Article paru dans L’Insurgé, n° 1, 15 avril 1969, p. 4
Les ‘forts des Halles’ manifestant contre leur ‘reconversion’ après le transfert des Halles à Rungis, le 12 février 1969 à Paris, France. (Photo by Keystone-France/Gamma-Rapho via Getty Images)
C’est un Marocain aux cheveux crépus. 25 ans environ. Assis à la terrasse d’un bistrot de la rue du Louvre. Passent deux forts des Halles qui le bousculent. Il proteste. Les débardeurs sont furieux : « Quoi ! Monsieur n’est pas content ? Retourne dans ton pays, sale étranger ! » Il est empoigné et jeté dehors. Le patron rigole, les clients approuvent : « C’est quand même quelque chose ! Venir nous faire chier chez nous ! Et on paye des impôts pour eux. Qu’on les renvoie dans leur pays, bon Dieu ! On est en France, non ? »
Texte du groupe franco-espagnol des « Amigos de Durruti » paru dans Révision, n° 6, 1er août 1939, p. 4-5
Spain! True Anarchists are against false liberty, invoked by cowards, to avoid their duty. Publication by the Spanish Anarchist movement with a portrait of José Buenaventura Durruti (1896 20 November 1936). Durruti was an Anarcho-syndicalist militant involved with the CNT, FAI and other anarchist organisations during the period leading up to and including the Spanish Civil War. Durruti played an influential role during the Spanish Revolution and is remembered as a hero in the Anarchist movement. (Photo by: Universal History Archive/Universal Images Group via Getty Images)
Les décrets-lois marquent un pas vers la fascisation de la France. Les avantages ouvriers sont battus en brèche. Les unes après les autres, les conventions collectives sont dénoncées. Dans les nouvelles conventions, le patronat, en harmonie avec les mesures gouvernementales, s’efforce d’anéantir les avantages offerts par ces conventions, et de n’en conserver que la discipline anti-ouvrière.
Manifestation en solidarité de Nacer M’Raidi bléssé par un policier, Chatenay-Malabry le 19 février 1983, France. (Photo by Mohamed LOUNES/Gamma-Rapho via Getty Images)
Le 14 février, un brigadier blessait grièvement un jeune Tunisien. Les jeunes des deux cités – l’une française, l’autre immigrée – se retrouvent pour s’organiser.
Depuis quelques mois, la vague d’intérêt suscitée par les jeunes immigrés de la seconde génération semble être retombée. Les « beurs » ont-ils réintégré leurs cités ?
En fait ce silence dissimule de profondes mutations souterraines.
Article paru dans El-Oumami, n° 24,avril 1982, p. 13
L’ancienne filature de coton et de laine ‘Motte Bossut et Cie’, aujourd’hui le Centre des archives du monde du travail, à Roubaix, en 1987, dans le Nord, France. (Photo by Pierre MICHAUD/Gamma-Rapho via Getty Images)
La situation des jeunes dans les quartiers ouvriers de Roubaix, dont beaucoup font partie de la « 2e génération » d’immigrés, s’aggrave continuellement.
Article paru dans Voix ouvrière,n° 46, 2 novembre 1965, p. 3
Production line mechanics working on a new Peugeot car in the assembly shop at Sochaux, 1960s. (Photo by Archive Photos/Getty Images)
CHEZ U.C.L.A.F.
VIVENT LES TRAVAILLEURS ALGERIENS !
Le racisme est une des plaies les plus honteuses de la classe ouvrière. Il s’exerce en général contre tous les travailleurs étrangers et contre les Nord-Africains en particulier. La récente affaire de viol d’une jeune femme par sept individus a déclenché une vague d’indignation qui s’est canalisée contre les Nord-Africains en général. On ne cherche pourtant pas des poux sur la tête aux Lyonnais aux Bretons, ou aux Corses, tous « bons Français » lorsque l’un d’entre eux commet une agression, un viol ou autre délit.
