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Les syndicats aux U.S.A.

Article paru dans Informations Correspondance Ouvrières, n° 58, mars 1967, p. 20-25

L’évolution vers le capitalisme d’état, forme ultime de la concentration capitaliste, est le trait dominant des sociétés industrielles qui tendent à s’industrialiser.

Là où, pour diverses raisons, une société d’exploitation confrontée à sa propre évolution se trouve en crise, se développe souvent une société totalitaire. Parti unique, syndicat unique constituent l’ossature d’un appareil de domination sur les travailleurs, soit direct, soit indirect (comités ou conseils ouvriers préfabriqués). Il est bien évident, dans ce cas, que le syndicat tire tout son pouvoir de l’Etat, notamment ses subsides, même si ceux-ci ne sont qu’un impôt de plus prélevé obligatoirement sur la paie des travailleurs, à défaut de subventions diverses plus directes. Il est tout aussi évident que le syndicat est une sorte d’administration au service de la classe dominante.

Dans la branche occidentale du capitalisme, les choses ne paraissent pas si nettes, à première vue tout au moins. Les syndicats, unifiés ou multiples, tentent de garder une façade mystificatrice, tout au moins en période calme. C’est nécessaire pour qu’ils puissent assumer efficacement leur fonction de « régulateurs » dans la société d’exploitation. Mais en période de crise (guerre, crise politique ou économique), sous des vocables divers, c’est une forme « dure » de domination directe proche de celle des sociétés totalitaires qui prévaut sur la forme plus souple.

Les conflits économiques entre capitalisme « libre » et capitalisme d’état qui divisent les sociétés capitalistes divisent aussi les syndicats et souvent même un syndicat (par exemple FO et la CFTC-CFDT). Ces « options » recoupent, tout comme pour les partis politiques, des liens divers avec tel ou tel secteur d’activité et se relient naturellement à des options internationales. Dès avant 1914, ces tendances se faisaient jour. Ce n’est pas la fonction du syndicat qui est en cause mais la manière de l’exercer : Après la guerre de 1914 les liens internationaux se précisent, à la mesure du développement et des rivalités économiques, chacun se tournant vers les modèles qui lui paraissent les plus propres à résoudre les problèmes qu’il affronte pratiquement : sur ce plan, syndicats « libres », chrétiens, staliniens, prochinois, etc… n’ont rien à s’envier dans la défense « idéologique » d’un capitalisme français et étranger.

Le soutien financier qu’un syndicat peut recevoir hors ses cotisations syndicales paraît tout-à-fait normal dans cette perspective. Les subventions de l’Etat, ou d’un autre Etat ou d’un groupe politique ou économique peuvent lui venir d’une manière directe ou indirecte, depuis les subventions pour Bourse du Travail ou formation syndicale… jusqu’aux fonds secrets en période de guerre. C’est de bonne guerre entre groupes rivaux de s’accuser d’être « à la solde de ». Mais cela n’a pas d’autre sens que d’illustrer la fonction syndicale dans les sociétés capitalistes.

Les « révélations » sur le financement par la C.I.A. (Agence Centrale de Renseignements – service d’espionnage américain) d’organisations syndicales – dont le syndicat ouvrier unique AFL-CIO et le syndicat d’étudiants n’ont rien d’extraordinaire : c’était évident depuis plus de 29 ans dans le monde occidental. Simplement on peut glaner quelques précisions édifiantes :

Pour les étudiants :

« La C.I.A. dispensait du service militaire les dirigeants de l’Association Nationale des étudiants… La C.I.A. avait versé des millions de dollars au Conseil de la jeunesse américaine… et surtout à l’Assemblée Mondiale de la Jeunesse… La C.I.A. les subventionnait depuis plus de 10 ans. L’argent ne leur était pas versé directement mais par l’intermédiaire d’organisations servant de façade à la C.I.A… Par an le chiffre était de 200.000 dollars (1 million de francs nouveaux) il y a quelques années, et il avait baissé progressivement jusqu’à 50.000 dollars (250.000 Fr) l’année dernière… » (Le Monde 14-15 Février 67) … quelque 3 millions de dollars depuis 1953 (15 millions de francs – 1 milliard et demie d’anciens francs).

Pour les syndicats :

« L’infiltration du C.I.A. dans la centrale syndicale AFL-CIO est une bien plus grosse affaire que la révélation des subsides fournis par la C.I.A. à des associations estudiantines » (déclaration de Victor Reuther – bonze syndical du syndicat de l’automobile – U.A.W.)

