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Adam Schaff : L’humanisme marxiste

Texte d’Adam Schaff paru dans L’Homme et la société, n° 7, janvier-février-mars 1968, p. 3-18

On peut dire sans hésiter que notre époque est celle du choc des humanismes. Les tendances qui se réclament de l’humanisme, ne sont pas seulement nombreuses, mais elles sont aussi concurrentes et vont même jusqu’à se combattre. Étant donné l’importance croissante que prend à notre époque le problème de la vie de l’individu, la lutte politique prend volontiers la forme d’une mise en accusation, de l’adversaire quant à son manque d’humanisme, voire son antihumanisme. Une telle accusation ne prouve nullement que l’accusateur soit véritablement humaniste et ne le préservera pas de se voir reprocher, à son tour, de manquer d’humanisme. Cette popularité de l’humanisme et la multiplication de ses variétés se combattant mutuellement prouve simplement que l’homme, dont la vie est aujourd’hui plus menacée que jamais, est avide au minimum de paroles de consolation, de paroles évoquant le bonheur humain.

Aussi nul n’est avare de mots touchant à l’homme et au bonheur humain, surtout dans le domaine de la propagande. C’est sans doute pourquoi ces paroles se dévaluent et les gens confrontent, avec tant de méfiance et de scepticisme, les paroles et les actes. Le combat des humanismes se joue avant tout dans la pratique. Ce qui ne veut pas dire que la théorie a perdu toute sa valeur. D’une part parce que, généralement, la pratique n’est pas évidente et qu’elle ne résout pas directement les problèmes et d’autre part parce que, dès que l’on se met à évoquer l’avenir, l’interprétation entre en jeu, donc la théorie. En outre, malgré le scepticisme croissant des consommateurs, les idéologies continuent à jouer leur rôle dans la formation des esprits et des cœurs ; or tout humanisme est une idéologie.

Dans la bataille idéologique on se bat donc sur l’humanisme. Rien d’étonnant, dès lors, si les diverses tendances fourbissent leurs armes et en tout cas les brandissent. Ce qui est étonnant par contre, c’est que le marxisme se soit si longtemps tenu à l’écart de cette bataille, d’autant plus qu’il y était particulièrement bien préparé.

Qu’entendons-nous ici par humanisme? Il faut répondre à cette question, car sinon le débat qui, de toute façon n’est pas des plus précis, risque de sombrer dans une confusion totale.

Les forts en thème auraient beau jeu de démontrer que le terme « humanisme » possède des significations multiples. C’est très vrai, mais je ne me propose pas d’entrer dans les détails d’une analyse sémantique. Par contre j’essaierai de définir avec plus de précision le sens de ce terme lorsqu’il est employé dans des expressions telles que « l’humanisme marxiste », « l’humanisme catholique », etc.

Par humanisme nous entendons notamment un système de réflexion sur l’homme pour lequel l’homme est le bien suprême, et qui cherche à lui assurer dans la pratique, les meilleures conditions de bonheur. Dans une acception aussi large de l’humanisme, il y a place, bien entendu, pour diverses tendances. Suivant leur manière de concevoir l’individu, la société et le bonheur de l’homme, sans parler des voies qui leurs semblent les plus propices pour assurer ce bonheur, ces tendances peuvent être non seulement sensiblement différentes, mais même contradictoires. D’où le différend quant il s’agit de savoir laquelle des variétés d’humanisme est « vraie », laquelle est juste: Bien entendu, cela dépend des définitions admises, celles-ci étant elles-mêmes déterminées par le système philosophique choisi avec le système de valeurs qui s’y rattache. Le différend est donc insoluble en soi, si on l’isole d’un contexte théorique plus large et de la pratique. Par contre, on peut se fonder sur l’efficacité d’un système de valeurs déterminés pour atteindre l’objectif, à savoir la création des conditions les plus favorables au bonheur de l’homme, et inviter les esprits à choisir ce système de valeurs qui est lié à une variété donnée d’humanisme.

Le marxisme est un humanisme ; c’est un humanisme radical qui tire sa supériorité sur ses concurrents actuels de ses conclusions théoriques ainsi que de ses liens organiques avec la pratique, avec l’action. C’est ce qui explique la force d’attraction sur tous les opprimés qui ne cherchent pas seulement des paroles consolatrices, mais veulent supprimer dans la pratique les obstacles à leur bonheur.

Etre radical, dit Marx, c’est prendre les choses par la racine. Or, pour l’homme, la racine, c’est l’homme lui-même […]. La critique de la religion aboutit à cette doctrine que l’homme est, pour l’homme, l’être suprême. Elle aboutit donc à l’impératif catégorique de renverser toutes les conditions sociales où l’homme est un être abaissé, asservi, abandonné, méprisable […] (1).

Ainsi, comme nous l’avons déjà dit à maintes reprises, le point de départ du marxisme c’est l’homme en tant que bien suprême et la lutte pour renverser les conditions sociales qui l’abaissent. Ce point de départ qui confère un caractère particulier à tout le système de pensée marxiste détermine son humanisme. Le marxisme est un humanisme, mais un humanisme d’un type particulier. Aussi convient-il d’en faire ressortir la spécificité, ce qui le différencie des nombreuses autres variétés d’humanismes.