Dossier paru dans Lutte ouvrière, n° 698, 17 octobre 1981, p. 10-11
QUELQUES mois avant la fin de la guerre d’Algérie, le 17 octobre 1961, plusieurs dizaines de milliers d’Algériens manifestaient dans les rues de Paris contre le couvre-feu, l’interdiction qui leur était faite de sortir le soir après 20 h 30, entre autres.
Éditorial de R. Gené paru dans Rouge & Vert, n° 242, 25 octobre 1995, p. 3
L’annonce, puis l’annulation, de la rencontre Chirac-Zéroual a modifié la perception par l’opinion des attentats revendiqués par le GIA. Chacun est désormais contraint de se positionner sur la situation en Algérie et ses répercussions en France.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 56, décembre 1963, p. 9-10
Texas Governor John Connally adjusts his tie (foreground) as President and Mrs. Kennedy, in a pink outfit, settled in rear seats, prepared for motorcade into city from airport, Nov. 22. After a few speaking stops, the President was assassinated in the same car.
Nous reproduisons ci-dessous une lettre d’un camarade américain au sujet des conséquences de l’assassinat de Kennedy. Nous ne partageons pas le point de vue de ce camarade selon lequel le capitalisme américain serait incapable de résoudre la question noire et évoluerait rapidement vers un régime de type fasciste. Nous reviendrons sur cette analyse dans un de nos prochains numéros.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 10, septembre 1959, p. 7-8 et 13
Three young women leave Hall High school in Little Rock without incident after Federal courts ordered the enforcement of desegregation laws. (Photo by Bettmann Archive via Getty Images)
Un préjugé tenace et répandu refuse de reconnaître que les noirs américains soient capables de lutter sérieusement et efficacement contre l’oppression raciale, encore moins d’imposer à tel ou tel moment et dans tel ou tel endroit leur propre loi. Vue dans cette optique, qu’on retrouve aussi fréquemment dans les milieux qui se croient de gauche que dans ceux de droite, le problème de l’intégration et de l’égalité raciale aux Etats-Unis est totalement extérieur aux noirs eux-mêmes : il s’agit de savoir si les blancs libéraux réussiront à imposer leur politique aux blancs racistes, le problème noir est une histoire de famille entre blancs. Si l’on suivait ces idées, on devrait dire que depuis la guerre de Sécession les noirs n’ont jamais eu aucun rôle positif et actif, qu’ils n’ont fait que subir les évènements : hier les blancs du nord les ont délivré de l’esclavage, demain on leur donnera l’égalité raciale.
La sauvagerie de l’O.A.S., sa bêtise sanglante, ne nous étonnent pas. Ce qui nous émeut davantage, c’est le fait que la population européenne d’Algérie semble reconnaitre cette sauvagerie comme son moyen d’expression et de défense. Oh ! nous savons bien que tous les Européens d’Algérie ne sont pas solidaires de l’O.A.S. ! Mais il y a la terreur. Beaucoup de ceux qu’on appelle « les libéraux » sont déjà tombés sous les coups des forcenés. Beaucoup fuient cette terre de malheur. Les rentrées quotidiennes en métropole dépassent largement les prévisions. On voudrait quand même que les organisations syndicales d’Algérie, rattachées aux centrales françaises, fassent entendre la voix de la raison et de la fraternité. Encore heureux quand nous ne les entendons pas faire chorus avec les assassins ! La race – si tant est qu’on puisse parler de race dans une telle diversité de populations méditerranéennes – l’esprit de domination plutôt, qui est souvent plus enragé chez « le petit blanc » que chez le gros, l’emporte chez ces pseudo-syndicalistes sur une idéologie à vrai dire superficielle. Ces idées étaient bonnes « entre nous » ; mais vous n’allez tout de même pas vous mettre à les croire valables pour ces « bicots », ces « melons » ! Le dernier des bistrots bornés se croit vraiment le représentant de la civilisation chrétienne ! Et il n’en sera que plus enragé si la preuve est faite qu’un quelconque Arabe ou Kabyle peut en savoir plus dans son petit doigt que lui dans sa grosse tête vide. Passe encore pour le bistrot. Mais l’instituteur, le postier, le cheminot, le petit employé ?
