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Algérie : Est-il possible de penser l’avenir ?

Entretien paru dans les Cahiers du féminisme, n° 71-72, Hiver 1994/Printemps 1995, p. 39-44


Les intégristes l’avaient annoncé, le mois du ramadan serait, cette année encore, marqué par leurs actions. Ainsi, un nouveau palier dans la violence a été franchi. Du côté des intégristes comme du côté du pouvoir et de l’armée, aucune trêve ne semble envisagée. Les chiffres les plus couramment cités parlent maintenant d’une trentaine de morts par jour. Au moment où nous mettons sous presse, nous apprenons avec une douleur particulière l’assassinat de Nabila Djahnine, présidente de l’association Thighri N’Tmtout (« Cri de femmes »), à Tizi-Ouzou (cf. p. 44). A travers elle, c’est toute la révolte des femmes qui est visée.

En décembre dernier, nous avions organisé une table-ronde réunissant Adel, enseignant à Constantine et militant du PST, de passage en France, et trois militantes algériennes vivant actuellement à Paris – Fatiha et Sanhadja, de l’association Plurielles-Algérie, et Leïla, du Réseau international de solidarité avec les femmes algériennes (RISFA).

La situation se dégrade de jour en jour, aucune issue ne paraît proche. Comment en est-on arrivé là ?

Adel : Au-delà des tragédies insupportables, on a besoin de réfléchir, d’analyser les raisons de la montée intégriste. L’intégrisme a commencé à exister essentiellement comme courant idéologique : le FIS n’avait pas initialement de programme, ni de projet politique, le seul objectif des islamistes était de moraliser la société.

Leur action s’est développée dans un contexte de crise sociale totale, la crise d’une société qui a perdu tous ses repères : la crise du régime et les difficultés économiques croissantes avaient fait naître de profondes frustrations, une soif de revanche sociale extraordinaire avait grandi. Cette colère a explosé dans la révolte d’octobre 1988. Le FIS a su très bien capter ce sentiment : quand on n’a pas d’explication de la situation politique, économique et sociale, on se rabat sur ce qui est apparent. Ce qui est apparent, c’est la femme qui travaille, qui bouge, qui parle, c’est l’alcoolisme, c’est la drogue… Les femmes ont été ainsi, dès le début, au centre de la problématique intégriste, et les premiers crimes ont été commis contre des femmes.

Fatiha : Pour les femmes, le problème ne date pas de l’arrivée du FIS. Le code de la famille de 1984, ce n’est pas le FIS qui l’a voté, c’est la société algérienne ; c’est le pouvoir qui nous a placées sous tutelle à vie. C’est vrai qu’il y a aujourd’hui des agressions, mais pour les femmes, cela a toujours été terrible.

Adel : Il faut quand même distinguer des moments différents dans l’histoire récente. Même si le bilan de l’époque Boumediene peut être sévère, on peut mettre à son actif une scolarisation massive qui a permis de développer la mixité. Cette mixité a joué le rôle d’un mécanisme quotidien de subversion de la société. Certes, il ne s’agissait pas d’une conception théorisée de la mixité, ni du résultat d’un combat conscient des femmes, c’était la conséquence de la volonté d’industrialiser le pays qui nécessitait d’ouvrir celui-ci à la modernité. Mais ceci a permis aux femmes de pouvoir dire :

« j’ai ma licence, je veux travailler », « je ne veux pas me marier tout de suite » ;

on a pu voir dans les rues une mixité quotidienne, pas encore complètement banalisée mais réelle. Malheureusement, cette ouverture en termes de scolarisation et de travail des femmes n’a pas été suivie au niveau des mentalités. Le FIS a pu ainsi développer ses thèses :

« cette modernité n’est pas la nôtre, elle ne s’appuie pas sur les valeurs islamiques, il faut que la femme revienne à la maison ».

Fatiha : Sans défendre le FIS, il faut reconnaître qu’il a trouvé un terrain très favorable. Le pourcentage de femmes qui travaillent est toujours resté très faible. Parmi les filles qui sont allées à la fac, beaucoup ont tout arrêté quand elles se sont mariées.

Sanhadja : Après l’indépendance, le gouvernement Ben Bella puis celui de Boumediene ont essaye de jouer sur deux fronts ; d’un côté, ils cherchaient à s’identifier au bloc des pays communistes – il fallait donc prendre quelques mesures vis-à-vis des femmes, d’autant qu’elles avaient participé en grand nombre à la guerre de libération – , de l’autre, ils ont voulu ménager les courants musulmans, qui étaient loin d’être négligeables : pendant la guerre, l’opposition au colon chrétien, porteur de certaines valeurs, s’identifiait partiellement à l’islam, par exemple dans l’Union générale des étudiants musulmans. Cette contradiction se reflète dans la Constitution, dont un article décrète l’égalité des sexes, mais dont le premier article proclame que l’islam est religion d’État. Dans l’Algérie d’après 1962, on a continué à marier les femmes de force, notamment dans les villages, et une bonne partie des filles frétaient toujours leurs études.

