de 83 dont l’objectif principal est de créer un mouvement d’opinion et de soutien à l’action du gouvernement de gauche dans le domaine de l’immigration. En effet, la formule de 83 a donné suite à un mouvement contradictoire, comme on l’a vu précédemment, qui n’apportait pas le résultat souhaité et risquait par ses turbulences de bouleverser les buts poursuivis initialement par des organisations du type CIMADE. La création de SOS Racisme vise en fait à monopoliser le terrain de l’anti-racisme pour empêcher toute action indépendante par rapport à l’orientation dominante et restituer aux professionnels du management social la place qui leur avait été plus ou moins contestée dans ce domaine. Un des reproches adressés aux convergents par les organisations traditionnelles de l’anti-racisme n’était-il pas qu’ils ne représentaient pas les jeunes des quartiers parce que, EUX, ils avaient réussi à s’en sortir ? D’autre part, il semble que le mouvement de récupération par l’appât de postes dans le secteur socio-culturel, proposition faite en fin de marche en 83, n’ait pas réussi à briser toutes les volontés et à les enfermer dans le piège de la contestation institutionnalisée de l’animation. La hantise de la récupération gauchiste s’inscrit dans ce phénomène de sponsorisation de la lutte. Le processus s’apparente à celui de 83. Quelques étudiants se transforment en mouvement puis se structurent en association ; par la magie du verbe, celle des médias, SOS Racisme devient la JEUNESSE tout court, symbole de la lutte contre le racisme. SOS Minguettes détrôné par le nouveau groupe perd sa première place ou hit-parade et Delorme son inspirateur soutient en compagnie de quelques personnalités le nouveau tube de l’année 85, « Touche pas à mon pote ».

Survient le crime raciste de Menton ; tout ce beau monde descend dans la rue et fait sonner le tocsin. Entre les manifestations fraternelles qui coïncident justement avec les campagnes anti-Le Pen et les cours d’instruction civique proposés par SOS Racisme, on glisse lentement vers la lutte pour la démocratie contre le fascisme. Mais en quoi « l’union sacrée » de tous les français peut-elle empêcher les crimes racistes de se perpétuer, on ne nous l’explique pas ? Mobilisation des consciences, Solidarité, Fraternité, Amitié, autant de mots qui masquent l’inaction et l’impuissance ; autant de discours pompeux qui paralysent la lutte et la mobilisation sur des questions bien concrètes comme les quotas, l’immigration familiale, les expulsions. Enfin pour combattre les meurtres racistes il faut bien autre chose que les discours sur les droits de l’hommes et la « protection » de l’Etat. Seule l’auto-défense ouvrière, sous des formes adoptées à la lutte peut s’opposer aux menées fascistes de l’extrême-droite et de ses complices. Est-ce à dire que les crimes racistes cesseront dans ce cas ? Non. Mais la différence fondamentale qui existe avec les mobilisations pacifistes c’est que l’auto-défense est nécessairement le produit de l’organisation et de la mobilisation combative capable d’infliger à l’ennemi des pertes égales à celles produites par son action criminelle. Si cette méthode ne rend pas la vie aux victimes du racisme dont la liste s’allongera dans tous les cas comme le montre l’évolution de la situation depuis la marche de 83 sans parler des années précédentes, elle apprend aux victimes potentielles et à ceux qui veulent réellement combattre le racisme à riposter, à s’organiser, à augmenter leur force, à inspirer de la crainte à l’ennemi et à montrer le besoin de la lutte et de la solidarité, toutes choses que le paternalisme les professionnels de l’anti-racisme est incapable de donner à des éléments combatifs. Par ailleurs nous ne rejetons pas une manifestation pacifique pourvu qu’elle soit articulée avec une lutte réelle en cours et à des fins de propagande et de mobilisation. Les manifestations du 26 mars ne correspondent pas à une lutte réelle mais sont utilisées à des fins électorales et s’insèrent dans l’opposition droite/gauche d’un jeu politique où les intérêts des prolétaires sont utilisés dans un sens contraire à une lutte réelle. Aziz Madak n’est qu’un pion pour la gauche officielle et la gerbe de Georgina Dufoix sur sa dépouille, une farce sinistre. De plus les manifestations du 26 mars sont non seulement pacifiques mais surtout pacifistes. C’est là leur caractère essentiel. Leur but fondamental est de forger les chaînes de la soumission à l’Etat et de paralyser toute action indépendante du cadre officiel qui tendrait à défendre les intérêts des prolétaires opprimés et exploités sans souci de la paix sociale et de l’harmonie entre les classes ; car il est clair que toute riposte un peu énergique fait éclater l’unanimité de façade et l’hypocrisie de tous les faux amis de l’anti-racisme démocratique avec leur mentalité d’esclave fier de l’être et qui prêchent la non-violence par principe pour ceux qui en sont les premières victimes, reconnaissent la violence légitime de l’Etat démocratique et se révèlent incapable de s’opposer à celle des racistes.