Je suppose que maintenant tout le monde s’en rend compte : si la tuerie des musulmans continue à un rythme de plus en plus rapide dans les grandes villes du littoral algérien, c’est que l’armée qui occupe ces villes est complice des assassins.
Article signé Jim Crow paru dansL’Humanité, 8 avril 1928, p. 3
La race noire souffre non seulement d’une oppression impérialiste et d’une exploitation capitaliste pires que celles des ouvriers blancs, mais elle est assujettie de plus au martyre des préjuges de races, habilement entretenus par les exploiteurs capitalistes et leurs complices, les réformistes, parmi les ouvriers blancs non conscients. De ces préjugés est né ce qu’on appelle en Amérique le « Jim Crowism » (mesures appliquées contre « Jim le corbeau », sobriquet donné aux nègres) qui va de l’interdiction aux noirs de voyageur dans les infimes wagons que les blancs jusqu’au lynchage.
Policemen patrolling in Algiers. Strict security measures were taken in Algiers and Oran in order to prevent any outbreak of violence against the upcoming declaration of a cease-fire in Algeria. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
De J. CAVIGNAC (Paris), cette lettre adressée à Louzon :
Tags for supporting Secret Army Organization in a street on March 2, 1962 in Algiers, Algeria. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
A mesure que le cessez-le-feu approche, les attentats se multiplient dans les villes d’Algérie : des Algériens tuent des Européens, des Européens tuent des Algériens. Mais le scénario est différent dans les deux cas.
Article de Pablo Rouy paru dans Gai Pied Hebdo, n° 275, du 20 au 26 juin 1987, p. 26-27
Rachid Taha of Carte de Sejour performs at Bataclan in 1987 in Paris, France. (Photo by Mohamed LOUNES/GAMMA/Gamma-Rapho via Getty Images)
Rachid Taha, le chanteur-leader de Carte de Séjour est un vieux pote à moi. On s’est flashé dans les années 80, quand son groupe donnait des concerts en banlieue parisienne. Grand déconneur et provocateur en diable, Rachid parle avec humour et sans ambage de la situation des Arabes en France, du code de la nationalité, et d’homosexualité. Tout à fait le genre d’amant arabe dont on rêve !
« Le papier du mois », paru dans Gai Pied, n° 38, mai 1982, p. 7
• James Baldwin, un mot qu’utilisent les homosexuels et que connaissent bien les noirs, c’est celui de ghetto. Le ghetto est-il une mesure de survie ou une fuite ?
Mouvement National Algérien, Bulletin d’information, janvier 1962, 4 pages
Policemen in the streets of Alger in 1962 (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
POUR LA PAIX ET LA DEMOCRATIE EN ALGERIE
Le communiqué qu’on lira ci-dessous a été passé sous silence par là quasi-majorité de la presse parisienne du matin et du soir.
Pourquoi ? Il y aurait deux raisons à cela, si toutefois on peut parler de la raison dans un monde où ne comptent que les intérêts et la monnaie sonnante et trébuchante.
Textes parus dans Homophonies, n° 21-22, juillet-août 1982, p. 10-11 et n° 24, octobre 1982, p. 13
Environ 10.000 manifestants homosexuels et lesbiennes manifestent à Paris pour réclamer l’abrogation de la loi ‘anti-homo’ le 19 juin 1982, France. (Photo by Patrick AVENTURIER/Gamma-Rapho via Getty Images)
Rencontre avec« Sans Frontière »
Nous sommes depuis quelques mois en discussion avec le journal « Sans Frontière », journal de l’immigration pour commencer un dialogue entre la communauté homosexuelle et la communauté immigrée. Nous souhaitons pouvoir organiser prochainement un débat sur la rencontre entre deux oppressions : l’oppression raciste anti-immigrés, et l’oppression homophobe. Nous souhaitons d’ailleurs recueillir tous les témoignages de ces rencontres au quotidien (lecteurs, lectrices, à vos plumes). En attendant, nous avons voulu vous présenter ce journal car les combats contre toutes les oppressions doivent se rejoindre. Nous avons rencontré une collaboratrice de ce journal, Fatima.