« un cas sensationnel d’intervention discrète de la C.I.A. dans une élection au sein d’un syndicat affilié à l’AFL-CIO. Après que le candidat de la C.I.A. eut remporté l’élection, le personnel et le budget du syndicat ont augmenté, et ses activités internationales se sont subitement accrues en Amérique latine et au Moyen Orient ».

Gageons que dans tout cela, on ne parlera guère ici de Force Ouvrière et soulignons encore que ce n’est pour nous qu’un exemple parmi d’autres touchant d’autres syndicats et d’autres états.

Plus intéressante nous paraît la « crise » présente du syndicalisme américain et la démission de Walter Reuther, président du syndicat de l’automobile U.A.W., du comité directeur de l’AFL-CIO. Cela rejoint le conflit – capitalisme libre, capitalisme d’état – syndicalisme libre, syndicalisme d’état ; certains y trouveront un « renouveau du syndicalisme américain » en présentant Reuther comme un novateur aux « idées sociales avancées et hardies » (Maurice Lime – La Révolution Prolétarienne – n° 524). Beaucoup plus juste nous paraît cet extrait du Monde qui situe Reuther comme un type autoritaire, ne supportant pas la moindre opposition, le modèle même du bonze syndical, et qui définit ainsi le mouvement syndical américain :

« La crise touche la nature même du syndicalisme aux Etats-Unis, lequel a abandonné toute:fonction de contestation. Le « big labor » rencontre le « big business » pour discuter d’égal à égal ; tous deux parlent le même langage. Que cette fonction d’intermédiaire puisse être remplie par d’autres voies, comme cela est souvent le cas dans le secteur tertiaire, et le syndicalisme perd tout son attrait, sa raison d’être, surtout s’il répugne, en dépit de motions officielles, à élargir le champ de ses activités. Quelles foules seraient soulevées par cette profession de foi de George Meany : « A parler franc, nous autres syndicalistes américains aimons le système capitaliste. Nous entendons bien, naturellement, le préserver dans nos offerts visant à améliorer le niveau de vie des travailleurs en améliorant le système lui-même. Mais nous n’entendons pas l’abandonner pour des chimères ou quelque fantaisie idéologique concoctée par ceux qui ne comprennent pas les besoins et les aspirations réels des travailleurs ».

« Walter Reuther se garde bien d’attaquer le président de l’AFL-CIO sur ces principes. Il réserve ses flèches aux applications qui en sont faites… »

Les deux critiques de livres sur le syndicalisme américain permettent de mieux situer celui-ci que ces brefs rappels de l’actualité.

Reste à savoir pourquoi tous ces faits viennent au jour maintenant, car il ne s’agit aucunement de faits nouveaux. La guerre au Viet-Nam doit rencontrer une opposition au sein de fractions importantes du capitalisme américain, celles-là mêmes dont les profits se trouvent menacés par la réduction de certains crédits (course à l’espace) ou les ponctions sur les revenus (automobiles par exemple) ; aussi peut-être la perspective de l’ouverture des marchés de l’Est qui ne peut se faire qu’avec la fin de la guerre. Péripétie propre au capitalisme américain et de quelle dimension ? Cela expliquerait à la fois l’attaque contre un anticommunisme qui n’est plus payant et le fait que Reuther, syndicaliste de l’automobile (donc de la consommation intérieure ou des exportations) soit l’homme momentané de cette situation.


Les Syndicats américains dans un tournant – Maurice Lime (Editions syndicalistes)

Syndicalisme en péril ? La leçon américaine – B. J. Widick (Les Editions Ouvrières)

Deux titres qui suggèrent que les syndicats américains seraient entrés dans une période critique. Nous pensons qu’il s’agit simplement d’une phase d’adaptation. Déjà intégrés au régime d’exploitation, les syndicats américains sont en retard de quelques années sur l’évolution de celui-ci vers un développement plus poussé du capitalisme d’Etat. Certains, par exemple, restent attachés à le notion de libre entreprise et aux accords bilatéraux patronat-syndicats, alors que les leaders d’autres syndicats acceptent volontiers l’emprise de l’Etat qui s’efforce de transformer ses prérogatives d’ arbitre en une tutelle absolue.

