Il y a 25 ans éclatait l’insurrection algérienne. Son souvenir a été estompé à travers une période de latence et d’occultation. Après un phénomène de rejet, de nausée, le drame algérien connaît aujourd’hui un regain d’actualité. Il a cessé d’appartenir au vécu pour entrer dans l’histoire.
Article d’A. Coursan paru en trois parties dans Lutter !, n° 10, mars 1985, p. 19 ; n° 11, avril 1985, p. 19 ; n° 13, été 1985, p. 18-19
L’UTCL apporte son soutien actif au peuple kanak en lutte pour son indépendance. Ce n’est pas la dernière lutte de décolonisation, et ce n’est pas non plus la première.
En 1954 éclatait l’insurrection en Algérie. Les indépendantistes algériens ont pu compter dès le premier jour sur le soutien des communistes-libertaires d’alors, organisés dans la Fédération Communiste Libertaire (FCL). Le ministre de l’Intérieur de l’époque, François Mitterrand, n’a pas ménagé ses coups. Le premier militant ouvrier emprisonné pour son opposition à la guerre d’Algérie était un militant de la FCL.
Nous commençons une série d’articles avec des faits, des analyses, et la publication de documents introuvables, dont la reproduction d’exemplaires de l’hebdomadaire de la FCL, « Le Libertaire », saisis par l’État français.
Article d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire, n° 473,5 avril 1956, p. 2
Lines of helmeted security guards block the advance of French demonstrators marching on the Summer Palace where French Premier Guy Mollet retired after angry demonstrations upon his arrival in Algiers. Troops used tear gas to dispel the mobs which were protesting against the government’s Algerian policy.
Un travailleur algérien écrit au « Libertaire » :
Pendant la guerre de 39 à 45, les Algériens ont combattu côte à côte avec les Français.
Article d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire, n° 456, 8 décembre 1955, p. 2
A crowd of onlookers watch as a strongman tries to break a chain with his biceps, Paris, France, 1955. Behind them is a carousel and across the street is the Hotel du Regent. (Photo by John Cohen/Getty Images)
Un travailleur algérien écrit au « Libertaire » :
A l’ordinaire, les propriétaires d’un café-restaurant-hôtel, au 48, rue Frémicourt, à Paris (15e), battaient leurs locataires comme des bêtes de somme.
Article d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire n° 452, 10 novembre 1955, p. 2
North African immigrants playing cards at a cafe in La Chapelle district in Paris, France, in 1955. (Photo by Keystone-France\Gamma-Rapho via Getty Images)
DANS le 15e arrondissement (89, rue Fondary), le logeur Bachir est connu de tous. Il est ami de la police pour pouvoir exploiter ses compatriotes.
Il est possesseur d’un hôtel. Quand un Algérien se retrouve sans logis, Bachir lui répond qu’il pourrait lui trouver une place parmi plusieurs autres, à condition qu’on lui offre un bakhechich de 10.000 francs.
Article d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire, n° 450, 27 octobre 1955, p. 2
Algiers, Algeria: with the cancelling of a special session of the Algerian assembly scheduled to discuss political integration, new outbreaks are feared in the Rebel-roamed southern regions of Algeria. Duringa skirmish between rebel bands and a Nomad foreign Legion Company near Qued El Hamman between Arris and T’kout in the Aures Mountain region, a wounded legionnaire points oit a rebel lair to his comrade.
Un travailleur algérien écrit au « Libertaire » :
ONZE notables du Douar Aït R’zine ont été assassinés par les forces colonialistes.
Ben Ali Cherif qui est le grand seigneur féodal de la région de Bougie et la main droite du gouvernement colonialiste français, ainsi que Mesbah, élu à l’Assemblée algérienne sur la liste « indépendante » (administrative) (soutenu pendant la campagne électorale à Guendouz par ces onze), attendront en vain que ceux-ci viennent leur souhaiter la prochaine fête d’El Mouloud.
