Article de Juliane Karakayalı, Vassilis S. Tsianos, Serhat Karakayalı et Aida Ibrahim paru dans Timult, n° 9, mars 2016, p. 22-27
Ces dernières années, en Allemagne, l’accueil réservé aux approches critiques de la blanchité (Critical Whiteness) tend à saboter les luttes antiracistes.
Les Critical Whiteness sont devenues [en Allemagne] une référence importante pour des militant·es et des universitaires antiracistes et queers. Nombre d’événements, d’ateliers et de séminaires organisés mettent en avant cette manière de penser. Pourtant, l’utilisation de ces théories [dans le contexte allemand] sabote carrément les luttes antiracistes. Ces dernières années, le manque de clarté des politiques des identités, elles-mêmes imprégnées de racisme, prennent la forme, presque risible, d’un grand « concours des identités ».
Les études critiques de la blanchité (Whiteness Studies) se sont développées aux États-Unis dans le sillage des mouvements pour les droits civiques et de la production de savoirs sur le racisme. Le livre Playing In The Dark, écrit en 1992 par Toni Morrisson, est considéré comme l’œuvre fondatrice de cette approche. Morrisson a montré que les idées de liberté ou de virilité, largement présentes dans la littérature d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord, sont construites sur la non-liberté des esclaves noir·es.
Cette analyse a constitué un vrai changement de perspective. Ce n’est plus sur les personnes stigmatisées par le racisme que se focalise l’attention, mais sur celles qui en tirent des privilèges. Des théoricien·nes et activistes noir·es (People of Color, PoC) ont ainsi critiqué la pratique alors dominante de prendre celles et ceux qui sont discriminé·es par le racisme comme objets de recherche et étendards politiques. Le concept de blanchité invite au contraire à étudier les structures et les mécanismes par lesquels des blanc·hes profitent du racisme. Cela permet de penser le racisme comme quelque chose dont tout le monde est partie prenante. Mais l’argument suivant est que cette implication de « tout le monde » passe par les structures, c’est-à-dire les institutions, les espaces et les discours, forcément imprégnées de racisme. Les exhortations à abolir les privilèges blancs se focalisent alors sur ces structures.
Les critiques de la blanchité tournent en rond
Les discussions actuelles (par exemple, celles concernant le campement No Border à Cologne [2012]) sont probablement le résultat de cette double logique de l’antiracisme basé sur les théories de la blanchité. D’un côté, il s’agit d’un élargissement qui fait de tous les blancs et de toutes les blanches des personnes privilégiées. D’un autre côté, l’attention se déplace des individu·es vers les institutions. Selon cette approche, les institutions et les discours « blancs » sont tellement puissants qu’ils ne laissent aucune marge de manœuvre aux personnes qu’ils construisent comme « blanches ». Peu importe leur comportement : elles « profitent ».
Au lieu de développer une théorie du racisme visant l’abolition idéologique et pratique de catégories telles que la « race », le concept de blanchité tourne dès lors en rond. Lorsque ce débat a débuté en Allemagne il y a quelques années, la discussion a très vite été dominée par des problèmes épineux liés à l’assignation d’identités. Les personnes dont les parents avaient migré depuis des pays ayant, par la suite, adhéré à l’Union Européenne, sont-elles des personnes racisées (PoC) ? Ou le sont-elles seulement si ces parents étaient, à l’époque, venus en Allemagne en tant que main-d’œuvre immigrée (Gastarbeiter_innen) [1] ? À partir de quel niveau de revenu ou degré d’études des personnes racisées (PoC) deviennent-elles blanches ? Peut-on parler de personnes racisées (PoC) pour des Russes en Allemagne ou font-illes partie de la culture blanche dominante ? La désignation « racisé » (of Color)* fonctionne-t-elle donc par rapport à toutes les exclusions racistes ou désigne-t-elle seulement, en fin de compte, certaines pigmentations de peau ? Cette dernière affirmation semble s’imposer dans le débat actuel et nous pousse à formuler la question suivante : la ligne de démarcation entre « racisé » (of Color) et « blanc » ne revient-elle pas, au final, à ré-affirmer les classifications racistes?
