L’ŒUVRE de Benjamin Péret, auteur surréaliste, militant révolutionnaire, est assez connue — et appréciée — de tous ceux qui suivent l’actualité sociale de ces quelque vingt dernières années, pour qu’il soit inutile de présenter notre ami à nos lecteurs.
Nous sommes heureux de pouvoir, aujourd’hui, insérer un texte de B. Péret sur « l’indépendance des pays arriérés » écrit spécialement à l’intention du « Libertaire ».
Article paru dans Le Libertaire, n° 141, 6 août 1948, p. 3
C’est avec plaisir que nous accusons réception (et les surréalistes voudront bien nous excuser du retard) d’un tract intitulé « A la niche, les glapisseurs de Dieu », signé par Breton, Maurice Henry, Pierre Mabille, Benjamin Péret et bien d’autres encore.
Article de René Michel paru dans Le Libertaire, n° 174, 25 mars 1949, p. 3
Sous le titre « La Commune de Cronstadt, crépuscule sanglant des Soviets » (1), Ida Mett nous donne un exposé bref et saisissant des origines de Cronstadt révolutionnaire, de son insurrection contre la bureaucratisation bolchevique, de sa mort héroïque. On sait quel avait été, tant en 1904-1906 qu’en février et en octobre 1918, le glorieux passé révolutionnaire de la flotte russe, particulièrement en Mer Noire, dans la Baltique et à Cronstadt. Comment pourrait-on croire dans les accusations de Lénine, Trotsky, Staline, unis dans le mensonge, lorsqu’ils tentent de nous présenter le Cronstadt de 1921 qui exigeait la liberté des soviets, des ouvriers et des paysans, et la fin de la dictature d’un parti, celui des Bolcheviks, comme contre-révolutionnaire ? Ida Mett fait justice des calomnies venant d’un parti qui soutenait la bureaucratisation parce qu’il s’appuyait sur elle pour maintenir le peuple en esclavage, au nom d’un étatisme tout puissant.
Article de René Michel paru dans Le Libertaire, n° 184, 3 juin 1949, p. 3
ON peut regretter que la littérature et les études sur le système totalitaire soviétique et, sur les camps de concentration de la pseudo « Patrie des Travailleurs », ne soient souvent offerts au grand public français qu’avec un certain retard sur leur parution en langue étrangère. Il en est ainsi de l’érudit ouvrage de Dallin et Nicolaevsky, l’un ex-prisonnier des isolateurs du Guépéou et l’autre révolutionnaire menchevik bien connu pour ses travaux sur la vie de Marx, paru il y a au moins une année aux U.S.A., et dont on annonce une prochaine traduction française, et de bien d’autres encore. Néanmoins, à travers les œuvres de Victor Serge, de Ciliga, le livre un peu moins sincère peut-être, mais plus connu, de Kravchenko, et quelques-uns de ses imitateurs, les divers reportages et enquêtes de la presse, dont, on s’en souvient, celui auquel le « Libertaire » ouvrait, il y a peu ses colonnes, le public français pouvait se faire une opinion, pour autant qu’il consentait à ouvrir les yeux, sur « le pays du grand mensonge ».
Recension de Charles Durand paruedans Le Libertaire, 11 septembre 1947, p. 3
A nous, ce livre édité par « Franc-Tireur » n’apprendra pas grand’chose ; mais, de ce qui se passe de l’autre côté des Pyrénées, le grand public ignore tout : celui qui, de nos jours, cherche une voie où s’engager, trouvera, nous en sommes sûrs, quelques éclaircissements utiles sur ce qui a lieu dans la péninsule ibérique, sous le joug des prêtres, des ignobles Requetés et autres phalangistes. En Espagne, actuellement, ce sont les jésuites et les militaires qui dirigent. Au reste, nous avons vu pendant cette dernière guerre ce qu’était le véritable fascisme, celui des camps de concentration et des fours crématoires hitlériens.
Recension parue dans Le Libertaire, n° 79, 29 mai 1947, p. 3
Sous ce titre parut à Genève, au lendemain même de Sedan, un ouvrage rédigé en quelques nuits par Bakounine, au retour de la tentative insurrectionnelle prolétarienne de Lyon.
