Article paru dans Union ouvrière, n° 3, février 1975, p. 2
Alors même qu’il est question de tentatives de « solution négociée » au Moyen-Orient, et que le ballet des diplomates s’intensifie, la course aux armements se poursuit. Tous les peuples de la région vivent dans de véritables camps retranchés, sous la botte des « grands » du capital.
On ne saurait mieux parler d’équilibre de la terreur. « Equilibre » qui s’appuie, sur le terrain, sur le nationalisme exacerbé de chaque peuple, arabe comme israélien, chacun faisant corps derrière ses dirigeants, à l’ombre des frontières nationales.
La surenchère patriotique de toutes les fractions de la bourgeoisie de la région jette régulièrement les masses misérables des paysans et des ouvriers arabes et israéliens les uns contre les autres, dans des guerres fratricides dont ne profitent que les blocs capitalistes (pour qui elles sont autant de champs de manœuvres) et les ruffians du capital local.
Chaque conflit ne fait que préparer le suivant, au nom de la revanche des vaincus et de la sécurité des vainqueurs. 1948, 1956, 1967, 1973, telles sont les principales dates de cet engrenage sanguinaire.
LA LOI DE L’AFFRONTEMENT DES BLOCS
La création de l’Etat d’Israël, en 1948, imposée par la force, grâce à l’aide des deux grands vainqueurs de la boucherie impérialiste, les U.S.A. et la Russie, revint à placer au Moyen-Orient une bombe à retardement à forte puissance. Depuis, les déchaînements des nationalismes locaux ont surtout été l’occasion pour les deux « super-puissances » du capital de placer leurs pions sur l’échiquier.
Les fournitures d’armes, les traités « d’amitié », les avantages commerciaux obtenus par les U.S.A. ou la Russie sont autant d’expressions de l’état de dépendance auquel les « protecteurs » russes et américains contraignent leurs « protégés » ; en même temps qu’ils les utilisent comme autant de détachements militaires « étrangers » et comme « avant-postes » politiques.
C’est en effet la loi de l’affrontement des blocs que chaque brigand essaie constamment de renforcer ses positions au détriment de celles de l’adversaire, et que par une lutte incessante, sur tous les terrains, économique, diplomatique, politique, militaire (c’est ce qu’ils appellent la « coexistence pacifique ! »), chacun fasse, par petits peuples interposés, flèche de tout bois, pour conquérir tous les « points d’appui » qui peuvent l’être.
LES « PETITS PAS » DE KISSINGER …
Jusqu’à présent, au Moyen-Orient c’est le capital U.S. qui semble avoir retiré le plus de marrons du feu : ce n’est là que l’expression de la supériorité écrasante de la puissance américaine sur toutes les autres. Après la guerre du Kippour (octobre 1973), l’omniprésence U.S. dans la région s’exprime maintenant officiellement : « l’intense activité diplomatique » de Kissinger au Moyen-Orient durant l’année passée en est l’expression la plus claire. Sa politique des « petits pas », à laquelle la plupart des Etats de la région se sont « ralliés », montre bien que les U.S.A. mènent le jeu. Cette politique, qui consiste à tenter de « régler » les divers « problèmes » (!) les uns après les autres, pays après pays (les Etats-Unis jouant le rôle D’ENTREMETTEUR, et en retirant tous les avantages), à défaut de pouvoir aboutir à quoi que ce soit, permet au moins au capital U.S. de garder toutes ses cartes en mains, et de S’IMPOSER DE PLUS EN PLUS FACE A CHAQUE INTERLOCUTEUR.
ET « L’AMITIE » DES RUSSES…
L’impérialisme russe, quant à lui, n’est pas inactif et ne ménage pas ses efforts : des « relations d’amitié » avec la Syrie et l’Irak…, aux ventes d’armes et aux contrats économiques, en passant par les pressions diplomatiques et la tentative de créer un pacte de « sécurité collective » (!) qu’il patronnerait. Mais tout compte fait, sur place, l’appel des sirènes américaines est le plus fort. Et actuellement, l’U.R.S.S. n’a de perspectives de récupérer terrain qu’au niveau de la Conférence de Genève. Laquelle n’est pas forcement près de se réunir, puisque les U.S.A, qui ont tout intérêt à continuer leur politique de cavalier seul, n’accepteront de la convoquer qu’après s’être assurés aussi solidement que possible, d’un certain nombre de positions.
REVOLUTION PROLETARIENNE !
Le chassé croisé des diplomates et des hommes d’affaires n’empêche nullement la « tension » de croître sur le terrain. Au contraire même. Les accrochages succèdent aux accrochages et chaque bandit impérialiste arme ses « protégés » au nom même de la préparation d’une « paix juste et équitable ! » …
Dans un tel conflit, il n’est pas question pour des révolutionnaires prolétariens de « soutenir » un camp contre l’autre. Car les paysans et les ouvriers arabes et israéliens y sont sacrifiés sur l’autel des rivalités inter-impérialistes, les mêmes qui demain secoueront la planète tout entière.
Ce que nous avons à expliquer aux prolétaires et aux masses misérables, c’est que de cette guerre, il ne pourra suivre pour ceux qui en réchapperont, que misère et asservissement plus grands. Et que leurs fureurs nationalistes ne leur laissent paradoxalement, pas d’autre choix que celui de « choisir » de vivre demain derrière des barbelés, dont la seule « différence » pourra être la marque de fabrique : américaine ou russe.
L’émancipation des ouvriers et des paysans misérables des pays arabes et celle des prolétaires israéliens passe par une RUPTURE TOTALE avec le nationalisme, leur organisation de classe INDEPENDANTE, et la lutte pour leur PROPRE POUVOIR, contre tous les Etats du capital de la région. Pour ce combat le seul révolutionnaire, il n’y a qu’une voie : TRANSFORMER LA GUERRE NATIONALISTE EN GUERRE CIVILE