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Le M.N.A. doit participer aux négociations

Article paru dans La Voix du Peuple, février 1962, p. 1 et 4

Charles de Gaulle : discours du 5 février 1962

Au moment où nous écrivons ces lignes, la guerre civile avec ses horreurs s’installe tous les jours davantage en Algérie. Les lynchages, les ratonnades, les incendies sont déjà dépassés. On tue, on détruit tandis qu’une crise économique paralyse les grandes villes du pays.

Tandis que cette tragédie de sang et d’incendie se développe en Algérie et fait son apparition en France, on continue par ailleurs, à commenter sans cesse les rumeurs à propos des entretiens secrets franco-F.L.N.

L’année 1961 a été complètement dominée par les contacts secrets et les négociations d’Evian et de Lugrin. D’autre part, le Chef de l’Etat français avait déclaré que l’année 1961 serait l’année de la paix en Algérie. Ainsi, les 365 jours de l’année écoulée ont été entièrement consacrés aux contacts secrets et aux négociations au cours desquels on a soufflé le chaud et le froid pour entretenir l’opinion. Ce fut, il faut le souligner, une véritable douche écossaise.

La presse inspirée entretenait cette flamme tandis que, par ailleurs, on cherchait des éléments susceptibles de constituer la fameuse 3ème force. Au passage on se rappellera qu’on tenta d’entraîner le M.N.A. dans cette voie en essayant de le noyauter et de le basculer dans le sillage des officines colonialistes. Le M.N.A. rejeta avec mépris une telle politique et refusa d’être un instrument et une roue de secours pour le colonialisme français. De plus, il exclut de ses rangs tous les éléments qui avaient été soudoyés en renforçant ses organismes dirigeants. Cette attitude, rappelons-le, lui a valu une grande sympathie et a soulevé l’admiration même de ses adversaires politiques.

Après la déception pour les résultats négatifs de l’année dernière, voici qu’on recommence maintenant à procéder presque de la même façon à propos de ces interminables contacts secrets qui, disait-on, devaient se terminer par un protocole d’accord politique.

Nous sommes déjà en février de la nouvelle année et rien de précis n’est encore survenu. Mais pour remplir ce vide le Président de la République française vient de prononcer un nouveau discours.

Bien que le ministre d’Etat, M. TERRENOIRE, ait déclaré qu’il ne fallait s’attendre à rien d’exceptionnel à propos de ce discours du général de GAULLE, les observateurs politiques et les correspondants de journaux étrangers attendaient avec curiosité cette allocution présidentielle. Les uns déclaraient que le Président de la République annoncerait un cessez-le-feu, les autres précisaient qu’il serait question plutôt d’un protocole d’accord politique. Comme à son habitude, le général de Gaulle s’est contenté de faire un tour d’horizon. Mais certains correspondants, jouant aux plus informés, avancent que le F.L.N. a fait des concessions importantes ayant trait aux garanties légitimes de la minorité française et aux intérêts légitimes de la France. Sur celles-ci, chacun brode à sa manière et y voit que les accords sur le Sahara, Mers-El-Kebir, les bases militaires et les voies de communications sont déjà des problèmes résolus. En contrepartie, le F.L.N. aurait obtenu certaines garanties.

Quelle peut être la nature de celles-ci ? Il est très difficile dans ce tohu-bohu de les préciser. Il est vrai qu’on a vu ces derniers temps le F.L.N. osciller entre des exigences et des concessions. Cette manière de procéder est pour le moins obscure et inquiétante. C’est peut-être pour cela que ces palabres sont tenues secrètes jusqu’au jour où il faut les rendre publiques et les soumettre au peuple algérien par voie de référendum.

Le M.N.A. qui a été le premier à faire des propositions concrètes pour arriver à mettre fin au conflit franco-algérien conformément aux principes de l’auto-détermination et de la liberté aux peuples à disposer d’eux-mêmes, dénonce de telles tractations contraires à la démocratie.

Bien que toutes ces tentatives en faveur de la paix nous réjouissent, on ne peut approuver de telles méthodes. Aussi, le M.N.A. déclare que nul n’a le droit d’hypothéquer l’avenir de notre pays ni de porter atteinte aux objectifs sacrés de la Révolution Algérienne. Donc, qu’on finisse avec les palabres secrètes et qu’on aborde franchement, publiquement et loyalement de véritables négociations sans préalable ni exclusive.

Qui est à l’origine de l’élimination du M.N.A. des pourparlers de Melun, d’Evian et de Lugrin ? Le F.L.N. ? Cela n’étonne plus personne. Mais qui a sacrifié le M.N.A. ? Le gouvernement français. D’ailleurs nous l’avons vu à Evian quand M. JOXE est revenu sur son discours d’Oran dans lequel il avait affirmé qu’il négociera avec le M.N.A. comme il négociera avec le F.L.N.

Sans aucun doute, ce sacrifice est à la base d’un marchandage ; en d’autres termes, il y a eu du donnant donnant. Si le gouvernement français a sacrifié le M.N.A. sur le tapis vert des négociations et des contacts secrets, c’est qu’il a eu en contre-partie des concessions de la part du F.L.N. Celles-ci ont été faites sans nul doute sur le dos du M.N.A. et au détriment des intérêts du peuple algérien. Ce sacrifice aura sans aucun doute des conséquences extrêmement graves sur la stabilité politique en Algérie, en Afrique du Nord et sur le continent africain. En agissant ainsi, le gouvernement ne fait que préparer des tempêtes et de mauvais lendemains.

En tout cas, le M.N.A. continuera à exiger sa place à toutes les négociations. C’est là non seulement son droit et son devoir mais encore il y a des maquis qui se réclament de lui et qui ont donné délégation de pouvoir au Chef National MESSALI HADJ pour examiner avec le gouvernement français les possibilités de paix sur la base de l’autodétermination. Cette délégation de pouvoirs datée du 9 novembre 1959, c’est-à-dire trois mois après le discours du général de GAULLE le 16 septembre, a été réitérée plusieurs fois. La présence du M.N.A. au cessez-le-feu s’avère donc indispensable.

Limiter les négociations à un seul interlocuteur, c’est non seulement violer le principe de l’autodétermination qui doit, qu’on le veuille ou non, présider au règlement de la solution du problème algérien, mais c’est encore installer un parti unique en Algérie, instaurer en même temps une dictature et compromettre à jamais la cohabitation entre tous les Algériens et la coopération elle-même.

Aussi, l’ouverture des négociations sans préalable ni exclusive s’impose plus que jamais. Nul plus que le M.N.A. ne saura défendre ses intérêts et sa politique qui se confondent avec ceux du peuple algérien.

La Révolution Algérienne pas plus que les négociations ne peuvent être le monopole d’un parti ou d’un homme. La Révolution Algérienne est une œuvre continue du MOUVEMENT NATIONAL ALGERIEN et de plusieurs générations. Les derniers pèlerins qui ont rejoint celle-ci par calcul, par intérêt et par peur, ne peuvent, en aucun cas, éclipser ou écarter les artisans de cette révolution. Ceux qui, précisément, sont à l’origine du MOUVEMENT NATIONAL ALGERIEN et qui restent sur la brèche de ce combat voici maintenant 40 ans, ont le droit d’assister aux négociations pour défendre avec le même désintéressement que par le passé les intérêts de notre peuple.

Telle est la voie de la paix, de la cohabitation harmonieuse et fraternelle entre tous les Algériens sans distinction de race et de religion et de la coopération entre le peuple français et le peuple algérien dans le respect et la souveraineté de chacun.

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