Texte d’André Breton paru dans Le Libertaire, n° 225, 21 avril 1950, p. 3
C’est jusqu’au 29 avril 1950 qu’aura lieu à la Galerie Mirador : « Visions de France », peintures de G. Vivancos. Dans le dépliant édité à cette occasion par la Galerie Mirador, André Breton nous présente l’artiste en ces termes :
OU le surréalisme s’est pour la première fois reconnu, bien avant de se définir à lui-même et quand il n’était encore qu’association libre entre individus rejetant spontanément et en bloc les contraintes sociales et morales de leur temps, c’est dans le miroir noir de l’anarchisme. Au nombre des hauts lieux où nous nous retrouvions, en ce lendemain de la guerre de 1914, et dont la puissance de ralliement était à toute épreuve, comptait cette fin de la « Ballade Solness », de Laurent Tailhade :
Le livre de Georges Fontenis, « L’autre communisme« , histoire subversive du mouvement libertaire, qui va paraitre à la rentrée, rappelle, entre autres, le rôle, souvent méconnu, des libertaires pendant la guerre d’Algérie. Nous vous en livrons un extrait.
Il y a 25 ans éclatait l’insurrection algérienne. Son souvenir a été estompé à travers une période de latence et d’occultation. Après un phénomène de rejet, de nausée, le drame algérien connaît aujourd’hui un regain d’actualité. Il a cessé d’appartenir au vécu pour entrer dans l’histoire.
LORSQUE l’on veut dévoiler tous les crimes qui se commettent dans les contrées que les géographes officiels dénomment les « possessions », on ne trouve pas l’écho que, pourtant, tant d’atrocités devraient provoquer dans la classe ouvrière. Et pourtant, on peut dire que tout ce que l’on révèle n’est qu’une très infime partie de la vérité. Il se passe tellement de choses, un nombre tellement grand de véritables assassinats, de spoliations, de manœuvres esclavagistes se commet chaque jour dans les colonies, qu’une édition quotidienne de notre organe sur un plus grand nombre de pages n’y pourrait suffire.
VOICI ouverte cette fameuse Exposition Coloniale Internationale. L’assassinat des peuplades indigènes par les soudards de tous pays pour le plus grand profit de la phynance universelle va être glorifié. Une fois de plus les criminels seront à la gloire.
André Gide, le 23 juin 1936 sur la Place Rouge, à Moscou, pendant les funérailles de Maxime Gorki (1868-1936). Gide est entouré (en partant de la droite) par Joseph Staline, Vyacheslav Mikhaylovich Molotov, Nikolai Alexsandrovich Boulganin, Nikita Khruschev, Anastas Ivanovich Mikoyan, le journaliste Michel Koltsov and l’écrivain Alexis Tolstoi. AFP PHOTO
Lorsqu’en 1933, André Gide vint au communisme et à la défense de l’U. R. S. S., la presse du P. C. et de ses filiales donnèrent à cette adhésion un retentissement extraordinaire. L’événement en valait la peine car A. Gide est incontestablement un des meilleurs écrivains de ce pays et sa venue parmi les amis de l’U. R. S. S. était pour celle-ci une caution morale prestigieuse. D’autant plus, qu’il faut reconnaître à cet homme, en plus de son talent, un grand courage et une grande probité.
MILITANT anarchiste en France en Espagne (1) rallié aux Soviets après 1917, opposant quelques années plus tard, Victor Serge n’a plus besoin d’être présenté. Personne n’a oublié « Les Hommes dans la prison, Naissance de notre force, l’An 1 de la révolution, Ville conquise, S’il est minuit dans le siècle, L’Affaire Toualev », chronique romancée de la lutte révolutionnaire de sa génération, Et pour nous qui prenons la relève, la lecture des articles de journaux, visionnaires, prophétiques que Serge légua au mouvement ouvrier nous sont toujours précieux.
Article de Breffel paru dans Le Libertaire, n° 63,10 janvier 1947, p. 3
Hungarian-born British writer Arthur Koestler, right, at the head office of publishers Jonathan Cape with G Wren Howard. Original Publication: Picture Post – 1671 – Do We Read Better Books In Wartime – pub. 1944 (Photo by Felix Man & Kurt Hutton/Picture Post/Hulton Archive/Getty Images)
La traduction du livre de Koestler a suscité en France une double querelle : certains y ont cherché la psychologie des victimes des Procès de Moscou ; d’autres y ont vu une critique du régime soviétique. Le choix exclusif d’un point de vue est ici assez vain. Les deux se justifient, s’il est vrai qu’il y a dans un livre, outre l’apport de l’auteur, ce que le lecteur y ajoute.
