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L’Algérie au lendemain des journées tragiques et historiques de décembre 1960

Textes parus dans La Voix du peuple, janvier 1961


Depuis le 9 décembre 1960, pendant plusieurs jours, l’Algérie a connu des événements graves. Les 11, 12 et 13 décembre ont vu le sang couler dans les rues d’Alger, d’Oran, de Bône et de leurs banlieues. Des centaines de tués, des milliers de blessés, voilà le bilan de ces événements. Mais ce ne sont pas seulement les « forces de l’ordre » qui ont mitraillé les Algériens ; il est établi officiellement que plusieurs dizaines d’Algériens ont été assassinés par des Européens. Ils se sont acharnés sur des vieillards et même des enfants qui jouaient. Cette férocité des « pieds noirs » contre les nôtres s’est particulièrement déployée à Bab-El-Oued, à Belcourt et au Ruisseau. C’était sous les hurlements de « l’Algérie française » que les hordes de LAGAILLARDE, de SUSINI et d’ORTIZ massacraient de pauvres innocents ; elles ont ainsi vidé leur haine bestiale et leur racisme odieux et, de ce fait, elles ont tué les mythes de la « fraternisation » et de tous les mensonges que leur « Echo d’Alger » leur « Dépêche Quotidienne d’Alger » n’ont cessé de scribouiller depuis le 13 mat 1958.

Les 9 et 10 décembre, voyant l’attitude réservée des Algériens, les activistes à Alger, à Oran se mirent à les provoquer dans les cafés, dans les magasins, dans les marchés et dans les rues. Certains excités, opérant par bandes, se permirent de menacer de leurs revolvers des gens paisibles en les obligeant à crier « Algérie française ». De nombreux Algériens qui ne voulaient pas obtempérer ont été lâchement malmenés. Contre toutes ces exactions des « pieds noirs », le « service d’ordre » et plus particulièrement les policiers et les paras restaient impassibles. Au contraire, ils se délectaient devant le déferlement des violences contre nos compatriotes.

Que restait-il à ces derniers, sinon de sortir de leur réserve, de se défendre et de clamer haut et ferme leur volonté ?

Et dès le 11 décembre, par milliers, les Algériennes et les Algériens, spontanément, se rassemblèrent dans les quartiers de Belcourt, de la Cité Mahied­dine, du Ruisseau, du Clos Salembier, de Diar Es-Saâda, de Diar El-Mahçoul, la Casbah et ailleurs. Il convient de rappeler que la Fédération d’Alger du M.N.A. avait proposé aux partisans du F.L.N. d’organiser ensemble les manifestations afin d’éviter des excès et de tomber dans la provocation, de donner à ces manifestations la dignité et la portée politique convenables.

Mais le F.L.N. n’a pas accepté, prenant, une fois de plus, la lourde responsabilité de la division et la désunion du peuple.

Le 12 décembre, l’ensemble de l’Algé­rois, à Oran, à Sidi Bel-Abbès, à Bône, à Constantine, les manifestations ont repris au cours desquelles les mots d’ordre « Algérie algérienne » ; « Vive l’In­dépendance de l’Algérie », « Vive le peuple algérien » ; « Vive l’union de tous les Algériens » ont été lancés par les foules ou inscrits sur des banderoles des pancartes et sur les murs.

A Alger, comme à Oran et partout notre jeunesse héroïque réussit à sortir et à se rassembler pour contre-manifester. Il y avait là des milliers et des milliers d’Algériennes et d’Algériens. Les you you des femmes alternaient aux hymnes et aux slogans patriotiques. Partout le drapeau algérien, confectionné en toute hâte, flottait et souvent tenu fermement par de jeunes Algériennes. L’une d’elles et un autre Algérien ont été tués par les balles colonialistes. Ils sont morts, tous les deux, sous le pli des couleurs algériennes. Gloire à ces enfants du peuple algérien, morts courageusement pour la République Algérienne et pour que notre drapeau national, celui pour lequel combattent les vaillantes unités de l’A.L.N., flottera demain sur l’ensemble des édifices publies de l’Algérie libre et souveraine.