Article d’Yves B. paru dans Le Monde libertaire, n° 678, 22 octobre 1987, p. 10
Portrait of African-American writer Chester Himes, 1970. (Photo by Afro American Newspapers/Gado/Getty Images)
DÉCÉDÉ récemment, Chester Himes est (avec Richard Wright) le romancier noir américain le plus connu et, à notre humble avis, le meilleur. Mais cette reconnaissance a été tardive. Si Chester Himes est resté longtemps incompris, c’est à cause de la division opérée entre ses romans « classiques » et ses polars (qui l’ont fait connaître en France), considérés comme pas sérieux. Pourtant, après une lecture attentive, on s’aperçoit que son œuvre possède une certaine cohérence. Lui seul a su traduire aussi bien les problèmes de la communauté noire contemporaine.
Article paru dans Lutter !, n° 10, mars 1985, p. 14-15
Arrivée de la marche Convergence 84, lancée par Farida Belghoul, pour l’égalité et contre le racisme le 1er décembre 1984 à Paris, France. (Photo by Mohamed LOUNES/Gamma-Rapho via Getty Images)
Myriam. Zina. Deux Beur(e)s de Toulouse. L’une a pu partir à Paris, pour le grand défilé-carnaval du 1er décembre dernier « Pour l’égalité et contre le racisme ». L’autre n’a pas pu. Et explique pourquoi.
Après les analyses sur « Convergence 84 » et le témoignage de deux « convergeuses » ayant participé activement au mouvement ( cf. « LUTTER ! » de février), voici le second volet, indispensable pour comprendre l’événement : comment une telle initiative a pu être ressentie, vécue directement par des jeunes issus de l’immigration, ni militants, ni engagés.
Article de Marco Candore alias Marco Sazzetti, paru dans Alternative libertaire, n° 36, octobre 1995, p. 9-10
Les pompiers transportent les blessés de l’attentat à la station ‘Saint-Michel’ sur la ligne C du RER, à Paris, France le 17 octobre 1995. (Photo by Pool BASSIGNAC/DAHER/MERILLON/REY/Gamma-Rapho via Getty Images)
La vague terroriste ouvre une situation lourde de dangers. Urgence absolue : être, plus que jamais, aux côtés des immigrés et du combat pour la démocratie en Algérie.
Article d’Hugues Panassié paru dans Les Cahiers du Sud, n° 288, 1er semestre 1948, p. 352-354
Aucun écrivain noir américain ne me paraît aussi doué, aussi profond que Richard Wright, dont la venue en France, l’année dernière, a été accueillie par une presse aussi bienveillante qu’incompétente, à en juger par les gloses fantaisistes publiées à droite et à gauche sur ses romans.
Quand l’ordre bourgeois justifie les crimes racistes.
Les attentats de l’O.A.S. se multiplient en France contre les antifascistes et la communauté algérienne. Avec la complicité de policiers français – qui leur laissent le champ libre – les tueurs de l’OAS font sauter les cafés musulmans en France, la fermeture obligatoire à 19 h de tous les cafés fréquentés par des arabes, et l’interdiction de se déplacer par groupes de plus de deux personnes.
VOICI ouverte cette fameuse Exposition Coloniale Internationale. L’assassinat des peuplades indigènes par les soudards de tous pays pour le plus grand profit de la phynance universelle va être glorifié. Une fois de plus les criminels seront à la gloire.
Article de Roland Pottier parudans Gavroche, n° 10, juin-juillet 1983,p. 7-11
20 000 manifestants algériens silencieux face aux forces de police, un soir d’octobre 1961.
Ce jour-là, le 17 octobre 1961 vers 20h, une pluie fine tombe avec insistance sur l’asphalte parisien. Aux quatre coins de la capitale, des cortèges se forment pour converger vers son centre. Des travailleurs algériens sont venus de toute la région parisienne parce qu’ils n’admettent pas les contrôles d’identité, la fermeture de leurs lieux de rencontre après 19 heures et le couvre-feu de 20h30 à 5h30 imposé, le 6 octobre, par le préfet de police Maurice Papon.
