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Claude Duchet et Philippe de Comarmond : Racisme et société

Introduction au livre dirigé par Claude Duchet et Philippe de Comarmond, Racisme et société, Paris, Maspero, 1969, p. 7-14

A la fin des années 1880 déjà, un Français pro-aryen, Vacher de Lapouge, écrivait :

« Je suis convaincu qu’au siècle prochain des millions d’individus s’entretueront à cause d’un ou deux degrés en plus ou en moins d’indice céphalique … »

L’indice céphalique est le quotient de la plus grande largeur de la tête par sa longueur ; certaines tribus, certains peuples à travers le monde ont des indices élevés, d’autres des indices faibles. On trouve des « têtes longues » aussi bien dans les sociétés dites primitives que dans les sociétés industrielles : il en est de même des « têtes rondes ». Ni les unes ni les autres ne sont le témoignage d’une supériorité sur le plan intellectuel ou moral … Comment donc pouvait-on imaginer que « des millions d’individus s’entretueraient » à cause de la forme du sommet de leur crâne ?

Depuis l’origine du monde, les hommes n’ont pas manqué de motifs pour se faire la guerre … mais la forme des crânes ne servit jamais d’argument aux chefs pour exciter leurs partisans contre les ennemis. Ils les appelaient les païens, les barbares, les hérétiques, ou encore les assassins de femmes et d’enfants, mais jamais « notre-ennemi-indice-céphalique-n°-82 ».

La grande civilisation occidentale, la première, motiva ainsi, en théorie et en pratique, les guerres et les persécutions. Autrement dit, le racisme est une création du monde moderne … Il divise l’humanité en groupes à caractères anatomiques héréditaires – forme de la tête, couleur de la peau, forme du nez, texture du cheveu, couleur des yeux […], il affirme qu’un groupe a les stigmates de la supériorité, l’autre de l’infériorité. Le raciste ne reconnaît l’ennemi ni à ses agressions, ni à ses croyances ou à son langage ni même à ses richesses qu’il convoite, mais à ses caractères physiques. Et le cercle ainsi se referme : le léopard ne peut effacer ses taches et ce sont elles qui le font léopard (1).

Telle est, à la limite, l’absurdité du raisonnement raciste que le premier réflexe qu’il suscite, c’est la négation pure et simple de ses fondements et le refus du terme de race. Position humaniste et généreuse dont on peut se demander si elle est fondée ou même efficace contre la mythologie et la « logique » du raciste. Il convient avant d’aller plus loin de rappeler trois points essentiels de la Déclaration de l’U.N.E.S.C.O. sur le racisme et les préjugés raciaux (octobre 1967) :

a) Tous les hommes qui vivent de nos jours appartiennent à la même espèce et descendent de la même souche.

b) La division de l’espèce humaine en « races » est en partie conventionnelle ou arbitraire, et elle n’implique aucune hiérarchie de quelque ordre que ce soit. De nombreux anthropologues soulignent l’importance de la variabilité humaine mais pensent que les divisions « raciales » ont un intérêt scientifique limité et qu’elles risquent même de conduire à une généralisation abusive.

c) Dans l’état actuel des connaissances biologiques, on ne saurait attribuer les réalisations culturelles des peuples à des différences de potentiel génétique. Les différences entre les réalisations des divers peuples s’expliquent entièrement par leur histoire culturelle. Les peuples du monde d’aujourd’hui paraissent posséder des potentiels biologiques égaux leur permettant d’atteindre n’importe quel niveau de civilisation.

Ainsi, pour le biologiste, le concept de race « ne saurait concerner que la part génétique des différences entre les êtres humains : il ne viendrait à l’esprit de personne d’appeler différence raciale l’effet de milieu diversifiant l’expression d’un même potentiel génétique. (2) » Par conséquent, « le concept de race concerne un groupe d’individus tel qu’il tende à rester stable au long des générations, et que définit son patrimoine génétique (c’est-à-dire la somme des molécules d’A.D.N. de ses membres) ». Il s’agit là d’un modèle théorique, indispensable sans doute pour la recherche, mais qui ne se rencontre pas dans l’espèce humaine.

