Editorial paru dans El Jarida, n° 15, novembre-décembre 1974, p. 2
20 ans se sont écoulés depuis le jour où le peuple algérien s’est engagé dans la lutte armée. Plus de 12 ans ont passé depuis que l’Algérie est devenue officiellement maîtresse de son destin.
Dossier paru dans Rouge,n° 272, 1er novembre 1974,p. 9-12
1er novembre 1954 1er novembre 1974
L’année 1954 fut désastreuse pour l’impérialisme français. Elle fut excellente pour les peuples colonisés en lutte pour leur libération nationale et sociale. En mai, à Dien Bien Phu, le corps expéditionnaire français capitulait devant les forces armées de la révolution indochinoise. Ce fut un séisme politique dans l’empire colonial français. Les militants anti-colonialistes y trouvèrent plus qu’un exemple : la preuve que la lutte était possible, que la victoire était possible. Le 1er novembre 1954, les combattants de l’avant-garde algérienne déclenchaient l’insurrection contre l’occupant colonial. La lutte du peuple algérien allait durer sept ans et huit mois. C’est contre toute l’armée française aux portes de la métropole que la lutte allait s’engager, et non contre un corps expéditionnaire éloigné de ses bases. Elle allait affronter plus d’un million de colons français et européens fortement enracinés dans le pays.
Dossier paru dans Lutte ouvrière,n° 323, du 5 au 12 novembre 1974, p. 10-11
DANS la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, entre minuit et deux heures du matin, une trentaine d’attentats éclataient simultanément sur l’ensemble du territoire algérien.
Article de Maxime Rodinson paru dans La Voie communiste, n° 23, juin-juillet 1961
L’INDEPENDANCE algérienne est maintenant en vue, malgré toutes les « péripéties » qui peuvent encore surgir, qui surgiront certainement. Les problèmes d’après l’indépendance, posés théoriquement depuis longtemps, commencent à acquérir une certaine urgence. Les deux problèmes les plus importants sont évidemment le caractère interne du futur Etat algérien, avant tout son caractère social, puis les rapports extérieurs de cet Etat. Parmi ceux-ci, les plus immédiats sont sans doute les rapports avec les deux autres pays maghrébins, Tunisie et Maroc. Il est clair que le problème intérieur, social et le problème extérieur sont étroitement liés.
Je viens de lire votre article dans le N° 35 de Contre le Courant, je l’ai déjà relu trois fois, et, plus je le lis, plus je vois clairement les causes de votre façon erronée d’aborder la très importante question du conflit russo-chinois. Permettez-moi d’exposer brièvement mon opinion au sujet de ce problème.
C’est le 29 et 30 juin que siègera à Kladno, au cœur du bassin minier tchécoslovaque, la Conférence des Groupes tchèques de l’Opposition de droite. Cette Opposition qui a à sa tête Jilek, Bolen, Muna, Neurath, etc., décida de ne pas reconnaitre le Comité Central (Gottwald, Reimann) élu au 5e Congrès du Parti Communiste tchécoslovaque ; elle désigna un autre Comité Central comprenant tous les chefs de l’Opposition de droite.
La crise de la Révolution russe, dont la crise du Parti russe et de l’Internationale Communiste est l’expression politique, est entrée dans une phase décisive. Le dernier acte de Thermidor est commencé. Le premier mot de cet acte est l’état de siège, le bannissement de Trotsky. Son ultime parole l’amènera à rejeter le dernier manteau qui fait encore obstacle au développement spontané de l’accumulation capitaliste ; ce sera la transformation du « capitalisme d’Etat existant dans un Etat prolétarien » (Nep) en un capitalisme d’Etat à direction bonapartiste durant une période transitoire se terminant par la remise en bail à l’Amérique de l’ex-Etat ouvrier et paysan devenant une semi-colonie (en premier lieu un marché).
Nous publions ci-dessous un article que le camarade Kurt Landau a adressé à Contre le Courant. Nous le faisons d’autant plus volontiers que nous jugeons indispensables les échanges d’opinion entre les oppositions des différents pays.