SOS-Racisme, filière de la gauche, pointe dans son action l’extrême-droite, mais garde le silence sur le racisme d’Etat. La répression sur les prolétaires de couleur s’exerce en toute légalité. La bourgeoisie lui en donne largement les moyens. P. Joxe vient d’annoncer une augmentation de 25 % du budget de la police de l’air et des frontières, car pour la gauche finalement le meilleur moyen de lutte contre le racisme c’est de ne pas laisser entre les immigrés.

Pour « dénoncer une idée bête qui peut devenir dangereuse » il convient, paraît-il de « porter cet insigne (touche pas…) non violent et fraternel en permanence » étant donné que c’est « sans doute plus compromettant et courageux que de crier : le racisme ne passera pas, dans une manifestation comme autrefois et c’est surtout plus efficace » (dixit les jeunes de St Denis d’après « Le Monde » du 5/3/85). Si la bêtise peut devenir dangereuse il y a tout lieu de se méfier d’abord de ceux qui peuvent sortir de pareilles âneries. Indépendamment du fait, qui reste à expliquer, que flâner tranquillement avec un badge au revers de la veste est plus courageux que d’affronter les CRS casqués et bottés « comme autrefois », ce discours est révélateur du rejet de la lutte collective au profit d’une démarche individuelle et individualiste. L’expérience, et elle ne date pas d’aujourd’hui, montre que c’est le besoin matériel qui pousse les prolétaires opprimés et exploités à la résistance et à la lutte, et engendre du même coup la nécessité de l’organisation collective pour dépasser l’isolement et la faiblesse des individus. Les « jeunes » de SOS Racisme, encouragés et encadrés par des vieux renards de la politique, font découler la lutte de la prise de conscience individuelle qui se compromet pour lutter contre le racisme. Si dans cette conception, la manifestation où on crie : le racisme ne passera pas, est jugée arriérée et inefficace, son origine nous paraît encore plus lointaine parce qu’elle nous renvoie au matérialisme français du XVIIIe siècle qui affirmait que c’est « l’opinion qui gouverne le monde ». D’où il découlait pour les philosophes des Lumières la nécessité d’amender le régime politique pour modifier les mœurs et réciproquement ; un « comité d’éthique sociale » avant l’heure, dont le rêve aujourd’hui n’est plus dévolu au « bon prince » mais plus prosaïquement à des juristes. Fulgurant progrès du modernisme universitaire ! Courage inouï de la bonne conscience qui se compromet ! Excusez du peu !

Les moyens mis en oeuvre sont à la hauteur des prétentions idéologiques. Finies les rencontres avec les jeunes des quartiers, la longue marche hivernale de clocher en clocher, la mobilisation, les meetings et les débats. Aujourd’hui le modernisme c’est « l’American way of life » ; on est « in » ou on ne l’est pas. On fait dans le vedettariat, on fréquente les salons parisiens, on dialogue avec les personnalités, on installe des répondeurs téléphoniques, bref, on veut bâtir un puissant « lobby » anti-raciste.

Nous ne jouerons pas les puristes, scandalisés par le « one man show » de SOS Racisme mais nous voudrions mettre en relief les illusions mortelles et les erreurs pratiques que ce mouvement est en train de semer en propageant une mascarade démocratique qui va de pair avec la bouffonnerie anti-fasciste du PS. Toutes deux sont nuisibles pour l’avenir dans la mesure où elles peuvent capter des énergies saines pour les détourner de la lutte réelle.

LE RACISME EST UN SOUS-PRODUIT DU NATIONALISME

Une « idée bête qui peut devenir « dangereuse » ? Nous laisserons aux savants jeunes docteurs de l’université de Villetaneuse et à leurs soutiens célèbres le soin d’expliquer aux dizaines de victimes du racisme et à leurs familles que le racisme « peut » devenir dangereux. Nous estimons pour notre part, avec notre sectarisme habituel, qu’il est déjà un danger permanent et que les travailleurs immigrés et leurs familles n’ont nul besoin de porter un badge ridicule pour être la cible des racistes.