Article d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire,n° 440, 21 juillet 1955, p. 2
31st August 1955: French tanks and troops heading for Djebbel Kasserou in Algeria. (Photo by Keystone/Getty Images)
Des Correspondants du LIBERTAIRE
Deux travailleurs algériens, résidant en France, mais pères de famille nombreuse en Algérie, sont venus passer leurs vacances en Algérie. Ces deux hommes étaient toujours brimés par les autorités « zélées » qui déploient tous leurs efforts pour faire arrêter les braves gens. Aussi, après avoir été provoqués maintes fois, les deux hommes ont disparu de la région.
Article d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire, n° 435, 16 juin 1955
Meeting du 1er mai, Vélodrome du bois de Vincennes [source]
VOILA ce que dit le dernier tract qui a été distribué dans Paris par les staliniens aux travailleurs algériens :
« Le 1er Mai, alors qu’une profonde volonté d’union dominait la manifestation organisée à Vincennes par l’Union des Syndicats C.G.T. de la Seine, une centaine d’Algériens, répondant aux mots d’ordre de certains dirigeants nationalistes, ont tenté de troubler ce grand rassemblement des travailleurs de la Région Parisienne ».
Texte d’Akli Bounane paru dans Le Libertaire, n° 427, 21 avril 1955
A farmer standing next to a tracker in Mouzaiaville, Algeria, 1955. (Photo by R. Gates/Archive Photos/Getty Images)
LES TRAVAILLEURS ALGERIENS ECRIVENT AU « LIB »
Marseille, le 8 avril 1955
Chers camarades frères,
JE LIS toujours LE LIBERTAIRE, le journal que j’estime indispensable pour la classe ouvrière et pour les Algériens. J’ai l’habitude de lire le journal dans un bar, devant un nombre important d’Algériens qui tous sont assoiffés de liberté. Et, depuis qu’ils connaissent LE LIBERTAIRE, plusieurs l’achètent régulièrement, sans attendre que je m’en occupe pour eux.
Article d’Abdou El Hadi paru dans Le Libertaire, n° 481, 31 mai 1956
ALGERIA – MAY 27: French soldiers block off access from Vialtar street to Lyre street in Algiers. 6,000 soldiers and 1,500 policemen undertake a vast police operation that day, carrying out hundreds of arrests. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
De notre correspondant à Alger.
LE fait à remarquer cette semaine en Algérie est l’ordre de grève lancé par l’U.G.E.M.A. (Union Générale des Etudiants musulmans d’Algérie) et l’U.J.D.A. (Union de la Jeunesse Démocratique Algérienne). Ces deux organismes, le premier uniquement d’étudiants musulmans, et le second de toute la jeunesse algérienne, incitent les étudiants, les lycéens, les collégiens et les élèves de cours complémentaires à faire grève illimitée des cours et des examens.
Article de F. Adbou El Hadi paru dans Le Libertaire, n° 480, 25 mai 1956
Doumene Abdelkader, city councillor and a notorious supporter of the Algerian National movement, lies on a city street April 30th after he was killed by an executioner of the National Liberation Front. The rivalry between Nationalist factions brings to light a new phase in Algerian unrest. Five Nationalist guerrillas wound up in a French prison April 30th after the planned murder of another rebel band failed. A total of sixty rebels were reported killed in three encounters with French security forces in East Algeria, April 30th.
ALGER était dans la léthargie complète durant ce mois de ramadhan. Les années précédentes, les rues étaient animées le soir ; les music-hall et les cinémas regorgeaient de monde, les cafés accueillaient de nombreux veilleurs. Cette année, rien de tout cela, aucune préparation spectaculaire ni ornement dans les rues quasi désertes, les lieux de loisirs habituels ont fermé leurs portes. On n’entend plus comme à l’accoutumée le son des derboukas, les chants religieux des jeunes filles, les battements des mains et les yous-youx des femmes, on ne voit plus les enfants courir joyeusement en chantant.