Autour de ces questionnements se cristallise l’un des problèmes centraux de la blanchité : quand on parle de racisme, il faut toujours rendre visibles les différences et les hiérarchies racistes, pourtant les séparations entre « blanc » et « racisé » (of Color) deviennent rapidement des étiquettes, qui finissent par constituer des catégories stables. Mais, quand on en vient à demander des comptes sur l’origine des parents, il devient impossible de ne pas réaliser que le concept de blanchité n’a plus rien de critique. Cela invisibilise le racisme en tant que rapport social soumis à des conjonctures, à des luttes, etc. Le théoricien postcolonial Paul Gilroy a montré, dans un ouvrage publié en 2004, comment le partage des populations selon des hiérarchies racistes doit être continuellement imposé par la violence, parce que le racisme n’a pas d’évidence naturelle dans les groupes humains qu’il vise. En effet, même la justification biologiste de la « suprématie blanche » ne représente qu’une ligne de partage pour rationaliser la gestion raciste des populations.
Le racisme est un produit de l’esclavage et non l’inverse
Dans ses travaux de 2002 sur le rapport entre l’État et le racisme, David Theo Goldberg argumente que, dès le 19e siècle, une posture, au moins, vient contester l’argument biologiste de l’infériorité. C’est celle de l’historisme qui envisage les populations autochtones minorisées comme « historiquement immatures » et donc à éduquer. Bien que des intellectuels noirs marxistes tels que W.E.B. Du Bois, Eric Williams et C.L.R. James aient pointé depuis la fin des années 1930 que l’esclavage et les plantations participaient pleinement à l’exploitation capitaliste moderne (et, en tant que telles, constituaient des lieux de lutte), ce n’est qu’au tournant des années 2000, avec les travaux de Theodore W. Allen et de Robert J. Steinfeld sur l’esclavage et la main-d’œuvre involontaire, que ces idées importantes ont trouvé une place dans les théories critiques du racisme.
Un défilé des minorités
Allen et Steinfeld soutiennent pour leur part que « l’invention de la race blanche » découle de l’imposition par la violence d’une ségrégation raciste des travailleurs et travailleuses. Ils en arrivent à une découverte « sans couleur » et décisive pour l’histoire du racisme : l’esclavage n’est pas le produit du racisme (d’une idéologie non questionnée de la suprématie blanche), c’est le racisme qui est une conséquence de l’esclavage. La tentative des approches critiques de la blanchité de mettre en valeur les expériences du racisme en distribuant gaiement des étiquettes, revient finalement à renforcer les séparations racistes (et leurs histoires) et à en faire un point de référence central de la subjectivité politique.
Le débat actuel autour des théories de la blanchité montre que toutes ces étiquettes ne nous font en rien avancer, ni dans l’analyse, ni dans les luttes contre le racisme. Au contraire, elles détournent l’attention de ce que devrait être l’objet d’une analyse sociale et d’un mouvement politique émancipateurs (links), c’est-à-dire démasquer et lutter contre les rapports sociaux, les institutions et les mécanismes qui stabilisent le racisme et permettent à certains individus d’en profiter.
Pour l’antiracisme, il est indispensable que les catégorisations et les assignations dont tout le monde est l’objet – même si cela se fait à des degrés et avec des conséquences diverses – puissent être refusées par les personnes qui les subissent. Un antiracisme qui donne la parole uniquement aux « victimes » du racisme, réduit le potentiel émancipateur de cette lutte à un simple espace de représentation, voire à une sorte de défilé des minorités mainstream.
Dans les milieux qui théorisent la blanchité, cet appauvrissement des perspectives conduit à des débats animés pour trancher si des « blanc·hes » peuvent être antiracistes alors même qu’illes profitent du racisme. Est-ce que l’engagement des hommes peut être féministe alors qu’ils profitent du rapport entre les sexes ? Est-ce que des hétér@s peuvent s’engager pour les droits des minorités sexuelles alors qu’illes profitent de l’hétérosexisme ?
Cette mise en question semble assez incompatible avec une analyse critique de la société qui devrait envisager la possibilité de transformations, de dynamiques et d’antagonismes. Et, ce faisant, le débat est mené de manière complètement apolitique : quand les théories critiques de la blanchité sont mises sur le tapis, on peut être sûr·es que les questions de domination, de privilèges, d’exclusions et de possibles stratégies politiques de lutte sont bannies, au profit quasi-exclusif de la moralisation et de la dénonciation.