En premier lieu, c’est un humanisme réaliste, comme l’a qualifié Marx lui-même, et qu’il faudrait appeler plutôt matérialiste, à la différence des variétés idéalistes ou même spiritualistes. Marx opposait d’ailleurs nettement son humanisme réaliste à l’humanisme, spiritualiste.

L’humanisme réaliste, écrivait-il, n’a pas d’ennemi plus dangereux en Allemagne que le spiritualisme ou l’idéalisme spéculatif qui, à la place de l’homme individuel réel met « la conscience » ou l’ « esprit » […] (2).

Pour Marx le caractère de l’humanisme est nettement lié à la conception de l’individu qu’il prend pour point de départ : si le point de départ est l’individu réel, concret (compte tenu aussi de ses implications sociales), l’humanisme est réaliste, mais si le point de départ est la spéculation idéaliste du type « conscience », « esprit », etc., l’humanisme fondé sur cette base est spiritualiste. Le choix de Marx est clair, seul l’humanisme réaliste peut être rattaché de manière cohérente à sa conception du monde et de la société.

La seconde caractéristique de l’humanisme de Marx se rattache strictement à ce réalisme : c’est un humanisme autonome conséquent.

Nous nous sommes arrêtés précédemment sur ce problème ; il nous suffira ici de nous y référer. Partant de l’individu réel et de la société réelle, partant du principe que l’homme, en transformant la réalité objective, crée son propre monde, et exerce une influence indirectement sur son propre développement, l’humanisme marxiste est donc autonome en ce sens qu’il explique le monde humain par le jeu de force terrestres, sans recourir à des puissances supra-humaines et dans ce sens hétéronomes. De ce fait l’humanisme marxiste est non seulement étranger à toute spéculation de nature religieuse, mais également à l’idéalisme objectif dont le concept du monde des valeurs objectives par exemple, est hétéronome. L’homme, l’homme réel est non seulement le point de départ, mais il est aussi l’artisan autonome de son destin, le créateur de son propre monde et son propre créateur. Seul un tel humanisme excluant l’ingérence dans les affaires humaines de puissances supra-humaines, peut-être qualifié de pleinement conséquent. C’est le seul humanisme possible sensu proprio. C’est précisément à cette caractéristique fondamentale — à cette conception du monde dirais-je — de l’humanisme marxien que se rattache sa caractéristique suivante : c’est un humanisme combattant.

Des réserves sont souvent faites, particulièrement par des penseurs catholiques, quant au fait que l’on attribue la qualité de « combattant » au seul humanisme marxiste. L’humanisme fondé sur la pensée catholique, par exemple, ne peut-il être combattant ? Il peut l’être et on peut même en citer des exemples. Mais dans ce cas ce dont il s’agit c’est de savoir si ce caractère combatif de l’humanisme découle logiquement des présuppositions théoriques admises, ou bien s’il en est indépendant et constitue en quelque sorte une adjonction fortuite non-inhérente. Un humanisme partant d’individus réels et de leurs relations sociales, un humanisme pour qui l’homme est le bien suprême, doit nécessairement se dresser contre tous les rapports abaissant l’homme. Dans ce cas, la combativité de l’humanisme constitue une attitude conséquente, car renoncer à la lutte serait manquer de conséquence. Si, par contre, l’humanisme part de « l’esprit », de la « personne », de la « conscience », etc., il peut mais il ne doit pas nécessairement se dresser contre le mal dans les conditions pratiques. Car son domaine, est celui de la spéculation philosophique et non celui de la vie pratique.

A cet égard, l’humanisme marxiste est un humanisme pur et s’en tient résolument à la pratique : il ne se borne pas à affirmer des principes, il en tire des conclusions pratiques. Ainsi, du temps de sa jeunesse déjà, Marx tirait-il de son humanisme le postulat de la lutte révolutionnaire.

De même que la philosophie trouve dans le prolétariat ses armes matérielles le prolétariat trouve dans la philosophie ses armes intellectuelles. Et dès que l’éclair de la pensée aura pénétré au fond de ce naïf terrain populaire, les Allemands s’émanciperont et deviendront des hommes […].

L’émancipation de l’Allemagne n’est pratiquement possible que si l’on se place au point de vue de la théorie qui déclare que l’homme est l’essence suprême de l’homme […]. L’émancipation de l’Allemand, c’est l’émancipation de l’homme. La philosophie est la tête de cette émancipation, le prolétariat en est le cœur. La philosophie ne peut être réalisée sans la suppression du prolétariat, et le prolétariat ne peut-être supprimé sans la réalisation de la philosophie.

Quand toutes les conditions intérieures auront été remplies, le jour de la résurrection allemande sera annoncé par le chant éclatant du coq gaulois (3).