L’anthropologue peut utiliser de son côté le concept de race comme un instrument classificatoire qui « comporte une part considérable d’arbitraire » :

« Au gré du chercheur ou de la question qu’il traite, il peut découper l’humanité en 3, 5, 100 ou 1 000 races sans qu’on puisse en discuter rationnellement, si ce n’est pour relever les contradictions logiques de tout schéma classificatoire. »

C’est donc « en termes d’évolution » que l’on doit « interpréter la diversité actuelle de l’espèce humaine. Nous devons estimer l’importance de l’intervention des divers processus capables de changer le patrimoine génétique des populations. Nous en connaissons quatre : les mutations, la sélection, le métissage et la dérive génétique » (liée aux petits effectifs, comme c’était le cas pour les collectivités humaines à l’origine). Quant aux différences d’ordre culturel ou psychologique entre les groupes humains, les nier serait finalement se dérober devant le problème du racisme et tomber dans un piège subtil.

Car si le raciste accuse son ennemi d’être différent, l’antiraciste « sentimental » veut lui épargner cette misère :

« Tous les deux en somme sont d’accord sur ce point : il n’est pas tolérable d’être différent. Or au nom de quoi condamne-t-on la différence ? Au nom de l’un des préjugés les plus grégaires et les plus obscurs, les plus injustes et les plus incohérents, qui s’effondre aussitôt qu’il est quelque peu rationalisé. Si l’on se permet de juger et de refuser les autres, c’est que l’on se prend implicitement comme critère du beau, du bien, du vrai. L’on sous-entend, plus ou moins consciemment, qu’il est malgracieux, blâmable et absurde d’être différent de soi. La condamnation est alors inévitable en effet (3) … »

Les races existent donc, si l’on veut, et pas comme entités biologiques, mais le racisme existe indépendamment des racés.

D’une part, il s’applique à des groupes qui sont différents par leur histoire, par leur culture, par leur morale, mais pas nécessairement par leur « race ». C’est le cas, par exemple, des minorités italiennes ou polonaises aux Etats-Unis, des minorités juives dans le monde en général, dans les pays du Proche-Orient en particulier.

D’autre part, pour amplifier ces différences, pour leur donner un caractère irrémédiable, irréductible, le racisme est amené à « créer » des races là où il n’y en a pas. C’est alors que la race devient un mythe, alimente une idéologie.


Racisme et race sont donc deux termes qui se correspondent sans se fondre l’un dans l’autre. L’objet de ce livre est le racisme, et l’appréhension de cet objet n’exige pas une étude scientifique de la notion de la race.

« Pour comprendre les conflits raciaux, ce sont les conflits qu’il faut étudier en premier lieu, pas les races (4). »

Or, à l’origine de ceux-ci, nous trouvons une certaine attitude, une certaine disposition d’esprit : intolérance, refus de l’Autre en tant qu’Autre. Le racisme serait donc tout d’abord un « mécanisme de défense du moi » contre l’étranger. Dans cette perspective, il n’est que le cas particulier d’un « isme » plus fondamental, plus général. L’étranger, c’est le « déviant », étant entendu qu’il dévie par rapport à une norme et que cette norme, c’est moi qui la représente. Pour qu’il n’y ait aucune équivoque d’ailleurs, je l’enferme, je l’englue dans l’image que je me fais de lui, je l’infériorise en attribuant un caractère irréductible à sa différence.

Mais le racisme n’est-il qu’une attitude ? S’il en est ainsi, en effet, le racisme disparaîtra par la mise en œuvre de deux séries de moyens « classiques » : l’éducation, l’information d’une part, des thérapeutiques d’ordre psychologique d’autre part.

L’individu se pose en s’opposant. Bien sûr. Mais pourquoi son agressivité se fixe-t-elle spécifiquement sur le Juif, le nègre, l’Arabe ? Pourquoi sur tous les Juifs et pas sur tous les fourreurs, comme le dit Sartre à propos d’un incident survenu à une femme avec un fourreur juif ? Pourquoi sur tous les Juifs financiers et pas sur tous les financiers, comme le fait remarquer Memmi ? Si cette attitude trouve un contenu déterminé, n’est-ce pas que la société le propose « si commodément, si généreusement », que certaines conditions historiques, économiques et sociales en constituent le terrain idéal d’éclosion ? Le racisme est donc plus qu’une attitude. Il est aussi la situation sociale qui induit cette attitude. Il est enraciné dans l’histoire, et son analyse doit avant tout être historique.