Communiqué du Mouvement libertaire nord-africain paru dans Le Libertaire, n° 407, 2 décembre 1954
Two French armored vehicles conduct patrols in rural Algeria.
LE Mouvement Libertaire Nord-Africain condamne les arrestations, perquisitions, saisies arbitraires dont la F.C.L. a été victime à Paris, alors que, dans ses affiches et son journal, elle ne faisait que constater un fait : la révolte des prolétaires algériens surexploités n’a pour cause que 124 ans de spoliations et de brigandage colonialistes.
Tract du Mouvement libertaire nord-africain reproduit dans Le Libertaire, n° 409,16 décembre 1954
Groups of natives crowd around an armored car of the French Army. Important forces of police and army have been sent to the Aures hilly area to protect populations from raids made by the rebel Azures.
LE Mouvement Libertaire Nord-Africain estime que le véritable responsable des événements actuels, en liaison avec ceux du Maroc et de Tunisie est le régime colonialiste, basé sur l’expropriation des terres, la surexploitation, le chômage, la répression et l’opposition au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ainsi qu’aux aspirations révolutionnaires des travailleurs.
Communiqué du Mouvement libertaire nord-africain paru dans Le Libertaire, n° 424,31 mars 1955
circa 1955: A local girl is arrested by two members of the French Foreign Legion, who have their headquarters here in Sidi Bel Abbes, Algeria. (Photo by Three Lions/Getty Images)
Le gouvernement impérialiste, après avoir rejeté la responsabilité de la situation en Algérie sur ce qu’il nomme « quelques bandes organisées de hors-la-loi », dont le but est d’après lui de provoquer un sentiment d’insécurité et de peur dans l’ensemble de la population algérienne, en arrive à craindre « que les troubles sporadiques se transforment en insurrection générale »… Ainsi les Algériens se soulèveraient par « crainte » de ces « quelques bandes organisées de hors-la-loi ».
A scene on a narrow street with people sitting at tables and some walking as the buildings shade the street over them in Casbah, Algiers, 1955. (Photo by Lionel Green/Archive Photos/Getty Images)
L’EXPOSITION sur « La grandeur et la misère de l’Ecole publique en Algérie », organisée par la section d’Alger du S.N.I. et le Comité de scolarisation et de lutte contre l’analphabétisme, inaugurée par Baillet, du Bureau national, et par le recteur, représente un volume imposant d’informations, de statistiques, plans, projets, illustrations.
circa 1955: Zouave guards flank a French Women’s Army parade outside the wall of an historic casbah fortress, in Algiers. (Photo by McGraw/Three Lions/Getty Images)
Le bulletin de la section d’Alger du Syndicat National des Instituteurs publie la motion adoptée au cours de la réunion interdépartementale des sections algériennes du 9 décembre 1954.
Cette motion est présentée au nom des 10.000 adhérents que ces dernières réunissent.
J’ignore ce qui s’est passé dans les départements voisins mais, à Alger, seul le bureau de la Section a voté une motion sur les événements que j’ai commentés dans l’Ecole Emancipée.
Au cours de l’assemblée générale du groupement, les responsables qui sont en même temps responsables de la Section, à quelques exceptions près, et qui du fait que le groupement d’Alger est le plus nombreux, font appliquer le plus souvent les décisions du Bureau de Section par le Conseil syndical (ô démocratie) ont refusé de discuter de la répression en Algérie, alors que les militants du M.T.L.D., dont Moulay Merbah leur secrétaire, étaient appréhendés, soumis aux tortures par la Gestapo algérienne et placés sous mandat de dépôt plusieurs jours après leur arrestation, que les journaux nationalistes du P. C. et le Libertaire étaient saisis ou supprimés, que les troupes rapatriées d’Indochine affluaient vers l’Algérie, flanquées de C.R.S. et de gendarmes.
L’ALGERIE tient la vedette des préoccupations impérialistes et colonialistes.
