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Algérie : Quelques coups d’éclat mais la dictature reste !

Article paru dans Travailleurs immigrés en lutte, n° 36, 15 novembre – 15 décembre 1979, p. 16-18

Depuis la mort de Boumédiène et son remplacement par Chadli, un certain nombre d’évènements ont eu lieu en Algérie. Nous avons déjà évoqué dans T.I.L. certains d’entre eux, comme par exemple la campagne d’ « assainissement ». Après l’élargissement de Ben Bella et la suppression des autorisations de sortie, la presse internationale n’a cessé de parler des perspectives de plus en plus certaines de « libéralisation ». Des illusions sont propagées par la presse bourgeoise au sein de la classe ouvrière, sur les effets bénéfiques d’une présumée « déboumédiènisation »…

La carotte pour les bourgeois…

Ben Bella, incarcéré depuis 1965 par Boumédiène après le putsch qui l’a porté au pouvoir, a du moins officiellement cessé d’être un prisonnier politique. Il a bénéficié ainsi que quelques autres opposants bourgeois comme Ferhat Abbas, Ben Khedda, Lahouel et Kheirédine « à l’occasion du dix septième anniversaire de l’indépendance », d’une relative liberté d’action. Le régime de Chadli a même entamé des discussions avec différents opposants en exil comme Zbiri, Aït Ahmed, et Boudiaf ! Toujours dans le cadre de « l’ouverture en politique intérieure », les autorisations de sortie ont été supprimées (formellement, n’importe qui peut maintenant quitter l’Algérie).

Cette mansuétude vis-à-vis des opposants politiques bourgeois n’est à bien des égards qu’un leurre et une opération démagogique. Ben Bella ne représente en aucun cas un danger pour la clique en face. Écartés de la vie politique pour la plupart depuis des années, Ben Bella et compagnie ne sont pas une solution de rechange pour la bourgeoisie. Ne bénéficiant par ailleurs pas de l’appui de partis politiques, ils ne représentent aucun danger (à court ou à moyen terme) pour la clique en place. Celle-ci par contre espère par ces mesures de « clémence », réaliser un certain consensus au sein de la bourgeoisie.

C’est à des membres de sa classe que le régime « s’entr’ouvre ». La suppression des autorisations de sortie est significative à ce sujet. L’institutionnalisation de ces autorisations par Boumédiène en juin 1967 avait été une atteinte scandaleuse au droit de chaque Algérien à pouvoir circuler à sa guise. Tous les Algériens n’étaient cependant pas concernés de la même façon ; les bourgeois, bénéficiant eux du piston et de « moyens », arrivaient à obtenir l’ « autorisation de sortie » sans difficulté majeure. De plus, vu le niveau de vie des masses, voyager à l’étranger n’est pas à la portée du premier venu. La suppression des « autorisations de sortie » concerne donc d’abord les membres de la classe possédante, qui ont ainsi une formalité administrative en moins. Cette suppression peut aussi être comprise comme une prise en considération par le pouvoir des besoins en biens de consommation de la bourgeoisie, qui supporte difficilement « l’austérité » relative dans laquelle l’a cantonnée Boumédiène, en donnant la priorité à l’importation des biens d’équipement.

Des rumeurs ballons d’essai, des articles dans la presse aux ordres critiquant certains aspects de la politique du régime de Boumédiène, bref la clique de Chadli fait tout pour essayer d’instaurer un nouveau climat politique et donner l’illusion d’un réel changement. Le pouvoir essaie même de faire croire qu’à l’avenir, il compte « lui » œuvrer pour la résolution des problèmes sociaux. Son attitude relativement critique par rapport à la réalité économique et sociale dont il a hérité, a pour objectif de lui gagner la sympathie des masses qui vivent quotidiennement les pénuries, les problèmes de santé, de logement, de transport, l’inflation, etc. C’est ainsi que le régime de Chadli compte acquérir une popularité à bas prix.

… le bâton pour les travailleurs.

Les travailleurs ne doivent cependant pas se leurrer. Chadli a d’ailleurs déjà annoncé la couleur. La campagne « d’assainissement » a montré que l’ordre musclé était à l’ordre du jour. Certaines scènes à Alger rappellent infailliblement l’époque de la colonisation : flics avec des chiens quadrillant la ville, passants brutalisés pour rien, ouverture de camps de travail, le tout couronné de tribunaux de flagrants délits. Évidemment, la bourgeoisie essaie de justifier sa campagne de répression en prétextant le « bien-être et la sécurité des citoyens » !

L’insécurité, comme l’hygiène sont effectivement des problèmes à résoudre. Mais la matraque n’y peut rien. C’est les conditions de vie misérables, le chômage qui poussent un nombre de plus en plus grand de jeunes dans la rue et qui les obligent à se « débrouiller » pour survivre. Ne parlons pas de l’hygiène, quand les travailleurs sont entassés dans des logements plus qu’exigus, quand dans des quartiers entiers il n’y a pas d’eau. N’oublions pas que c’est la bourgeoisie qui est responsable du fait que les masses vivent dans la misère et le dénuement.

En réalité, le déploiement prétexté par la lutte contre les « fléaux sociaux » ne vise qu’à décourager et à intimider ceux qui seraient susceptibles de se révolter, c’est-à-dire les couches opprimées de la population et en premier lieu les prolétaires.

Si « bien-être » il y a, si de « bien-être » il s’agit, c’est de celui des bourgeois (en toute logique) que le pouvoir se préoccupe. Pour ce faire, la nouvelle clique semble avoir même rompu avec le populisme démagogique de Boumédiène. La bourgeoisie a changé de musique. A longueur de colonnes, on stigmatise la « populace », « le ramassis de fainéants sales et indisciplinés ». A l’unanimisme et à la négation hystérique de toute lutte de classe fait place le mépris de la bourgeoisie qui brandit la matraque pour mettre au pas les « tire-au-flanc » (les travailleurs !).

Prévenir les explosions sociales.

La « libéralisation » relative dont semble bénéficier la bourgeoisie est allée de pair avec la répression et l’encadrement des classes laborieuses. La bourgeoisie se sait sur une poudrière qui risque d’exploser. Quel que soit l’angle sous lequel on examine la situation en Algérie, on la trouve alarmante : le chômage, les pénuries, le manque de logements…

Dictature et arrogance des possédants, inégalités sociales de plus on plus grandes, voilà quel est le lot des travailleurs. Et c’est pour qu’ils continuent à accepter l’exploitation et la misère que la nouvelle clique serre la vis. La politique de Chadli s’explique aussi par la crise du système capitaliste international. Les bourgeois où qu’ils soient essaient de pressuriser encore les travailleurs. Pour ce faire, ils recourent à la répression, à la menace.

La campagne d’assainissement est dirigée contre nous. Nous n’avons rien à attendre de la bourgeoisie, toutes cliques et fractions confondues. Nous ne devons pas nous laisser faire, et tenter de défendre et d’améliorer nos conditions d’existence, en sachant que la seule façon d’en finir avec la misère et l’exploitation c’est de détruire la société de classes.

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