Article en deux parties paru dans Alternative libertaire, n° 6, 1er février 1992, p. 8 et n° 7, mars 1992, p. 8
RETOUR SUR UN MASSACRE
Le 30 novembre dernier, près de cent cinquante personnes ont participé au Forum-débat organisé par le collectif Alternative Libertaire de Montreuil (Seine-Saint-Denis) avec Agnès Denis, Nicole Rein, Anne Tristan, Didier Daeninckx, Jean-Luc Einaudi.
Ce fut donc un succès, pour une modeste réunion de quartier. Après la projection du film « Le Silence du Fleuve », une discussion souvent passionnantes est engagée entre la salle et les intervenants. Nous en publions ici quelques extraits.
« C’est généreux, la France ! », s’est écrié un jour le chef de l’État qui n’exaspère jamais autant nos démocrates nationaux que lorsqu’avec sa grandiloquence coutumière il exprime leurs propres préjugés les mieux enracinés. En effet, aucune réalité historique lointaine ou proche n’a apparemment pu arracher du cœur de nos petits-bourgeois socialisants cette conviction orgueilleuse remontant à la Grande Révolution de… 1789 qu’ils étaient inégalables en générosité démocratique et que c’était eux qui donnaient son visage à la France. Cette conviction, ils l’ont malheureusement inculquée au mouvement ouvrier lui-même : heureux impérialisme français qui peut exploiter, piller, guerroyer, réprimer, sans que le prolétariat sache lui répliquer autrement que par le « Tout ça n’est pas la France » des petits-bourgeois.
Textes parus dans Pouvoir ouvrier, n° 33,octobre 1961, p. 1-3
« Acharnement du service d’ordre frappant indistinctement les hommes et les femmes et même des manifestants blessés ». « Rue de Lille, l’un de nos correspondants a vu deux algériens gravement blessés qui sont demeurés inanimés sur la chaussée pendant plus d’une heure ; le service d’ordre interdisait aux passants métropolitains de leur porter secours ». « Devant le commissariat du Ve arrondissement, un autre lecteur a vu des agents… faire passer sous une sorte de voûte de coups de matraque, méthodiquement assénés, un groupe de musulmans appréhendés ». (Le Monde, 19,20/10/61).
Article d’Aimé Blanc-Dufour paru dans Les Cahiers du Sud, n° 308, 1er juillet 1951, p. 171-172
Le premier tome de cet ouvrage exhaustif et étonnamment documenté était consacré au Syndicalisme ouvrier. Le tome II porte comme sous-titre « La révolte agraire », « Le problème nègre ».
Le 1er novembre, la guerre d’Algérie entrera dans sa huitième année. Non seulement le Prince-Président, plébiscité il y a trois ans pour y mettre fin, n’y est pas parvenu plus que ses lamentables prédécesseurs. Mais une deuxième guerre d’Algérie a mûri pendant ces trois ans. Si bien que le gouvernement du Prince lutte maintenant sur deux fronts. Il lutte avec ses moyens qui, quoi qu’il en pense et qu’il en dise, sont des moyens misérables.
Au Trianon, dancing de Montigny, une bagarre éclate ce 23 juillet 1961, un militant du FLN fait feu. Deux hommes, dont un para, sont tués sur le coup. Un appelé décède dans la nuit. Photo RL (source : Le Républicain lorrain)
La Révolution algérienne existe depuis sept ans. Malgré la tragédie qui se déroule dans notre pays, les rapports amicaux entre le peuple français et l’émigration algérienne continuent.
RICHARD WRIGHT a déjà publié en français deux ouvrages : « Un Enfant du pays », roman d’un noir qui s’assoit sur la chaise électrique après avoir assassine, par peur, une jeune blanche émancipée ; « Les Enfants de l’oncle Tom », recueil de nouvelles où nous est décrite la condition présente du noir américain, paria d’une société qui le craint et se venge cruellement sur lui de sa propre frayeur (1). « Black Boy » (« Jeunesse noire ») (2) diffère de ces deux ouvrages en ce qu’il ne fait nulle place à la fiction. L’auteur raconte sa jeunesse avec les mots les plus courants et sans céder à l’attrait du pittoresque.
