ON pouvait croire, en ces années qui précédèrent la guerre de 1939-1945, qu’en France, du moins, la question juive ne se posait plus : depuis cent cinquante ans, la Révolution française, la première, avait assimilé les Juifs aux autres catégories de Français et, peu à peu, malgré des crises, comme l’affaire Dreyfus, il semblait qu’on s’acheminât vers la disparition du vieux problème historique.
Correspondance parue dans Pouvoir ouvrier, n° 46, décembre 1962, p. 9
A Nation of Islam activist distributing copies of the African-American organisation’s newspaper ‘Muhammad Speaks’ with the headline ‘Muhammad thanks Harlem’, on a busy street in New York City, New York, circa 1962. (Photo by Peter Keegan/Keystone/Hulton Archive/Getty Images)
Chers camarades,
En tant qu’ancien militant de votre groupe et participant depuis longtemps à la lutte pour la liberté des noirs aux U.S. je me trouve quelque peu embarrassé par l’initiative que vous avez prise, dans le dernier numéro du P.O. de publier, presque sans critique, l’éloge des « Musulmans Noirs » du journal « Correspondance ». (1)
Members of Palestinian terrorist group the Popular Front for the Liberation of Palestine (PFLP) drinking tea during a training excercise, circa 1969. Among the group are Leila Khaled (centre, left) and Salim Issawi (centre, right. (Photo by Popperfoto via Getty Images/Getty Images)
Le refus par Israël d’évacuer les territoires occupés après la guerre des Six Jours de juin 1967, a profondément transformé le conflit qui l’oppose depuis sa création en 1948 aux pays arabes et surtout aux arabes palestiniens. Cette occupation a provoqué une violente réaction des Palestiniens et la cristallisation de leur sentiment national. Désormais, dans le conflit israélo-arabe, la résistance du peuple palestinien est passée au premier plan. C’est ainsi que, beaucoup mieux que par le passé, se dévoile la véritable nature de l’état israélien.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 85, juillet-août 1967, p.7-13
Israeli Defense Minister, Moshe Dayan, hero of the 1956 Sinai campaign, addresses a press conference. In this, his first meeting with the press since he accepted the ministerial post, Dayan said he did not want American and British soldiers dying for Israel if the present Middle East crisis erupted into war.
La crise du Proche-Orient, dont on pouvait redouter les prolongements les plus graves sur le plan international, a provoqué dans la population française une extraordinaire poussée passionnelle. Deux guerres mondiales n’ont, à coup sûr, rien appris aux habitants de ce pays : le bourrage de crâne, à peine moins sot qu’en 1914, conserve la plus large efficacité ; les informations truquées et tronquées sont avalées sans discussion par un bon peuple qui se pique pourtant d’être le moins conformiste de la terre, et il n’a même pas manqué un petit contingent de « révolutionnaires » prêts à découvrir les meilleures raisons de faire l’union sacrée avant même que le premier coup de feu ne soit parti. Mais il est vrai, que face aux bénisseurs des armées de l’Etat sioniste et de ses alliés anglo-américains, les défenseurs du « socialisme arabe » et de ses fournisseurs russes, se portaient au secours de régimes qui n’ont certainement rien à voir avec la libération des travailleurs ou même le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nasser n’est pas Hitler et Israël n’est pas une tendre colombe entourée de vautours. Mais Nasser et ses alliés arabes, y compris ceux d’Alger, quel que soit le rôle positif qu’ils ont joué naguère dans la lutte contre les impérialismes, ne sont plus maintenant que des exploiteurs aussi féroces qu’incompétents des travailleurs arabes – que les Russes ou demain les Chinois leur accordent leur soutien, ne change rien à l’affaire.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 33, octobre 1961, p. 4-5
Match de football devant une usine à Paris, en France, en 1961. (Photo by René MALTETE/Gamma-Rapho via Getty Images)
Les travailleurs vivent avec un système de pensée imprégné d’idées et de formules qu’on leur a inculquées depuis leur enfance soit à l’école primaire, soit au cinéma, la radio, à la Télé ou dans les journaux. Ces idées empêchent les travailleurs de prendre conscience de certaines réalités élémentaires et de leur rôle dans la société. C’est la classe dominante qui les diffuse pour maintenir les travailleurs dans leur rôle d’exploité. Le racisme, le patriotisme, les notions de bon citoyen, d’honnête travailleur, etc… sont autant de formules qui encombrent les esprits et empêchent les ouvriers de résoudre leur propre problème et entretiennent chez la plupart la confusion intellectuelle souvent la plus totale.
Vel d’Hiv deportation: in the night of 15th and 16th July 1942, 9000 policemen and French officers arrested in Paris and in the suburbs 12884 Jews including 4051 children. They were all taken to the Drancy camps, Pithiviers or Beaune-la-Rolande before being deported to Auschwitz. (Photo by Antoine GYORI/Sygma via Getty Images)
La chasse aux juifs se poursuit et s’aggrave, sous le béton du sieur Darquois de Pellepied. On a guère touché jusqu’ici qu’aux juifs réfugiés, mais le bruit court que les juifs français (ou plutôt les Français juifs) auront bientôt leur tour. Comme le disait l’autre jour un officier allemand à une dame de notre connaissance apparentée à la race maudite : « Il n’y a pas, madame, de juifs français, allemands, polonais, nous ne connaissons que des juifs tout court ». Au reste, si l’on n’en est pas encore à embarquer en masse les israélites de chez nous pour les camp de l’est européen, ils n’en subissent pas moins, sur place, toutes les vexations d’une inhumanité raffinée que le sadisme antisémitique se plait à mettre au jour.