Dans le reste de l’Algérie, nos fellahs, nos ouvriers, nos gens du bled, tous ces milliers d’Algériennes et d’Algériens condamnés au silence, ne pouvaient qu’éprouver de la joie, un véritable réconfort moral, une réelle liberté nationale, quand ils apprenaient ce qui se passait à Alger, à Oran, à Bône, à Ain­-Temouchent, à Constantine, à Tlemcen, à Cherchell, à Orléansville, à Tizi-Ouzou, à Biskra…

Tous les martyrs des récents événements s’ajoutant à l’holocauste que l’Algérie consent depuis le 1er Novembre 1954, et qu’elle salue douloureusement et respectueusement, ne peuvent que consolider notre foi nationaliste et notre détermination inébranlable pour le triomphe de l’indépendance de l’Algérie.

C’est tout un peuple qui est attentif, vigilant et qui scrute avec raison, intelligence et réalisme politique, les événements qui le concernent.

De tous les problèmes qui nous préoccupent, il en est un que nous considérons comme fondamental, puisqu’il constitue le ciment de l’édifice algérien de demain, c’est celui de la coexistence fraternelle des deux communautés.

Le drame douloureux que l’Algérie vient de connaître doit inciter tous ses enfanta d’origine française à faire leur mea culpa, et à la lumière de leur autocritique, trouver le ferment de leur union nationale, avec leurs compatriotes musulmans.

Les faits sont là et prouvent que tous les événements douloureux de ces derniers jours, n’ont rien atténué, pour ce qui concerne les masses algériennes, de leur désir ardent de coexistence, de collaboration fraternelle avec leurs compatriotes d’origine européenne. Elles sont conscientes de leurs responsabilités et c’est pourquoi elles n’entendent pas faire sien l’extrémisme et épouser les politiques insensées des gens coupés totalement des réalités algériennes.

L’ensemble des 10 millions d’Algérien est convaincu que l’avenir algérien ne peut être réellement fructueux et constructif qu’avec la collaboration fraternelle du million d’Algériens d’origine européenne. Ce million d’Européens, quelle que sera la nationalité qu’il choisira, aura droit de cité, sur le même pied d’égalité que les 10 millions d’Algériens. Rien ne les séparera, ni les divisera, ni les dressera les uns contre les autres. Le temps apaisera leurs rancunes, leurs incompréhensions, les rapprochera les uns des autres et forgera en eux l’amitié, la fraternité et la solidarité. Un grand et bel avenir s’ouvre devant tous les Algériennes et Algériens. Il n’appartient qu’à eux de surmonter courageusement, avec réalisme les difficultés qu’ils rencontrent sur leur chemin et d’œuvrer pour la prospérité et la grandeur de leur pays commun.


Communiqué de la Fédération M.N.A. d’Alger

Le général de GAULLE, le gouvernement français, l’opinion internationale sont, une fois de plus, fixés et avertis des événements tragiques que traverse l’Algérie, et de l’acuité d’une solution négociée. A Alger, à Oran, et dans toutes les villes d’Algérie, le peuple est descendu spontanément dans la rue crier sa soif de liberté et de justice humaine. Partout, les jeunesses manifestantes scandaient à haute voix « ALGE­RIE ALGERIENNE », « ALGERIE MUSULMANE ».

Ces deux expressions ne sont pas le fait du hasard, mais reflètent bien la pensée du peuple.

Par « ALGERIE ALGERIENNE », la masse disait un NON catégorique à la politique des ultras et de leurs amis, un NON catégorique aux factieux du 24 janvier et aux tenants du mythe « AL­GERIE FRANÇAISE ».

Par « ALGERIE MUSULMANE », le peuple s’oppose et condamne toute ingérence communiste et autres dans la Révolution Algérienne.

L’enseignement essentiel à dégager de ces journées sanglantes, c’est la mise en échec de toute politique tenant à créer une troisième force et toute velléité de partition de notre territoire national. C’est pourquoi, une fois de plus, nous insistons sur l’urgence de l’ouverture des négociations sans préalable ni exclusive pour mettre fin à la guerre d’Algérie.

Le M.N.A. précise à l’intention des informateurs que le drapeau brandi aux manifestations d’Algérie, lequel fut porté par MESSALI HADJ au défilé du 14 juillet 1937 à Alger à la tête de vingt-mille manifestants, est non la propriété d’une tendance partisane, mais bien l’emblème national algérien.

A tous ces héros de l’ombre, morts pour que vive l’Algérie libre et démocratique, le M.N.A. rend un vibrant hommage, salue pieusement leurs dépouilles et assure de son entière solidarité toutes leurs familles éprouvées.