Le caractère combatif de l’humanisme de Marx tient très certainement au tempérament de son auteur. Celui qui répondait à « l’enquête » que lui soumettaient ses filles sur sa conception du bonheur : « la lutte » et le malheur ; « la capitulation », ne pouvait pas se contenter de contempler les causes du malheur humain. Mais ce caractère de l’humanisme marxien est aussi la conséquence logique de ses présuppositions théoriques.

En élaborant sa conception du monde, Marx se détournait tout aussi nettement de la position contemplative que de l’idéalisme. Ceci se rattache d’ailleurs directement à ce que nous avons déjà souligné, à savoir que la clé de la conception du monde de Marx se trouve dans son anthropologie. Marx part de l’individu vivant, réel ; il part non de la contemplation du monde, mais de l’action, de la transformation du monde. Comme le Faust de Goethe, Marx dit : « au commencement était l’action », comprenant par « action » la pratique humaine. C’est pour cela qu’il était étranger à l’attitude passive intuitive de la philosophie traditionnelle, même matérialiste. Il a su admettre à cet égard la supériorité de l’idéalisme qui développait la part de l’action dans la philosophie, bien qu’il n’ait pas atteint — et ne pouvait d’ailleurs atteindre à la catégorie de la pratique. Cette remarque de Marx constitue le point culminant de sa critique de la philosophie de Feuerbach et dans sa fameuse XIe thèse sur Feuerbach, Marx formula son credo à ce sujet. « Les philosophes ont simplement interprété le monde de façon différente ; il s’agit de le modifier ». Professant cette conception de la philosophie, Marx ne pouvait évidemment pas se borner à une contemplation humaniste du sort de l’homme. L’homme qui voyait dans la philosophie l’arme intellectuelle du prolétariat, et dans le prolétariat l’arme matérielle de la philosophie, se devait d’adopter la position de l’humanisme combattant.

Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette caractéristique de l’humanisme de Marx ne découlait pas des présuppositions philosophiques générales admises. La question se présentait plutôt différemment, bien qu’il y ait sans doute là un cas d’interaction classique.

L’humanisme combattant, nous l’avons dit, est la conséquence logique, en premier lieu, du point de départ de l’humanisme marxien, la conséquence du fait que c’est un humanisme réel, pour qui le monde des hommes est un monde autonome, créé par l’homme social et seulement par lui.

Si l’homme lui-même et son monde sont les produits de l’auto-création, il ne peut et ne doit pas attendre d’être libéré du mal qui le tourmente par des puissances supra-humaines, bonnes ou mauvaises. Il doit se libérer lui-même. En d’autres termes : si l’on admet l’auto-création, il faut également admettre l’auto-émancipation. Le socialisme de Marx, est fondé précisément sur l’idée de l ‘auto-émancipation du prolétariat ; celui-ci, pour se libérer en tant que classe doit libérer l’humanité tout entière. S’il veut être réalisé, cet humanisme doit donc admettre le principe de la lutte et devient de ce fait un humanisme combattant.

C’est du concept de l’auto-émancipation et de l’humanisme combattant qu’il faut partir si l’on veut comprendre la théorie marxienne de la lutte des classes et de la mission historique du prolétariat, qui est de créer une société sans classes. Le Manifeste Communiste en constitue un exposé magistral dans sa concision. Seule cette conception permet de comprendre la dialectique de classes et supra-classes, de l’intérêt social général dans le socialisme marxien, et aussi la dialectique de l’amour et de la haine qui se dressent sur le chemin de la réalisation de ce socialisme.

Si le point de départ du socialisme marxien est l’homme, il en est également la finalité, l’objectif.

Nous savons déjà que l’homme dont parle Marx n’est pas une entité abstraite (Marx critiquait cette conception), c’est un individu concret, réel, impliqué dans des rapports sociaux, dans les conflits et les luttes qui en découlent. Partant donc d’individus réels, Marx part, dans ses raisonnements, de classes et de couches sociales existant réellement. C’est ce qui le mène à découvrir le prolétariat et sa fonction englobant toute l’humanité.

Mais l’aboutissement, l’objectif vers lequel tend Marx c’est l’homme dans le sens de l’ensemble de l’humanité, c’est le bonheur de chaque individu. Le sens profond de la dialectique de son humanisme, c’est précisément que sans jeter aux yeux la poudre sentimentale de l’ « amour du prochain », sans faire miroiter un humanisme « intégral », il tend en fait, à réaliser l’humanisme intégral puisqu’il concerne toute l’humanité et s’assigne pour objectif l’essor total de chaque personnalité. Plus encore : grâce à son réalisme, grâce au fait qu’il assure les conditions de sa réalisation par la lutte, seul cet humanisme est véritablement intégral quant à ses objectifs, bien qu’il soit résolument opposé au mot d’ordre de l’humanisme intégral dans le sens où celui-ci nie la lutte authentique pour la réalisation de l’humanisme.

A cette dialectique de la lutte, à cette dialectique des rapports mutuels de ce qui est des classes et de ce qui est de l’humanité toute entière, se rattache la dialectique de l’amour et de la haine dans la réalisation des idéaux humains.