Bureaucratisés et hiérarchisés à l’extrême, les syndicats américains sont devenus les fiefs de dirigeants qui perçoivent des « salaires » analogues à ceux des directeurs des plus grandes firmes industrielles, et gèrent des capitaux également comparables à ceux des plus grandes entreprises financières. Le « syndicalisme » est leur affaire comme la production de bagnoles et le profit qui en résulte est l’affaire des grands patrons.

Oser parler de syndicalisme dans le vieux sens du terme à propos des syndicats américains est une odieuse mystification ou, pour le moins, participe d’une douce illusion dans leur redressement.

La prose de Maurice Lime s’apparente à la première catégorie. Elle rappelle celle de Mercier dans sa brochure « Le Syndicalisme libertaire » qui n’était qu’une réclame pour les syndicats et le monde dits « libres » (mêmes Ed. Syndicalistes). Quand on pense que ces auteurs se disent syndicalistes révolutionnaires !

Le livre de Widick, de beaucoup plus solide par sa partie critique, s’apparente, lui, à l’illusionnisme dans sa courte conclusion : le retour au syndicalisme.

Ainsi donc, deux livres. L’un honnête, celui de Widick, qui dénonce les tares des syndicats américains = bureaucratie, pourriture, affairisme, gangstérisme, pour en définitive espérer un redressement. L’autre, de Maurice Lime, qui ironise sur les conclusions de l’enquête sénatoriale dirigée par Robert Kennedy et, tout en reconnaissant les tares dénoncées par Widick, les minimise, exalte même les durs de durs que sont les chefs syndicaux, et nous baratine sur le rôle « civilisateur » des syndicats américains. Ceux qui liront ce petit livre décèleront aisément toutes les contradictions qui y fourmillent, car il n’est tout de même pas aisé de jongler avec les faits et de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Maurice Lime fait notamment appel à quelques procédés démagogiques pour faire avaler ses couleuvres.

Par exemple, les chefs syndicaux américains sont ou des « supermen », ou de « grands caïds » (p. 44) ou même de « grands caïds de la sociale », ou des « lutteurs idéalistes » (p. 46), ou « Hoffa, ce Cartouche syndicaliste » (p. 72), ou des « enfants bagarreurs des quartiers pauvres qui s’étaient élevés par leur action syndicale et par des pressions plus ou moins en accord avec la légalité officielle à la puissance d’hommes d’Etat » (p. 7).

Pour ne parler que du passé, nous avons eu, en France, des types de cette espèce, les Jouhaux, Thorez, Doriot, etc… Des durs aussi, mais des enfants de chœur à côté des John Lewis ou James Hoffa – « L’exubérante vitalité » (M. Lime cite P. Waline) de ce genre de gangsters ne nous a jamais éblouis.

Autre procédé démagogique = chaque fois que M. Lime se trouve un peu gêné pour absoudre ses grands caïds, il a recours à la comparaison avec leurs compères de Russie et il triomphe, car « les syndicats américains, eux, sont de vrais syndicats » !

Dans sa conclusion « Les Syndicats, facteurs de civilisation », Maurice Lime qui a pourtant – c’était facile – écrasé Robert Kennedy, n’en fait pas moins appel à Humphrey, Vice-président des Etats-Unis, qui a « reconnu » que le syndicalisme libre est un des principaux fondements de la démocratie. Il n’y a vraiment pas de quoi se vanter ! Nous sommes bien d’accord que les syndicats soient actuellement des piliers de cette « démocratie » qui recouvre pudiquement le système d’exploitation. Dans ce dernier chapitre, l’auteur fait évidemment état des récentes conquêtes des syndicats. Tout est œuvre des syndicats, s’exclame-t-il ! En oubliant que ces syndicats et leurs caïds font de bonnes affaires en utilisant la combativité du prolétariat américain qui ne s’est jamais démentie depuis près d’un siècle.

Enrobées dans démagogie et la propagande pour les syndicats « libres », les critiques contenues dans ce livre perdent leur importance. Et cependant, si l’on s’en tient aux faits, l’analyse n’est pas si mauvaise. Voyons plutôt :

« Le maniement quotidien de millions de dollars a certainement contribué à la formation du type américain de dirigeant syndical, plus près des technocrates avec lesquels ils sont en pourparlers « d’affaires » que d’un syndicaliste européen ».