Extrait de Maxime Rodinson, Israël et le refus arabe. 75 ans d’histoire, Paris, Le Seuil, 1968, p. 203-229
View of truck mounted mobile missile carriers of the Israel Defense Forces driving past spectators lining a road beside the Walls of Jerusalem during the Israel Independence Day Parade in Jerusalem, Israel on 2nd May 1968. (Photo by Rolls Press/Popperfoto via Getty Images/Getty Images)
CONCLUSION
Les pages qui précèdent ont voulu exposer au lecteur les grandes lignes du conflit israélo-arabe. Mon exposé a été essentiellement historique avec, çà et là, quelques données sociologiques fondamentales. Certaines affirmations ont pu étonner, étant contraires à des idées largement répandues. Elles sont pourtant solidement documentées. J’ai pu fournir arguments et références dans des travaux impliquant, à la différence de celui-ci, un appareil d’érudition.
Article de Maxime Rodinson paru dans Le Monde, 5 juin 1967
At the window of the Embassy of Israel, Johnny Hallyday waves to the crowd in Paris, France, on june 1, 1967. (Photo by Keystone-France\Gamma-Rapho via Getty Images)
Le 9 août 1903, le comte Serge de Witte, ministre des finances du tsar Nicolas II, expliquait benoîtement au journaliste viennois Theodor Herzl, qui venait lui démontrer comment l’application de la doctrine du sionisme politique (qu’il venait de fonder) devrait être soutenue par l’empereur orthodoxe :
« J’avais l’habitude de dire au pauvre empereur Alexandre III : ‘S’il était possible, Majesté, de noyer dans la mer Noire six ou sept millions de juifs, j’en serais parfaitement satisfait. Mais ce n’est pas possible. Alors nous devons les laisser vivre !' »
Tribune de Maxime Rodinson parue dans Le Monde, 12 juin 1982
Israeli Defense Minister Ariel Sharon, r, in combat helmet and flak jacket rides in APC leading his troops to a hookup with Christian forces in East Beirut. Israel has virtually cutoff Palestinian guerrillas and Syrian troops in Beirut.
Une fois de plus les dirigeants d’Israël se servent du nom et des malheurs passés de tous les juifs pour couvrir une opération brutale qui, malgré son nom de code mystifiant, ne peut apporter la paix ni à la Galilée, ni à Israël, ni à personne. Une fois de plus, l’immense majorité des médias collaborent au camouflage. Une fois de plus les virtuoses de l’intelligentsia manipulent, au service d’une mauvaise cause, la métaphysique, la psychanalyse, la poésie, la mystique, la supériorité du monothéisme ou les souffrances de millions de martyrs – très réels n’en déplaise aux Faurisson. Ils utilisent comme à l’accoutumée le génie des non-nationalistes juifs que furent Spinoza, Marx, Freud ou Einstein. D’autres abritent leur refus de condamner ce qu’ils auraient condamné partout ailleurs sous des arguties futiles. J’en oublie et j’en passe.
Mon texte intitulé « Après l’empire. De la haine, des Juifs et des Algériens en France » a été publié dans le dernier numéro de la revue en ligne Sciences et Actions Sociales.
Linda de Suza ne chantera pas à Alger. Les deux concerts, prévus de longue date et annoncés à grand renfort d’affichage public, qu’elle devait donner les 14 et 15 décembre dans la soirée, ont été annulés in extremis par le Centre de culture et d’information (CCI), qui les avait pourtant organisés avec bonheur puisque toutes les places étaient louées à l’avance. Les « difficultés techniques majeures » invoquées par les organisateurs n’ont convaincu personne. Les Algérois ont compris que l’organisme d’Etat, qui gère la salle Atlas (l’ancien Majestic) où devaient se dérouler les deux spectacles, a cédé aux pressions des intégristes.
« … Il semble que l’activité intellectuelle se développe un peu ici mais c’est assez orienté selon les idées de Frantz Fanon, la revendication des peuples sous-développés, mort à l’Europe, vive l’Arabisme, ce n’est pas tellement satisfaisant, intellectuellement parlant.
Extrait de Maxime Rodinson, « Les Arabes et Israël », Revue française de science politique, vol. 16, n° 4, août 1966, p. 792-795
June 1966: Arab children eating in the cramped quarters of one of the eight refugee camps in the Gaza Strip. Free meals and medical care are supplied by the United Nations Emergency Forces, stationed to maintain stability in the area. (Photo by Keystone Features/Getty Images)
Si certains sentiments répandus viennent atténuer ou contrebalancer l’intense sentiment sous-jacent d’humiliation, d’autres viennent au contraire le renforcer, l’exacerber.
Appel paru dans Résistance, bulletin édité par la délégation extérieure du Parti de l’avant-garde socialiste (O.R.P.), n° 26, juin-juillet 1968, p. 18.
Après les graves incidents qui ont eu lieu dans le quartier de Belleville à Paris, la Délégation Extérieure du Parti de l’Avant-Garde Socialiste (O.R.P.) se félicite de ce que les travailleurs et commerçants algériens et maghrébins du quartier aient refusé dans leur majorité de céder aux provocations, à la violence.