Tout cela est une réalité, mais il faut faire la part des choses : même si le code de la famille fait de moi une mineure à vie, j’ai pu militer comme syndicaliste, comme féministe, comme communiste révolutionnaire. J’ai subi la pression du pouvoir, j’ai été interpellée, mais j’avais quand même le droit d’exister, d’exercer ma citoyenneté – même si c’était entre parenthèses, car cette citoyenneté n’existe pas dans les textes. Je fais une grande différence avec les intégristes qui, aujourd’hui, peuvent me brûler vivante, qui s’attaquent aux femmes dont le seul tort est d’avoir envie de vivre seules ou d’être enseignantes, d’avoir choisi de ne pas porter le hijab… Il ne faut pas faire d’amalgame : la société intégriste que le FIS veut instaurer est la pire pour les femmes.

Leïla : Oui, même sous la répression du FLN et de l’armée, les femmes ont eu des petites possibilités d’ouverture sur le monde : pouvoir aller en classe, dans la rue, sur une plage, etc… J’ai connu une période, quand j’étais étudiante, où l’on pouvait entre filles aller s’installer à la terrasse d’un café, seules ou avec des copains, même dans une ville comme Constantine, pourtant rigoureuse et ascétique. Oui, il y a eu une période comme cela, qui duré jusqu’en 1974-1975. Ensuite, la chape de plomb est retombée. Ce n’est pas que nos dirigeants aient été angéliques, mais entre ceux qui ont décidé de développer la scolarité des filles, en contraignant parfois les familles à envoyer leurs filles en classe au-delà de la puberté, et ceux qui disent « toutes les femmes doivent être voilées » ou bien « celles qui travaillent prennent le boulot des hommes », je fais quand mente une différence !

Sanhadja : En tout cas, la situation est paradoxale pour la première fois en Algérie, on discute de questions fondamentales qui étaient jusqu’ici tabou, comme la laïcité, la démocratie, la place des femmes.

Fatiha : Je ne suis pas d’accord, ces discussions ont eu lieu, mais la répression gouvernementale a empêché toute opposition depuis l’indépendance.

Adel : Pour reprendre ce que disait Sanhadja, dans la culture du FLN, on peut trouver à la fois de l’islamisme et du marxisme. Dans un mouvement populaire qui affronte un monstre comme l’impérialisme français, c’est la logique unitaire et nationale qui prime, les questions internes ne sont pas prisés en compte.

Notre société fonctionne encore autour de la religion et d’une conception rétrograde des rapports sociaux. Même si les femmes étaient très minoritaires à aller à la fac, à travailler, cela apparaissait comme une révolution pour le schéma mental de l’Algérien. Tant qu’on n’aura pas débattu de la religion et de sa place dans la société, l’islamisme restera une potentialité permanente, la femme sera toujours en sursis dans un statut moderne.

En 1962, cependant, il n’y avait pas de courants islamistes organisés, seulement quelques personnalités (dont certaines au gouvernement) et des prêcheurs isolés.

Leïla : Il y a eu un développement progressif des religieux. Dès le milieu des années soixante-dix, nous avant connut une multiplication des quêtes, sur les lieux publics, pour la construction de mosquées. Tout cela, sans que personne ne s’inquiète vraiment.

Adel : L’intégrisme a trouvé place dans un vide, dans une crise sociale sans précèdent. Le pouvoir a réagi par une répression féroce aux manifestations spontanées d’octobre 1988. Les forces démocratiques, à cette époque, n’étaient pas encore organisées en tant que partis, même s’il y avait un potentiel dans certains milieux, dans quelques secteurs de l’intelligentsia, même s’il y avait une activité autour des droits des femmes. Le FIS a profité de ce vide pour se développer, en organisant des milices qui s’attaquaient aux femmes indépendantes et faisaient la chasse à ceux qui se soûlaient ou se droguaient. Au-delà de cette moralisation de la vie quotidienne, il n su capter la frustration sociale et le rejet du pouvoir, en utilisant la formule magique d’« État islamique » qui est apparue comme une réponse politique. De mouvement idéologique, il est devenu mouvement social parce qu’il n’y avait pas d’alternative.

