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De l’abstention à l’alternative révolutionnaire

Texte paru dans Lutter, n° 5, mars-avril-mai 1978, p. 4-5

La gauche battue largement, le « programme commun » en déroute, une droite stabilisée, telles sont les premières constatations qui ont suivi les législatives de mars 1978. L’OCA qui a appelé à l’abstention révolutionnaire et contribué à l’élaboration de la plate-forme « Pour une alternative révolutionnaire » s’explique : Pourquoi avons nous suivi cette démarche :

– Premièrement, parce qu’en tant que révolutionnaires, et libertaires il était nécessaire de réagir face à la mascarade électorale, face aux illusions des élections, à ces illusions reprises même par une partie de l’extrême-gauche.

C’est parce que nous n’avons rien attendu des élections, parce que nous avons refusé l’attentisme et le bradage des luttes, parce que nous n’avons pas fait confiance aux programmes de la gauche du capital, que nous avons voulu proposer, une analyse, une volonté, des orientations au sein du mouvement ouvrier, sans concession à l’électoralisme bourgeois, à la démagogie, au réformisme traitre aux intérêts de la classe des travailleurs.

– Deuxièmement, nous affirmons que les élections ne correspondent jamais historiquement, à une avancée des travailleurs.

Hier, ce sont les luttes des travailleurs qui ont permis cette avancée, aujourd’hui, c’est aux travailleurs d’imposer dans les luttes, par les luttes, leurs revendications et leurs projets. Notre position vis-à-vis de ces élections a été l’abstention révolutionnaire. Nous refusons d’élire des députés incontrôlables sur un programme de collaboration de classe.

Nous refusons de créditer la dynamique réformiste qui veut des députés pour agir au nom des travailleurs tout en canalisant leurs luttes. Nous refusons les solutions politiques imposées aux travailleurs par les réformistes.

– Troisièmement, et c’est parce que nous voulons vraiment battre la bourgeoisie qu’il nous semble important de dire et de redire que ce rapport de forces, se construit ailleurs que dans les urnes. Il se· construit dans les entreprises, dans les quartiers, dans les luttes unifiées et offensives que les travailleurs se doivent d’engager. Il se construit par le pouvoir à la base, par le pouvoir aux travailleurs dans leurs luttes.

– Quatrièmement, nous avons rencontré les camarades de Combat Communiste et du collectif UTCL qui partageaient les mêmes préoccupations. Nous avons décidé d’en débattre ensemble, nous avons ainsi commencé un travail unitaire, que nous espérons voir s’affirmer à terme, malgré les orientations, les options différentes de nos organisations respectives. Ce travail uni taire qui a permis un meeting commun doit permettre demain un renforcement de nos positions contre les bureaucraties et contre le patronat.

Il n’a jamais été question pour nous de renier les élections bourgeoises seulement à partir de positions de principes ou de les rejeter au nom des options finales du prolétariat. Ce qu’il faut c’est dénoncer, critiquer voire boycotter les élections à partir et en fonction des revendications concrètes exprimées par l’ensemble des travailleurs dans leurs luttes. Ce n’est que dans ce cadre que nous pouvons intervenir en tant que travailleurs révolutionnaires en suscitant d’autres revendications plus larges, mais aussi et surtout en proposant d’autres modalités de lutte, de l’AG souveraine à la grève générale en passant par l’action directe, et parfois par la remise en question du contenu du travail. SEULE LA PRATIQUE GÉNÉRALISÉE DE CES MOYENS DE LUTTE PEUT PERMETTRE AUX TRAVAILLEURS D’EN FINIR AVEC LES ÉCHECS SUCCESSIFS AUXQUELS LES A CONDAMNÉS LA RÉPRESSION DE LA BOURGEOISIE SOUS LE PRÉTEXTE DE LA CRISE, AUXQUELS LES A CONDAMNÉS LES BUREAUCRATIES SYNDICALES ET POLITIQUES, DANS LA PERSPECTIVE ÉLECTORALE, EN LEUR IMPOSANT L’ IMMOBILISME POUR UNE SOIT DISANT VICTOIRE QUI AUJOURD’HUI S’EST TRANSFORMÉE EN ÉCHEC CUISANT.

C’est en ce sens que nous avons participé à l’élaboration de la plate-forme « Pour une alternative révolutionnaire ». Il s’agit pour nous non seulement d’une démarche unitaire, avec les camarades communistes révolutionnaire, mais aussi unifiante, visant l’ensemble des travailleurs voulant se donner des moyens pour faire aboutir leur lutte. Ceci nous parait être la seule alternative révolutionnaire à la démarche électoraliste qui malheureusement a été aussi celle de soit disant révolutionnaires. C’est en s’opposant aux calculs politiques, c’est en s’opposant aux promesses démagogiques, c’est en donnant aux travailleurs les moyens de classe forts, que nous pourrons imposer nos revendications. Au-delà du délire démagogique, spectaculaire, le rapport de force électoral est un aspect de la lutte des classes qui pourtant n’est ni décisif ni forcément significatif ; qui plus est, il est fragile et surtout réversible, la défaite de la gauche en est le parfait exemple. L’enjeu majeur des élections est de faire régresser, de mystifier et donc de se substituer à la lutte de classe. Seul le développement radical de la lutte de classe, seul sa prise en charge par ceux qui sont directement intéressés, les travailleurs, peut déboucher sur un véritable changement, peut réaliser un projet de société radicalement différent.