Le racisme n’est pas une « idée bête » comme le clame SOS Racisme, « pour classes peu évoluées » selon C. Labbé (RPR), il est un fait matériel et donc un produit historique et politique qui s’appuie sur des conditions économiques et sociales bien précises. La notion de race est secondaire, même si l’apparence tend à démontrer le contraire. Si le racisme peut être une plante de toutes les époques et de tous les pays, il faut prendre garde à ne pas se laisser aveugler par des comparaisons superficielles et abstraites. Il n’est pas possible de tracer un trait d’union artificiel entre la traite des noirs, la chasse aux juifs, la haine anti-immigrée ou le terrorisme sioniste contre les palestiniens en les regroupant sous le même terme, le racisme. Au lieu d’expliquer, dans ce cas, les causes réelles de ces mouvements historiques on se borne à constater l’apparence des choses en créant du même coup une explication illusoire et inopérante. L’anti-racisme démocratique qui veut conjurer les luttes des classes et rêve d’une unité factice entre les hommes de bonne volonté ne peut qu’adopter ce point de vue et confier à l’éducation, à la loi, à la tolérance et à la compréhension mutuelle, le soin de régler les rapports sociaux. Il n’est par conséquent pas étonnant de voir converger les forces démocratiques et religieuses sur ce terrain dans la mesure où elles partagent la même illusion fondamentale : la foi en l’homme, en l’individu, au citoyen, en faisant abstraction des rapports sociaux qui les déterminent.

Pour combattre le racisme d’une manière non illusoire il faut au contraire connaître ses origines et les lois qui déterminent son évolution.

En France, le racisme s’affiche plus facilement sous sa forme anti-arabe. Il n’est qu’à lire les slogans racistes, écouter le Front National ou faire le bilan des victimes du racisme pour s’en rendre compte. Ceci n’élimine pas le rejet des autres communautés immigrées qui existe aussi sous des formes variables. Rappelons-nous l’assassinat récent des travailleurs turcs, les meurtres touchant les travailleurs noirs ou l’ostracisme vis-à-vis des portugais, italiens, espagnols, etc.

Les slogans « la France aux français » et « les français d’abord » illustrent
parfaitement le lien qui existe entre le nationalisme et le racisme qui en constitue un sous-produit bestial. Ce lien historique n’est pas le fait du hasard. Les thèses modernes du racisme naissent dans le mouvement même qui voit l’Europe occidentale achever son cycle de révolutions nationales et développer une politique coloniale accélérée avec le partage du monde qui s’achève à la fin du XIXe siècle. Les activistes des droites nationales du XXe siècle n’auront qu’à reprendre les « travaux » du français Gobineau et développer des théories fumeuses à partir du travail scientifique de l’anglais Darwin sur « l’Origine des espèces ». Mais la constitution d’un « impérialisme blanc », aboutissement naturel du développement capitaliste en Europe, sur le dos des « peuples de couleur », nous fournit la clé de l’évolution actuelle du racisme en France et de sa représentation politique, le Front National.

Les grandes crises des deux guerres mondiales ont consacré, par l’ampleur et la violence des contradictions sociales et étatiques, la fin du caractère progressiste du capitalisme en Europe du point de vue du développement des forces productives. Les résultats des rivalités internes entre impérialismes européens se traduiront par la montée des impérialismes américain et russe et des luttes de libération nationale dans le tiers-monde.

La perte de l’empire colonial, sous les coups des luttes indochinoise et algérienne, ne manquera pas de modeler le nationalisme français. Au chauvinisme anti-allemand de la période 1871-1945, succédera un nationalisme coloré de colonialisme raciste notamment par rapport à la guerre d’Algérie, ce joyau de l’impérialisme français.