Article paru dans Le Libertaire, n° 30, 24 mai 1946, p. 2
« La mort de tout homme me diminue, parce que je fais partie du genre humain. Ainsi donc, n’envoie donc jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi. »
(Hemingway.)
Au moment où les écrivains américains avec Faulkner, Miller, Steinbeck, Saroyan se disputent la critique sur le seul plan technique ; l’anglais Arthur Koestler, juif hongrois d’origine, devient le sujet d’une controverse beaucoup plus profonde. « Le Zéro et l’Infini » prend l’allure d’un manifeste.
Article d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire, n° 473,5 avril 1956, p. 2
Lines of helmeted security guards block the advance of French demonstrators marching on the Summer Palace where French Premier Guy Mollet retired after angry demonstrations upon his arrival in Algiers. Troops used tear gas to dispel the mobs which were protesting against the government’s Algerian policy.
Un travailleur algérien écrit au « Libertaire » :
Pendant la guerre de 39 à 45, les Algériens ont combattu côte à côte avec les Français.
Article d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire, n° 456, 8 décembre 1955, p. 2
A crowd of onlookers watch as a strongman tries to break a chain with his biceps, Paris, France, 1955. Behind them is a carousel and across the street is the Hotel du Regent. (Photo by John Cohen/Getty Images)
Un travailleur algérien écrit au « Libertaire » :
A l’ordinaire, les propriétaires d’un café-restaurant-hôtel, au 48, rue Frémicourt, à Paris (15e), battaient leurs locataires comme des bêtes de somme.
Article d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire n° 452, 10 novembre 1955, p. 2
North African immigrants playing cards at a cafe in La Chapelle district in Paris, France, in 1955. (Photo by Keystone-France\Gamma-Rapho via Getty Images)
DANS le 15e arrondissement (89, rue Fondary), le logeur Bachir est connu de tous. Il est ami de la police pour pouvoir exploiter ses compatriotes.
Il est possesseur d’un hôtel. Quand un Algérien se retrouve sans logis, Bachir lui répond qu’il pourrait lui trouver une place parmi plusieurs autres, à condition qu’on lui offre un bakhechich de 10.000 francs.
Article d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire, n° 450, 27 octobre 1955, p. 2
Algiers, Algeria: with the cancelling of a special session of the Algerian assembly scheduled to discuss political integration, new outbreaks are feared in the Rebel-roamed southern regions of Algeria. Duringa skirmish between rebel bands and a Nomad foreign Legion Company near Qued El Hamman between Arris and T’kout in the Aures Mountain region, a wounded legionnaire points oit a rebel lair to his comrade.
Un travailleur algérien écrit au « Libertaire » :
ONZE notables du Douar Aït R’zine ont été assassinés par les forces colonialistes.
Ben Ali Cherif qui est le grand seigneur féodal de la région de Bougie et la main droite du gouvernement colonialiste français, ainsi que Mesbah, élu à l’Assemblée algérienne sur la liste « indépendante » (administrative) (soutenu pendant la campagne électorale à Guendouz par ces onze), attendront en vain que ceux-ci viennent leur souhaiter la prochaine fête d’El Mouloud.
Article d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire,n° 440, 21 juillet 1955, p. 2
31st August 1955: French tanks and troops heading for Djebbel Kasserou in Algeria. (Photo by Keystone/Getty Images)
Des Correspondants du LIBERTAIRE
Deux travailleurs algériens, résidant en France, mais pères de famille nombreuse en Algérie, sont venus passer leurs vacances en Algérie. Ces deux hommes étaient toujours brimés par les autorités « zélées » qui déploient tous leurs efforts pour faire arrêter les braves gens. Aussi, après avoir été provoqués maintes fois, les deux hommes ont disparu de la région.