Les travailleurs révolutionnaires sont intervenus pendant les élections : afin de désamorcer les mécanismes et les dispositifs mis en place par l’appareil d’état politique bourgeois qui crée l’illusion de choix, de démocratie, de liberté.

Aujourd’hui les travailleurs révolutionnaires se doivent de montrer que le projet prolétarien doit refuser toute médiation institutionnelle bourgeoise, qu’il s’agisse du système politique en place aujourd’hui ou des partis qui veulent en prendre les rennes demain.

Si la gauche avait gagné, même si dans un premier temps, les travailleurs auraient bénéficié d’un certain nombre d’avantages, à moyen terme, il serait agit d’une accélération du processus d’intégration de la classe ouvrière, nécessaire au système capitaliste dans son développement actuel.

Intégration aujourd’hui, cela veut dire DOMlNATION DEMAIN. Les promoteurs et les agents de ce processus qu’il s’agisse des réformistes libéraux sociaux démocrates ou des réformistes autoritaires sont toujours les bénéficiaires d’un tel changement. Nous militants de l’Organisation Combat Anarchiste, considérons essentiel de s’opposer à la politique d’intégration du capital, non pas seulement dans des moments apparemment décisif comme les élections mais surtout dans nos luttes de tous les jours. Le résultat d’un tel combat sera la conquête de l’autonomie de classe CONDITION DE L’AFFIRMATION ponctuelle et globale de la lutte des travailleurs contre le patronat et son État.

C’est de notre capacité de mener à bien un tel combat que dépend la capacité des travailleurs de s’opposer aux nouvelles formes d’exploitation mises en place par le capitalisme.

En dénonçant la démocratie bourgeoise, nous affirmons la possibilité et la nécessité de la démocratie directe dont le point de départ et le rempart le plus sur est la DÉMOCRATIE OUVRIERE. C’est au niveau de la production que se manifeste le plus clairement et le plus durablement les relations d’exploitation ; ce n’est donc qu’un bouleversement révolutionnaire débouchant sur le changement des rapports de production qui pourra entrainer la transformation globale des rapports sociaux. La démocratie directe ne peut remplacer la démocratie bourgeoise qu’à travers la démocratie ouvrière. C’est pourquoi le combat pour la démocratie directe passe non seulement par l’anti-électoralisme et la dénonciation de la démocratie bourgeoise, mais aussi par la mise en place lors des luttes de procédés véritablement démocratiques impliquant un système non pas de délégation de pouvoir mais de mandats révocables à tout instant par l’assemblée générale. Il s’agit là aussi bien d’un principe qui contribue à faire aboutir en faveur de l’assemblée des travailleurs, les conflits ponctuels contre la bourgeoisie, que d’une garantie contre toute main-mise par la bureaucratie sur notre combat. Les mandatés révocables à tout moment, sont donc un embryon précieux pour la démocratie directe qui régira le communisme libertaire.

C’est par rapport à cela, c’est pour pouvoir s’opposer à ceux, qui, soit par souci d’efficacité, soit par volonté dirigiste, luttent dans le mouvement social contre la démocratie directe, que nous travailleurs libertaires nous nous organisons spécifiquement.

Les millions de travailleurs qui ont voté à gauche ont cru pouvoir arrêter l’engrenage qui fait qu’ils sont les premiers à payer les conséquences de la crise du capitalisme, à payer la gestion de la crise par Giscard-Barre :
– le chômage, ce sont les travailleurs qui en font les frais !
– l’inflation, ce sont les travailleurs qui l’encaissent !
– la baisse du pouvoir d’achat, ce sont toujours les travailleurs qui en subissent les conséquences !

Nous ne voulons plus subir ce gouvernement anti-ouvrier, voilà ce qu’ont voulu dire les millions de bulletins de vote, pour la gauche, dans les urnes de la bourgeoisie… Mais il faut être clair camarades, il ne faut pas se laisser mystifier par le piège réformiste ; NON, ce n’aurait pas été tout rouge si la gauche avait passé. NON nous ne faisons aucune confiance à la gauche ! NON nous n’avons pas voté pour élire des députés qui sont de fait, incontrôlables et incontrôlés, fussent-ils de gauche, fussent-ils d’extrême-gauche. Nous avons appelé à l’ABSTENTION RÉVOLUTIONNAIRE parce que nous n’accordons pas le moindre crédit à la démocratie bourgeoise, parce que dans nos luttes à la base, nous voyons chaque jour que la seule démocratie qui serve véritablement les intérêts des travailleurs c’est la DÉMOCRATIE DIRECTE.

Aujourd’hui nous devons pouvoir enterrer la pseudo-victoire de la bourgeoisie, par les orientations révolutionnaires que nous saurons donner aux luttes de tous les travailleurs, par la démocratie directe que nous impulserons partout sous la forme des assemblées générales souveraines.

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