Article de Guy Ducornet paru dans Les Langues modernes, n° 4, juillet-août 1969, p. 394-401
RALPH ELLISON
HOMME INVISIBLE, POUR QUI CHANTES-TU ?
Grasset, 1969, traduction de Robert Merle
Invisible Man est une longue métaphore dans la tradition de The Wasteland ou de Moby Dick ; Ellison nous fait participer à un rituel qui sous-tend l’histoire de la société américaine, qui en est la définition et le produit. L’inévitable question, l’éternelle préoccupation des meilleures œuvres américaines, c’est le « qui suis-je ? » dans le contexte américain, que l’on retrouve de Marc Twain à Philip Roth, de Stephen Crane à Bellow, L’oeuvre est toujours une manière parti-culière de résoudre le problème de l’identité. Elle ne se contente pas de décrire une expérience, elle la crée sous nos yeux.
Titre curieux, certes, que celui de ce roman américain de bon aloi, mais on comprend assez mal le rapport qu’il offre avec le roman lui-même. En réalité, il est extrait d’une tontine nègre, du genre Am, Stram, Gram, — Pic et pic et Colégramme…
Article de Michel Gordey paru dans Les Etoiles, n° 76, 22 octobre 1946, p. 4
RICHARD WRIGHT, l’écrivain noir dont les œuvres sont des cris de révolte et de souffrance, —Richard Wright que l’on s’imaginerait volontiers comme un homme aux mâchoires et aux poings serrés, enfermé dans son amertume, — Richard Wright m’ouvre la porte de son appartement, et tout de suite je sens le calme, la bonté, la raison qui émanent de cet homme à la taille moyenne, au teint sombre et mat, aux veux doux et intelligents derrière des lunettes sans monture, des lunettes de professeur de collège américain.
Article de Jane Albert-Hesseparu dans Franc-Tireur, 25 octobre 1947, p. 2
C’est d’ailleurs que nous vient le souffle… – Les grands romanciers de la race noire : Richard Wright, Langston Hugues. – Mémoires d’un poète et d’un homme. – Solidarité dans la lutte et dans l’art.
LA réputation de Richard Wright a précédé chez nous la traduction de ses œuvres. « Black Boy » (1) et « Native Son », premier ouvrage publié en librairie (2), montrent que cette réputation n’est pas usurpée. Avec Wright, nous nous trouvons, en vérité, devant un des grands écrivains du moment. Dire qu’il est noir et Américain n’est pas plus le définir que de considérer seulement Kafka comme Juif et Tchèque, ou Tolstoï comme noble et Russe. Par quelque endroit, le génie transgressé les catégories raciales, sociales et nationales au sein desquelles il est né et a prospéré. De moins grands que Wright, le pittoresque Claude Mc Kay ou l’émouvant Langston Hugues laissent clairement voir leurs caractères ethniques. Ils se définissent d’abord par eux. Quand nous lisons « Native Son », nous oublions la nationalité de l’auteur et la couleur de sa peau.
RICHARD WRIGHT, qui compte aujourd’hui parmi les cinq ou six plus grands écrivains américains et qui est incontestablement le plus grand prosateur noir des Etats-Unis, me reçoit dans son petit appartement du boulevard Saint-Michel, quelques jours avant son retour en Amérique. Une fois de plus, tout au long d’un entretien qui dure plus de deux heures, je suis frappé pas le calme, par la sérénité lucide de cet homme dont les cris de révolte et de protestation retentissent pourtant depuis quelque dix années avec une vigueur croissante. Cris de révolte qui sont entendus, puisque les livres de Wright battent les records de vente aux Etats-Unis et paraissent partout dans le monde : en France, en Italie, en Angleterre, en Suisse, au Danemark et en Suède.
Article de Frédéric Stane parudans Gavroche, n° 95, 20 juin 1946, p. 5
APRES-DEMAIN, la Société des gens de lettres reçoit en son hôtel Richard Wright. J’ignore si la majorité des messieurs-dames que l’on rencontre ordinairement à ces raouts savent exactement qui est Richard Wright. Peut-être est-il charitable de les avertir qu’il s’agit non seulement d’un de ces romanciers américains qui font rougir les émules de M. Henry Bordeaux lorsqu’ils en entendent parler, mais encore d’un écrivain noir, le plus brillant des écrivains noirs de sa génération. Mme Camille Marbo est prévenue.
