Textes parus dans Le Libertaire, n° 448, 13 octobre 1955, p. 1 et 2
Les efforts réunis de la F.C.L. et du Mouvement de Lutte Anticolonialiste, joints au sens de la solidarité d’un certain nombre de personnalités, ont réussi à vaincre le silence honteux qui régnait autour de la condamnation de P. Morain.
Nous saluons ici celles qui nous ont donné leur accord et nous ont assuré de leur entier appui : Jean Cassou, Claude Bourdet, Daniel Guérin, M° Yves Dechézelles, et nous ne doutons pas que cette liste doive rapidement s’allonger.
D’autre part, le Comité est entièrement appuyé par le MOUVEMENT DE LUTTE ANTICOLONIALISTE.
Les tâches du « COMITE P. MORAIN » sont nombreuses :
– vaincre le silence de la presse (jusqu’ici seuls « l’Observateur », « Le Libérateur » (organe de la Nouvelle Gauche) et « la Vérité » ont protesté à nos côtés) ;
– par une campagne dans tout le pays, exposant l’iniquité de la condamnation de P. Morain, obtenir la révision du procès et la libération de notre camarade.
Le Comité P. Morain rappelle à tous las partis et syndicats que s’ils refusent de défendre solidairement P. Morain, premier ouvrier français condamné pour son activité anticolonialiste, non seulement ils commettent une lâcheté mais encore ils laissent les mains libres à une répression qui demain s’abattra férocement sur eux. Le cas de Ch. Garcia, membre du P.C.F. est significatif : « l’Humanité » avait caché le cas P. Morain, aujourd’hui ses militants sont aussi victimes de la répression colonialiste.
Donc, tous unis, tous avec LE COMITE P. MORAIN.
Pour le Comité :
Le Secrétaire provisoire,
P. PHILIPPE.
Adhésions à : Comité P. Morain,
145, quai de Valmy, Paris-10°.
Pierre Morain ou le scandale du silence
LORSQUE Robert Barrat fut arrêté à propos d’un article paru
dans l’hebdomadaire « France Observateur », de nombreuses
protestations s’élevèrent, émanant de personnalités d’opinions
divergentes. Ce qui était juste. Pierre Morain vient d’être condamné
pour la seconde fois : un an de prison ferme au lieu des cinq mois
récoltés en juillet. La police bourgeoise s’acharne sur un ouvrier qui
n’est coupable que du seul crime de ne pas accepter les saloperies commises à notre époque par toute la clique fasciste du monde entier. Et ce qu’il y a d’horrible dans cette affaire, c’est que le plus grand silence règne autour de Pierre Morain. Pourquoi ? Parce que Pierre Morain n’est ni journaliste – ce n’est pas sa collaboration au « Libertaire » qui lui donnera cette qualité, n’est-ce pas messieurs les écrivailleurs qui bavez sur du papier de luxe, « Figaro » ou « La Vie Française » – ni écrivain.
Pierre Morain est ouvrier et aucune gloire n’auréole son nom. Il travaillait dur sur les chantiers, consacrant ses heures de loisir à la lutte des prolétaires du monde entier, sûr de sa vérité et plein d’amour et d’espoir pour la vie. « La Vie Ouvrière » a consciemment écarté le « cas Morain » parce que Morain, militant C.G.T., est aussi militant F.C.L. La bureaucratie syndicale oublie-t-elle que « Le Libertaire » a protesté énergiquement contre l’interdiction du Parti Communiste Algérien, contre l’incarcération du militant communiste Charles Garcia ? J’attends de Gaston Montmousseau une excuse valable à propos du silence de la « V. O. ». Mais tournant le dos à ceux qui ferment les yeux, nous luttons pour la libération de Pierre Morain. Un comité de défense est créé. Les écrivains Jean Cassou et Daniel Guérin, le journaliste Claude Bourdet, l’avocat Yves Dechézelles nous ont donné leur accord. Une brochure sur « l’affaire Morain » va paraître, qui donnera tous les détails de la procédure juridique. Mais cela n’est pas suffisant. Il faut chaque jour alerter l’opinion publique, les masses ouvrières, les intellectuels qui peuvent beaucoup et ne font pas grand-chose.
Ce que de nombreuses personnalités ont fait pour Robert Barrat, elles doivent le refaire pour Pierre Morain. S’abstenir serait trahir a travers Morain tous les militants prolétaires qui peuvent être poursuivis à leur tour. Aujourd’hui notre camarade Pierre Morain paie de sa liberté son action révolutionnaire. Nous qui sommes encore libres, nous ne devons jamais l’oublier. Comme le disait un de nos tracts, « nous sommes des millions de travailleurs face à une poignée d’assassins ». Ces assassins ont peur de nous et c’est pour cela qu’ils traquent ceux qui se dressent contre eux.
Tous unis, luttons pour la libération de Pierre Morain et de ses compagnons Nord-Africains des geôles de l’impérialisme français.
Jean GRECO.