En 1988, le pouvoir a été contraint à une ouverture démocratique, les partis ont été légalisés, même si cette légalisation était instrumentalisée : le pouvoir s’est servi du FIS pour contrôler le mouvement social, et il a utilisé les autres partis pour faire contre-poids à l’intégrisme. Les marges de manœuvre économiques et financières du gouvernement étaient limitées, le pouvoir était en pleine décomposition, incapable de s’auto-réformer, de démocratiser réellement les institutions, il a pensé que le FIS pouvait jouer un rôle de régulateur social de la crise, empêcher une nouvelle explosion qui aurait pu se transformer cette fois en véritable « révolution sociale ». Le FIS a donc été rapidement légalisé. Il a été rejoint par de nombreux cadres, des élites qui voyaient en lui un moyen d’exprimer leur rejet du pouvoir et prendre leur revanche. En effet, l’histoire de la domination du FLN est une longue histoire de mépris, d’écrasement, de dignité éclaboussée, le discrédit du régime ne vient pas seulement de problèmes économiques. Le vote massif pour le FIS aux élections municipales de 1990 a été d’abord un vote sanction, je pense que la moitié des électeurs, maintenant, ne voterait plus FIS.

Le FIS a pu ainsi s’installer dans toutes les institutions périphériques de l’Etat et, parallèlement, il a multiplié les milices qui s’attaquaient notamment, dans les universités, aux militants et militantes des autres organisations politiques. De 1989 à 1991, le FIS a exercé une pression croissante sur l’ensemble de la société, le terrorisme mental s’est installé à ce moment-là ; le pouvoir ne réagissait pas, il préférait laisser le FIS « nettoyer » et « jouer à la terreur », l’essentiel étant que l’opinion publique ne soit pas polarisée par les vrais problèmes. Dans cette période, la seule résistance a été celle des associations de femmes.

Sanhadja : Il faut rappeler que la révolte de 1988 n’est pas tombée du ciel. Il y a eu d’abord le mouvement berbère dans les années 80, le grand rassemblement islamiste de 1982, les grèves étudiantes à Constantine et Sétif suivies d’une grève générale à Constantine en 1986, la grande grève nationale des étudiants de 1987, la grève des ouvriers de Rouiba en septembre 1988… Autant d’éléments qui ont contraint le gouvernement à cette brèche démocratique.

Fatiha : Vous parlez de démocratie, je n’y ai jamais cru. Le pouvoir algérien est capable de liquider la moitié de la population pour garder ses privilèges. Moi, ce qui m’angoisse, c’est de voir des jeunes de vingt ans qui en viennent à égorger leurs voisins. Mais comment s’étonner de la violence actuelle ? Ce sont les autorités qui en portent la responsabilité : en octobre 1988, il y a eu une répression horrible, on a torturé des jeunes, ce sont ceux-là qui avaient 16 ans à l’époque, qui en ont maintenant plus de 20. J’ai longtemps cru, et beaucoup de monde avec moi, que ces jeunes qui tuaient ne pouvaient être que drogués. On sait ramenant qu’il n’en est rien.

• Comment la situation s’est-elle dégradée, comment est-on passé des criaques individuelles et du terrorisme « mental » aux maquis et aux attentats meurtriers ?

Fatiha : Le gouvernement a arrêté les élections législatives de 1991. Le FIS avait remporté plus de trois millions et de voix, on ne pouvait pas lui dire « vous nous faites peur, on arrête tout » ! Très peu d’Algériens ont dénoncé ce coup de force. Le gouvernement a poussé les intégristes à aller dans les maquis.

Les partis algériens
Ennahda : parti islamiste.
FFS : Front des forces socialistes.
FIS : Front islamique du salut.
FLN : Front de libération nationale.
GIA : Groupe islamique armé.
Hamas : Parti islamiste, affilié à l’Internationale islamiste.
MCB : Mouvement culturel berbère.
MDA : Mouvement démocratique Algérien (parti de Ben Bella).
PST : Parti socialiste des travailleurs.
PT : Parti des travailleurs, proche du PT français (ex PCI).
RCD : Rassemblement pour la culture et la démocratie.

Sanhadja : Certains ont parlé à ce moment d’arrêt du processus démocratique, à mon avis, il s’agit d’un arrêt du processus électoral car ces élections ont été largement truquées : le pouvoir a fait un découpage électoral à sa mesure pour essayer d’éliminer les intégristes (il s’est avéré que ceux-ci avaient une assise beaucoup plus profonde que prévue), de leur côté, les islamistes n’ont pas hésité à menacer les gens, à faire pression « si tu ne votes pas pour le FIS, tu votes contre Dieu ». Ceci ne justifie pas l’arrêt du processus électoral, bien entendu. Je reconnais cependant que, comme des milliers de femmes, j’ai dit « ouf, je ne serai pas égorgée demain ! ». Hélas, je suis convaincue qu’on ne fait que reculer les échéances : on fera, un jour ou l’autre, l’expérience intégriste.

Fatiha : Je ne comprends pas cette focalisation sur les intégristes. Le pouvoir algérien, lui aussi, a fait des choses atroces : octobre 1988 s’est soldé par des milliers de morts. Dans sa chasse au FIS, il n’hésite pas à torturer, à faire disparaître des gens.

