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Mouvement National Algérien : Bulletin d’information (janvier 1962)

Mouvement National Algérien, Bulletin d’information, janvier 1962, 4 pages


POUR LA PAIX ET LA DEMOCRATIE EN ALGERIE

Le communiqué qu’on lira ci-dessous a été passé sous silence par là quasi-majorité de la presse parisienne du matin et du soir.

Pourquoi ? Il y aurait deux raisons à cela, si toutefois on peut parler de la raison dans un monde où ne comptent que les intérêts et la monnaie sonnante et trébuchante.

1°) Le lobby-F.L.N. qui contrôle une partie importante de la presse n’aime guère entendre parler du M.N.A. ; 2°) il y a le vaudeville de Mohammadia plus ou moins en panne et que d’aucuns voudraient voir réussir.

En vérité, on ne sait pas exactement ce qui se passe à Mohammadia pas plus qu’ailleurs. Le communiqué du M.N.A., lui, déclare qu’au lieu de limiter les négociations à deux et de les entourer de ce grand mystère et de cette douche écossaise, il serait mieux de tenir une conférence de la Table Ronde publique sans préalable ni exclusive. Cela ne plaît naturellement pas au brain-trust F.L.N. qui maintient le silence sur les activités du M.N.A.

Mais qu’importe, la démocratie continuera sa marche envers et contre tout.


MOUVEMENT NATIONAL
ALGERIEN

COMMUNIQUE

Le BUREAU POLITIQUE du M.N.A. s’est réuni les 16 et 17 Janvier 1962 pour examiner la situation en Algérie et l’évolution du problème algérien. Il constate que la situation en Algérie s’aggrave de jour en jour et installe le pays dans la guerre civile qui peut s’étendre à tout le Maghreb et à la France. Les causes de cette tragédie — dont les Algériens font les frais – sont nombreuses et parmi lesquelles le mystère qui entoure les contacts secrets, et l’annonce à chaque instant de la réussite ou de l’échec de ceux-ci. Le peuple algérien est tenu en haleine et soumis à la douche écossaise durant de longs mois. Chaque jour, on annonce la reprise des négociations ou la proclamation du cessez-le-feu qui sont suivies de démentis.

Le M.N.A. déclare qu’on ne peut mieux faire pour jeter les masses algériennes dans le désespoir, l’incertitude et la haine. Il proteste contre une telle situation, demande qu’on y mette fin et qu’on aborde franchement et publiquement de véritables négociations sans préalable ni exclusive pour examiner en plein jour les véritables aspects du problème algérien en vue d’aboutir au cessez-le-feu et à la paix.

Le M.N.A. condamne le système des négociations à deux qui est contraire aux principes démocratiques et qui, déjà, soulève un profond mécontentement au sein du peuple algérien. Une telle méthode est susceptible de créer des troubles et de compromettre la stabilité politique qui est indispensable à notre pays au moment où celui-ci va passer de la période militaire à la période politique.

Le M.N.A. qui représente un secteur important du peuple algérien et qui lutte depuis quarante ans pour l’indépendance de l’Algérie doit assister aux négociations pour défendre les intérêts de notre peuple au moment où se joue le destin de notre pays.

Le M.N.A. flétrit l’attitude de tous ceux qui choisissent le moment des négociations pour soulever le problème du Sahara et des rectifications de frontières alors que le peuple algérien est engagé dans une révolution voici plus de sept ans.

A ce sujet, le M.N.A. déclare que nul n’a le droit de conclure des accords, faire des promesses ou des concessions. Ces revendications territoriales sont non seulement inamicales mais encore contraires à l’esprit maghrébin que d’aucuns affichent à chaque instant. Cette situation est une raison de plus pour que les Algériens fassent leur union et montent la garde autour de leur Révolution.

L’UNITE de notre peuple, la COOPERATION entre le peuple français et le peuple algérien supposent une conférence de la Table Ronde sans préalable ni exclusive et l’application du principe de l’autodétermination comme règlement général du problème algérien.

Le 18 Janvier 1962.


LES DETENUS POLITIQUES ALGERIENS SONT MENACES DE MORT

Le conflit franco-algérien se développe de jour en jour et connaît de nouvelles aggravations. L’entrée en scène de l’O.A.S. vient de compliquer la situation en ce sens que les Algériens ont affaire non seulement à la répression colonialiste mais encore à celle des ultras-fascistes qui veulent, coûte que coûte, maintenir leurs privilèges économiques et leur suprématie politique.