Impossible de comprendre le racisme anti-homme de couleur si l’on ne pose pas le problème de l’expansion coloniale, de la colonisation, et aussi de la décolonisation.

Impossible de comprendre l’antisémitisme si l’on ne s’interroge pas sur ses origines religieuses – peuple « déicide » -, si l’on ne se demande pas pourquoi l’antisémitisme s’est manifesté dans le monde de façon sporadique et non continue, si l’on ne pose pas le problème de sa persistance et de son durcissement malgré la révolution industrielle et la diversification professionnelle qu’elle a entraînée chez les Juifs, malgré, en somme, leur intégration sociale et économique dans les sociétés occidentales.

Le combat antiraciste ne peut plus dès lors se limiter à un duel d’idéologies, à la diffusion d’une pensée universaliste de quelque ordre qu’elle soit :

« L’universalisme qui est à la base du christianisme, de l’Islam, du bouddhisme n’a pas empêché, les conditions requises étant réunies, les ethnies chrétiennes, musulmanes, bouddhistes de se mal juger, de se mépriser, de se haïr et, le cas échéant, de lutter entre elles. Il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement pour l’universalisme marxiste. Les idées, les principes sont peu puissants au regard des situations sociales, c’est ce que Marx lui-même a fort bien montré (5). »

Le combat antiraciste est donc un combat pour un changement des structures sociales, c’est-à-dire un combat politique. Néanmoins, les préjugés une fois intégrés à la personnalité de l’individu tendent à se maintenir même si les conditions historiques qui leur ont donné naissance disparaissent. Ainsi en est-il du racisme anti-algérien en France, toujours vivace, sinon « privilégié », malgré la fin de la guerre d’Algérie et la décolonisation. De même l’antisémitisme dans les pays de l’Est, pays de forte tradition antisémite, a-t-il survécu à l’adhésion au socialisme. Ces « survivances » incitent à compléter l’analyse sociologique et historique du racisme par une analyse psychologique qui mette en évidence le faisceau d’attitudes qui le caractérise et son intégration à la personnalité. Enfin elles tendent à prouver que l’effort d’information et d’éducation permanente est un complément indispensable à la lutte antiraciste.

Ce livre a pour objet le racisme en Occident et chez l’Occidental. Est-ce à dire que l’Occident en ait le « monopole » ? Non certes, mais il n’en reste pas moins que c’est dans la civilisation occidentale que le phénomène a pris les formes les plus virulentes et les plus élaborées, les plus « raffinées », pourrait-on dire. C’est là aussi qu’il a donné lieu à la construction idéologique la plus complète : on ne s’est pas contenté de tuer, de lyncher, de torturer au nom de la race, on a justifié ces crimes par des « théories » d’apparence scientifique. Là enfin, le racisme est un phénomène quotidien, véhiculé et entretenu par les moyens d’information de masse : presse, radio, télévision, littérature, cinéma. A des degrés divers, consciemment ou inconsciemment, nous sommes tous racistes.

Car aujourd’hui l’Autre – le Nègre, l’Arabe, le Juif – est envahissant.

« Au XVIIIe siècle, la terre était grande et les noirs (ou les jaunes) étaient loin. Pour proclamer l’égalité des hommes, un peu de générosité et d’illusion idéaliste suffisait. Aujourd’hui, la terre est petite et les hommes noirs, jaunes, chocolat sont là dans nos rues ; ils nous côtoient, ils assument concrètement devant nous, par leur démarche, leur rire, leur odeur, leurs actes, cette qualité d’homme à laquelle ils prétendent à égalité avec nous (6). »

« La haine de l’Autre, écrit Jacques Madaule, se manifeste de façon plus violente contre l’Autre qui vit avec nous. »

Or, que nous soyons fermier en Alabama ou ouvrier dans la région parisienne, colon en Afrique ou col blanc en Grande-Bretagne, il se trouve que l’Autre vit avec nous ; et surtout qu’il ne « sait » plus ou ne « veut » plus « rester à sa place ».

Nous voilà à l’essentiel, car il n’y a à proprement parler racisme que lorsque existe une brèche, aussi petite soit-elle, dans le mur de protection du monde blanc, une porte de sortie par laquelle la victime peut faire entendre sa voix, revendiquer la « liberté » du Blanc, l’ « égalité » avec le Blanc, l’intégration dans un monde multi-racial. Le racisme exige un minimum de mobilité sociale. Il est une réaction de défense des privilégiés de l’ordre établi contre l’assaut à leurs privilèges.