Article de Kurt Landau paru dans La Vérité, 2e année, n° 58,17 octobre 1930, p. 4
Le gouvernement Schober a été renversé, il y a peu de jours par le parti chrétien-social ; il fut remplacé par le gouvernement minoritaire de Vaugoin, dont le chef des Heimwehren, Starhemberg est le ministre de l’intérieur.
Article de Kurt Landau paru dans La Vérité,2e année, n° 54, 19 septembre 1930, p. 1
Pour le front uni ouvrier contre le fascisme !
Berlin, le 15 septembre.
(De notre correspondant)
Le résultat des élections allemandes prouve que la participation électorale fut extrêmement élevée. Elle dépasse très sensiblement 80 %. Par l’affluence d’électeurs et la participation de l’élément jeune (2 millions 1/2), le nombre des voix passe de 30 millions à 35 millions, et le nombre total des mandats de 493 à 576, augmentant de 83 le nombre de députés. Plus de la moitié de ces 6 millions d’électeurs nouveaux sont des prolétaires. Ces faits doivent être soulignés pour analyser les résultats électoraux.
Le 21 septembre se tiendra à Berlin la Conférence Nationale de l’Opposition allemande – une semaine exactement après les élections du Reichstag qui mettent en ce moment le Parti dans un état d’excitation et d’illusions florissantes.
Monsieur Treviranus, chef du Parti populiste conservateur et ministre des pays occupés, a fait le 11 août un discours, qui a tenu en haleine pendant toute une semaine la bourgeoisie allemande et étrangère. Treviranus développa dans ce discours une partie du programme extra-parlementaire du régime Hindenburg, dont Treviranus est le soutien matériel et inconditionné.
Depuis quelques semaines, le nouveau gouvernement du bloc bourgeois, le gouvernement Brüning-Schiele-Treviranus est entré en fonctions. Il s’est placé, dès sa formation, sous le signe d’une menace de dictature. Il cherchait une majorité parlementaire, mais il déclara en même temps que même si cette majorité ne lui était pas assurée, il ne se retirerait pas, mais gouvernerait contre le Parlement.
Conformément au cours nouveau proclamé par la direction stalinienne depuis le 15 mans, le présidium du Comité exécutif a ordonné un tournant général dans toutes les sections de l’Internationale communiste.
Les élections aux conseils d’entreprises ont commencé. Les résultats déjà connus confirment pleinement les pronostics que nous avons brièvement esquissés dans la Vérité du 14 mars. Dans de nombreuses entreprises où le Parti présentait pour la première fois des listes rouges, celles-ci obtiennent des succès appréciables. Mais là où l’année passée il enregistrait des victoires éclatantes, là où il avait donc à présent à satisfaire l’attente et l’espoir des ouvriers, la justement, le Parti subit des défaites parfois désastreuses. Dans notre dernier article nous avons déjà pris comme exemple le cas des conseils d’entreprises de la Société berlinoise des transports. Le 15 mars ont eu lieu les élections au conseil d’entreprise pour 1930. Elles ont été une lourde défaite pour le Parti. Contre 10.797 voix en 1929, il n’en obtient que 6.317, tandis que la liste des syndicats a fait un bond de 5.934 (1929) à 10.146 voix.
Ces jours-ci auront lieu en Allemagne les premières élections aux conseils d’entreprises ; le parti non seulement y emploiera la même tactique que l’année dernière, mais il la renforcera encore. Si, en 1929, la ligne générale du parti était celle d’établir des listes à lui, soutenues par les inorganisés, cette ligne générale a été élevée en 1930 à un dogme rigide.