Ces crises majeures que constituent les guerres impérialistes et colonialistes entraînent à leur tour des transformations sociales et économiques à l’intérieur, suscitant des réactions contradictoires parmi les différentes couches et classes sociales qui composent la nation française. Le racisme anti-arabe en est justement un produit idéologique qui s’élargit pour toucher aujourd’hui de façon variable l’ensemble des travailleurs immigrés. Comme on le voit, le nationalisme, expression idéologique de la défense des intérêts de l’impérialisme français, est une constante qui évolue d’une part en fonction de son rôle et de sa situation dans les rapports de force internationaux et la division du travail qui en résulte, et d’autre part en fonction des réactions contradictoires internes que provoquent l’évolution de la situation économique et de l’application d’une politique qui va de pair avec cette dernière.

De ce point de vue le racisme est un sous-produit du nationalisme en même temps qu’un de ses composants.

Ce qui nous importe de mettre en relief, c’est le fait que le racisme est inséparable de son terreau nationaliste et impérialiste. En pratique il est le nationalisme des éléments les moins évolués de la société et celui des demi-classes parasites, les couches moyennes, qui n’ont aucun rôle déterminant dans l’évolution économique et sociale du capitalisme, dans la mesure où leur sort dépend entièrement du rôle et de la position du capitalisme français sur le marché mondial. Ce point de vue peut paraître contradictoire avec l’existence d’un « racisme ouvrier ». Les médias sont particulièrement avides de démontrer par des moyens plus ou moins honnêtes que le racisme touche toutes les classes, y compris la classe ouvrière, (voir le slogan « recul du PCF, montée de l’extrême-droite ») ; en conséquence de quoi il serait une idéologie qui échapperait à toute explication et classement rationnels. La réponse est simple pour qui veut sincèrement comprendre de quoi il retourne. Les intellectuels bourgeois, et spécialement les « marxistes » défroqués à la Bernard-Henri Lévy, restent prisonniers du concept de péché originel, obsédés qu’ils sont par l’individu, l’homme ou le citoyen. Et de chercher fébrilement la marque infamante du racisme sur tout ce qui bouge. Or l’idéologie raciste comme toutes les idéologies est un élément dynamique qui « se fout », en quelque sorte, des classements statiques de la sociologie. Au contraire, son rôle de mystification n’a de sens que s’il réussit à concilier des individus aux intérêts opposés en donnant l’illusion d’un intérêt général commun. Il n’en reste pas moins que toute idéologie est l’expression d’un intérêt particulier de classe. Cette contradiction est insoluble seulement pour ceux qui confondent allègrement individu, classe et société. L’adhésion d’une couche ouvrière au racisme ne démontre rien d’autre que les intérêts d’une classe ne coïncident pas mécaniquement avec les individus qui en font partie. De cette vérité somme toute banale SOS Racisme tire la question : « qui est raciste et qui ne l’est pas ? ». Etre ou ne pas être raciste là n’est pas la question. « Quels intérêts sert le racisme ? », cette question là les anti-racistes patentés se gardent bien de la poser.

La réponse à cette question ferait ressortir l’identité des thèmes idéologiques (Liberté-Egalité-Fraternité) agités par les racistes et les anti-racistes démocrates, même si le contenu diverge dans l’un et l’autre cas, autour de la défense de la nation et de la République. Elle montrerait, de plus, la convergence contradictoire de tout ce beau monde autour des intérêts bien compris du capitalisme français confronté à la crise économique. Le racisme tue pour faire valoir son point de vue mais le gouvernement de gauche qui agite le spectre de l’extrême-droite et dénonce la droite, républicaine par intérêt et par souci de ses privilèges, organise le contrôle de l’immigration, légalise les centres de détention comme la prison d’Arenc et en construit d’autres, soumet les foyers de travailleurs à la pression policière et se vante même de faire mieux que la droite pour les expulsions ; enfin, c’est Fabius en personne qui reconnaît que Le Pen pose les vraies questions. On comprend dans ces conditions que la gauche au pouvoir ait besoin d’un sérieux coup de pouce pour masquer sa véritable nature de défenseur des intérêts du capitalisme au même titre que toutes les autres forces politiques de l’arc-en-ciel parlementaire auquel participera bientôt le Front National.