Dans la société esclavagiste du sud des U.S.A., par exemple, le Noir avait un « statut », une position sociale rigoureusement déterminée, une place, et il savait y rester. Aujourd’hui, par contre, comme l’écrit Franklin Frazier, il n’y a plus de « place » pour le Noir dans la société américaine. Il se trouve en porte à faux entre le statut que les Blancs lui assignent et celui qu’il veut conquérir et que les Blancs lui refusent par des mesures proprement « racistes » : ségrégation, discrimination de droit ou de fait, qui visent à préserver la hiérarchie.

C’est pourquoi il convient d’opérer une distinction entre préjugé de race et préjugé de caste. Il existe pourtant des similitudes : interdit de mariage rigoureux, impureté métaphysique des castes inférieures, existence d’une étiquette dans les relations sociales, spécialisation professionnelle. Mais la caste est équilibre, le racisme contradiction. A une idéologie inégalitaire – certaines castes sont inférieures, c’est un fait établi, Dieu l’a voulu ainsi – elle fait correspondre une pratique inégalitaire alors que dans le racisme cette pratique s’oppose à une idéologie égalitaire et humaniste – credo américain, universalisme libéral et chrétien. Le racisme implique le jeu d’une certaine dynamique sociale, alors que dans le système des castes les tensions, les luttes potentielles sont « pétrifiées » dans un système rigide.

De même il convient de distinguer le racisme occidental des conflits provoqués par les contacts inter-ethniques dans les sociétés pré-industrielles, de l’« ethnisme ». On pourrait dire que l’ethnisme met en jeu des « relations d’hostilité égalitaires » par opposition au racisme où l’asymétrie dans les rapports entre races – relations de domination, subordination – est de règle. D’ailleurs, dans le cas où l’inégal développement des ethnies en présence favorise la domination de l’une d’entre elles, l’ethnisme tend généralement vers un système qui s’apparente aux castes, comme c’est le cas pour les contacts entre pasteurs et agriculteurs en Afrique noire.

Il est certain cependant que la colonisation et le grand mouvement d’urbanisation qui l’a accompagnée, la décolonisation et le renouveau politique qui en a résulté ont donné un contenu nouveau aux rapports inter-ethniques et inter-castes et que leur parenté avec le racisme des pays occidentaux est aujourd’hui plus évidente. Il n’en reste pas moins qu’il n’y a pas un racisme mais des racismes et que si leur expression concrète et quotidienne est semblable, à beaucoup d’égards, leurs fondements sociaux et historiques sont différents et exigent une distinction au plan de l’analyse.

C’est dire que cet ouvrage ne prétend pas être exhaustif. Il ne peut être qu’un dossier ouvert sur quelques aspects d’un problème qui ne cesse d’être actuel et de nous concerner. Puisqu’il fallait choisir nous avons davantage mis l’accent sur le racisme collectif, le plus vivace et le plus menaçant puisqu’il sert d’expression, d’alibi, d’aliment au racisme individuel. Nous avons particulièrement insisté sur les composantes historiques et socio-économiques du racisme et sur les aspects qu’il revêt dans la civilisation de masse. Enfin, toutes les fois que nous ne pouvions apporter des analyses nouvelles, nous avons seulement tenté une synthèse et une mise à jour, n’hésitant pas à citer longuement les études et les documents les plus récents ou les plus classiques.

Dans la première partie, nous nous sommes attachés à mettre en évidence les structures socio-économiques qui sous-tendent le phénomène raciste :

– aux Etats-Unis où la révolte d’une minorité noire constitue le défi le plus important lancé au système capitaliste le plus avancé du monde ;

en Afrique du Sud où gouverne une minorité blanche et où une économie capitaliste dynamique a intégré un racisme fondé sur

– des schèmes de pensée précapitaliste dont l’idéal est la relation paternaliste maîtres-esclaves ;

– en Europe où, depuis une époque récente, l’importation d’une main-d’œuvre étrangère caractérise le marché du travail, et entretient ou provoque un climat de racisme ou de xénophobie.