Ce ne sont pas les points de vue et les stratégies politiques qui sont au centre des discussions, mais les personnes qui les énoncent. De là provient aussi la pratique – très à la mode – de se « positionner ». Cette pratique s’appuie sur le concept d’autodétermination associé à celui du pouvoir de définition (Definitionsmacht) mal compris ou « traduit » naïvement : dans des débats universitaires ou militants, indépendamment du thème prévu, les personnes qui prennent la parole doivent faire état d’un positionnement personnel, long à mourir, avec moult détails concernant leur passeport, leur couleur de peau, leur orientation sexuelle, leur condition physique, le niveau d’éducation de leur famille ainsi que leurs revenus.
Ce positionnement de soi dans une grille complexe des rapports de pouvoir a souvent pour but de légitimer d’avance ce qu’on va exprimer et/ou de rendre compte des limites de sa propre perspective : moi en tant qu’homme, allemand, hétérosexuel, de la bourgeoisie intellectuelle, ne peux pas parler ici des expériences de queers racisé·es (of Color). Ce rituel de positionnement de soi illustre bien, dans la réception des études critiques de la blanchité, la confusion fatale qui se joue entre subjectivité et politique.
Sans subjectivité il n’y a pas de politique. Les expériences subjectives et les positionnements politiques ne sont pourtant pas la même chose. Une expérience donnée ne conduit pas forcément à un seul positionnement politique, de même qu’une même posture politique n’est pas le résultat d’un seul type d’expérience vécue. Toutes les personnes stigmatisées par le racisme ne sont pas antiracistes et toutes les femmes ne sont pas féministes. Pour prendre un exemple devenu historique, il est tout à fait légitime de participer à des campagnes contre les drogueries Schlecker sans jamais avoir travaillé chez Schlecker – et ce n’est pas non plus paternaliste de le faire. Un positionnement politique n’est pas la conséquence logique d’une expérience personnelle spécifique, mais se développe à travers une réflexion critique sur les rapports sociaux.
Positionnement politique et expérience subjective
De même, ma subjectivité n’est pas juste le résultat de la « position » que j’occupe, soi-disant en raison de ma couleur de peau ou de mon sexe/ genre, dans la grille des rapports de pouvoir. Se représenter une société comme un échiquier sur lequel on peut enfermer les personnes dans des cases selon leur sexe/genre, leurs expériences du racisme, etc. est déjà une erreur. Une société est dynamique et se transforme entre autre à travers des luttes sociales – pensons seulement aux acquis des mouvements des femmes, des gays, des lesbiennes dans les trente dernières années, ou encore à l’abolition du régime raciste de l’apartheid en Afrique du Sud.
Affirmer que notre positionnement politique est définitivement déterminé par la « position » qu’on occupe dans la société revient à défendre l’idée d’une société figée qui, en fin de compte, exclut toute possibilité de changement politique. Confondre les expériences subjectives et le positionnement politique a pour conséquence, qu’à la fin, chacun·e en est réduit·e à ne parler que pour ille-même – en tant qu’individu·e ou en tant que représentant·e d’une des « catégories majeures ».
En poussant ce raisonnement jusqu’au bout, on parvient à cette conclusion qu’exprimait une personne sur une mailing-liste à ce sujet : elle en avait assez de devoir faire la différence entre les méchant·es « blanc·hes » (NPD[3], NSU[2]) et les gentil·les « blanc·hes » (antifascistes, antiracistes) – au final, illes étaient tou·tes blanc·hes et donc racistes.
Cette confusion entre expérience subjective et positionnement politique se répercute aussi dans les questions de représentation, c’est-à-dire qui parle ou qui est autorisé·e à parler de racisme. Par exemple, pendant longtemps, les expériences d’exclusions racistes de militant·es immigré·es n’ont pas été reconnues par les milieux militants (die Linke) en Allemagne. Il suffit de rappeler comment, dans la grève aux usines Ford en 1973, le syndicat IG Metall a fait preuve d’une ignorance crasse, en discréditant la lutte menée par des travailleuses et travailleurs immigré·es contre leurs conditions de travail particulièrement misérables. On peut aussi mentionner, dans les années 1970 en Allemagne, les discours culturalisants supposés féministes sur les soi-disant « déficits d’émancipation » des travailleurs et travailleuses immigré·es d’Europe du sud. Comme dans l’ensemble de la société, ce n’est pas la question du racisme qui retient l’attention, mais seulement celle d’une présumée différence culturelle.
