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Paul Bénichou : Combat

Article de Paul Bénichou paru dans Masses, n° 2, février 1939, p. 93-94

A relever dans le numéro de novembre de cette revue d’extrême-droite, dont les prétentions à la largeur de vues dissimulent mal le rabâchage des mythes réactionnaires les plus éculés, un article de Th. Maulnier, sur les résultats de la crise internationale de Septembre. L’auteur, ancien collaborateur de l’Insurgé, et qui continue de s’insurger avec la plus grande véhémence contre la possibilité de la révolution européenne, explique avec une louable franchise les raisons de la répugnance des partis de droite à faire la guerre à Allemagne :

« Ces partis, écrit-il, avalent l’impression qu’en cas de guerre, non seulement le désastre serait immense, non seulement une défaite ou une dévastation de la France étaient possibles, mais encore (c’est lui qui souligne) une défaite de l’Allemagne signifierait l’écroulement des systèmes autoritaires qui constituent le principal rempart à la révolution communiste, et peut-être la bolchévisation immédiate de l’Europe. Il est regrettable, poursuit l’auteur, que les hommes et les partis qui en France, avaient cette pensée, ne l’aient pas en général avouée. Car elle n’avait rien d’inavouable. J’estime qu’elle était une des principales raisons, et des plus solides, sinon la plus solide, de ne pas faire la guerre en septembre 1938″. Et l’auteur de l’article revendique le droit de tenir compte de ce qu’il appelle les considérations idéologiques dans l’examen des problèmes internationaux. « L’idéologie », c’est-à-dire la conception que l’on a de la vie et de la société humaine, a les plus grands droits en effet, ce n’est pas nous qui le contredirons là-dessus. Cependant l’idéologie, quand il s’agit de notre auteur, c’est une terreur profonde des transformations révolutionnaires qu’aurait pu engendrer la guerre, et d’abord dans les pays ennemis de la France. D’où justement le refus de les considérer comme ennemis. La solidarité réactionnaire par-dessus tout, telle est à n’en pas douter la loi fondamentale de l’Europe actuelle.

Il est vrai que M. Maulnier, comme tous ses pareils, vieux et jeunes, et pour des raisons trop compréhensibles, serait fâché qu’on pût le convaincre de subordonner trop ouvertement la cause de la France à celle de la contre-révolution. Aussi, demande-t-il ensuite qu’on envisage sans parti-pris l’autre aspect du problème, et que l’on tienne compte du fait que le sort de la France est pratiquement solidaire de celui d’un système politique abhorré ; qu’on le veuille ou non, la France risque d’être battue quand la démocratie recule en Europe. D’où un dilemme dont l’intérêt contre-révolutionnaire et l’intérêt national forment les deux tenues : « Je veux faire la contre-révolution, donc : A bas la guerre contre Hitler ! Je veux faire la grandeur de la France, donc : A bas Munich ! » Cette honnête position du problème se termine toutefois par une escroquerie, lorsque l’auteur prétend « échapper à ce dilemme » en se décidant purement et simplement en faveur du premier terme, c’est-à-dire de la contre-révolution. Car c’est bien le sens de la conclusion entortillée où il réclame pour la France, en guise de solution, « une transformation intérieure qui mette ses institutions, et la philosophie qui la fonde (sic), en accord avec les conditions de sa résistance, de sa vitalité et de sa grandeur nationales ».

C’était bien la peine de simuler tant d’objectivité pour finir par affirmer tout bonnement la prééminence de la contre-révolution sur tout autre intérêt, et bien la peine de feindre tant de franchise pour envelopper ses conclusions du style cantonneux des habituelles motions de l’U. R. D. !

Le danger serait pour nous, en présence d’un semblable état d’esprit de la droite dont l’article en question n’est qu’un échantillon, de nous laisser entraîner à revêtir, comme fait le parti communiste, les vieilles défroques patriotiques que la réaction rejette, de prétendre que le nationalisme est devenu révolutionnaire sous prétexte que ces Messieurs de la droite n’en veulent plus. Puissions bien au contraire dans l’exposé cynique de leurs calculs le moyen de les déjouer. La première réflexion qui s’impose aussitôt, c’est que nous devons tout faire pour que les sacrifices faits par la réaction sur le plan extérieur, en faveur de la contre-révolution lui soient d’un profit nul à l’intérieur. Il faut nous opposer à tout ce qui, sous prétexte de resserrer la communauté nationale, est destiné à restreindre les libertés populaires. Rien à faire pour la fascisation sournoise ou affichée du pays ; rien à faire pour les préludes de la contre-révolution préventive.

En second lieu, et si la guerre éclatait (car rien n’est impossible malgré tout), disons-nous bien qu’elle n’aurait lieu que parce que nos ennemis l’auront finalement cru utile à leurs intérêts. La logique veut donc qu’en pareil cas, nous fassions ce qu’il faut pour que les terreurs attachées dans l’esprit de ces Messieurs à l’hypothèse de la guerre soient confirmées par l’événement.

Bref, en tout état de cause, en guerre comme en paix, nous devons bout subordonner à la révolution comme nos adversaires subordonnent tout à la contre-révolution, et faire en sorte que la transformation révolutionnaire de toute l’Europe vienne résoudre enfin le dilemme véritable, celui de la paix fasciste et de la guerre impérialiste.

P. Bénichou

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