Tous ceux qui se réclament du FIS ne sont pas des égorgeurs ! Laissons-les faire leur expérience, nous verrons jusqu’où ils vont. Si on n’avait pas interrompu les élections, on n’en serait pas là, je crois qu’il y aurait eu une réaction populaire s’ils étaient allés trop loin. Aujourd’hui, ils apparaissent comme des victimes et le peuple algérien ne réagit pas.

Sanhadja : Les méthodes terroristes, on les a déjà vécues avant la répression, même si c’était à une moindre échelle. Les maquis sont apparus avant même l’arrêt du processus électoral. Dès 1977-1978, les intégristes ont pris des casernes pour récupérer des armes.

Adel : Il ne faut pas oublier l’importance de la guerre en Afghanistan qui a joué le rôle de modèle : les moudjahidine afghans ont beaucoup influencé Ali Belhadj et les jeunes, c’était le Djihad, des jeunes sont partis combattre là-bas. A la suite de cela, il y a eu des préparatifs – bien avant l’arrêt du processus électoral – mais ce n’était pas très organisé : il s’agissait plutôt d’initiatives autonomes, avec autant de chefs que de maquis.

Quand le FIS a pris le contrôle de nombreuses municipalités, en juin 1990, ces préparatifs se sont amplifiés. On s’est rendu compte, lors des premières vagues d’arrestations ou d’assassinats de terroristes, que les intégristes avaient accumulé des moyens matériels considérables : pièces d’identité, tampons, camions, etc… Maintenant, il y a le GIA qui fonctionne comme une sorte de centrale algéroise du terrorisme. Les principaux maquis se trouve dans l’Algérois, autour de Blida, Chlef.

Nous connaissons mieux aujourd’hui les maquis grâce à quelques repentis qui sont passés à la télé. Le GIA ne fonctionne pas comme une coordination nationale et centralisée. Ce sont en général des petites bandes de 15 à 20 personnes. Leur guérilla est un peu artisanale, non dans sa façon d’égorger mais dans son organisation, si on la compare aux expériences d’Amérique latine ou même à la guerre d’Algérie.

Il a souvent été question de drogués et de délinquants, il y en a mais ce n’est pas le point le plus important. Il est évident que les gens les plus audacieux sont souvent des gens qui ont des comptes à rendre à la police. Mais ils ne sont pas seuls, ils sont encadrés, en particulier, par des idéologues. Actuellement, il y a une offensive réelle du pouvoir, les maquis sont très affaiblis.

Fatiha : Ce n’est pas mon impression : tous les jours, les journaux annoncent le démantèlement d’un maquis, l’assassinat d’un chef mais cela continue…

Adel : Je vis à Constantine, dans un quartier populaire dangereux, il n’y a pas eu d’attentats depuis deux mois. Les maquis s’épuisent. L’étau se resserre autour d’eux. Contre certains maquis, l’armée a utilisé des roquettes, parfois même du napalm.

L’intérêt des déclarations des repentis, c’est de montrer le fonctionnement de ces groupes. L’Émir, le chef, se permet tout, il a tous les privilèges, les autres sont chargés d’obéir et d’exécuter. Si quelqu’un conteste, il est mis en quarantaine, s’il continue, il est abattu. Je connais personnellement beaucoup de gens qui s’étaient mobilisés pour le FIS et qui vivent désormais cachés : cachés du pouvoir parce que, en cas d’attentat, ils sont aussitôt appréhendés par la Sécurité Militaire (SM), cachés du FIS parce qu’ils ne sont pas prêts à assumer une complicité qui peut leur coûter cher. Avant, pour échapper à la police, ils allaient au maquis, maintenant, ils préfèrent se cacher.

Dans toutes les villes, il y a des arrestations en permanence : les forces répressives ont des fichiers, elles arrêtent, elles éliminent, elles liquident des gens. Cela va des activistes aux sympathisants actifs, puis aux sympathisants larges, puis à la famille… Les représailles après des attentats peuvent être terribles : pour un officier de police, trois ou quatre personnes sont abattues au même endroit le lendemain, pour un officier de la SM, cela peut aller jusqu’à dix ou treize personnes.

Fatiha : Des personnes, le plus souvent, prises au hasard, beaucoup de jeunes !

Leïla : Il faut être prudent dans ce genre d’affirmations. Des deux côtés, il y a des victimes prises au hasard. Mais la rumeur va bon train, ce n’est jamais quelque chose de constructif.

La question principale qui me préoccupe, c’est de savoir pourquoi les actions des islamistes ne sont pas davantage dirigées contre le pouvoir ou ses représentants, contre des personnes connues pour leur corruption ou pour avoir participé à la répression. Par exemple, dans l’Airbus détourné en décembre, les deux représentants de l’autorité n’ont pas été inquiétés par le commando du GIA. Je suis en mesure de comprendre un islam révolutionnaire, je ne comprends pas qu’on puisse, au nom de l’islam, abattre de simples citoyens anonymes ou des gens connus pour leur opposition au pouvoir.