Article d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire, n° 435, 16 juin 1955
Meeting du 1er mai, Vélodrome du bois de Vincennes [source]
VOILA ce que dit le dernier tract qui a été distribué dans Paris par les staliniens aux travailleurs algériens :
« Le 1er Mai, alors qu’une profonde volonté d’union dominait la manifestation organisée à Vincennes par l’Union des Syndicats C.G.T. de la Seine, une centaine d’Algériens, répondant aux mots d’ordre de certains dirigeants nationalistes, ont tenté de troubler ce grand rassemblement des travailleurs de la Région Parisienne ».
Texte d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire, n° 427, 21 avril 1955
A farmer standing next to a tracker in Mouzaiaville, Algeria, 1955. (Photo by R. Gates/Archive Photos/Getty Images)
LES TRAVAILLEURS ALGERIENS ECRIVENT AU « LIB »
Marseille, le 8 avril 1955
Chers camarades frères,
JE LIS toujours LE LIBERTAIRE, le journal que j’estime indispensable pour la classe ouvrière et pour les Algériens. J’ai l’habitude de lire le journal dans un bar, devant un nombre important d’Algériens qui tous sont assoiffés de liberté. Et, depuis qu’ils connaissent LE LIBERTAIRE, plusieurs l’achètent régulièrement, sans attendre que je m’en occupe pour eux.
Article d’Abdou El Hadi paru dans Le Libertaire, n° 481, 31 mai 1956
ALGERIA – MAY 27: French soldiers block off access from Vialtar street to Lyre street in Algiers. 6,000 soldiers and 1,500 policemen undertake a vast police operation that day, carrying out hundreds of arrests. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
De notre correspondant à Alger.
LE fait à remarquer cette semaine en Algérie est l’ordre de grève lancé par l’U.G.E.M.A. (Union Générale des Etudiants musulmans d’Algérie) et l’U.J.D.A. (Union de la Jeunesse Démocratique Algérienne). Ces deux organismes, le premier uniquement d’étudiants musulmans, et le second de toute la jeunesse algérienne, incitent les étudiants, les lycéens, les collégiens et les élèves de cours complémentaires à faire grève illimitée des cours et des examens.
Article de F. Adbou El Hadi paru dans Le Libertaire, n° 480, 25 mai 1956
Doumene Abdelkader, city councillor and a notorious supporter of the Algerian National movement, lies on a city street April 30th after he was killed by an executioner of the National Liberation Front. The rivalry between Nationalist factions brings to light a new phase in Algerian unrest. Five Nationalist guerrillas wound up in a French prison April 30th after the planned murder of another rebel band failed. A total of sixty rebels were reported killed in three encounters with French security forces in East Algeria, April 30th.
ALGER était dans la léthargie complète durant ce mois de ramadhan. Les années précédentes, les rues étaient animées le soir ; les music-hall et les cinémas regorgeaient de monde, les cafés accueillaient de nombreux veilleurs. Cette année, rien de tout cela, aucune préparation spectaculaire ni ornement dans les rues quasi désertes, les lieux de loisirs habituels ont fermé leurs portes. On n’entend plus comme à l’accoutumée le son des derboukas, les chants religieux des jeunes filles, les battements des mains et les yous-youx des femmes, on ne voit plus les enfants courir joyeusement en chantant.
Article de D. Levi paru dans Le Libertaire, n° 58, 6 décembre 1946, p. 3
George Orwell est un des esprits les plus vivants parmi les travaillistes de gauche en Angleterre, ceux qui considèrent la « Tribune » comme leur organe et Aneurin Bevan comme leur chef ; braves gens qui croient honnêtement possible d’user du gouvernement comme d’un champ d’essai pour la construction d’une espèce de « Socialisme Libertaire », auquel ils attribuent la capacité d’agir dans le monde comme contre-poison préventif et curatif, face au développement toujours plus étendu de l’esprit d’autorité.
Maria Casarès et Serge Reggiani dans la pièce de théâtre ‘Les justes’ d’Albert Camus au théâtre Hébertot à Paris, France, le 14 décembre 1949. (Photo by KEYSTONE-FRANCE/Gamma-Rapho via Getty Images)
IL est assez audacieux de vouloir évoquer la pureté en prenant pour héros un assassin ; dans sa dernière oeuvre Camus arrive à exposer magistralement ce problème malgré la situation paradoxale de son personnage. Cette nouvelle pièce marque un progrès sur ses précédentes créations et surtout sur l’« Etat de siège ». Le côté purement théâtral se trouve encore trop à l’arrière-plan et l’idée domine tout sans aucune concession au goût du public : mais ici, chez Hébertot, on constate avec satisfaction que la mise en scène est au service de l’oeuvre au lieu de se servir d’elle.