« John Lewis, en 1947, déclarait devant une commission parlementaire : « Une organisation syndicale est une maison d’affaires. Elle doit maintenant soutenir la concurrence, dans une large mesure, à la manière d’une entreprise. Elle doit être menée de la même façon » … « Présidents inamovibles, ces grands caïds du pays de la démocratie qui ignorent le roulement des cadres, touchent des traitements proprement technocratiques. » (p. 44)

« Il est même arrivé que des « organisations usèrent de la manière forte pour faire respecter la discipline syndicale, ce qui est particulièrement révoltant quand il s’agit, non pas de tactique syndicale, mais d’appliquer des « contrats d’amoureux » au seul bénéfice des chefs acoquinés avec les patrons » (p. 52).

« Tous comme les patrons encore, les syndicats arrosent la presse et les fonctionnaires. Aux juges et hommes politiques, ils promettent par surcroît leur appui non négligeable aux élections »(p. 52)

« On comprend que pour libérer discrètement les sommes énormes nécessaires à ces « arrangements » les comptables et trésoriers des syndicats, sous la responsabilité de leur président, aient été obligés de faire pas mal d’acrobaties dans leur comptabilité » (p. 52)

Voyons le chapitre intitulé « Les Syndicats et la politique ». Les syndicats américains « ont réussi à échapper à tous les noyautages, le socialiste, le catholique et le communiste », affirme M. Lime. Mais dans toutes les élections « ces syndicats invitent évidemment leurs adhérents à voter pour les amis des syndicats ». En 1958, 172 représentants amis sur 277, 23 sénateurs amis sur 30. 16 gouverneurs amis sur 22, furent élus (malgré cette majorité d’amis, les syndicats essuyèrent la grave défaite de la nouvelle loi du Travail, d’après C. Jullien).

Pour cette propagande électorale, l’AFL-CIO a créé le C.O.P.E., véritable parti travailliste, avec cotisations à part, sauf qu’il ne présente pas encore de candidats… Les chefs syndicalistes font partie du comité électoral des candidats amis, républicains ou démocrates (p. 57)

Mais si Lime raconte volontiers cette participation des syndicats à la vie politique américaine, il est moins prolixe quant à l’activité politique internationale des syndicats américains. Il se limite à dire que l’AFL-CIO a l’habitude d’ adopter en politique étrangère, la position du Département d’Etat, après avoir fait l’Union sacrée au cours de la guerre. Or, tout le monde sait que les syndicats américains agissent de tout leur fric par l’intermédiaire de la Centrale internationale des Syndicats « libres ».

Ne dit-on pas même que le C.I.A. recrute des agents au sein des Syndicats « Libres » de tous pays. Comme les Russes, aurait pourtant pu dire Maurice Lime, mais le sujet est peut-âtre un peu trop scabreux.

Les syndicats américains sont dans un tournant. Quel tournant ? Passer de la politique des accords patronat-syndicats à celle de la tutelle de l’Etat supervisant et imposant de tels accords. L’attaque d’un Robert Kennedy contre le syndicat des transporteurs et son chef Jimmy Hoffa a eu effectivement pour but de soumettre le plus puissant syndicat américain pratiquant la politique des accords bilatéraux patronat-syndicats, pour le plus grand bien de l’industrie des transports, nous dira Widick. Depuis nombre d’années déjà, l’Etat exerce cette pression. Et de grands dirigeants comme George Meany et W. Reuther se font faire douce violence. Ils ne sont pas à un degré près dans l’intégration au système. En tout cas, on se demande bien en quoi cette crise d’adaptation peut intéresser les travailleurs.

B.J. Widick, ancien fonctionnaire syndical du second syndicat américain, celui des travailleurs de l’automobile, celui de Reuther, nous présente dans son livre une analyse critique du « syndicalisme » américain qui aboutit au vœu pieux de retour au syndicalisme sans guillemets. On sent la sincérité de l’homme qui déplore l’état de pourriture avancée de ces syndicats auxquels il a beaucoup cru. Certes, Widick est un intellectuel, ce n’est pas un de ces « enfants bagarreurs des quartiers pauvres » chers à Maurice Lime, mais il connaît bien ce qu’il décrit et, en tant qu’intellectuel, ce qu’il regrette, c’est que les syndicats actuels ne puissent plus attirer les jeunes qui reçoivent une formation syndicale dans les centres spécialisés, car l’enthousiasme et l’idéal font défaut.

On retrouve chez Widick la même crainte qu’exprime M. Lime concernant la tutelle de l’Etat.