Il s’agit là de problèmes actuels, entraînant diverses formes de violence, d’oppression ou d’aliénation, et perpétuant divers types de racisme. Dans tous les cas, ce sont les structures du capitalisme qui sont en cause. Cependant, l’existence d’un problème juif en U.R.S.S. et dans les pays de l’Est montre, nous le verrons, que l’avènement du socialisme n’a pas supprimé mécaniquement le racisme, pas plus d’ailleurs que ce dernier n’est mécaniquement lié au système capitaliste. Mais tout ne tient pas à un antisémitisme populaire et résiduel, dont l’Est n’a pas du reste l’apanage. Peut-on valablement parler de l’U.R.S.S. sans se référer aussi à l’ensemble du problème des nationalités, des Etats multinationaux, des minorités ethniques, culturelles, religieuses, d’une part, aux déterminations conjoncturelles de son attitude, d’autre part, c’est-à-dire, pour la population juive, le sionisme et le conflit israélo-arabe ? Ce sera une des lacunes de l’entreprise de ne traiter ces questions que par allusion. Il eût fallu trop de pages et des études nouvelles pour les replacer dans leur cadre politique, économique, affectif. Nous avons préféré aborder cette question à partir de l’antisémitisme en général et dans la partie proprement historique.

Le racisme est enraciné dans l’histoire. Il convenait donc – c’est l’objet de la deuxième partie – de présenter l’origine et le développement de ses deux formes les plus classiques : antisémitisme et racisme colonial. Les troisième et quatrième parties sont plus psychologiques. Dans l’une, c’est le préjugé racial qui est analysé, et l’importance respective à cet égard de l’« instinct » et du milieu. Dans l’autre, ce sont les déterminations plus individuelles qui sont envisagées. Car s’il est vrai que telles structures sociales favorisent et entretiennent le racisme, celui-ci semble inséparable de certaines attitudes mentales. Le Raciste et sa Victime sont toutefois des stéréotypes trop connus pour que nous ayons entrepris à leur égard une réflexion nouvelle : nous avons préféré présenter leur « modèle » à travers une série de textes qui devraient composer aux yeux du lecteur un paysage familier mais qu’on n’en finit pas de découvrir. Ce qui nous conduisait à étudier les formes empruntées par le racisme dans les moyens de communication de masse. Il s’agit cette fois d’un racisme diffus, sans cohérence doctrinale, plus ou moins formulé, plus ou moins repérable, plus ou moins significatif, mais omniprésent.

Nous avons choisi de conclure par un texte paradoxal puisque, reprenant une enquête connue, il révèle chez les antiracistes mêmes la présence de schèmes racistes – on pourrait dire d’un inconscient collectif raciste. Cela conduit à énoncer le scandale d’une fonction sociale du racisme. A la limite, le non-racisme suppose une totale transparence, la suppression de toute aliénation, la victoire sur les ténèbres de l’intime et du social. L’homme non raciste est à naître.

Un dernier mot : ce livre est l’œuvre d’une équipe plus large que ne l’indique la liste des signataires. Il est le fruit de l’amitié, d’une espérance et d’une volonté communes. Qu’il nous soit permis de remercier ici tous ceux, trop nombreux pour être cités, qui nous ont aidés de leurs suggestions ou de leurs critiques, qui nous ont libéralement communiqué leurs informations ou leurs travaux. Nous devons une particulière gratitude aux équipes de Droit et Liberté et de Démocratie nouvelle.

P.C. et C.D.


N. B.

Les notes ont été groupées à la fin de chaque chapitre.


(1) Ruth BENEDICT, Race, Science and Politics, New York, The Viking Press éd., 1962.

(2) Nous puisons ici dans l’article dense et lumineux de Jean HIERNAUX : « La Biologie humaine face aux préjugés raciaux », Raison présente, avril-juin 1968. Jean HIERNAUX était directeur scientifique de la réunion d’experts organisée par l’UNESCO à Moscou en 1964.

(3) Albert MEMMI, Portrait d’un Juif, Gallimard, 1962, p. 73.

(4) Ruth BENEDICT, op. cit.

(5) Maxime RODINSON, « Marxisme et Racisme », La Nef, 1964, n° 19-20, p. 59.

(6) Roger IKOR, « La Grande Question », La Nef, 1964, n° 19-20, p. 13.