L’ANTI-RACISME DE SOS RACISME EST UN POISON IDÉOLOGIQUE QUI PARALYSE LA LUTTE RÉELLE DES PROLÉTAIRES ET DONC DES TRAVAILLEURS IMMIGRES

« Si chaque génération se pose la question de savoir comment combattre le racisme, chaque génération invente à son tour une réponse. Celle de la jeunesse qui monte et écarte ses aînés – les désespérés de la révolution, les déçus des idéologies, les poseurs de bombes – est éthique. Elle ne s’adresse pas à la peur des autres, elle ne s’adresse pas non plus uniquement à sa raison. Elle s’adresse à sa conscience… »

Voilà ce que nous dit, Marek Halter, écrivain et apôtre de l’anti-racisme (« Le Monde », « Libres opinions », fin mars 85), une des personnalités qui soutient SOS Racisme. Reconnaissons-lui le mérite de la clarté ; il explique mieux que quiconque toute la philosophie idéaliste qui anime SOS Racisme.

Nous avons vu que le racisme n’est que l’expression idéologique de couches et demi-classes attachées à la défense des intérêts de l’impérialisme français et qui n’ont d’autre avenir que de le soutenir ou de périr avec lui. Comment lutter contre ces intérêts bien matériels ? Facile, il suffit de prêcher la bonne parole et d’illuminer les consciences. En effet, il suffisait d’y penser, et il est clair que ces gens-là pensent beaucoup trop qu’ils en oublient la vie elle-même. Opinion contre opinion. « Touche pas à mon pote » remplace « le racisme ne passera pas », ah ! mais c’est que c’est plus compromettant et plus courageux. Peut-être, mais nous nous n’y voyons aucune différence de nature. Il s’agit d’afficher son anti-racisme, de se mettre en règle avec sa bonne conscience, un point c’est tout.

Cette attitude ne peut pas ne pas avoir de conséquences pratiques. Nous autres, matérialistes vulgaires que nous sommes, croyons utile de rappeler qu’une solidarité effective ne se construit jamais sur du vent. Les plus belles idées du monde et les plus touchantes déclarations de principe ne valent rien si elles ne s’appuient pas sur des actes et une lutte concrète qui en fait ressortir peu à peu la validité.

La solidarité dont ont besoin les travailleurs immigrés et leurs familles n’a rien à voir avec les pétitions de principes qui déclarent être contre le racisme et pour la Liberté, etc, N’importe qui peut devenir anti-raciste de cette manière et obtenir son brevet de SOS Racisme.

La solidarité dont ont besoin les travailleurs immigrés et leurs familles est une solidarité de classe qui s’exprime par la lutte au coude à coude et au jour le jour sur des questions concrètes telles que la lutte contre les quotas, contre les lois restrictives sur l’immigration familiale, contre les centres de détention, contre les conditions de logement dans les foyers, contre l’escroquerie du FAS (Fonds d’action sociale), etc. Sur ce terrain-là, nombreux sont les moulins à paroles et minoritaires les combattants qui luttent sans arrière-pensée.

Sur ce terrain-là, seule une lutte sans concession avec tout ce qui divise peut construire une unité vivante et renforcer la confiance des prolétaires en leur propre capacité de lutte.

SOS Racisme au contraire, par son idéalisme impuissant qui s’enfonce dans le terrain marécageux du mouvement d’opinion où se construisent les unités fictives qui préparent les futures divisions ne peut que contribuer à paralyser toute action indépendante de l’Etat et des forces politiques qui le soutiennent justement contre les revendications des prolétaires de toutes nationalités. Les objecteurs de conscience contre toutes les idéologies s’aplatissent devant le nationalisme et par conséquent acceptent la répression anti-ouvrière qui touche les travailleurs immigrés même s’ils en dénoncent les aspects les plus féroces et encore d’une manière qui ne s’élève même pas à la hauteur de leurs aînés, ceux dont parlent Marek Halter, c’est-à-dire l’extrême-gauche soixante-huitarde dont proviennent d’ailleurs les Bernard-Henri Lévy et autres bouffons de la littérature torche-cul.

Pour notre part nous appelons tous les prolétaires, quelle que soit leur nationalité, et tous les éléments combatifs à lutter contre tout contrôle de l’immigration et à refuser le piège de la défense de l’ordre établi qui se drape dans les plis de l’anti-racisme démocratique.

NON AU CONTRÔLE DE L’IMMIGRATION.
LIBERTÉ POUR TOUS LES TRAVAILLEURS DE CIRCULER LIBREMENT A TRAVERS LES FRONTIÈRES.
LA SOLIDARITÉ DE CLASSE NE S’ACHÈTE PAS AVEC LA MONNAIE DE SINGE DU PACIFISME.
ANTI-RACISME DÉMOCRATIQUE HORS DES QUARTIERS OUVRIERS.

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