Portrait of American author Richard Wright (1908 – 1960), 1946. (Photo by Fred Stein Archive/Archive Photos/Getty Images)
SUR les quais de la gare Saint-Lazare. Le train spécial ayant embarqué au Havre les passagers du « Brazil » a du retard. Le soleil matinal n’arrive pas à percer les hautes verrières enfumées ; un petit vent frais souffle en courant d’air.
23rd July 1967, Police in riot gear escort an African-American man who they said had been looting after rioting and looting broke out on the west side of Detroit, Michigan. (Photo by American Stock/Getty Images)
Nous pensons consacrer un texte spécial aux révoltes des noirs de cet été 1967. Les textes qui suivent concernent autant les noirs que la situation aux Etats-Unis ; ils peuvent donner un aperçu de la société américaine que l’on à peine à imaginer. Nous reviendrons aussi sur la signification de ces faits dans l’état capitaliste le plus puissant du monde, celui qui met en oeuvre les techniques les plus avancées dans tous les domaines.
Article paru dans La Daille, n° 4, octobre 1967, p. 7-9
July 1967, Stokely Carmichael (1941-1998) Trinidadian-American black activist, active in the 1960’s American Civil Rights Movement, pictured speaking in London (Photo by Bentley Archive/Popperfoto via Getty Images/Getty Images)
Avec les émeutes de 1965 à Watts et celles, toutes récentes, de cet été, il apparaît clairement qu’une période de luttes vient de mourir et qu’une autre, offensive commence. On dira : « c’était avant Watts ». Avec les trois jours de guerre civile de Détroit, c’est une mutation violente qui vient de s’opérer.
Article paru dans L’Insurgé, n° 10, 15 février 1969, p. 2
Gold medalist Tommie Smith (C) and bronze medalist John Carlos (R) of the United States raise their fists on the podium at the medal ceremony for the Athletics Men’s 200m during the Mexico City Olympic Games at the Estadio Olimpico Universitario on October 14, 1968 in Mexico City, Mexico. (Photo by The Asahi Shimbun via Getty Images)
L’hypocrisie collective de l’Est comme de l’Ouest ne voulait pas voir que, dans les sacro-saintes Olympiades, s’affrontaient les grandes puissances politiques qui président à la destinée du monde.
Article de Daniel Blanchard alias Paul Canjuers paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 38, octobre-décembre 1964, p.98-101
Dr. Martin Luther King, Jr., winner of the Nobel Peace Prize, and his wife Coretta, laugh with reporters at a press conference after the Kings’ visit to President Johnson at the White House.
La réélection de Johnson à la Présidence des Etats-Unis avec une très forte majorité avait beau être attendue et escomptée ; ces élections n’en marquent pas moins une étape dans la vie politique des Etats-Unis qui conduira probablement à des changements importants. Pour la première fois depuis 1940, ces élections ont en effet posé les électeurs américains devant un choix réel, même s’il était fort limité et essentiellement négatif. Depuis l’acceptation du New Deal et de ses résultats irréversibles, les élections étaient progressivement devenues une question de choix entre les « personnalités » des candidats de deux partis dont les différences s’étaient amenuisées à l’extrême. En désignant Goldwater comme candidat à la présidence, l’aile extrémiste du parti républicain a explicitement remis en cause une série d’aspects essentiels de l’orientation de la politique américaine, intérieure et extérieure, ceux précisément qui expriment la tentative du capitalisme américain de s’adapter au monde moderne. Peu importe si cette remise en question était confuse, si Goldwater, longtemps avant les élections, avait été obligé de mettre beaucoup d’eau dans son bourbon, et si finalement, élu Président, il aurait été obligé de faire à peu près ce que Johnson fait. Les électeurs ont voté contre le retour (utopique, faut-il le dire) à un capitalisme totalement privé et sans intervention de l’Etat fédéral dans l’économie, contre l’autonomie des Etats l’égard de la fédération, contre les va-t-en guerre en politique internationale, contre l’anti-communisme à outrance et la persécution des minorités, contre surtout l’aggravation de la guerre raciale qu’aurait certainement induit l’élection de Goldwater.
