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Francine Gerson : De la prostitution intellectuelle et sexuelle

Article de Francine Gerson paru dans L’Insurgé, n° 39, 30 janvier 1926, p. 2

L’ordinaire opinion considère la prostitution comme avilissante.

Quelques individus plus affranchis des préjugés communs pensent que le plus grand nombre des métiers comportent une part plus ou moins étendue d’avilissement par cela même que les individus ne les exercent pas par inclination mais y sont contraints par l’économie de la société actuelle.

En conséquence, le métier de prostituée ne leur parait pas plus vil que n’importe quel autre.

« Qu’importe, disent-ils, que la prostitution soit celle des bras, du cerveau, ou du sexe » !

Je crois qu’il faudrait toutefois faire quelques restrictions.

L’individu qui exerce un métier manuel garde l’esprit et les sentiments francs. Considérons, au contraire, l’écrivain, le journaliste qui, pour gagner sa vie, professe des opinions, qu’il est loin de penser.

Son cerveau acquiert un pli, une déformation qui lui rendent malaisée sa propre pensée. La prostitution a tué en lui toute personnalité.

Nous pouvons assimiler son cas à celui de la fille publique qui simule des sentiments, des désirs inexistants. A force de feindre, elle finit par rendre ses sentiments à ce point artificiels qu’il lui devient impossible de les éprouver naturellement.

Et l’on voit un grand nombre de ces malheureuses atteintes de cette infirmité que P. Bourget a appelé « l’impuissance d’aimer » et qu’il a analysé dans « Un Crime d’amour ».

Par suite, il me semble un peu arbitraire d’assimiler le cas du travailleur manuel à celui du travailleur intellectuel prostitué ou de la fille publique.

C’est dans cette erreur que semblent être tombés ceux qui ont traité de ce sujet.

Francine GERSON.

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