Le bureau de l’Internationale communiste pour l’Europe occidentale – l’institut créé pour des actions à date fixe et à l’ « échelle mondiale » – a lancé pour le 6 mars un appel à des « manifestations puissantes »rassemblant à la fois les ouvriers réduits au chômage et ceux qui travaillent dans tous les pays ! Il faut évidemment se réjouir de ce que des stratèges du nouveau cours aient découvert ces mois derniers le problème du chômage. Mais ce qui est moins réjouissant, c’est qu’ils ne posent pas le problème du chômage dans ses rapports avec la situation concrète de chaque pays, mais de cette façon ridiculement schématique dont nous avons déjà vu la faillite le 1er août, première journée internationale de lutte.
Pendant des semaines et des semaines, le parti allemand avait fait annoncer par la voie de ses 35 journaux que le premier février la masse des millions de chômeurs défilerait dans toute l’Allemagne. Les ouvriers des usines donneraient la preuve de leur solidarité. Bravant les lois d’exception de Zœrgiebel et de Severing, la classe ouvrière conquerrait la rue.
Le 22 décembre a eu lieu le plébiscite du bloc fasciste (Hugenherg-Hitler-Seldte) pour la « loi de liberté ». Six millions de voix environ ont été recueillies par ses promoteurs.
Le Congrès de l’opposition syndicale révolutionnaire a siégé à Berlin le 30 novembre et le 1er décembre.
Ce Congrès, que le Parti communiste allemand préparait depuis de longs mois avait, à l’origine, un but très particulier. C’était celui de créer en Allemagne une sorte de mouvement minoritaire dans les syndicats, de réunir en un bloc rouge l’opposition existant dans les différentes organisations et d’établir ainsi la première condition pour la création de nouveaux syndicats en Allemagne.
Le malheur du Leninbund consiste en ce qu’il veut jouer le rôle d’un parti autonome, alors qu’il n’est en réalité qu’une faible fraction. Je ne doute pas un instant que si vous persistez dans la voie actuelle, vous mènerez en peu de mois l’organisation à une catastrophe.
(Lettre du camarade Trotsky à la direction du Leninbund, 13 octobre 1929)
Il y a dix-huit mois, le Leninbund recueillait 40.000 voix ouvrières en Prusse, dont 8.374 à Berlin seulement. Durant ces dix-huit mois, il n’a pas su consolider les positions acquises, étendre son influence dans de nouveaux domaines et ainsi renforcer ses rangs. Depuis quelque temps, des camarades s’efforcent de montrer que l’absence d’une ligne politique claire, le flottement perpétuel entre Korsch et Brandler ne peuvent avoir que de funestes conséquences pour le Leninbund. Les faits ont justifié leurs prédictions. Aux dernières élections municipales, le Leninbund a perdu plus de la moitié des voix qu’il avait eues en 1928. A Berlin, où parait son journal, Volkswille, il tombe de 8.374 suffrages à 3.784.
Le 17 novembre ont eu lieu en Prusse et en Saxe les élections municipales. Ce sont les premières élections importantes depuis que la social-démocratie est à la tête du gouvernement, ce sont à Berlin les premières élections depuis les massacres du 1er mai.
Au cours des deux dernières années, la classe ouvrière allemande a commencé, lentement et non sans hésitation, à se mettre en état de défense contre l’offensive capitaliste. Toute une série de luttes acharnées pour les salaires qui se sont déroulées presque sans arrêt depuis 1927 marquent la naissance d’une activité nouvelle du prolétariat. Les succès électoraux du Parti communiste et du Parti social-démocrate aux élections au Reichstag de 1928 reflètent à n’en pas douter un profond travail de regroupement parmi de larges couches de la population. Des millions d’ouvriers et de petits bourgeois qui, il y a quelques années, suivaient les nationalistes et le centre catholique, ont manifesté clairement contre la politique du bloc bourgeois : rationalisation, impôts, tarif douanier, en se tournant vers les partis qui combattaient ce bloc bourgeois, et en premier lieu vers le Parti social-démocrate.
« Le terrain de lutte démocratique nous a déjà été enlevé. Il n’existe plus ». C’est en ces termes qu’un représentant de l’aile gauche du parti social-démocrate résuma au congrès de Leipzig le trait caractéristique de la situation politique en Allemagne, et en même temps la faillite complète de la politique social-démocrate.
