Le présent rapport a été rédigé par un collectif d’enseignants du département d’histoire de l’université d’Alger qui protestent contre le nouveau programme imposé par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS). Rédigé originellement en langue arabe, et repris par le quotidien Echorouk, ce document qui nous a été transmis et que nous reproduisons in extenso était accompagné de la note suivante :
« Repris en français par les professeurs Daho DJERBAL et Ahmed Redouane CHERFEDDINE d’un rapport d’évaluation rédigé par un collectif de professeurs du Département d’histoire de l’université d’Alger 2 et adressé aux autorités universitaires ainsi qu’à la Direction des enseignements et suivi pédagogique du MESRS. »
Fin juin 2016, à quelques jours de la signature des PV de sortie, le corps enseignant du Département d’histoire de l’Université d’Alger a appris l’existence d’un nouveau programme de licence en histoire. Profondément choqués par ce procédé contraire aux usages universitaires, fondés sur la concertation et la participation des formateurs aux réformes des contenus des enseignements, les enseignants du Département d’histoire n’ont eu que le temps de désigner, parmi leurs collègues de rang magistral, un comité d’évaluation du nouveau programme. Celui-ci a ensuite consigné un ensemble de remarques et observations dans un rapport qu’il a adressé au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, à la Commission Pédagogique Nationale ainsi qu’à un grand nombre d’enseignants concernés à travers le pays.
Pour que le contenu et la portée de ce rapport soient bien compris, il convient de faire un bref rappel de la nature des enseignements requis en licence, d’une manière générale.
Le décret exécutif n° 08-265 du 10 août 2008, portant régime des études en vue de l’obtention du diplôme de licence, du diplôme de master et du diplôme de doctorat, stipule dans son article 3 que : « La formation en vue de l’obtention du diplôme de licence est organisée en semestres comprenant des unités d’enseignement capitalisables et transférables évaluées par une note et mesurées en crédits et comprend :
– des unités d’enseignement fondamental
– des unités d’enseignement de découverte
– des unités d’enseignement de méthodologie
– des unités d’enseignement transversal »
Cette distribution montre clairement la différence entre les unités d’enseignement fondamental (UEF) et les unités d’enseignement complémentaires. Les UEF sont, à ce titre, obligatoires, tant pour les cours que pour les TD, alors que les autres UE complémentaires sont, dans la plupart des cas, laissées au libre choix des étudiants, et sans TD ni TP. Il est important de souligner pour finir que le décompte final des notes et crédits doit refléter cette distribution. Ce qui signifie la possible réussite en licence d’histoire sans qu’on ait véritablement acquit les éléments fondamentaux à la discipline.
Tenant compte de ces exigences réglementaires, le comité d’évaluation a mis en évidence trois ensembles de remarques et questionnements montrant l’existence de déséquilibres et incohérences manifestes. Pour faire court, nous résumons le tout en sept points ci-après.
1- Disparition de l’enseignement relatif à la « Préhistoire de l’Afrique du Nord ».
2-Réduction des enseignements relatifs à toute l’histoire ancienne à 1 UEF seulement.
3- Disparition des enseignements en histoire médiévale relatifs à « L’Evolution des mouvements doctrinaires dans le monde musulman », aux « Relations entre l’Orient et l’Occident durant le Moyen-Age » et réduction de l’enseignement relatif à « L’Europe au Moyen Age » à 1 UE de découverte optionnelle.
Ces suppressions et réductions de matières ont pour effet global d’introduire un très grave déséquilibre dans la distribution des enseignements entre les grandes périodes historiques.
4- Sous-évaluation de l’importance de certains enseignements en histoire moderne et contemporaine, tels que « L’histoire moderne de l’Europe », réduit à 1 UE de découverte appelée « La Renaissance européenne », ou bien celui concernant « Le monde arabe contemporain » réduit, lui aussi, à 1 UE de découverte optionnelle.
5- Inflation – inexplicable d’un point de vue académique – des UE de découverte à tel point qu’elles constituent à elles seules la moitié du nouveau programme de licence ; ce qui a entrainé un nouveau déséquilibre, mais cette fois-ci, aux dépens des enseignements de base de toutes les grandes périodes historiques.
6- Multiplication – infondée épistémologiquement – des UE de méthodologie.
7- Incohérences dans la répartition des enseignements entre les semestres. Elles sont trop nombreuses pour les citer toutes, mais arrêtons-nous à un exemple parlant pour les non-spécialistes : « L’histoire contemporaine ( ? ) de l’Algérie » est placée en tronc commun (1er et 2e semestres) et « L’histoire de la Révolution algérienne (1954-1962) » est placée au 5ème semestre de même que « L’histoire du mouvement national (1919-1954) ».
Encore une fois, ce n’est là qu’un condensé des nombreuses et graves distorsions signalées à propos du nouveau programme de la licence d’histoire.
En conclusion de leur rapport, les membres du comité d’évaluation « regrettent que l’on n’ait pas fait appel aux enseignants d’histoire des différentes spécialités avant la publication du nouveau programme et souhaitent qu’il soit mis fin à cette méthode ainsi qu’aux résultats qui en ont découlé par le passé, et ce dans l’intérêt général. »
* Liste des membres du collectif signataires du rapport :
– Dr. Mustapha REMILI (Préhistoire)
– Professeur Mohammed El Hadi HARECHE (Histoire Ancienne)
– Professeur Mohammed BECHARI (Histoire Ancienne)
– Professeur Mohammed BENAMIRA (Histoire Médiévale)
– Professeur Rachid TOUMI (Histoire Médiévale)
– Professeur Mustapha NOUICER (Histoire Moderne et Contemporaine)
– Professeur Ahmed Redouane CHERFEDDINE (Histoire Moderne et Contemporaine)