Article d’André Julien paru dans Le Libertaire, n° 155, 12 novembre 1948
Dress Rehearsal Of The Play Etat De Siege By Albert Camus, From The Plague, At The Marigny Theatre In Paris On October 28, 1948. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
On connaît nos sympathies pour les idées, l’oeuvre et la personne d’Albert Camus. On connait aussi les siennes pour notre action. Les lecteurs du Libertaire ne seront donc pas surpris si nous leur disons que la nouvelle pièce de l’auteur du Malentendu, présentée au théâtre Marigny par J.-L. Barrault, et dont le texte paraîtra sous peu (à la N.R.F.), est foncièrement et formellement anarchiste. Voici d’ailleurs quelques titres qu’avait choisis Camus avant ne s’en tenir à : l’État de Siège:La question, les Monstres froids (l’État, selon le mot de Nietzsche), et, d’après un titre de Sade, Les Crimes de l’État.
Article paru dans Le Libertaire, n° 6, juin 1945, p. 3
Foreign Legion soldiers drum in formation a parade before the gates of the Legion’s headquarters in Sidi Bel Abbes, Algeria, 1940s. (Photo by Hulton Archive/Getty Images)
Le parti communiste, utilisant, les événements pour ses fins propres, présente la crise algérienne comme l’explosion de la dernière bombe hitlérienne. C’est se prononcer sur des faits mal connus et simplifier une énorme question. « Le Monde », plus sérieux, examine « l’affaiblissement de l’armature française » (luttes politiques en Afrique du Nord depuis 1942, secteurs anti-britanniques, antigaullistes, antisémites), la poussée nationaliste arabe, la participation des Nord-Africains à la guerre et leur élimination de la vie politique, et enfin la cause immédiate du conflit, une terrible crise économique. Les événements de Sétif sont, en effet, la manifestation aiguë d’un malaise latent entre la France et l’Afrique du Nord. Ils sont aussi un des épisodes sanglants des luttes chroniques entre la France et chacune de ses colonies depuis plus d’un siècle. Il convient donc de les replacer dans l’ensemble de l’histoire coloniale française pour en comprendre le sens et la portée.
Article d’André Julien paru dans Le Libertaire, n° 85, 12 juillet 1947
AUTEUR de l’Etranger, du Mythe de Sisyphe, de Caligula, longtemps animateur de Combat, il est permis de dire qu’Albert Camus joue le rôle de chef d’une génération nouvelle.
JULY 26: Algiers : Orleans barracks : zouaves regiment, postcard, 1952 (Photo by Apic/Getty Images)
L’article que nous reproduisons ci-dessous est tiré de « L’Ecole républicaine », bulletin de la section d’Alger du Syndicat National des Instituteurs et Institutrices de l’Union Française, du mois de mai 1952.
Il nous a paru important de le communiquer à nos lecteurs, pour la position anticolonialiste du camarade Doukhan, position parallèle à celle que défend « Le Libertaire » dans la métropole.
Communiqué du Mouvement libertaire nord-africain paru dans Le Libertaire, n° 407, 2 décembre 1954
Two French armored vehicles conduct patrols in rural Algeria.
LE Mouvement Libertaire Nord-Africain condamne les arrestations, perquisitions, saisies arbitraires dont la F.C.L. a été victime à Paris, alors que, dans ses affiches et son journal, elle ne faisait que constater un fait : la révolte des prolétaires algériens surexploités n’a pour cause que 124 ans de spoliations et de brigandage colonialistes.
Tract du Mouvement libertaire nord-africain reproduit dans Le Libertaire, n° 409,16 décembre 1954
Groups of natives crowd around an armored car of the French Army. Important forces of police and army have been sent to the Aures hilly area to protect populations from raids made by the rebel Azures.
LE Mouvement Libertaire Nord-Africain estime que le véritable responsable des événements actuels, en liaison avec ceux du Maroc et de Tunisie est le régime colonialiste, basé sur l’expropriation des terres, la surexploitation, le chômage, la répression et l’opposition au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ainsi qu’aux aspirations révolutionnaires des travailleurs.