Article d’André Bell paru dans Masses,n° 2, mai-juin 1931, p. 8
Ce livre est un exposé de la question noire aux Etats-Unis. L’auteur raconte comment la race noire a été introduite en Amérique, comment elle y a vécu avant et après l’abolition. Elle fait historique de la loi Lynch et montre les deux races en présence séparées par la ligne de couleur. Frontière d’ailleurs théorique, variable, d’une incertitude déconcertante. D’un côté, le privilège, la haine. De l’autre, la misère, l’effort d’une humanité méprisée et qui veut vivre. La poussée vers le Nord aujourd’hui arrêtée d’ailleurs par la crise économique. En dépit des lois, les noirs n’ont pas de droits. Et quoique leur situation ne soit pas la même dans le Sud et dans le Nord, ils restent partout les parias. Pas de contact avec la race maudite. Les blancs ne touchent pas les peaux noires, sauf aux jours de lynchage.
Article d’André Santon paru dans Masses, n° 14, avril-mai 1948, p. 33-34
On connaît les attaques dont l’écrivain noir Richard Wright est l’objet de la part des staliniens. Il a eu le tort d’abandonner le parti communiste américain il y a quelques années. Sa littérature ne saurait donc plus qu’être « réactionnaire » ou pis « existentialiste ». Malgré les protestations isolées d’un Vittorini en Italie, il est évident que Richard Wright, comme Dos Passos, Hemingway et peut-être Steinbeck, depuis son retour d’U.R.S.S., sont devenus des agents du « State Department ». Ou bien, comme Milles, « ils travaillent pour l’exportation », c’est-à-dire visent, sur un autre plan que la bombe atomique, la désintégration de la conscience révolutionnaire.
Je comprends mieux ces yeux levés vers lui dans les rues de Harlem, qui donnaient la complicité et la confiance ; cette haine mortelle que lui dédiait ses ennemis et qui dépassa sa mort même. Je comprends mieux cette stupeur qui me parvint aussi quand, soudain : « Ils l’ont tué ! » Car la route qu’il suivit, et qui fut si étrange parfois, était restée jusqu’au bout lucide et sereine, pourtant chaude. Il se sera trompé en quelques moments, mais ne se sera jamais égaré, par le désir de satisfaire une tâche dont la richesse ne faisait qu’ajouter à la difficulté !
Article paru dans Pouvoir ouvrier,n° 86, septembre-octobre 1967, p. 17-21
Women carrying boxes along the debris-strewn sidewalk, passing Freeman’s Food Market, as looting continued during the riots in Newark, New Jersey, July 1967. The Newark riot started after cab driver John Smith was arrested and severely beaten by the arresting officers. (Photo by Three Lions/Hulton Archive/Getty Images)
« Est-ce que nous faisons aussi bien qu’à Watts ? » demandaient les émeutiers de Newark et de Détroit. Pour beaucoup de noirs l’émeute de Watts, en 1965, marque le début de leur émancipation et depuis, d’été en été, le nombre et l’intensité des affrontements ne cesse de croître. L’an passé Chicago, Cicéro et Harlem furent touchés. Cet été vit s’embraser au moins une douzaine des plus grandes villes américaines : Newark, Détroit, Minneapolis, Plainfield (New Jersey), Hartford (Conn.), Kansas City (Mo.), Waterloo (Iowa), Cambridge (Maryland)… Rien qu’à Détroit le bilan déjà formidable de Watts fut largement dépassé puisqu’il y eut au moins 41 morts et pour plus de 250 millions de dollars de dégâts alors que le faubourg de Los Angeles n’avait subi que pour 40 millions de pertes et enregistré officiellement 34 morts. Mais la différence ne fut pas seulement quantitative car l’on vit apparaître des phénomènes nouveaux dans la structure et le développement même de l’émeute.