Le développement politique des derniers mois a trompé l’espoir du centrisme et a motivé un certain « tournant » de sa part.
Après le grand succès électoral du 14 septembre, la direction du parti s’était attendue à un renforcement extraordinaire du mouvement révolutionnaire. Elle se prépara pour la mi-janvier à une grande attaque offensive. Les manifestations de chômeurs au début de décembre, dont la Rote Fahne écrivit qu’elles « furent les prodromes d’une prochaine révolution populaire » furent le signal de cette offensive.
Au cours des trois mois qui se sont écoulés depuis les élections du Reichstag, la crise générale du système capitaliste s’est accentuée à une allure telle qu’on ne l’avait encore jamais vue en Allemagne.
Pour donner un aperçu de toute la profondeur et du caractère principiel des contrastes qui séparent la droite de la ligne officielle et surtout de l’opposition léniniste internationale, il est nécessaire d’approfondir quelques questions préliminaires.
« Notre parti frère n’a pas manqué à son devoir. C’est lui qui stimule l’essor révolutionnaire grandiose des masses ouvrières, qui l’organise et le pousse en avant. On peut dire qu’en Allemagne chaque jour est marqué par un défilé des masses, par une bataille de rue ».
C’est de cette façon que l’Humanité caractérise la situation en Allemagne dans un article intitulé « Bataille de rue ».
Article de Kurt Landau paru dans Masses, n° 9, 15 septembre 1933, p. 4-8
DANS son dernier numéro Masses annonçait l’ouverture d’une enquête sur le fascisme allemand. Le questionnaire ci-dessous est adressé aux militants des divers groupements politiques et syndicaux qui ont participé à l’expérience allemande. Ceux-ci s’expriment en toute liberté et prennent l’entière responsabilité de leurs appréciations sur les événements et les hommes.
La démocratie bourgeoise, en Autriche, dans le pays où elle a atteint en général le maximum de son développement, est actuellement en train de dépérir. Ce « dépérissement » apparaît, au cours de la période de la stabilisation du capitalisme, depuis 1923, comme un phénomène général en Europe. En Autriche ce processus peut être observé avec une netteté particulière.
Nous avons reçu d’un camarade qui signe Wolf Bertram et qui appartient au groupe des trotskystes hétérodoxes la lettre que voici :
Dans le numéro du 10 août de la R. P. j’ai lu l’article d’ « un allemand » sur l’hitlérisme. Quelques allégations de cet article sont en contradiction complète avec les faits. Je crois utile dans l’intérêt d’une information sérieuse et objective du prolétariat français d’indiquer ces contradictions.
L’extension du fascisme a mis le prolétariat en état d’alarme. Dans toutes les usines, aux permanences de pointage, partout où il y a des ouvriers on discute âprement les résultats des élections en Saxe.
Article d’André Ferrat alias Marcel Bréval paru dans Que Faire ?, n° 11, novembre 1935,p. 34-48
LA PREPARATION ET LA VALEUR DU VIIe CONGRES
Du 25 juillet au 20 août s’est tenu, à Moscou, le VIIe congrès de l’Internationale communiste. Le VIe congrès avait eu lieu sept ans plus tôt, en été 1928.
Au cours de ces sept années, des événements d’une importance énorme s’étaient déroulés dans le monde. Une multitude de problèmes avaient été posés par la vie devant les prolétaires révolutionnaires tant dans les pays capitalistes qu’en U.R.S.S. Il eût été nécessaire que ces problèmes fussent largement et démocratiquement discutés par les délégués des ouvriers communistes de tous les pays réunis en congrès. Cependant, pendant sept ans le Comité exécutif de l’I.C. ne jugea pas utile de convoquer ce congrès, bien qu’il eut à plusieurs reprises changé de position et de tactique sur des questions essentielles et qu’il ait été lui-même plusieurs fois modifié considérablement dans sa composition.