Alger, le 16 décembre 1960.


Du 13 mai 1958 au 11 décembre 1960

On peut dire que la Révolution Algé­rienne a transformé de fond en comble la vie de la politique française. Elle a dépassé les frontières franco-algériennes et s’est imposée à l’Europe comme à toute la vie internationale.

Sur le plan proprement algérien, les événements tragiques qui viennent de se dérouler le 11 décembre dernier, mérite toute notre attention. Aussi, croyons-nous qu’il serait profitable de faire un retour en arrière pour mieux les comprendre.

La Révolution Algérienne a surpris les Français d’Algérie aussi bien que ceux de France. On n’a jamais pensé que le peuple algérien qui a été réduit dans le domaine politique, économique, social et culturel à sa plus simple expression, allait un jour briser les chaînes qui le maintenaient dans l’esclavage. Les Français d’Algérie auraient pensé et admis n’importe quoi, sauf la libération de l’Algérie.

On se souvient qu’au lendemain du déclenchement de la Révolution Algérien­ne, le Président du Conseil français, M. MENDES-FRANCE et son ministre de l’Intérieur, M. François MITTERAND, déclarèrent que l’Algérie était un territoire français et qu’il fallait faire la guerre aux « hors-la-loi ».

Avec la bataille d’Alger, le général MASSU et ses paras firent leur apparition et eurent carte blanche pour démanteler à jamais la « rébellion », selon l’expression de l’époque. Depuis lors, le pays connut une répression sanglante, des arrestations en masse, et la question fut instaurée avec un raffinement moyenâgeux dans les camps, les centres de tri et les sinistres villas de Mahieddine, Sesini, Saint-Raphaël et autres. Cette politique de nettoyage par le vide fit des ravages parmi la population algérienne et la réduisit à la vie de camp de concentration et de regroupement à la suite des ratissages. La guerre ne connut plus de bornes et alla jusqu’à faire des victimes à Sakiet-Sidi-Youssef (Tunisie) en Février 1958.

Plusieurs gouvernements furent renversés durant cette époque et c’est ainsi que nous sommes arrives aux « bons offices » qui ont été à la base de la chute du cabinet Félix GAILLARD. On tenta tant bien que mal de reconstituer un gouvernement, et plusieurs anciens Présidents du Conseil firent le tour de la piste sans succès.

En Algérie, les ultras, aidés par l’Administration algérienne devinrent plus exigeants et saisirent tout prétexte pour manifester leur présence et leur volonté. Cette faiblesse du pouvoir conduisit la France au 13 mai 1958, aux manifestations du Forum et à la mise en scène de la politique de fraternisation pour intégrer le peuple algérien dans la famille française. La comédie fut bien jouée et les Musulmans, encadrés par les paras, étaient conduits au Forum et répétaient avec force détails la leçon de l’intégration.

Quelques pauvres musulmanes prises on ne sait d’où, furent conduites au Fo­rum et brûlèrent leur haïk que la presse considéra comme le symbole de la libération de la femme musulmane algérienne. Les ultras exultaient, pavoisaient et ne se gênaient plus. Alger et les grandes villes du pays connurent un déferlement de fils à papa sous l’œil bienveillant de la police et de l’armée. On exigea, à cette époque, de BELLOUNIS de venir nu Forum et d’approuver par des déclarations la politique d’intégration à l’instar du fameux colonel CHE­RIF. BELLOUNIS refusa, prit le sentier de la montagne et mourut les armes à la main pour l’indépendance de l’Algérie.

Cette révolte des tenants de la colonisation démontra combien le pouvoir était faible en France, car ni le Prési­dent du Conseil ni le Chef de l’Etat français n’ont pu, par leurs déclarations, influencer les ultras et l’Administration algérienne. Tandis que le féal SALAN, Délégué Général et Commandant en Chef en Algérie, canalisait le flot pour le guider dans le sens voulu, de hautes personnalités politiques françaises allèrent à Colombey-les-Deux-Eglises chercher le général de GAULLE pour sauver la situation et éviter une guerre civile entre les Français.

L’avènement du général de GAULLE au pouvoir se présentait comme le seul fait possible pour redresser la situation en France et surtout pour mettre fin à la guerre d’Algérie. On savait que le général de GAULLE avait son « plan » à propos de la solution du problème algérien et l’on savait que ce plan allait jusqu’à l’indépendance de l’Algérie dans une coopération librement consentie.

