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M. Messali Hadj. Président du M.T.L.D. Déporté à Niort

Interview de Messali Hadj à Alger Républicain, 23-24 mai 1954

L’un de nos correspondants parisiens, envoyé spécial à Niort, est allé interroger M. Messali Hadj qui a bien voulu – à l’intention des lecteurs d’ « Alger républicain » – nous donner son opinion sur la CED.

PREMIERE QUESTION : « Quelle est votre opinion sur la CED ? ».

REPONSE : « Au siècle dernier les puissances impérialistes européennes sont allées à la conquête de l’Afrique en rangs dispersés. Cela a failli leur couter très cher : à Fachoda une guerre franco-anglaise a été évitée de justesse ; quelques années après, l’arrivée de l’empereur d’Allemagne Guillaume II à Agadir a également occasionné des complications internationales telles que la première guerre mondiale aurait pu éclater avant terme. Les projets de communauté européenne et leur complément militaire la CED ont donc pour premier but d’empêcher ces contradictions et cette dispersion des efforts. Car les pays colonialistes d’Europe épuisés par deux guerres n’ont plus les moyens de se déchirer entre eux pour le partage du continent africain. D’où l’idée de communauté dans le but de se répartir à l’amiable les richesses de l’Afrique.

Chassées du continent asiatique, les puissances coloniales européennes essaieront de s’entendre pour éviter en Afrique les revers qu’elles subissent en Asie. En outre les pays qui ont perdu leurs colonies (Allemagne, Italie et Hollande) pourraient par ce système participer au partage du gâteau ».

DEUXIEME QUESTION : « Quelles conséquences pourrait avoir la CED pour les pays d’Afrique du Nord ? ».

REPONSE : Sans aucun doute des conséquences funestes car :

1) L’expropriation, l’exploitation et la répression s’amplifieraient dans tout le Maghreb arabe ;

2) Les pays d’Afrique du Nord deviendraient les bases de cette pénétration et verraient installer sur leurs territoires un appareil économique, militaire et administratif extrêmement renforcé. Il est même prévu dans les projets d’Eurafrique le refoulement vers le Sud des populations autochtones pour laisser la place aux nouveaux venus ;

3) Le peuple algérien déjà inclus contre son gré dans le pacte de l’Atlantique servirait de chair à canon et de main-d’œuvre gratuite dans cette entreprise impérialiste.

Contre ce système d’étouffement que nous rejetons, nous continuerons la lutte en joignant nos efforts à ceux de tous les démocrates et des colonisés du continent africain pour la libération de nos pays et contre toute servitude coloniale. »

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