Communiqué du Mouvement libertaire nord-africain paru dans Le Libertaire, n° 424,31 mars 1955
circa 1955: A local girl is arrested by two members of the French Foreign Legion, who have their headquarters here in Sidi Bel Abbes, Algeria. (Photo by Three Lions/Getty Images)
Le gouvernement impérialiste, après avoir rejeté la responsabilité de la situation en Algérie sur ce qu’il nomme « quelques bandes organisées de hors-la-loi », dont le but est d’après lui de provoquer un sentiment d’insécurité et de peur dans l’ensemble de la population algérienne, en arrive à craindre « que les troubles sporadiques se transforment en insurrection générale »… Ainsi les Algériens se soulèveraient par « crainte » de ces « quelques bandes organisées de hors-la-loi ».
A scene on a narrow street with people sitting at tables and some walking as the buildings shade the street over them in Casbah, Algiers, 1955. (Photo by Lionel Green/Archive Photos/Getty Images)
L’EXPOSITION sur « La grandeur et la misère de l’Ecole publique en Algérie », organisée par la section d’Alger du S.N.I. et le Comité de scolarisation et de lutte contre l’analphabétisme, inaugurée par Baillet, du Bureau national, et par le recteur, représente un volume imposant d’informations, de statistiques, plans, projets, illustrations.
circa 1955: Zouave guards flank a French Women’s Army parade outside the wall of an historic casbah fortress, in Algiers. (Photo by McGraw/Three Lions/Getty Images)
Le bulletin de la section d’Alger du Syndicat National des Instituteurs publie la motion adoptée au cours de la réunion interdépartementale des sections algériennes du 9 décembre 1954.
Cette motion est présentée au nom des 10.000 adhérents que ces dernières réunissent.
J’ignore ce qui s’est passé dans les départements voisins mais, à Alger, seul le bureau de la Section a voté une motion sur les événements que j’ai commentés dans l’Ecole Emancipée.
Au cours de l’assemblée générale du groupement, les responsables qui sont en même temps responsables de la Section, à quelques exceptions près, et qui du fait que le groupement d’Alger est le plus nombreux, font appliquer le plus souvent les décisions du Bureau de Section par le Conseil syndical (ô démocratie) ont refusé de discuter de la répression en Algérie, alors que les militants du M.T.L.D., dont Moulay Merbah leur secrétaire, étaient appréhendés, soumis aux tortures par la Gestapo algérienne et placés sous mandat de dépôt plusieurs jours après leur arrestation, que les journaux nationalistes du P. C. et le Libertaire étaient saisis ou supprimés, que les troupes rapatriées d’Indochine affluaient vers l’Algérie, flanquées de C.R.S. et de gendarmes.
L’ALGERIE tient la vedette des préoccupations impérialistes et colonialistes.
Avec le rappel de Léonard, l’homme qui prêtait une oreille trop docile à Borgeaud le chef de file des ultras, on assiste à un nouveau règlement de comptes dont les vainqueurs provisoires sont Mendès et Blachette et leur néo-colonialisme.
View of the site of the Government and the mosque in Algiers. Postcard from 1955 (Photo by Apic/Getty Images)
Des « ultras » partisans du massacre au représentant du P.C.A. qui s’est contenté de s’abstenir dans le vote de confiance au Gouvernement
LES débats à l’Assemblée algérienne sur les derniers événements nous permettent de faire une incursion édifiante parmi la faune parlementaire colonialiste, porte-parole des « saigneurs » de la terre ou « saigneurs » en personne, avec leur cortège des « préfabriqués » musulmans, de ceux à la figure de qui le peuple et les travailleurs algériens crachent leur suprême répulsion.
On a toléré, au milieu de cette engeance malsaine, quelques membres de l’U.D.M.A. (1) organisation d’un réformisme inoffensif, dont la présence pouvait constituer un alibi contre ceux qui dénoncent l’imposture des élections « à l’algérienne ».
Communiqué publié dans Le Libertaire, n° 411, 30 décembre 1954
French Close In On Algerian Rebels. Since the ‘little war’ broke out a month ago in French Algeria, French troops have been closing in on the rebels, whose uprising was incited by the Nationalist Fellaghas of Tunisia. The terrorists operate from the mountainous southeastern region of Algeria which adjoins Tunisia. Rebels, who held out in the ravines of R’dam, were driven out by light mountain artillery. Families are shown moving down from the isolated mountain regions under protection of troops and tanks, to receive official care.