Étant donné que le point de départ du socialisme — de tout socialisme — est l’homme et la protestation contre la déshumanisation de la vie, par là même son point de départ est l’amour de l’homme, la douleur de le voir déshumanisé, humilié, malheureux. Le socialisme s’identifie, dans un certain sens, avec l’amour de l’homme, et un socialisme qui haïrait l’homme renfermerait une contradiction in adiecto. Cependant, le socialisme marxien est étranger aux commandements mièvres et abstraits d’amour du prochain « en général » et comme c’est une doctrine de lutte, il commande la haine de l’ennemi au nom de l’amour du prochain. Contradiction ? En apparence seulement. En réalité, c’est une attitude cent fois plus conséquente et de ce fait plus authentique que les mièvres professions d’humanisme « intégral », même si celles-ci sont subjectivement honnêtes, mais en fait animées par une pharisaïque hypocrisie.

Le socialisme est donc la doctrine de l’amour du prochain tant s’il s’agit de son point de départ, que de sa finalité. Mais cet amour, il n’en parle pas dans l’abstrait, il pose le problème concrètement, il se place sur le dur terrain de la lutte pour les objectifs et les postulats qui s’y rattachent. L’humanisme marxien doit donc poser le problème de la lutte contre ce qui enfreint cet amour, contre ce qui s’oppose à lui, donc contre ce qui abaisse l’homme, l’asservit, l’exploite, en un mot contre tout ce qui fait son malheur. Mais la « lutte », n’est pas que parole, elle est action, action visant à empêcher de nuire et à écarter ceux qui, au nom de leurs intérêts privés, barrent la route qui mène au bonheur de l’homme et agissent donc à l’encontre du postulat de l’amour du prochain. Car, dans la société de classes, il y a toujours eu et il continue d’y avoir des gens qui, consciemment ou non, sont des ennemis de cet amour. Pour qui comprend ceci, il est clair que les ennemis de l’amour du prochain, les ennemis de la cause de l’homme doivent être activement combattus, et à ceci se rattache le sentiment de haine. L’amour de l’homme n’exclut pas la haine, mais il la présuppose à l’égard de ceux qui objectivement — et à plus forte raison lorsque s’y ajoute la conscience subjective — agissent au nom de la haine de l’homme et sont poussés par elle. Les hitlériens en constituaient un exemple classique. Aussi contrairement aux apparences, ceux qui, dans ces circonstances, nient la nécessité de lutter et par là-même de haïr l’ennemi agissent non en humanistes mais en antihumanistes caractérisés. Car un amour du prochain qui prétendrait interdire de faire du mal à quiconque ferait le malheur de milliers et de millions d’hommes innocents livrés à l’arbitraire du tyran et de l’oppresseur de classe, national, racial, etc. En réalité, aucun être sensé n’agit de la sorte ; mais ces idées, souvent fondées sur la volonté évidente de défendre ces intérêts particuliers en semant le chaos dans les esprits et en démobilisant l’adversaire de classe qui attaque, sont des idées antihumanistes. A cet égard, il faut que la clarté théorique soit totale.

Donc l’amour du prochain, l’amour de l’homme, n’excluent pas la haine car ils n’excluent pas la lutte, mais au contraire la présupposent. Mais si l’on admet ce principe et si on veut le mettre en pratique, il faut faire preuve d’une grande prudence, ainsi que pour toutes les idées analogues. Car il s’agit de ne pas perdre de vue la dominante qui est l’homme et sa cause. En effet, la haine est toujours subordonnée ici à quelque chose, à quelque chose qui sert une autre cause, l’amour de l’homme. Il est hélas difficile, dans ces questions, de ne pas dépasser les limites et de garder la mesure. C’est pourquoi il faut toujours y penser et le rappeler, ne serait-ce qu’à des fins éducatives t ce qui est décisif, ce qui nous intéresse en réalité, c’est la cause de l’homme. Là aussi, comme dans bien d’autres cas, le poète a trouvé pour exprimer cette pensée, des termes d’une telle beauté et d’une telle profondeur que l’on ne peut mieux faire que les citer. L’auteur de ces paroles si belles et si profondément humanistes est Bertold Brecht :

Auch der Hass gegen die Niedrigkeit
verzerrt die Züge.
Auch der Zorn über das Unrecht
macht die Stimme heiser. Ach, wir, die wir den
Boden bereiten wollten fur Freundlichkeit,
konnten, selber nicht freundlich sein.
Ihr, aber, wenn es soweit sein wird,
das der Mensch dem Menschen ein Helfer ist,
gedenkt unser
mit Nachsicht.

Et enfin, encore une caractéristique de l’humanisme marxiste qui le distingue, à l’heure actuelle particulièrement : c’est un humanisme optimiste.

Lorsque l’on reprend l’image que les classiques du marxisme se faisaient de l’homme dans le communisme, on a parfois l’impression qu’elle était quelque peu utopique. Très certainement elle en gardait des traces sensibles. Mais il peut se faire aussi que, nous en tenant à la perspective restreinte de l’immédiat, nous perdions de vue les horizons plus lointains qui éclairaient les fondateurs de la doctrine. Tout comme il faut éviter de se laisser emporter par une imagination débordante, il faut éviter de voler trop bas, de se laisser lier les mains. La révolution technique moderne avec l’automation du processus de production et la libération de l’énergie atomique, ouvre une perspective nouvelle à la réalisation de buts tels que l’élimination des différences entre travail manuel et intellectuel, entre travail à la campagne et à la ville, la possibilité pratiquement illimitée de répondre aux besoins des hommes, de buts dont la réalisation, il y a plusieurs dizaines d’années encore, relevait de l’imagination.

