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1975 : année de la femme. Quel avenir pour la femme algérienne ?

Article paru dans Tribune algérienne, n° 3, juin 1975, p. 18-19

المؤتمر الثالث للاتحاد الوطنى للنساء الجزائريات (photo publiée dans El Djeich, n° 122, mai 1974, p. 32)

La Journée du 8 Mars a été célébrée avec éclat à Alger : meetings, réceptions, projections de films, double page dans « El Moudjahid » et quelques sorties à la campagne au titre du Volontariat. Des discours, des flons-flons, des encouragements, un peu d’embrigadement, quelques photos… et 8 Mars a été expédié. Demain, comme aujourd’hui, la condition de la femme algérienne restera inchangée.

I – Les femmes travailleuses : un sous-prolétariat surexploité

1) Le chômage massif et chronique

En Avril 1972, la répartition de l’emploi salarié non agricole donne pour l’industrie et le commerce 689.383 emplois dont 656.334 pour les hommes et 33.050 pour les femmes. Et dans la fonction publique sur 197.951 emplois, il y a 167.407 hommes et 30.544 femmes. Au total en 1972, il y a moins de 70.000 emplois pour une population active féminine de 3,5 Millions.

Le Plan quadriennal (1974-77) ne modifiera pas beaucoup cette situation (100.000 emplois prévus pour une population active féminine de plus de 5 Millions, c.à.d. que sur 100 femmes, 2 auront un emploi et 98 % chômeront).

Cette incroyable armée de réserve dans un pays se réclamant du socialisme, suffit à expliquer la dégradation de la condition de la femme dans tous les domaines.

2) Surexploitation, discrimination, insécurité de l’emploi

Les statistiques l’établissent : les femmes occupent des postes subalternes (femmes de service, employées de bureau, ouvrières non qualifiées…). Accidentellement, elles occupent des postes de direction, mais la règle générale c’est : les femmes pour les emplois d’exécution. Ces emplois se situent dans les branches les moins rémunérées (textile, alimentation, cuir) et dans les postes les plus durs.

Le principe « à travail égal, salaire égal » n’existe que sur le papier.

Dans le secteur privé, la femme est très sévèrement exploitée : horaires fantaisistes, aucune législation du travail, aucune sécurité de l’emploi, brimades…

Dans le secteur public, la même discrimination et la même insécurité existent pour les enseignantes qui n’occupent souvent que les emplois de monitrices ou d’ instructrices. Pour devenir institutrices, il leur faut suivre des cours du soir qu’une femme mariée ne peut suivre. Sans parler des conditions de travail trop dures : classes surchargées, absence de matériel scolaire, double ou triple vacation.

Au total, la main d’oeuvre féminine constitue la couche la plus surexploitée du prolétariat algérien.

3) Scolarisation élémentaire, sous-qualification

En 1972, la population scolarisée au niveau du primaire et du secondaire n’était que de 38,7 % pour les filles et cela dans les villes ; dans les campagnes, le taux tourne autour de 15 %. La formation professionnelle reste très limitée dans le secteur privé et inexistante dans le secteur privé.

II – La triste condition de la femme en Algérie

La femme travailleuse est durement exploitée, mais son sort est moins dur que celui de la ménagère confinée dans le cadre domestique immuable, accablée par les charges que constituent la préparation des repas, la lessive, les enfants…

Dans les campagnes, les taches quotidiennes sont encore plus écrasantes : corvée de bois, d’eau, glanage… Sa vie est dure, son avenir incertain, car elle peut être facilement répudiée. Sur le plan politique, au niveau des APC, APW, du FLN… les femmes ne sont là que pour faire de la figuration.

Comment peut-on marcher vers le socialisme ou améliorer la productivité quand la moitié de la population algérienne est exclue de la culture et de production ?