UNE nouvelle vague d’arrestations frappant le M.T.L.D. a déferlé sur la France et l’Algérie. Il s’agit dans cette dernière d’anciens délégués à l’assemblée algérienne et d’élus municipaux.
Textes parus dans Le Libertaire, n° 406, 25 novembre 1954
11/7/1954-Algeria: French troops guard a group of terrorist suspects captured in a raid on the foothills of the Chrea Mountains in Algeria. Algeria has become the new hot spot of the French Colonial Empire. Nationalist extremists have taken to mountain strongholds on the Tunisia-Algeria border from which they are conducting guerrilla warfare. The French have answered back with reinforcements of tanks, troops and planes.
(Siège : 7, avenue de la Marne, Alger, le samedi soir)
Le Mouvement Libertaire Nord-Africain dénonce la dissolution illégale et arbitraire du M.T.L.D., la mise arbitraire sous mandat de dépôt des responsables et militants de cette organisation (1) et réclame le rapport du décret de dissolution et la libération immédiate des détenus.
Les dernières élections municipales ont démontré une fois de plus que tous les travailleurs ont été dupés, trompés par les promesses d’une clique hypocrite, qui agit simplement pour ses propres intérêts.
Yvonne de Carlo (1922 – 2007) and Carlos Thompson (1923 – 1990) star in ‘Fort Algiers’, 1953. (Photo by United Artists/Archive Photos/Getty Images)
Nous extrayons, de « L’Ecole Républicaine », bulletin de la section d’Alger du Syndicat national des instituteurs et institutrices de l’Union Française, n° 7 d’avril 1953, cette partie d’un texte de notre camarade Doukhan, instituteur à Alger, paru sous le titre « Le Problème colonial ».
Nos camarades et nos amis lecteurs se rendront compte ainsi que nos militants sont présents partout où se mène la lutte révolutionnaire.
Algeria, French Army Recruiting Headquarters In The Fifties (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
EXTRAIT d’un article intitulé « La Patrie », paru dans l’organe nationaliste « La République Algérienne » du 1er juin 1951 :
« …Soyons très fiers d’être Algériens musulmans, rendons à notre pays le tribut d’admiration que les étrangers eux-mêmes ne lui refusent pas. Soyons fiers de notre origine ; nul peuple ne descend d’une race plus vaillante et plus généreuse… Algérien… quand, dans un très proche avenir, ton pays sera débarrassé entièrement de l’odieux joug colonial qui l’opprime, jeune soldat, tu t’exerceras dans le métier militaire, tu défendras le drapeau, tu te feras craindre et respecter… tu entoureras d’un culte reconnaissant la mémoire des martyrs de la liberté, tu obéiras aux lois, tu payeras l’impôt sans murmurer, tu honoreras les magistrats, tu voteras avec réflexion et conscience… » (1).
In Paris in April 1950, North African immigrants talk in front of a hotel named LA VILLE D’ORAN (The City of Oran) where furnished rooms are rented out to immigrants, who are for the most part Algerian. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
AUCUN élément marquant en Algérie. Rien de nouveau outre-mer, si ce n’est le retour au calme après la fièvre électorale. Là encore, nos prévisions — la prophétie était sans risque — se sont réalisées : truquages et violence d’une part, d’autre part, abstentions considérables (30 à 40 %, selon les centres) et enfin infime représentation de « gauche ». Autre événement : la démission du proconsul Naegelen Marcel-Edmond. En bref, rien qui vaille la peine qu’on en parle. Cela me permet de reprendre ce projet que j’avais fait, de reparler du problème nationaliste Dans le « Lib » du 16 février 1951, notre camarade Saïl Mohamed, au long d’un excellent article (La mentalité Kabyle), mettait en relief la duperie nationaliste et le farouche fonds d’individualisme tempéré de fédéralisme du peuple kabyle.