La technique industrielle moderne engendre, bien sûr, des problèmes nouveaux, que l’on ne soupçonnait même pas par le passé. Mais si on assure des conditions sociales convenables à son fonctionnement, cette technique moderne ouvre la possibilité de résoudre un certain nombre de vieux problèmes. Parmi eux, des problèmes dont la solution détermine les conditions du développement de la personnalité humaine. La réduction du temps de travail, par exemple.

Il est intéressant, particulièrement du point de vue de la psychologie sociale, de noter comment le même phénomène social — l’industrialisation et le progrès technique — revêt des aspects divers selon « l’angle social » d’observation.

D’une part, il crée la toile de fond de la philosophie du désespoir, pour qui la société est la somme des individus-monades, isolés et solitaires, qui se meuvent de façon dénuée de sens, sur la scène de la vie, au milieu d’un décor dépersonnalisé et d’une culture de masse dépourvue de valeurs humaines. C’est l’exagération grotesque de certaines caractéristiques de la situation sociale et culturelle actuelle, dans la société bourgeoise. Le fait de voir uniquement cet aspect du phénomène est certainement lié à la perspective « du monde déshumanisé », dont parlait le jeune Marx. Mais cette perspective a pour conséquence une vision pessimiste du monde. Si l’existentialisme est un humanisme — comme Sartre l’affirme sans aucun doute avec raison — c’est l’humanisme d’un monde en disparition et c’est pourquoi dans son expression, il est tragique et pessimiste.

Mais on peut aborder le même phénomène sous un autre aspect, on peut y voir les germes de ce qui est nouveau et qui s’en dégage. C’est ce que fait l’humanisme socialiste dont l’approche est déterminée par une situation sociale absolument nouvelle, du moins en perspective. La révolution technique qui désagrège le vieux monde, engendre en même temps la possibilité de construire un monde nouveau. On voit apparaître, pour la première fois, des facteurs réels qui permettront de réaliser les rêves séculaires de l’humanité, la possibilité d’une vie heureuse pour tous. Garantissent-ils que ces rêves pourront être pleinement réalisés ? L’avenir le montrera ; quant à moi, je suis sceptique à cet égard. Mais ils créent indubitablement des possibilités de vie meilleure, plus heureuse ; c’est énorme et sans doute ne faut-il pas exiger davantage. Si on voit les choses de cette manière — et c’est possible uniquement si l’on a la perspective sociale qui convient — l’image que l’on se fait de l’individu et de la société dans leur développement futur en est aussitôt transformée.

Cela ne signifie pas pour autant que l’on remplace la vision du Château de Kafka ou de La Nausée de Sartre par un optimisme du genre réalisme socialiste, assurant, comme dans les westerns américains, la victoire infaillible du bon shérif. Tout est certainement plus compliqué et fort heureusement d’ailleurs. Mais c’est certainement la vision d’un humanisme optimiste. Non qu’il soit empreint d’une foi irrationnelle en la bonté de l’homme et en la victoire de la bonté, comme l’existentialisme de Sartre est — ou a été — empreint d’une – conviction diamétralement opposée. Il est optimiste parce que fondé sur la conviction que le monde est le produit de l’homme, que l’homme lui-même est le produit de l’auto-création et que, de ce fait, disposant de possibilités pratiquement illimitées de transformer le monde — la révolution technique entre autres, qui se déroule sous nos yeux en témoigne — l’homme dispose, par là-même, de possibilités pratiquement illimitées de se transformer lui-même. Cet optimisme n’est pas une foi, mais une conviction fondée sur des faits. Ce n’est donc pas un axiome, mais une hypothèse de travail, une hypothèse à très grand degré de probabilité et dont la portée pratique est immense, s’il s’agit de la mobilisation de l’énergie sociale des hommes. Cette hypothèse est partie intégrante de l’idéologie, mais elle comporte, une valeur heuristique non moindre que de nombreuses autres thèses du domaine des sciences sociales. Et c’est suffisant

Tout système humaniste développé contient sa propre théorie du bonheur. Dans un certain sens, chacun de ces systèmes est une théorie du bonheur, la réflexion sur l’homme et ses problèmes doit constituer le point culminant des réflexions sur les conditions d’une vie heureuse. A cet égard, l’humanisme marxiste ne constitue pas une exception. Il contient lui aussi une théorie spécifique du bonheur, implicitement au moins. Il faut l’exposer pour éclairer pleinement le caractère de cet humanisme.