Pour moi, les méfaits des uns et des autres sont équivalents, ce sont, dans les deux cas, des comportements de violence dictés par la volonté de terroriser la population pour la faire basculer de son côté. Il y a deux groupes, l’un a le pouvoir et fait tout pour ne pas le lâcher, l’autre veut le pouvoir et utilise tous les moyens pour y parvenir. Les populations, dans ces conditions, n’ont, la plupart du temps, aucune position politique, elles se contentent d’essayer de survivre.

Fatiha : Pour moi, c’est très important de montrer l’ampleur de la répression en Algérie, car en France on ne présente, le plus souvent, qu’une seule vision, celle des « barbares islamistes ».

Que pensez-vous des négociations amorcées à Rome entre les islamistes et certains partis algériens ? Y a-t’il un islamisme modéré avec lequel on pourrait dialoguer ? Quand des représentants du FIS à l’étranger publient un communiqué désapprouvant plus ou moins clairement certaines actions du GIA, s’agit-il d’une position de fond ou d’un geste tactique ?

Fatiha : Je suis pour le dialogue. Le FIS représente le peuple, je pense sincèrement qu’il y a dans la mouvance islamiste des gens avec qui l’on peut discuter, tous ne sont pas des égorgeurs. Il faut arrêter le massacre, il faut dialoguer ! Le GIA est barbare dans ses méthodes, le FIS n’a pas encore basculé de ce côté-là. Je salue la position du FFS et l’organisation du colloque de Rome.

Leïla : Parler de dialogue, c’est à mes yeux une vaste fumisterie : il y a actuellement deux clans qui se font face, quand ils se mettront à dialoguer, quelle sera la place de la population ? D’autre part, qu’entend-on par modéré ? A l’époque où le FIS jouait un rôle important (avant l’apparition du GIA), on considérait comme « modérés » des groupes comme Hamas ou Ennanda qui ont pourtant le même projet social, le FIS était alors perçu comme regroupant les ultras. On a depuis gravi une marche, le GIA est apparu, les attentats sont devenus de plus en plus violents et le FIS fait figure maintenant de modéré. Je ne suis pas capable de parler de modération dans l’islamisme intégriste !

Sanhadja : II faut rappeler d’abord que le FIS a été officiellement dissous en 1992. Cette dissolution et l’arrestation de ses chefs, Abassi Madani et Ali Belhadj, ont quand même porté un coup très dur à cette organisation. Mais de toute façon, le FIS et le GIA ont le même projet de société : une société islamiste, réactionnaire, totalitaire. Quand il y a des actions d’éclat du GIA, quelque part le FIS est gagnant dans l’affaire car cela constitue une pression sur le pouvoir ; mais s’il s’aperçoit que cela ne lui rapporte pas beaucoup au niveau de l’opinion publique, alors il se démarque du GIA. De façon générale, le FIS n’a pas démenti ou condamné : ainsi Rabah Kébir, porte-parole officiel du FIS en Allemagne, a justifié l’assassinat d’intellectuels en disant qu’il s’agissait de « mécréants ». Les dirigeants du FIS n’ont-ils pas expliqué que tout parti non islamique est « contre Dieu » et que la démocratie est un péché ?

Leïla : Aujourd’hui, Abassi Madani et Ali Belhadj se disent prêts à jouer le jeu de la démocratie pour arriver au pouvoir : en fait, leur objectif est d’arriver, par la démocratie, à instaurer une dictature.

Fatiha : Je ne prétends pas avoir de solution toute faite, mais on n’a même pas essayé vraiment de dialoguer !

La rencontre de Rome, espoir ou illusion ?
A Rome, le 13 janvier 1995, les principales forces de l’opposition – parmi lesquelles le FLN, le FFS, le MDA, le PT, Ennahda… – ont signé avec des représentant du FIS une plate-forme commune « pour une solution politique et pacifique de la crise algérienne » (1). Lueur d’espoir pour beaucoup, cette initiative peut-elle permettre de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve l’Algérie ?

Les principales exigences formulées sont l’arrêt de la violence et l’organisation d’élections libres et pluralistes, dans un délai assez bref. Moyen de pression sur le pouvoir non négligeable, cette démarche peut forcer ce dernier à mettre fin à la répression sauvage qu’il exerce sur une partie de la population. Mais, peut-on vraiment espérer une amélioration de la situation quand les tenants de la violence, le pouvoir et l’armée, d’une part et les groupes islamistes armés, d’autre part, rejettent en bloc ces tentatives de conciliation ?