En effet, plus personne n’est en sécurité en Algérie. Femmes, enfants, vieillards sont exposés à plusieurs répressions. Les détenus politiques algériens qui remplissent les prisons et les camps ne sont guère à l’abri. Ces derniers sont arrachés des prisons par des commandos ultra-fascistes. C’est ce qui vient de se produire à Oran où un commando, déguisé en gendarmes et muni de tous les papiers officiels, a extrait quatre Algériens dont on est resté sans nouvelles voici plusieurs jours.

Comment peut-on, aujourd’hui, protéger la vie des condamnés à mort qui se chiffrent par plusieurs dizaines ainsi que les autres détenus ?

Cette angoissante et déchirante situation a soulevé une profonde indignation chez le peuple algérien. En France, les démocrates ont réagi contre cette nouvelle aggravation du sort des détenus politiques algériens.

Que faire alors ?

Il ne reste qu’une seule chose. C’est de transférer en France les condamnés à mort, d’assurer la garde des bastilles algériennes par les soldats du contingent et de mettre fin à la guerre d’Algérie par l’ouverture d’une conférence de la Table Ronde sans préalable ni exclusive. Car les contacts secrets et les négociations genre Melun, Évian et Lugrin n’ont fait qu’accentuer le malaise.


CHASSE A L’ARABE

Depuis le commencement de l’insurrection, les Algériens musulmans sont soumis à plusieurs genres de répression.

Le Code de l’Indigénat qui a été un ensemble de décrets, de circulaires et de lois d’exception, n’a jamais disparu. Bien au contraire, il est resté vivant dans la pratique des mœurs colonialistes et même de certains démocrates qui ont eu à gouverner l’Algérie.

C’est cela d’ailleurs le système de deux poids et deux mesures en pratique actuellement dans la répression en Algérie. D’ailleurs, il suffit d’écouter la radio ou de lire son journal pour se rendre compte que la chasse à l’arabe est malheureusement une réalité que la presse ne peut plus dissimuler. Celle-ci a cours en particulier dans les grandes villes où il y a actuellement des affrontements entre Algériens et Européens. Cela ne veut pas dire que le reste de l’Algérie est à l’abri de toute répression et de toute injustice.

Dans le bled, comme disait autrefois l’Émir KHALED, petit-fils de l’Émir ABDELKADER c’est la loi du sabre, de la commune mixte et des gardes-chiourmes. Il y a, qu’on le veuille ou non, dans les agissements du service d’ordre une attitude imprégnée de discrimination raciale. Outre cette attitude, il y a également le plastic, le pistolet-mitrailleur, le revolver et le poignard.

A Oran, c’est le western et Chicago. Dans cette ville, les ultra-fascistes s’acharnent avec plus de vigueur encore sur les Algériens musulmans, tandis que le service d’ordre est absent. Quand il s’agit des Musulmans qui réagissent pour se défendre, alors, le service d’ordre est toujours présent et ne manque aucune occasion pour sévir avec la plus grande vigueur. Et si, parfois, les Algériens musulmans tentent d’échapper à cette répression, ils sont abattus à bout portant pour soi-disant n’avoir pas répondu aux sommations d’usage.

Ainsi donc, il y a partout les deux poids et les deux mesures et le racisme qui se manifestent à chaque instant. Dans tous ces massacres, le service d’ordre brille par son absence pour ne pas dire sa complicité.

Ainsi, la chasse à l’arabe se déroule au vu et au su de tout le monde. Pour justifier une telle situation, on se contente de dire qu’un crime en appelle un autre. Il est vrai que nous sommes en présence d’un cercle infernal auquel il faut mettre fin avant qu’il ne soit trop tard.

Le M.N.A. condamne cette tragique situation et fait appel à tous les Algériens pour penser à l’avenir. Au lieu de tuer, de plastiquer et d’exécuter des détenus et des hommes déjà affreusement torturés, la minorité européenne devrait exiger, avec le M.N.A., la fin de ce conflit, l’ouverture d’une conférence de la Table Ronde sans préalable ni exclusive pour préparer le cessez-le-feu, la paix et l’avenir algérien.

C’est là la voie d’une cohabitation fraternelle et harmonieuse et d’une coopération franche et loyale entre nos deux peuples libres et amis.

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