Le problème du bonheur peut être abordé de deux manières : sous l’angle des traits positifs de ce que nous appelons le bonheur, ou bien sous celui des traits négatifs de ce que nous appelons le malheur. La différence dans l’approche du problème est essentielle, particulièrement s’il s’agit des conclusions pratiques, car elle ne peut pas se ramener à l’adjonction de termes de négation à des phrases affirmant certaines thèses.

La première manière est traditionnelle, elle a été pratiquée par les théories les plus diverses du bonheur au cours des siècles dans l’histoire de la pensée humaine. Ces expériences permettent précisément de constater que sous l’angle positif, l’analyse du problème du bonheur ne donne pas — et ne peut pas donner — de résultats, ou bien ces résultats sont très modestes. Que n’a-t-on pas dit à ce propos dans l’histoire de la pensée ? De plus combien d’opinions diverses et même contradictoires. Quoi d’étonnant d’ailleurs : un état dont l’élément principal est un sentiment subjectif ainsi que la subjectivité d?s attitudes et des émotions ne se prête pas aux définitions, en dehors de définitions aussi générales que pratiquement vides de sens, et à plus forte raison aux codifications à l’aide de normes et de règlements. Je peux fort bien répéter à l’infini à quelqu’un qu’il devrait être heureux, dans telles ou telles circonstances, en invoquant soit ce que je ressens moi-même dans la même situation, soit des définitions du bonheur, celles des stoïciens par exemple, sans résultat, l’intéressé continuera d’être malheureux, il ira même jusqu’à se suicider, tant la situation telle qu’il la ressent, est intolérable.

C’est donc là le problème, c’est la différence entre ma manière de ressentir la situation et la tienne, différence inévitable et dont on ne peut pas ne pas tenir compte. Car il s’agit, et les philosophes l’ont parfois oublié, non pas d’un élément abstrait, mais d’hommes vivants, réels qui diffèrent entre eux par des détails ou par l’essentiel, et qui constituent, en tant que structures spécifiques, des microcosmes spécifiques. Si le problème du bonheur ne peut pas se ramener entièrement au facteur subjectif, il y est néanmoins lié étroitement et organiquement; si l’on n’en tient pas compte et que l’on cherche à établir des définitions généralement applicables, donc abstraites, on ne peut aboutir à rien de positif. En effet, et c’est normal, ce qui cause le bonheur des uns peut très bien être ressenti comme un malheur par les autres et ceci dans une même société, à une même époque, et dans le même système de conditionnement social. Les uns sont heureux lorsque par exemple, ils peuvent exercer le pouvoir, les autres en sont profondément malheureux; les uns sont heureux lorsqu’ils peuvent s’adonner à une sieste permanente, les autres tombent dans le désespoir lorsqu’ils sont privés d’activité et de travail ; les uns sont heureux lorsqu’ils ont en permanence des affaires de cœur alors que pour d’autres c’est une occupation encombrante. Il se trouve même des gens — cela peut sembler paradoxal bien que psychologiquement ce soit vrai — qui pour être en bonne forme doivent nécessairement se sentir malheureux, ou pour le moins avoir des raisons de se plaindre, et qui savent d’ailleurs fort habilement y trouver des raisons. Tout simplement les hommes sont différents, aussi est-il impossible de contenter tout le monde de la même manière. Étant donné que le sentiment du bonheur est toujours individuel et organiquement lié à la structure psychophysique d’un sujet déterminé, toute tentative de régler cette question « en général » à l’aide de définitions générales ou bien — ce qui est pire encore — en décrétant à quel moment et dans quelles circonstances les gens doivent être heureux, est vouée d’avance à l’échec ; et lorsque ces tentatives prennent la forme d’une activité pratique de l’État, elles peuvent véritablement causer le malheur de l’homme.

Ce dernier problème doit faire l’objet d’une attention particulière en société socialiste ; parce que dans cette société, la possibilité d’une action centralisée est plus grande que dans les sociétés d’un autre type ; et aussi parce que dans cette société, les tendances à vouloir décréter dans quelles circonstances les gens doivent être heureux, constituent un danger réel.

Il faut noter que diverses utopies anticommunistes sont précisément édifiées à partir de cette convention : une société qui, aspirant à voir se fondre les intérêts individuels et les intérêts sociaux, cherche à élaborer un modèle de bonheur humain obligatoire pour tous, mène irrémédiablement à la plus horrible des tyrannies étouffant l’individu et à la déshumanisation radicale de la vie. Je citerai, à titre d’exemple, un ouvrage peu connu mais qui est sans doute, dans ce genre littéraire le plus original, celui de Zamiatine Nous. Je ne me réfère pas à ce livre parce que j’en approuve la tendance — peut-être est-ce excès de prudence de ma part que de le souligner, mais un homme prévenu est peut-être mieux protégé par les dieux marxistes également — mais parce qu’il se fonde (tout comme d’ailleurs 1984 d’Orwell) sur une convention qui pousse à la limite du paradoxe certaines tendances relevées dans les idées socialistes ou bien dans la pratique de la société socialiste, et que partant, il nous aide à mieux prendre conscience des dangers latents.