Deuxième problème : pour mettre fin à la violence, faut-il s’allier au diable et peut-on lui faire confiance ? Pourquoi le FFS et le PT, partisans de la laïcité et de l’abrogation du code de la famille, s’engagent-ils à appliquer le principe suivant : « la restauration de I’État Algérien souverain, démocratique et social dans le cadre de l’Islam », premier article de la plate-forme ? Rappelons-nous, en 1979, en Iran, c’est au nom de l’opposition contre le Shah que des partis de gauche et démocratiques se sont alliés avec Khomeiny qui, une fois au pouvoir, les a exécutés. Les dirigeants du FIS le disent : « Nous n’acceptons pas cette démocratie qui permet à un élu d’être en contradiction avec l’Islam, la charia, sa doctrine et ses valeurs » (Abassi Madani, Algérie Actualités, 24 décembre 1989), ou « Il n’y a pas de démocratie en Islam, la démocratie est kofr [mécréante] » (Ali Belhadj, le Maghreb, 20 octobre 1989).

Aujourd’hui plus que jamais, une plate-forme doit rassembler tous les démocrates qui rejettent à la fois le projet de l’état répressif et le projet intégriste totalitaire.

Sanhadja A.
I- Un premier colloque, rassemblant les mêmes organisations, avait eu lieu, à Rome également, en novembre 1994.

Adel : Je suis d’accord avec Leila pour dire qu’il ne peut y avoir de dialogue entre deux logiques destructrices qui s’affrontent. Pour trouver une issue à cette impasse, il faut une autre perspective, il faut sortir de cette polarisation pouvoir/FIS et trouver des mécanismes de dialogue avec la population. Il faut une dynamique démocratique qui ne se réduise pas à des élections.

Le premier problème vient de la difficulté pour les forces démocratiques à construire quelque chose ensemble. Le deuxième, c’est l’absence de tradition démocratique : il n’y a jamais eu, dans ce pays, de réelle participation des citoyens à la vie publique. Et la terreur quotidienne, aujourd’hui, rend les choses encore plus difficiles, en anesthésiant le mouvement syndical, le mouvement social.

Pour débloquer la situation, il faut arriver à trouver une perspective politique s’appuyant à la fois sur des exigences démocratiques et des luttes sociales. La priorité est de s’attaquer à la racine du problème, c’est-à-dire à la crise sociale qui constitue le vivier dans lequel a fermenté l’intégrisme. Il faut tenter d’apporter des solutions aux revendications les plus immédiates : le droit d’avoir un logement, le droit de travailler, le droit d’espérer en un futur. Ce sont les problèmes quotidiens de tous les jeunes, notamment. Il faudrait que les partis démocratiques arrivent à sortir des calculs politiciens : qu’un parti comme le RCD, par exemple, ne se contente pas de formules méprisantes sur l’intégrisme mais s’intéresse à ce qui, socialement, a permis le FIS.

Les batailles doivent se mener également sur le front démocratique : les droits des femmes, les droits constitutionnels, la fin de la répression, les libertés démocratiques les plus élémentaires.

Les femmes joué un rôle important à un moment donné dans ce type de batailles : elles ont été les premières résistantes face à l’intégrisme, entre 1989 et 1991. Hélas elles ont été quasiment les seules à porter cette résistance et aujourd’hui, les associations de femmes sont très affaiblies.

Leïla : A ce propos il faut rappeler que, dès 1963, des avant-projets de code de la famille ont été élaborés par le gouvernement et que des regroupements de femmes se sont constitués dès cette époque pour s’y opposer. Après 1988, plusieurs associations de femmes se sont créées mais elles étaient liées à des idéologies partisanes, ce qui les a empêchées d’aller de l’avant. De plus, les militants des partis, quels qu’ils soient, se sont toujours désintéressés des problèmes des femmes, en disant « ce n’est pas la priorité ».

Sanhadja : De réelles divergences traversaient pour les associations : les unes étaient pour l’abrogation du code de la famille, d’autres pour sa révision ; certaines insistaient sur la nécessité d’un travail sur les mentalités, pour d’autres cette question était secondaire. Ce n’est pas à cause de l’appartenance politique des unes ou des autres que les associations se sont effondrées, c’est beaucoup plus complexe. La situation des femmes dans une société archaïque est particulièrement difficile, elles sont confrontées à toutes les contradictions. Entre 1989 et 1991, les femmes ont été les premières à poser des questions, à la fois contre le pouvoir — à travers l’opposition au Code de la famille — et contre les intégristes. Le mouvement des femmes, minoritaire, a été confronté à des questions qui dépassaient de loin les seules femmes, qui se posaient à toute la classe politique.

