A la suite de la publication de mon article intitulé « Les spectres algériens de Guy Debord » sur le site du journal Article 11, j’ai choisi de proposer aux visiteurs de ce blog les « Notes pour un appel à l’Orient » rédigées par Mohamed Dahou en juillet 1954. On pourra y trouver un point de vue rarement mis en valeur dans l’étude des mouvements d’avant-garde ou dans l’histoire de la décolonisation. D’aucuns tenteront sans doute de mettre en perspective les bouleversements en cours dans le monde arabe. Toujours est-il que la radicalité des lettristes demeure encore inégalée dans la critique des oppressions.
Les États arabes meurent. Où pourraient mener leurs politiques nationales, fondées sur la misère de leurs peuples ?
Il n’y a pas eu de révolution égyptienne. Elle est morte dès les premiers jours ; elle est morte avec les ouvriers du textile fusillés pour « communisme ». En Égypte on endort la foule en lui montrant le canal de Suez. Les Anglais ne s’en iront pas loin : seulement jusqu’en Jordanie ou en Libye.
L’Arabie Saoudite fonde sa vie sociale sur le Coran et vend son pétrole aux Américains. Tout le Moyen-Orient est aux mains des militaires. Les puissances capitalistes dressent des nationalismes rivaux, et en jouent.
Il faut dépasser toute idée de nationalisme. L’Afrique du Nord doit se libérer non seulement d’une occupation étrangère, mais de ses maîtres féodaux. Nous devons reconnaître notre pays partout où règne une idée de la liberté qui nous convienne, et là seulement.
Nos frères sont au-delà des questions de frontière et de race. Certaines oppositions, comme le conflit avec l’État d’Israël, ne peuvent être résolues que par la révolution dans les deux camps. Il faut dire aux pays arabes : Notre cause est commune. Il n’y a pas d’Occident en face de vous.
Mohamed Dahou
Source : Potlatch, Bulletin d’information du groupe français de l’Internationale lettriste, n° 6, 27 juillet 1954.