Le sens idéologique du livre de Zamiatine est le suivant : si l’on pousse à l’extrême l’idée de la fusion de l’individu et de la société (Zamiatine remplace ici le postulat marxiste de la fusion des intérêts de l’individu et de la société par le mot d’ordre étranger au marxisme de la fusion de l’individu et de la société, donc de la disparition de la personnalité ; c’est d’ailleurs uniquement sur ce tour de passe-passe que tient sa construction) on est en conséquence, obligé de dénier le droit de l’individu à sa personnalité et à son bonheur individuel. En supprimant la personnalité de l’existence individuelle, l’État impose à tout le monde le même stéréotype de bonheur et oblige tout le monde à l’accepter ; il va, dans le livre de Zamiatine, jusqu’à l’ablation du « centre de l’imagination » du cerveau de tous les citoyens, car ce centre détermine leurs tendances individualistes. Et là l’enfer commence. L’auteur cherche à exprimer l’idée suivante : ne détruisez pas la personnalité de l’individu et ne lui imposez pas votre propre conception du bonheur, car vous ne feriez que déshumaniser l’existence des hommes et les rendre malheureux.

L’auteur a raison. On peut rétorquer, bien entendu, qu’il se crée un faux adversaire, que personne n’envisage rien de tel ; que l’auteur falsifie délibérément le mot d’ordre du marxisme lorsqu’il parle de la fusion de l’individu et de la société en ce sens que la personnalité de l’individu serait éliminée, alors que personne n’en a l’intention. Cette réplique serait fondée. Il n’en reste pas moins quelque chose qui mérite réflexion.

Usant d’une certaine convention littéraire, Zamiatine pousse à l’absurde certaines tendances entrevues et montre ce qui adviendrait si ces tendances se développaient jusqu’au bout. Par la suite, Orwell a fait de même. Bien sûr, on aboutit à quelque chose de grotesque ou de tragi-grotesque, on montre la réalité dans un miroir déformant. Mais il n’en reste pas moins que ce miroir déformant reflète une certaine réalité qu’il faut considérer de plus près.

Bien qu’en montant son utopie anticommuniste, Zamiatine ait avancé des contre-vérités, celles-ci contenaient néanmoins une certaine part de vérité sur laquelle il ne faut pas fermer les yeux. A partir du moment où l’on se met à élaborer des définitions du bonheur et où l’on en tire des normes d’action obligatoire pour les hommes (uniquement pour leur bonheur, bien sûr ! En a-t-on fait des choses au cours de l’histoire pour le bien et le bonheur des hommes !) on risque qu’apparaisse dans le socialisme aussi la volonté de « rendre les hommes heureux » d’office, de les « rendre heureux » de force et conformément au modèle de bonheur établi ; ceci peut être à l’origine du malheur général. Car en réalité c’est une certaine limitation de la liberté des hommes, et toute limitation de la liberté loin d’augmenter les chances de bonheur, les diminue au contraire. Fort heureusement l’expérience permet là aussi de constater que ces tendances sont caractéristiques de la maladie infantile du communisme et vont diminuant au fur et à mesure que se stabilise la vie dans le nouveau système. Il suffit donc, pour conclure ces remarques, d’exprimer un seul postulat : étant donné qu’il n’y a pas un bonheur unique pour tout le monde et que fort heureusement, c’est impossible, il ne faut pas chercher à établir des stéréotypes de vie heureuse pour tous. Le socialisme n’est pas l’adversaire de la personnalité humaine. Bien au contraire. Laissons donc le champ libre à cette personnalité et quant au bonheur, que chacun soit heureux à sa manière et comme il l’entend. Même si, pour l’être, il lui faut un hobby, s’il faut qu’il soit quelque peu excentrique, s’il lui faut être différent des autres. C’est son droit. Et reconnaître cette liberté, qui ne gêne en rien le socialisme, est l’une des conditions à remplir pour que les hommes puissent être effectivement et authentiquement heureux.

Ainsi donc lorsque l’on s’interroge sur la manière de rendre les hommes heureux et que l’on aborde le bonheur sous l’angle de ces caractéristiques positives, on n’aboutit non seulement à aucun résultat positif mais on risque même d’aboutir à des résultats négatifs. Il devient dès lors d’autant plus intéressant d’inverser le problème, de l’envisager sous l’angle de ce qui provoque le malheur des hommes et de ce qui caractérise cet état.

S’il est impossible d’élaborer une définition du bonheur humain qui serait obligatoire pour tout le monde, étant donné le caractère individuel des « états de bonheur », il n’y a par contre aucune difficulté à relever les causes du malheur humain de masse : la faim, la mort, les maladies, la privation de liberté, toutes les formes d’exploitation et d’oppression, etc. Les besoins des hommes sont divers et ils ne se prêtent pas à une codification positive sub specie du bonheur général. La codification négative est par contre possible, aucun homme normal ne peut être heureux s’il n’a pas la possibilité de satisfaire un minimum de besoins et de besoins de ses proches, s’il souffre de la faim, du froid, de la maladie, s’il est menacé de mort par la guerre, s’il est soumis à l’oppression nationale, s’il est privé de liberté sous une forme ou sous une autre, etc.