Avec le rappel de Léonard, l’homme qui prêtait une oreille trop docile à Borgeaud le chef de file des ultras, on assiste à un nouveau règlement de comptes dont les vainqueurs provisoires sont Mendès et Blachette et leur néo-colonialisme.
Communiqué publié dans Le Libertaire, n° 411, 30 décembre 1954
French Close In On Algerian Rebels. Since the ‘little war’ broke out a month ago in French Algeria, French troops have been closing in on the rebels, whose uprising was incited by the Nationalist Fellaghas of Tunisia. The terrorists operate from the mountainous southeastern region of Algeria which adjoins Tunisia. Rebels, who held out in the ravines of R’dam, were driven out by light mountain artillery. Families are shown moving down from the isolated mountain regions under protection of troops and tanks, to receive official care.
UNE nouvelle vague d’arrestations frappant le M.T.L.D. a déferlé sur la France et l’Algérie. Il s’agit dans cette dernière d’anciens délégués à l’assemblée algérienne et d’élus municipaux.
Textes parus dans Le Libertaire, n° 406, 25 novembre 1954
11/7/1954-Algeria: French troops guard a group of terrorist suspects captured in a raid on the foothills of the Chrea Mountains in Algeria. Algeria has become the new hot spot of the French Colonial Empire. Nationalist extremists have taken to mountain strongholds on the Tunisia-Algeria border from which they are conducting guerrilla warfare. The French have answered back with reinforcements of tanks, troops and planes.
(Siège : 7, avenue de la Marne, Alger, le samedi soir)
Le Mouvement Libertaire Nord-Africain dénonce la dissolution illégale et arbitraire du M.T.L.D., la mise arbitraire sous mandat de dépôt des responsables et militants de cette organisation (1) et réclame le rapport du décret de dissolution et la libération immédiate des détenus.
Les dernières élections municipales ont démontré une fois de plus que tous les travailleurs ont été dupés, trompés par les promesses d’une clique hypocrite, qui agit simplement pour ses propres intérêts.
Article paru dans Le Libertaire, n° 390, 20 mai 1954.
A quelques semaines avant sa mort, il collait encore le « LIB » à Aulnay. Nous lui disions de se reposer, nous le sentions faible. Il n’y avait rien à faire. Il voulait militer, il voulait se battre jusqu’au bout.
Textes publiés dans Le Libertaire, n° 404, 11 novembre 1954
ALGERIA – SEPTEMBER 09: Orleansville, Algeria : the French Minister of the Interior Francois MITTERRAND is examining the damage caused by the earthquake. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
Le Mouvement Libertaire Nord-Africain dénonce le colonialisme comme véritable responsable de la situation actuelle de l’Algérie.
Il constate que le terrorisme est la conséquence logique de 124 ans d’expropriations, de massacres, d’hécatombes au service de la mère patrie, de surexploitation, de répression, d’analphabétisme, d’étouffement de la personnalité culturelle, spirituelle et morale algérienne.
Article paru dans Le Libertaire, organe de la Fédération communiste libertaire, n° 401, 21 octobre 1954.
DANS L’INTERNATIONALE
Le M.L.N.A. adhère à l’Internationale Communiste Libertaire
A la suite des assemblées tenues à Alger les 25 septembre et 3 octobre le Mouvement Libertaire Nord-Africain (M.L.N.A.) a décidé son adhésion à l’I.C.L., après en avoir discuté et accepté les principes et statuts. Le M.L.N.A. a décidé également de poursuivre le travail en étroite collaboration avec notre F.C.L., en collaborant par exemple à la diffusion du « Libertaire ».
Source : Georges Fontenis, L’autre communisme. Histoire subversive du mouvement libertaire, Mauléon, Acratie, 1990, p. 208-210.
(…) dans le numéro 464 du 2 février, une lettre ouverte de Daniel Guérin adressée « aux membres du comité d’action contre la poursuite de la guerre en Afrique du Nord » est un gros pavé dans la mare : au meeting du 27 janvier, salle Wagram, est apparue la partialité de certaines organisations