Article de Guy Martin suivi d’un manifeste du Mouvement libertaire nord-africain parus dans Le Libertaire,n° 255, 9 février 1951, p. 1 et 4
Ouvriers agricoles dans un champs, Algérie, circa 1950. (Photo by Keystone-France/Gamma-Rapho via Getty Images)
Les bateleurs s’agitent sur les tréteaux électoraux. Sur les journaux, le dernier discours de Truman ou de Staline, et le crime du jour se sont rétrécis pour faire place aux promesses mirobolantes des charlatans en quête d’une banquette à l’Assemblée algérienne dont sonne l’heure du renouvellement partiel. L’Algérie va voter ; quand ces lignes paraîtront, les jeux seront faits… Et tout continuera comme par le passé. Les Agrariens au pouvoir, vinassiers et céréaliculteurs continueront de défendre leurs intérêts de maîtres de la glèbe. Avocats et professeurs en rupture de barreau ou de chaire auront trouvé un nouvel auditoire. Quelques échantillons staliniens — il faut de tout pour faire un monde — défendront les intérêts du prolétariat et de la hiérarchie réunis. Quelques nationalistes bourgeois ou maraboutiques, passés, Allah sait comme, au travers des urnes à double fond, continueront de bercer leurs rêves de République algérienne, fromagère, à l’imitation des grandes sœurs française ou égyptienne.
L’ETABLISSEMENT des grands empires coloniaux qui atteignirent leur apogée dans la seconde moitié du siècle passé obéit à des causes presque essentiellement économiques que le marxisme définit d’ailleurs valablement. Les puissances dites coloniales, une fois installées sur le sol conquis, qu’ont-elles fait ? Quelle sera la résultante de l’action divergente des colonisateurs et des colonisés ?
Around 1950 in a school in Algeria, children work diligently at learning French culture. One can see the map of France hanging on the wall. In a context where all hope of social advancement has to pass by the learning of the coloniser’s culture, these children come to learn and idealise the French language and culture. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
EN 1945, l’administration algérienne élabora un plan de scolarisation échelonné sur 20 ans, qui devait scolariser 1.250.000 enfants.
Par un rapport présenté par M. Bertrand, rapporteur général de la Commission de l’Education Nationale auprès de l’Assemblée Algérienne, au moment de la discussion du budget de 49, on pouvait apprendre que : les crédits proposés s’élevaient à 3 milliards 231 millions, au lieu de 12 milliards 206 millions, qu’il fallait compter au 1er novembre un reliquat de 3.869 classes et 2.100 logements, que le retard du plan de coordination pour les années 45 jusqu’à 49 s’élevait à 1.200 classes, que sur les 1.800 classes nouvelles, 1.072 fonctionnaient à mi-temps.
Le comité de scolarisation réunissant les délégués du syndicat des instituteurs, des partis politiques (sauf le P.C.A. et les partis nationalistes, ces derniers s’étant retirés en raison de leur désaccord sur la laïcité), le M.P.F., la Libre Pensée, le M.F.A., etc., où les délégués du S.N.I. sont « persona grata », fait remarquer dans une lettre envoyée au président de l’Assemblée Algérienne qu’il fallait reprocher, en plus de ce fameux plan, d’avoir oublié de compter avec un excédent de naissances annuelles de 150.000 unités et que « faute de crédits, la reconduction, d’année en année, risque de devenir continuelle, que la situation de la scolarité à temps réduit ne fera qu’empirer et que tous les enfants d’âge scolaire ne pourront pas être scolarisés ».
Around 1950 in a school in Algeria, Algerian children doing their schoolwork. In a context where all hope of social advancement had to pass through learning the colonizer’s culture, these children learned and idealized the French language and culture. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
LE statut de l’Algérie (article 56) reconnaît l’autonomie du culte musulman et délègue à l’assemblée algérienne pouvoir d’assurer la séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Toutes les religions, jusques et y compris l’Islam (nous devons cette vérité crue à nos camarades musulmans) sont des doctrines de résignation, de paternalisme et de respect du Chef. Il importe aux Etats de s’assurer l’alliance de cette force cauteleuse d’asservissement. (La séparation, en France, de l’Eglise et de l’Etat, n’a pas rompu l’alliance antique et traditionnelle inaugurée par saint Augustin en Africa-Romana.) Cette vérité est valable pour l’Islam et pour les trois subdivisions arbitraires de l’Afrique du Nord (Algérie-Tunisie-Maroc).