Depuis l’arrivée du général de GAULLE au pouvoir, il y a de cela 30 mois, tout le monde espérait, et sans doute lui-même, qu’il pouvait arriver à mettre fin à la guerre d’Algérie en imposant une solution à tous les intéressés avec plus de facilité que les gouvernements précédents.

Le discours du 20 décembre dernier nous montre que nous sommes encore loin de la solution, étant donné que les négociations sont rejetées tandis que l’Administration algérienne prépare l’installation de la 3ème Force qui servira de pivot à la transformation des structures algériennes.

Au début de cet article, nous avons voulu passer en revue tous les événements pour montrer que l’on fait dire et faire aux Algériens par les moyens de pression, d’incarcération et de menaces, tout ce que l’on veut. Quelques exemples : ces jeunes musulmanes qui ont brûlé leur haïk et ces fellahs qui ont été conduits en camions au Forum n’ont certainement pas répété les scènes d’eux-mêmes. Il n’y a rien de spontané et nous sommes devant un peuple qui, sous la menace, est obligé de s’exécuter.

Ces scènes du Forum viennent d’être littéralement flétries, condamnées par les manifestations du 11 décembre 1960. « Algérie Algérienne », « Vive la République Algérienne » les drapeaux hissés sur les toits et portés fièrement par nos jeunes tilles, voilà la vérité, voilà encore une réédition des journées héroïques de l’Etoile Nord-Africaine, du P.P.A., du M.T.L.D. et du M.N.A. qui retentissent dans le cœur de la Casbah, de Belcourt, du Clos-Salembier, de Diar El-Mahçoul, de Diar Es-Saâda, de Mahieddine, de Maison-Carrée, de Birkadem, d’El-Biar et ailleurs. Alger, Oran, Bône, Constantine, Tlemcen ont parlé.

La vérité est que le peuple algérien rente lui-même ; par son énergie, son esprit de sacrifice et sa volonté de vivre libre, il vient de démentir et d’anéantir toutes les montagnes qu’on a montées en son nom.

Les élections, à partir du référendum du 29 septembre 1958 jusqu’à l’installation des fameuses commissions d’Elus, viennent, en quelque sorte, d’être désavouées par les manifestations du 11 décembre 1960.

Il se dégage de l’expérience de ces dernières années que rien de solide ni de durable ne se fera dans notre pays sans les nationalistes algériens, artisans de la Renaissance de la Nation algérienne.

Qu’on le veuille ou non, c’est là une vérité que rien au monde ne peut tenir ni méconnaître. C’est pourquoi il est absolument indispensable de revenir aux réalités algériennes par l’ouverture des négociations avec tous les Nationalistes, comme cela est déjà expliqué dans le plan de paix de MESSALI HADJ.

La coopération, oui, mais la coopération qui cache le maintien du colonialisme, ses privilèges et sa suprématie politique, non, trois mille fois non.


Un Algérien Musulman s’adresse aux Algériens non-musulmans

On peut admettre, conformément à la démocratie, qu’une minorité d’un pays manifeste dans l’ordre et la dignité ses sentiments d’inquiétude à l’égard d’une politique qu’elle estime préjudiciable à ses intérêts et à son avenir.

Mais ce qui est inadmissible et intolérable juridiquement et moralement, c’est qu’une minorité, au nom de la force, opprime éternellement une majorité, l’étouffe systématiquement et n’arroge enfin le droit de décider en son nom de son destin. C’est ainsi – et depuis la conquête – que s’est comportée la minorité européenne vis-à-vis de la majorité des Algériens musulmans. Elle n’a cessé de s’opposer à toute politique libérale en leur faveur.

Mais depuis que la Révolution a éclaté, nous assistons dans notre pays à des débordements de racisme et de chauvinisme caractéristiques, entraînant souvent les foules européennes dans des excès regrettables.

Au nom de « l’Algérie française » qui cache des intérêts sordides et des ambitions impérialistes, des milliers d’extrémistes et de jeunes fanatiques se livrent à des manifestations de tous genres, à des excès de violence, semant le désordre et la désolation.

