Source : Georges Fontenis, L’autre communisme. Histoire subversive du mouvement libertaire, Mauléon, Acratie, 1990, p. 208-210.
(…) dans le numéro 464 du 2 février, une lettre ouverte de Daniel Guérin adressée « aux membres du comité d’action contre la poursuite de la guerre en Afrique du Nord » est un gros pavé dans la mare : au meeting du 27 janvier, salle Wagram, est apparue la partialité de certaines organisations : si Daniel Guérin, J.-P. Sartre, Edgar Morin, intervinrent en toute objectivité, ce ne fut pas le cas de Dyonis Mascolo, Jacques Mayoux, André Mandouze, qui tentèrent de boycotter Messali Hadj au profit de ses adversaires du mouvement FLN, bien qu’on n’ait pu interdire la tribune à Moulay Merbah, représentant du MNA, chaleureusement acclamé. Les défenseurs de la lutte du peuple algérien vont être confrontés à cette lutte fratricide atroce que vont se livrer les deux mouvements.
Le Libertaire, lui, continue à défendre l’ensemble du peuple algérien, le « soutien critique » ne pouvant être confondu avec l’allégeance à telle ou telle organisation.
A cette époque, nous sommes début 1956, le FLN n’est encore qu’un regroupement de cadres et de personnalités. Il dispose en France de l’appui de beaucoup d’intellectuels mais la masse des Algériens reste fidèle au MNA de Messali. Les maquis de l’ALN (Armée de libération nationale) se partagent entre les deux obédiences. Nous le savons d’autant mieux que nous avons parmi nous, à la FCL, des camarades algériens de tendance FLN mais que nous avons rendu des services aux maquis MNA en jouant le rôle d’intermédiaires pour obtenir des « fournitures » pour leurs combattants. C’est une attitude qui contraste avec celle des trotskistes : les uns (PCI Lambert) tentant de discréditer le FLN par des hypothèses calomnieuses et considérant le MNA comme leur chasse gardée, les autres (IVème Internationale, tendance Frank) se livrant à une surenchère partisane pro-FLN et couvrant d’injures le MNA.
Daniel Guérin, qui partage notre impartialité, est insulté. Par la suite, surtout après la disparition du Libertaire, nous serons amenés à davantage tenir compte du FLN qui devient hégémonique alors que le MNA se désagrège. Pendant toute une période, notamment fin 1956 et en 1957, les partisans des deux mouvements se feront une guerre sans merci, utilisant l’assassinat à maintes reprises.