L’analyse du racisme, en tant que rapport social présent dans tous les domaines de la société, s’est imposée dans les milieux militants (die Linke) en Allemagne seulement ces dernières années. Cette analyse s’accompagne de la déconstruction d’une vision des migrant·es comme victimes. Mais de nombreux exemples montrent encore que ce point de vue est loin d’être partagé par tous les groupes militants (links) : des déclarations arrogantes de militant·es refusant tout travail sur le racisme sous prétexte que ce serait une exigence trop insupportable ; des débats publics sur le sujet organisés sans qu’aucun·e intervenant·e ayant une quelconque expérience personnelle négative du racisme ne soit présent·e ; ou encore, le peu de participation de groupes militants (links) aux activités autour du travail de mémoire et contre les politiques qui ont rendu possibles les meurtres du NSU.
L’expérience quotidienne des exclusions racistes au sein de l’école, à l’entrée des boîtes de nuit, sur le marché du travail, face à l’administration ou pendant une recherche de logement, d’un côté, et la nonreconnaissance ou la non-prise en compte fréquentes par des camarades n’ayant pas vécu ces expériences, de l’autre côté, rendent méfiant·es. Ce que proposent les études critiques de la blanchité apparaît alors comme une recette facile pour échapper aux agressions racistes, au moins dans son propre environnement politique.
L’engagement antiraciste : des motivations différentes
Des réseaux militants (eine Linke) qui se veulent antiracistes doivent se confronter à ce rapport social inégalitaire. Ceci implique que des militant·es n’étant pas elleux-mêmes cibles de racisme acceptent de se voir reprocher de ne pas suffisamment penser les questions de racisme ou de renforcer des positions racistes. Ce texte se veut donc aussi un plaidoyer pour une politique avec et à l’intérieur des contradictions et tensions existantes. Un plaidoyer contre le calcul simpliste selon lequel toute personne qui a manqué une fois de réflexion critique ou de sensibilité par rapport au racisme, voire qui profite « objectivement » du racisme, ferait pour cette raison partie du camp « adverse ».
Le racisme n’est pas une histoire d’individu·es ou de groupes, il traverse les individu·es et les groupes (les institutions, les discours, etc.). C’est pourquoi il est aberrant de chercher à départager minutieusement le racisme entre deux grands groupes sociaux, l’un qui regrouperait les agresseur·es et l’autre les victimes.
Les discussions provoquées par les critiques de la blanchité ne sont pas productives, car toute personne prenant la parole et ne se positionnant pas en tant que personne racisée (PoC) est suspectée, soit de vouloir dissimuler son propre racisme, soit de chercher de manière paternaliste à minimiser le point de vue des personnes ciblées par le racisme. Il s’agit là d’une injonction contradictoire (double bind) classique, c’est-à-dire d’un discours dans lequel deux messages contradictoires sont énoncés.
Nous refusons ce type d’attitude. On peut avoir des raisons très différentes de lutter contre le racisme. Par exemple, parce qu’on ne veut pas que d’autres – des ami·es, des collègues, des camarades – soient assassiné·es, exclu·es de certains postes de travail ou expulsé·es. Ou alors parce qu’on ne veut pas être assimilé·e de force à l’idée d’une identité nationale. Ou encore parce que c’est une dimension incontournable des politiques émancipatrices de ne pas accepter les rapports de pouvoir tels qu’ils existent dans la société mais de les questionner et de les combattre.
Il existe d’ores et déjà une histoire de luttes contre le racisme portées par des personnes très différentes. Le Parti des Black Panthers, l’un des plus importants mouvements de lutte noirs aux États-Unis, acceptait tout à fait la participation de personnes n’étant pas personnellement stigmatisées par le racisme, à condition qu’elles portent la lutte contre le racisme et le capitalisme. En Allemagne, au début des années 1990, le réseau kanak attak [4] se définissait comme un rassemblement de personnes dont le passeport ou l’origine n’avaient définitivement aucune importance : ce qui comptait, c’était leur posture vis-à-vis du racisme.
Les postures moralisantes paralysent le débat
Sans un antiracisme social et solidaire, sans l’engagement de nombreuses personnes qui aujourd’hui sont dénoncées comme « blanc·hes », beaucoup de réseaux, institutions, revues et campagnes politiques n’existeraient pas. Mais avant tout, à qui s’adresse le discours antiraciste ? Seulement aux personnes opprimées par le racisme ? Et si oui, avec quel but ? Le séparatisme ?