III – Le pouvoir contre l’émancipation de la femme

Dans son discours, du 1er Avril 1974 au 3ème Congres de l’UNFA, Boumedienne a été clair :

« L’Islam est venu libérer l’homme et la femme… cependant la liberté, le progrès et l’émancipation de la femme arabe, musulmane et algérienne en particulier, ne peuvent se faire au détriment de la morale sociale et des traditions qui sont à juste titre les véritables liens du peuple avec ses origines… car la famille constitue la base de la société. »

La femme ne pourra s’émanciper que

« dans des cadres bien définis de l’édification nationale ».

On comprend mieux les causes de l’échec de l’UNFA, l’absence de code de la famille…

IV – Le P.A.G.S. chien de garde du régime

Le PAGS a publié une brochure « 8 Mars-femmes : luttes et espoirs » où il soutient le régime sur le fond.

Sans doute, le PAGS dénonce la discrimination dans le travail, « sa faible participation à la vie sociale et politique », mais pour conclure que :

« la satisfaction des revendications féminines est étroitement liée au succès du développement économique et culturelle du pays. C’est pourquoi, il est nécessaire de tout mettre en oeuvre pour faire avancer les taches d’édification nationale. »

Mais pour que se renforce l’UNFA, pour que les femmes participent « aux tâches d’édification nationale » ne faut-il pas commencer par les libérer des soucis matériels, leur donner une formation professionnelle, un emploi et promouvoir une politique de protection de la femme ?

Ce n’est pas l’avis du PAGS.

« L’UNFA se doit certes de faire connaître leurs droits juridiques aux femmes de les informer et de lutter pour une solution juste aux problèmes concrets qui pourraient lui être posés. Mais il serait irréaliste d’avancer comme mot d’ordre prioritaire la revendication d’une législation qui serait trop en avance par rapport à la situation de notre société (Trib.) et détachée des tachée des autres objectifs nationaux et sociaux. D’autant plus que les forces réactionnaires, déjà sur la brèche à propos du problème des femmes ne demanderaient pas mieux que de s’emparer d’un problème qui, objectivement, serait une diversion par rapport à des taches comme la R.A. … » (p. 22)

Demander une législation qui protège la femme, c’est être « objectivement » du coté de la réaction, comme à l’époque coloniale, le P.P.A., qui réclamait l’indépendance était pour le P.C.A. objectivement du coté du P.P.F. Il ne faut lutter que sur des « cas concrets » pour l’emploi de telle ou telle femme, pas pour une lutte d’ensemble contre le chômage massif des femmes.

V – Quelles perspectives pour les femmes ?

Le régime bourgeois de Boumedienne comme le PAGS n’ouvrent aucune perspective sérieuse aux femmes comme à la jeunesse.

L’UNFA, nouvelle mouture n’a aucun avenir. Créer des centres de coopératives de confection, de broderie, de vannerie, faire de la figuration dans des meetings, construire un village est une dérision. Cela ne changera rien au sort des femmes, exclues de la vie réelle.

Engels a dit

« La femme ne peut être émancipée que lorsqu’elle prend part dans une grande mesure sociale à la production et n’est plus réclamée par le travail domestique que dans une mesure insignifiante. »

C’est en effet par son insertion dans la production que commencera l’émancipation de la femme algérienne, mais cela n’est possible que par la destruction du régime capitaliste actuel.

La participation des femmes au combat pour leur libération passe par la lutte pour ses revendications :

– droit au travail pour chaque femme.

– salaire équivalent au SMIG versé à toute femme sans emploi

– législation qui protège les droits de la mère et de l’enfant, allocations
familiales versées à la mère…

– respect de la législation du travail, « à travail égal, salaire égal »…

– développement des maternités, des crèches, des jardins pour enfants, des centres de planning familial…

Dans cette lutte pour leurs revendications, contre l’obscurantisme, pour les libertés, les femmes se retrouveront aux cotés des travailleurs, des paysans, de la jeunesse et le cadre de cette mobilisation, c’est l’ASSEMBLEE CONSTITUANTE qui unifie toutes les couches exploitées de la population contre l’Etat bourgeois de Boumedienne.

Sur cette importante question, comme sur le Jeunesse, « TRIBUNE ALGERIENNE » publiera prochainement une brochure.

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