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Le malheur est grand pour les Etats… ils ont des hommes à gouverner

Tract daté du 13 octobre 1988 à Paris

Pillages et incendies lors des émeutes le 6 octobre 1988 à Alger, Algérie. (Photo by SIDALI-DJENIDI/Gamma-Rapho via Getty Images)

En s’attaquant directement à l’Etat, les émeutiers algériens ont su désigner l’origine de tous leurs maux. En incendiant et détruisant : commissariats, tribunaux, mairies, sièges du FLN, souk el fellah, banques, écoles, ministères, agences de voyage, hôtels de luxe, quartiers réservés aux loisirs des bureaucrates, ils ont clairement posé les bases d’une révolution sociale.

En 1980, on a voulu nous faire voir les émeutes de Tizi Ouzou comme l’expression d’un particularisme local, alors que des Algériens avaient commencé, là, à s’attaquer à la maffia bureaucratique. L’agitation n’a pas cessé depuis, aboutissant aux grèves de septembre qui ont précédé l’explosion. L’Etat algérien, qui n’a évidemment jamais été révolutionnaire, était déjà devenu tout ce qu’il voulait être, c’est-à-dire totalement policier. L’armée de libération nationale est, elle, devenue définitivement une armée de mercenaires qui défend une bureaucratie aux abois. La société est maintenant divisée en deux camps irréconciliables.

La deuxième révolution algérienne est commencée

Ce qu’elle sera, nul ne peut le dire. Ce que ces premiers actes disent, c’est qu’elle est d’emblée anti-bureaucratique et anti-capitaliste. La simplicité de ce programme si dangereux pour tous les pouvoirs et leurs serviteurs — et qui contient tous les autres —donne la mesure du flot de calomnies qu’elle ne va pas manquer d’attirer sur elle. Déjà on agite l’épouvantail de l’intégrisme, alors qu’elle n’a évidemment pas plus à voir avec l’Islam que la révolution polonaise n’a à voir avec le christianisme.

En France, les politiciens ont tous proclamé leur solidarité avec les massacreurs. Les bonnes âmes de gauche compromises depuis 30 ans avec tous les mensonges bureaucratiques, aujourd’hui au pouvoir se taisent soigneusement tout en envoyant des fourgons anti-émeutes aux bourreaux. Les dinosaures du PC ne trouvent à remuer que le fantôme de la colonisation. Les aspirants à la relève algérienne, les Ben Bella, Aït Ahmed et consorts, comme les chancres modernistes à la Harlem Désir, expliquent que l’Algérie a besoin d’une transition en douceur vers les délices de la démocratie parlementaire et de l’abondance marchande ; bref d’une bureaucratie capable de se réformer elle-même. Ils voudraient faire disparaître ce qui a commencé à apparaître en Algérie, tant ils redoutent que le peuple algérien puisse décider lui-même de son propre sort en se donnant les moyens et les formes qu’il aura su imaginer et choisir au cours de sa lutte. Tous ces alliés des bouchers là-bas, sont les ennemis de toute possibilité de solidarité vivante ici.

Certains nous parlent complaisamment de l’horreur d’une répression, pour mieux en masquer ln cause. Mais il y aurait encore plus horrible qu’une répression, ce serait que le mouvement soit enterré vivant et que la terreur s’abatte pour longtemps.

Rétablir la vérité, attaquer les diffamateurs quels qu’ils soient, ne tolérer qu’aucun vautour médiatico-politique ne confisque à son profit la légitime colère qui s’empare de tous. Voilà la solidarité minimale que l’on peut manifester ici et maintenant.

Il appartient à chacun d’organiser ses propres forces là où il se trouve. Quant à nous, nous tiendrons une permanence au Relais Ménilmontant, 85, rue de Ménilmontant, les vendredi, samedi, dimanche, mardi et mercredi de 19h à 20h

Paris, le 13/10/88

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