Pour faire court, il nous semble que cette manière de mener le débat est apolitique, moralisante et hautement destructrice. Elle paralyse autant les discussions théoriques que les luttes contre le racisme. Nous voulons plutôt développer des questionnements qui ne classent pas les personnes selon leurs origines ou leurs couleurs de peau – à la manière du racisme – mais qui cherchent, au contraire, comment les luttes antiracistes peuvent améliorer nos vies à tou·tes.
Nous refusons une politique des identités qui réserve à chacun·e le rôle limité de spécialiste d’ellemême ou de lui-même. Nos réalités plus ou moins communes de vie post-nationale ne peuvent pas se contenter d’espaces aussi réduits. Le concept de « convivialité » de Paul Gilroy nous semble beaucoup plus prometteur : une perspective qui reconnaît la réalité des « expériences ordinaires de contact, de coopération et de conflit qui transgressent les limites soi-disant infranchissables entre race, culture, identité et ethnicité »[5].
Affirmer que des blanc·hes agissent de manière paternaliste quand illes s’engagent dans l’antiracisme, c’est faire comme si nos cercles d’ami·es, nos collocations, nos voisinages, nos environnements de travail, nos collectifs politiques étaient ethniquement ségrégués. C’est balayer toute idée du politique qui consiste à ne pas être assigné·e justement à « ce qu’on est » ou encore à « où on est situé·e ». C’est enfin faire preuve d’une ignorance sans limite face aux histoires mille fois nouées et compliquées de beaucoup d’entre nous, qui échappent à cette opposition malfaisante entre « blanc·he » et « racisé·e » (of Color).
Juliane Karakayalı, Vassilis S. Tsianos, Serhat Karakayalı et Aida Ibrahim
Paru à l’origine dans analyse & kritik, 575, 21 sept 2012
[1] Gastarbeiter/Gastarbeiterin : littéralement « travailleur·euse invité·e », (guest workers). Terme conçu pour le démarquer de celui de Fremdarbeiter, « travailleur étranger », utilisé par les Nazis pour désigner les personnes étrangères soumises au travail forcé. Ce nouveau terme qualifiait les ouvriers et ouvrières que l’État ouest-allemand (fondé en 1949) recrutait principalement en Europe du Sud et en Turquie, dans le cadre d’accords bilatéraux à partir des années 1950. En Allemagne de l’Est existaient des programmes de recrutements similaires à ceux des pays communistes comme le Vietnam, la Corée du Nord ou Cuba, les ouvriers et ouvrières en question étaient alors appelé·es Vertragsarbeiter, « travailleurs contractuels ».
[2] Nationaldemokratische Partei Deutschlands : parti politique d’extrême droite allemand.
[3] Nationalsozialistischer Untergrund abrégé en NSU, est un groupe nazi allemand clandestin. Ce groupe a, entre autres, tué de manière ciblée, entre 2000 et 2006, dix personnes, dont neuf racisées. Il a commis plusieurs attentats à la bombe, dont une chargée de clous dans une rue animée d’un quartier populaire à dominance immigrée à Cologne (Keupstrasse) qui a fait de nombreu·seuse blessé·es. Trois membres de ce groupe ont été identifiés, deux se sont suicidés pour échapper à la police et une est actuellement en procès. Toute l’histoire n’est pas encore élucidée mais connaît un certain retentissement en Allemagne parce qu’un groupe nazi a pu s’organiser et agir de la sorte aussi longtemps, parce que le groupe a bénéficié de soutien à différents niveaux des services secrets intérieurs allemands (Verfassungsschutz) et parce que, malgré la connaissance de certaines informations, la police allemande a persisté longtemps à dire qu’il s’agissait de règlements de comptes mafieux. Les proches des victimes ont compris les enjeux racistes et le caractère organisé de ces meurtres et se sont organisé·es, dès le départ, mais personne ne les a prise·s au sérieux et soutenu·es, y compris la plupart des groupes politiques antiracistes et antifascistes allemands. Pour plus d’informations, en allemand, en anglais et en turc : www.nsu-watch.info
[4] Pour des précisions sur l’emploi du terme « kanak », voir la note [8] page 36.
[5] Paul Gilroy, After Empire, Melancholia or Convivial Culture? Multiculture or Postcolonial Melancholia, Routledge, 2004, p. VIII : « the ordinary experiences of contact, cooperation, and conflict across the supposedly impermeable boundaries of race, culture, identity, and ethnicity ».