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René Gérard : 8 mai 1945. La « France » rougit une nouvelle fois. Une page de son histoire

Article de René Gérard paru dans Le Libertaire, cinquante-sixième année, n° 390, 20 mai 1954, p. 1

8 mai 1945 ? Capitulation de l’armée hitlérienne.

Peuples « vaincus », peuples « vainqueurs », c’était la paix. Les canons cessant de dégueuler ce qui a déchiqueté des millions d’hommes.

Paix pour les vaincus ! Continuation de la guerre pour les vainqueurs ! Perpétuation du crime ! 8 mai 1945 ? Massacre du Constantinois ! 45.000 Nord-Africains assassinés par ordre du gouvernement français !

8 mai 1954 ? Anniversaire de la capitulation hitlérienne décrété « Fête Nationale ». Défilés de robots et de « morts en sursis », discours de ministres gâteux, de généraux chamarrés de médailles obtenues avec le sang des autres. Visite individuelle sur la tombe de l’éternel assassiné, du personnage le plus falot de la grandeur française.

8 mai 1954 ? Silence ! Pas un mot ! Taisez-vous ! La Peur ! Peur qui étreint tous les dirigeants, tous les responsables du massacre du Constantinois, de l’assassinat de 45.000 de nos frères de classe.

Peur de la presse, qui n’a pas daigné rappeler cette date. Peur de tous les politiciens qui, en 1945, de la droite à la gauche, avaient réalisé la plus monstrueuse union sacrée après avoir « bouffé du Boche » à satiété. Peur et silence complice, car tous ont été éclaboussés par le sang de leurs victimes. Peur, encore aujourd’hui, car le peuple algérien a pansé ses plaies, continue et continuera le combat pour son indépendance totale. Tous les peuples colonisés sont sur la brèche.

Nous avons donc ce triste privilège, aujourd’hui, d’être les seuls à ne pas oublier. De ne pas oublier ceux des nôtres, prolétaires nord-africains, tombés sur le sol algérien pour la libération de leur pays des hordes colonialistes.

Neuf ans après, nous devons encore dénoncer l’immonde provocation du gouvernement français de cette époque.

Le débarquement du 8 novembre 1942 sur le territoire algérien était conditionné à l’indépendance de l’Algérie à la fin des hostilités, telle en fait foi la Charte de l’Atlantique, signée par tous les Alliés.

Les aspirations du peuple algérien furent prises en considération » au Quai d’Orsay, à Paris. Dès le 1er mai 1945, la police tira sur le défilé des travailleurs, rue d’Isly, à Alger. Défilé très pacifique, où d’innombrables banderoles réclamaient l’indépendance qui leur avait été promise.

La réponse complémentaire ne se fit pas attendre : le 8 mai 1945 où, à Sétif, on dénombra plus de 26.000 morts, tout le Constantinois vivait sous la terreur. Toute la police, P.R.G., D.S.T., l’armée, l’aviation, commirent les plus abominables meurtres sous aucun prétexte. Des villages furent brûlés, rasés. Des femmes, des enfants, des vieillards furent tués, victimes sans défense. La civilisation française élargissait ses « bienfaits ».

Voilà pourquoi nous n’oublions pas, nous n’oublierons jamais.

45.000 assassinés en Algérie, 80.000 à Madagascar, des milliers en Indochine, au Togo, au Cameroun, en Tunisie, au Maroc, etc.

Le peuple le plus spirituel de la terre va-t-il laisser impunément agir plus longtemps des assassins de cette envergure ?

8 mai 1954, nos pensées étaient au près de tous ces peuples vivant sous le knout, prives de liberté. Elles n’étaient pas place de l’Etoile, où la haine se perpétue, où tous les combinards de la politique ne refont l’alliance que pour mieux préparer le peuple à une nouvelle tuerie. Elles n’étaient pas non plus dans cet esprit de Résistance que l’on veut faire revivre, car le Gouvernement du 8 mai 1945, Gouvernement de la Résistance, est responsable du massacre constantinois.

Voila pourquoi ILS se sont tus, TOUS ils se sont tus.

Nous sommes les seuls à ne pas vouloir NOUS TAIRE. Comme hier, aujourd’hui et demain, nous clamerons :

Salut aux peuples colonisés !

Votre combat est le nôtre !

Chassez vos assassins, nos maîtres !

Vive l’indépendance de toutes les colonies !

René GERARD.

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