Les épisodes douloureux des journées de juin 1956 et de fin janvier et février 1957, dont Alger avait été le théâtre et au cours desquels les quartiers musulmans ont subi les assauts furieux des activistes européens, resteront longtemps vivant dans la mémoire de ceux qui les ont vécus.

La fameuse bataille d’Alger sur laquelle on a tant écrit, sous les auspices du proconsul Robert LACOSTE et du général MASSU, a été illustrée par la guerre sans merci contre la population musulmane algéroise. L’arrestation massive de la jeunesse et de toutes les forces militantes, le ratissage systématique, presque quotidien de la Casbah et des autres quartiers musulmans, les enlèvements d’Algériens, soit par les forces de l’ordre, soit par les contre-terroristes européens des bandes KOVAC, jouissant d’ailleurs de la complicité et agissant de connivence même avec les forces de l’ordre, n’ont fait qu’accentuer la haine et le désespoir.

Oui ! c’était au cours de cette bataille d’Alger que des centaines de patriotes algérois parmi lesquels les nationalistes KORTEBI Mohamed de Médéa, Hadj Amar ABDAT d’Alger, le cheikh OMAR de Birkadem, Mohamed HAMMIDAT d’Alger. etc…, membres du M.N.A. ont été mitraillés dans l’ombre de la nuit, dans les environs du Kaddous (Birkadem), électrocutés sur la G.G.N., étouffés dans des bassines, ou sont morts en subissant d’autres sévices cruels.

Dans toute cette bataille répressive, infernale, non seulement à Alger, mais à Oran, à Mostaganem, à Sidi Bel-Abbès, à Tlemcen, à Mascara, à Blida, à Constantine, à Bône, et partout dans les agglomérations et villages, dans les douars, les dechras, les mechtas, la population subissait le déchaînement, la répression, des massacres, et l’horreur y prenait le caractère d’un véritable génocide.

Ni « l’Echo d’Alger » ni « La Dépêche Quotidienne », ni même « Le Journal d’Alger » du « libéral » BLACHETTE, ni « L’Echo d’Oran » de Pierre LAFFONT, n’ont élevé de protestations contre l’enfer que subissaient les Algériens : bien plus, ils attisaient la haine raciale et l’esprit de croisade contre ceux-ci. Nos souffrances, nos larmes, notre sang cruellement répandu, les laissaient indifférents.

Hélas ! les récents événements décembre 1960 ont dépassé en horreur toutes les précédentes démonstrations auxquelles s’adonnaient les Européens. Le sang des centaines de victimes et des milliers de blessés parmi les Algériens, s’il n’aura pas coulé vainement, il a tout au moins démontré, magistralement, le comportement des excités et des inconscients à l’égard de la dignité algérienne tout court, à l’égard de nos aspirations profondes et, enfin, de mettre en évidence le sens qu’ils donnent à la cohabitation pacifique et fraternelle des deux communautés.

Dans tout ce vacarme, il convient de souligner que les foules européennes se sont laissé abuser et entraîner dans des excès par des aventuriers à la solde de groupements sordides. Et dire que c’est dans les quartiers populeux de Bab-El-Oued, de Belcourt, d’Hussein-Dey, dans l’Algérois, dans ceux d’Oran, qui ont été les citadelles du communisme, que ne cessent de se développer les actes de vandalisme contre les Musulmans et contre leurs modestes biens ; tout cela au nom de « l’Algérie française ».

Que s’est-il donc passé chez les gens de Bab-El Oued, de Belcourt, d’Oran de Sidi Bel-Abbés, etc…, pour qu’ils aient évolué du communisme à l’activisme ultra-colonialiste, teinté de fascisme et de national-socialisme, comme l’a affirmé cyniquement SUSINI devant le Tribunal Militaire de Paris lors du procès des « barricades » ?

Comment expliquer l’embrigadement dans les commandos de LAGAILLAR­DE, d’ORTIZ, du F.A.F., des masses qui avaient porté en triomphe Pierre FAYET, Nicolas ZANETTACCI, Alice SPORTISSE, René JUSTRABO et tous les autres élus communistes dès avant la Révolution ?

Pourquoi, enfin, cette folie, ce déchaînement hystérique contre la population musulmane, de gens de différentes conditions sociales qui, désespérément, s’accrochent à un mythe et s’opposent au cours irrésistible de l’histoire ?