Leïla : Pour en revenir à l’actualité, je pense qu’il est indispensable de constituer un front démocratique, mais il ne faut pas que cela se réduise à une dynamique de chefs qui s’entendent entre eux. Actuellement, les partis qui se disent démocratiques me semble plus soucieux d’afficher leur leadership ou leur légitimité historique que d’initier un rassemblement autour du « minimum vital » qui est la lutte contre le fascisme et la répression. Si l’on ne sort pas de cette vision partisane, l’union ne se fera jamais !

Adel : Si on arrive à conjuguer des initiatives sur le plan démocratique et des luttes sociales, des bouts d’espoir sont permis. Des explosions sociales peuvent se produire à tout moment, car la situation est catastrophique. En échange du rééchelonnement de sa dette, le FMI a imposé à l’Algérie des conditions draconiennes : dévaluation du dinar de 40 %, réduction du déficit budgétaire, restructuration des entreprises publiques. Ces nouvelles mesures économiques vont aggraver encore la situation, on va assister à des licenciements massifs, le pouvoir d’achat va dégringoler. La libéralisation du commerce extérieur permet l’entrée de produits de luxe, on trouve de plus en plus de magasins qui se spécialisent dans la vente de produits étrangers (électro-ménagers par exemple), en ciblant les couches à revenu supérieur : il n’y a pas de place dans cet espace commercial pour les travailleurs, les jeunes, les couches populaires. Ceci n’est pas nouveau mais a pris plus d’ampleur. Il y a eu des grèves importantes ces derniers temps, notamment une grève de toutes les entreprises affiliées à la Sonatrach, contre son démantèlement ; un compromis de dernière minute est intervenu. Cela montre que le mouvement social peut permettre de sortir de ce qui apparaît comme un enfermement tragique.

C’est d’autant plus indispensable que la dictature est en train de s’incruster dans le pays, que la Sécurité militaire réencadre la société. La loi adoptée récemment contre le terrorisme est tout autant une loi contre la « subversion » : des journaux ont ainsi été suspendus, beaucoup de journalistes ont été censurés, menacés, ou même arrêtés.

Leïla : Cette évolution n’a rien d’étonnant : ce pouvoir n’a jamais voulu ni du multipartisme ni de la démocratie. Pour lui, la situation actuelle est l’occasion rêvée de réinterdire ce qu’il avait toujours interdit avant que les gosses ne sortent dans la rue, en 1988.

Adel : Ce qui peut également aider à faire évoluer la situation, c’est la pression internationale. L’opinion publique doit se mobiliser, comme elle a commencé à le faire le 3 décembre, à Paris, autour de revendications démocratiques. Il faut également exiger du gouvernement français qu’il annule la part française de la dette, ce qui aurait un effet important sur les possibilités de relancer l’économie, même si on sait que le régime actuel pille une partie des richesses.

Leïla : Qu’on annule la dette, oui, mais que cela profite encore à ceux qui en profitent depuis trente-deux ans, non ! Les partis démocratiques devraient proposer au moins une commission de contrôle.

Adel : L’annulation de la dette, comme les autres mesures, doit être liée à la question des libertés démocratiques : face à un pouvoir qui garde tous les mécanismes de décision, il faut créer une logique de contre-poids qui devrait se traduire à un moment donné par un pouvoir plus populaire, plus représentatif.

Sanhadja : Pour moi, l’espoir réside aussi du côté des femmes. Ce qui m’a frappée lorsque je suis allée en Algérie, au mois d’août, c’est la résistance des femmes, qui continuent à aller travailler, à ne pas porter le hijab — pas seulement à Alger, même dans des petites villes. Mes cousines, par exemple : pour elles, parler, sortir, c’est presque un geste militant, pour défier le terrorisme et les menaces. J’admire le courage des femmes qui ont manifesté le 22 mars, ou en juin, même si je ne partage pas totalement le point de vue des organisateurs de ces manifestations, entièrement dirigées contre les intégristes, sans un mot sur la politique répressive du pouvoir.

Pour terminer, parlez-nous des associations de solidarité dans lesquelles vous militez ici.

Fatiha : Je fais partie du collectif Plurielles Algérie, qui s’est créé en mars dernier pour aider les femmes algériennes en France. Nous organisons une permanence d’accueil, tous les samedis matin. La plupart des femmes viennent pour des papiers, pour obtenir une prolongation de visa. Nous avons réussi à régler un certain nombre de problèmes, avec beaucoup d’interventions auprès de la Préfecture ; mais il devient maintenant de plus en plus difficile de quitter l’Algérie, Pasqua a réussi à fermer presque complètement les frontières. Nous recevons des lettres de SOS très pénibles, auxquelles nous répondons par courrier.

Nous essayons en même temps d’obtenir des logements HLM pour héberger les femmes qui arrivent en France en urgence.