Ainsi possède-t-on une base réelle permettant d’agir en faveur du bonheur de l’homme : non pas en voulant rendre l’homme heureux, mais en éliminant les causes de malheur qui existent à une échelle massive.

Le caractère combattant de l’humanisme marxien se rattache strictement à cette conception du bonheur : il appelle à une lutte sans merci contre les causes du malheur humain en tant que phénomènes de masse, donc contre ses causes sociales. Et c’est là un objectif réel, il s’agit de créer les possibilités d’une vie heureuse. Aucun système ne peut faire davantage, car nul ne peut garantir le bonheur aux hommes. Il s’agit en effet d’une question individuelle. Même dans des conditions sociales et matérielles idéales, les hommes peuvent se sentir individuellement malheureux, car aucun système n’est en mesure de protéger contre la maladie, la mort d’un être cher, un amour non partagé, un sentiment de frustration à la suite d’échecs essuyés, etc.

Ce n’est d’ailleurs pas de cela qu’il s’agit, non plus que de forcer les gens à être heureux, ni d’exclure toute possibilité de malheurs individuels. Ceci est impossible et irréalisable. Par contre, ce qui est possible et réalisable, c’est l’élimination des causes de malheurs dont les sources résident non dans l’individu, mais en dehors de lui, dans les conditions et les rapports sociaux. L’humanisme marxiste ne promet donc pas un paradis utopique et ne donne pas la clé du bonheur personnel. Il ne garantit même pas qu’à l’avenir n’apparaîtront pas des causes nouvelles, jusque là inconnues, qui à une échelle massive, feront obstacle au bonheur des hommes ; même cela, on ne peut le garantir, bien que l’on puisse rendre hautement probable le fait qu’une société rationnellement organisée sera en mesure de contrecarrer délibérément l’apparition de situations de cette nature. Par contre l’humanisme marxiste appelle à l’abolition des causes sociales du malheur de l’homme. C’est beaucoup et c’est à la base de l’attraction exercée par cet humanisme sur tous ceux qui souffrent des conditions sociales existantes; c’est ce qui détermine son caractère révolté et combattant, car il aspire à réaliser les paroles de Marx que nous avons déjà citées :

La critique de la religion aboutit à cette doctrine, que l’homme est, pour l’homme, l’être suprême. Elle aboutit donc à l’impératif catégorique de renverser toutes les conditions sociales où l’homme est un être abaissé, asservi, abandonné, méprisable […].

Académie des Sciences, Varsovie


(*) Ce texte est le chapitre IV de l’ouvrage d’Adam Schaff « Le marxisme et l’individu » qui paraîtra fin mai aux Éditions Armand Colin. Nous les remercions de nous avoir autorisé à le publier.

1. – K. Marx, Contribution à la Critique de la Philosophie du Droit de Hegel. Œuvres philosophiques, Éd. A. Costes, T. I, p. 96-97 (cf. MEGA, I Abt., Bd. 1, Hbd. 1, p. 614-615).

2. – K. Marx et F. Engels, La Sainte Famille. Avant-propos de septembre 1844. Œuvres philosophiques, Éd. A. Costes, T. II, p. 9 (cf. MEGA, I Abt., Bd. 3, p. 179).

3 – K. Marx, Contribution à la Critique de la Philosophie du Droit de Hegel. Œuvres philosophiques, Éd. A. Costes, T. I, p. 107 (cf. MEGA, I Abt., Bd. 1, Hbd. 1, p. 620-621).

2 réponses sur « Adam Schaff : L’humanisme marxiste »

Très intéressant ce Adam Schaff. Les intellectuels marxistes ont parfois tendance à croire, consciemment ou non, qu’une démarche scientifique exclue toute considération pour la subjectivité. La revue Progressiste (revue scientifique du PCF), par ailleurs très intéressante, est une vraie caricature de ce travers. J’avais été presque choqué dernièrement d’un vaste dossier qu’ils avaient publié concernant l’Afrique (pourtant très intéressant, encore une fois…) : l’approche en était exclusivement techniciste, désincarnée, il s’agissait de résoudre des « problèmes sociaux », mais sans que jamais ne soit évoqué le vécu subjectif des Africains. Dans le même numéro, une recension des discours de XI-Jiping faisait l’apologie du régime chinois actuel. Je ne peux pas m’empêcher de voir un lien de cause à effet entre cette sorte de pudeur maladive vis à vis de la subjectivité et ce soutien au régime chinois. J’apprécie donc beaucoup ce texte d’Adam Schaff en ce qu’il intègre à une réflexion assez rigoureuse des questions qui sont au fond notre raison d’être, de créer et de lutter : l’amour, la haine, le bonheur et le malheur.

Là encore, je te rejoins. Je n’ai pas l’habitude de lire la revue que tu mentionnes mais il faudrait leur faire la remarque directement. on ne sait jamais… Quant à Adam Schaff, il fait partie de ces intellectuels d’Europe orientale qui méritent d’être (re)découverts, en particulier concernant le débat autour de l’humanisme qui fournit de nombreux arguments contre les penchants totalitaires, techniciens ou économistes.

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