Cette attitude réactionnaire s’explique à la fois par le désappointement, la peur et le conservatisme impénitent des privilèges colonialistes, difficiles à extirper chez une société qui en a profité depuis 1830. N’ayant plus comme objectif que celui de défendre une situation de privilégiées, elles se sont laissées entraînées dans l’aventurisme avec toutes ses conséquences déplorables est aux lendemains redoutables. Ne se doutent-elles pas qu’elles risqueront, par leurs actions irréfléchies, de provoquer un jour l’irréparable ? Si le 11 décembre, la catastrophe était évitée de justesse, nous craignons fort qu’une nouvelle provocation ne consacrerait la rupture totale et provoquerait par là une situation inextricable.

Désormais, les Musulmans d’Alger et des grandes villes ne sont point décidés à permettre à des excités de s’opposer éternellement à leurs revendications nationales.

Et, cependant nous ne pouvons croire que le drame de ces masses européennes surexcitées d’Algérie soit sans issue et qu’il soit condamné à une impasse tragique ? Nous croyons fermentent que les Algériens d’origine européenne finiront, grâce à l’activité des forces
démocratiques. libérales, des syndicats libres du Mouvement National Algérien et de toutes les bonnes volontés, par comprendre que leur avenir ne sera ni dans celui des champions de la pseudo « intégration » de « l’Algérie française », ni dans celui de la dictature totalitaire du F.L.N. Il sera dans celui qu’ils détermineront en plein accord avec l’ensemble des 10 millions de leurs concitoyens et compatriotes musulmans, dans la liberté et la fraternité.

L’Algérie de demain sera l’oeuvre de Kaddour, de Jean-Louis, de Lévy et de toutes les communautés qui constituent le levain fructueux de la Nation Algérienne. C’est cela que doivent comprendre les masses européennes, odieusement abusées par les féodaux et les profiteurs colonialistes qui ont déjà fait leurs valises et exporté d’Algérie plus de 40 milliards de capitaux. Il ne leur sert à rien de s’accrocher aux hobereaux de la colonisation qui, déjà, se sont exclus eux-mêmes de la communauté algérienne et se sont assurés à l’étranger. avec la sueur du burnous, d’insatiables profits et de nouveaux privilèges.

Aujourd’hui, il faut dire les choses clairement. Nous sommes à l’heure de la vérité. Le mythe de « l’Algérie française » s’est écroulé définitivement. L’esprit colonialiste et rétrograde, l’affolement, l’incertitude et le désespoir qui ne trouvent nulle part leur justification doivent, eux aussi, céder la place à l’espoir, à la fraternité renaissante et à l’esprit de rénovation constructif et créateur qui répond aux exigences d’un monde moderne.

Donc, l’intérêt bien compris des Algériens d’origine européenne, puisqu’il leur est impossible de se séparer des tombes de leurs parents et grands-parents, ni de leur chère patrie qui les a vus naître et grandir, ni du beau soleil de cette Algérie si accueillante et si captivante, est de se débarrasser, une fois pour toutes, des préjugés, de tous complexes que le régime colonial a enfanté en eux. Pourquoi n’y arriveraient-ils pas, alors qu’ils savent que leurs compatriotes musulmans n’ont, à leur égard, aucun complexe ni aucun préjugé défavorable. Au contraire, la population musulmane appréciera hautement et fraternellement la contribution et le rôle dynamique et constructif de la population européenne dans l’Algérie de demain.

Le M.N.A., sous la direction de MESSALI HADJ, n’a cessé, depuis l’Etoile Nord-Africaine, d’exprimer la nécessité vitale de la coexistence fraternelle, de la solidarité nationale de tous les Algériens sans distinction de race ni de religion.

L’heure a donc sonné pour les Algériens d’origine européenne de fixer courageusement et avec foi leur choix et de déterminer leur sort dans l’Algérie nouvelle qui est en train de se créer. Pour nous, il sera celui de tous les habitants de l’Algérie. Plus de privilèges pour qui que ce soit au détriment d’autrui. A l’ombre du drapeau algérien, ils connaîtront, au sein de la République Algérienne, les bienfaits de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

VIVE L’UNION FRATERNELLE ET CONSTRUCTIVE DE TOUS LES ALGERIENS SANS DISTINCTION DE RACE, NI DE RELIGION, POUR UNE ALGERIE LIBRE, FORTE, PROSPERE ET HEUREUSE !

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