Leïla : Pour ma part, je milite dans le Réseau international de solidarité avec les femmes algériennes, le RISFA. Le problème essentiel auquel nous avons été confrontées est celui des enfants : les femmes arrivaient à sortir d’Algérie, souvent par le biais d’une inscription à l’université mais les enfants, eux, n’obtiennent pas de visa et ne peuvent bénéficier du regroupement familial puisque cette procédure suppose un statut de salarié. Ainsi, les mères repartent au bout d’un certain temps parce que leurs enfants sont restés sur place.

Je m’occupe plus particulièrement d’une commission qui essaie de trouver des financements pour des petites unités de production locale : nous voulons donner la possibilité à des femmes d’apprendre un travail qui leur permettre de survivre et de faire survivre leur famille.

Je pense que c’est en se rassemblant ainsi autour de projets concrets, limités, qu’on apprend à vivre ensemble.

Sanhadja : Différentes organisations se sont regroupées, à Paris, autour d’une plate-forme pour réclamer un droit d’asile territorial. Mais la première bagarre à mener, aujourd’hui, est celle pour obtenir le droit pour les Algériens et les Algériennes d’avoir des visas : beaucoup ne souhaitent pas venir s’installer en France mais ont besoin simplement de sortir un peu d’Algérie, un mois ou deux, pour respirer.

Propos recueillis le 30/12/94 par Anne-Marie Granger et Marie-Annick Vigan


Plurielles Algérie : 21 ter, rue Voltaire. 75011 Paris
Tél : (1) 43 71 03 54

RISFA : BP 396, 75526 Paris Cedex 11
Tél. : (1) 53 79 18 73


Nabila Djahnine assassinée
C’est avec une peine infinie que nous avons porté, accompagné Nabila Djahnine jusqu’à ce carré de terre où elle repose désormais. Nabila, notre sœur, dans la souffrance et la révolte, notre irremplaçable amie de toutes ces années de lutte, notre inébranlable camarade de tous les rendez-vous.

Des discussions fiévreuses en petit cercle à la création d’associations unitaires, de la rencontre nationale des femmes de 1989 à celle de Tizi-Ouzou, elle était de celles qui ont bâti le formidable essor du mouvement associatif féminin, contre l’oppression et pour la citoyenneté effective.

Revendiquant d’être reconnue comme un être humain, à part entière, elle vivait de toutes ses forces comme universitaire, travailleuse, sœur, fille, amie. Elle était de toutes les luttes démocratiques, sociales, culturelles… Elle était… ?

Hier encore, elle pleurait avec nous nos sœurs enlevées, violées, massacrées… Et c’est elle que nous pleurons aujourd’hui.

Nous habituerons-nous jamais à la mort, à la souffrance, aux mutilations ?

Chaque disparition ravive la plaie, chaque départ nous frappe en plein cœur et nous laisse désarmées… pour un temps.

Nabila était justement de celles qui ne baissent pas les bras, de celles qui continuent l’activité militante, dans l’adversité.

Ceux qui ont osé faire pleurer les parents admirables de Nabila, savaient-ils son infini respect pour l’humanité ?

Savaient-ils, ceux qui t’ont poursuivie, ceux qui t’ont tiré une balle dans le ventre pour te voir souffrir avant de t’achever, savaient-ils seulement que tu les attendais… Ni depuis la petite Belhadj, ni depuis la belle Katia de 17 ans, ni depuis les sœurs Boufarik, ni depuis Mme Ourais… Oh non, tu les attendais depuis… que tu avais, toi, choisi de te battre plutôt que de broder tes draps de trousseau, que tu avais décidé, toi, que femme, tu ne serais ni boniche, ni potiche.

Et tu savais depuis l’infirmière de Remchi qu’ils ne te pardonneraient pas d’être une femme belle et brave. Depuis la mère d’Omar mort dans l’incendie d’Ouargla, tu les savais capables de donner la mort aux innocents.

Ils se sont mis à plusieurs pour t’abattre, Nabila, ce sinistre mercredi, car ils n’aiment pas les femmes fières qui lèvent la tête.

Mais ils ont tort de croire qu’en te déchiquetant le ventre, ils ont entamé ton idéal car nous le portons. Et si nos vies n’y suffisent pas, d’autres, plus jeunes, après nous, en enfanteront.

C’est cette marche inexorable du temps qu’ils ne pourront atteindre de leurs canons sciés, c’est cette avancée implacable de l’Histoire au féminin qu’ils ne pourront assassiner.

Ce pouvoir de vie, cette force d’espoir toujours renaissant, ils n’y pourront jamais rien.

C’est ton corps que nous avons mis en terre, à Bejaïa, Nabila, mais tes idées, ton idéal, ton combat, comment feront-ils pour nous y arracher ? La colère qui t’animait, nous anime encore plus aujourd’hui. C’est ainsi que tu vis et que tu vivras !
L’Association pour l’émancipation de la femme.
Alger le 19/02/1995

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