« Il serait catastrophique que les exagérations auxquelles ont donné lieu les conventions collectives et les imperfections de leur technique entraînent l’arbitrage obligatoire avec sa menace pour les droits démocratiques et la liberté humaine »

« Tel est le défi qu’ont à relever les syndicats et le patronat » (p. 79)

Comme on le voit, Widick défend aussi la libre entreprise. Il va sans dire que notre réflexion ne signifie pas que nous considérons le capitalisme d’Etat comme « progressif », à l’instar de tous les tenants des idéologies technobureaucratiques. Loin de là, mais la mutation qui s’opère au sein de la classe dirigeante ne nous fera jamais prendre la défense de ces pauvres patrons … dont les fils deviennent technocrates et visent plus haut que l’entreprise familiale.

Widick développe les mêmes thèmes que M. Lime = Bureaucratie : Citons seulement ce portrait de George Meany, Président de l’AFL-CIO :

« Il est le type de l’organisateur brillant dans notre société moderne bureaucratique. Porte-parole officiel de l’AFL-CIO auprès des pouvoirs publics et du Congrès, il est le symbole de cette hiérarchie qu’ont instaurée les syndicats. C’est le bureaucrate au service de la bureaucratie… sa pensée est une synthèse des idées de la hiérarchie, un reflet de la bureaucratie » (p. 208)

Quant à son genre de vie (même page) :

« Chrysler avec chauffeur en uniforme ou Cadillac personnelle, demeure confortable à Bethesda, membre d’un « Country-Club », golf, chasse au canard ou au raton-laveur, restaurants pour fins gourmets, etc., sans oublier qu’il prend place aux côtés du Président des Etats-Unis lors des dîners offerts aux syndicalistes à la Maison Blanche.

Affairisme et corruption :

« D’un point de vue démocratique le scandale dévoilé lors des séances de la commission Mc Llellan n’est pas la corruption du mouvement syndical (la commission Kefauver avait fait des révélations sur le racket dans notre système social dix ans auparavant). Le scandale, ici, ce sont les tripotages, les combines en haut lieu, auxquelles la base reste étrangère, c’est l’écrasement de l’individu par la machine syndicale, c’est le destin tragique de réformateurs isolés qui ont essayé de modifier le système » (p. 85)

Politique : A l’encontre de M. Lime, ce que Widick regrette c’est le déclin du pouvoir politique des syndicats :

« Les syndicats se transforment sous la pression des évènements politiques plutôt qu’ils ne transforment d’eux-mêmes notre société. Voilà une des raisons majeures qui maintiennent la politique américaine au point mort… » (p. 148)

Et Widick souhaite la formation d’un parti travailliste. Laissons-lui ses illusions quant aux bienfaits d’un tel parti. Les travailleurs anglais en connaissent un bout sur la question.

Les syndicats et le problème des Noirs : Widick en dit beaucoup plus que Maurice Lime : Les syndicats n’ont pas abattu les barrières raciales en leur sein, leurs dirigeants s’opposent à l’élection de Noirs à des postes responsables, les Noirs votent contre les candidats « amis » des dirigeants syndicaux.

Alors que Maurice Lime monte en épingle les conquêtes des syndicats, Widick consacre la deuxième partie de son livre aux « Défaites sur le front syndical ». Concernant le discrédit du syndicalisme aux U.S.A. voici ce qu’écrit Widick :

« Les belles apparences ne sauraient dissimuler le triste état du mouvement syndicaliste, pas plus que les belles paroles ne pourraient pallier la stérilité intellectuelle de la plupart des leaders : il suffit pour s’en convaincre de regarder les visages avachis au sommet de la hiérarchie. Certes, ce mouvement est trop riche, trop puissant, trop bien intégré dans les structures industrielles de notre société pour se laisser troubler par des prophéties pessimistes… Ce n’est pas un mouvement imprégné de philosophie bourgeoise et aux allures de grosse entreprise financière qui est susceptible d’attirer les populations affamées du monde… » (p. 58)

Ce qui manque évidemment dans ces deux livres, c’est l’opinion des travailleurs américains envers leurs syndicats. Il y est fait quelques allusions de ci, de là. Un livre consacré à ce sujet n’existe pas, à notre connaissance. Nous n’avons également que très peu d’informations sur les « grèves sauvages » qui éclatent dans l’industrie des U.S.A. Elles seraient généralement très limitées, comme en France.

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