Article d’André Ferrat alias Morel paru dans Que Faire ?, 2e année, n° 13, janvier 1936, p. 6-13
« A la farce du coup d’Etat monarchiste correspond la farce de la défense républicaine. »
Rosa LUXEMBOURG.
A chaque fois que l’on critique la politique des dirigeants du Front Populaire du point de vue des intérêts de la classe ouvrière, on répond invariablement : « Que voulez-vous ? Il fallait et il faut encore sauver la République contre le danger fasciste imminent et redoutable qui la menace ». Que ce soit au Comité central du 17 octobre ou dans « L’Humanité », dans les discours de Manouilski ou dans le rapport de Dimitrof. C’est un leit motiv. Toute la politique de Thorez, Duclos et Cie repose sur cette affirmation : « Dans la situation actuelle, la classe ouvrière n’est pas placée devant la question : démocratie bourgeoise ou dictature prolétarienne, mais devant la question : démocratie bourgeoise ou fascisme ». C’est pourquoi, ajoutent-ils, le prolétariat doit lutter pour le maintien de la « démocratie bourgeoise », pour la sauvegarde des « institutions républicaines ».
Le gouvernement Doumergue parle « d’apaisement », de « trêve des partis ». Pour aider sa supercherie hypocrite, Tardieu et Herriot ne disent mot en public.
Tromperie infâme ! Car en réalité, le gouvernement du sénile Doumergue instaure une forme nouvelle de la dictature du capitalisme, le bonapartisme.
Article de P. Garnier paru dans Que Faire ?,n° 1-2, novembre-décembre 1934,p. 25-35
Tous dans le même sac.
Il n’y a pas encore longtemps, pour la direction du P.C.F., tous les partis bourgeois en France étaient des partis fascistes et le parti socialiste lui-même – « social-fasciste ». Un beau jour de juin 1934 un miracle s’est produit dans la vie politique : Blum, Zyromsky, Pivert cessèrent d’un seul coup d’être fascistes et devinrent antifascistes, alliés fidèles du P.C. Un changement non moins prodigieux est survenu dans le camp radical. Touchés par la baguette magique de Thorez les grands chefs radicaux se transformèrent de sales fascistes qu’ils étaient en bons républicains prêts à défendre au prix de leur sang les libertés démocratiques.
Article de Pierre Naville paru dans La Lutte de classes. Revue théorique mensuelle de l’opposition communiste, 3e année, n° 27, janvier 1931, p. 31-42
Tardieu, Steeg, Laval …
Le n° 24 (Août) de la revue l’Internationale Communiste contenait un éditorial sur la « crise européenne ». Le schéma en est très simple. Le voici : la crise économique mondiale va s’approfondissant. Les pays européens, particulièrement les pays à base agraire, y sont de plus en plus sensibles ; la conséquence politique est une poussée fasciste de la fraction la plus féroce du capital qui veut subjuguer le prolétariat, c’est-à-dire l’empêcher de transformer cette crise en une révolution sociale.
Le ministère Flandin a interrompu la monotonie du développement continu du ministère Doumergue. Doumergue représentait directement, sinon exclusivement, l’équipe du 6 Février. Il s’était développé en s’appuyant ouvertement sur les Ligues fascistes, en opérant sur le Parlement le chantage à la dissolution. Cependant, il n’osa pas le dissoudre, et en fin de compte il s’clipsa devant la résistance du Senat, sans que le Front unique ait esquissé le moindre geste pour l’abattre.
Article de Nguyễn Khắc Viện alias Nguyen Nghe paru dans La Pensée,n° 107, février 1963, p.22-36
TOUT dire … quand on a partagé avec des millions de personnes la misère atroce et la grande humiliation des masses colonisées, quand on a vécu avec elles l’épopée de la lutte armée, dure, héroïque, mais victorieuse, on a envie de dire tout cela, de le crier à la face du monde. A la face de ceux qui gardent encore un fonds de bonne conscience, que peuplent les images de Lyautey ou du Père de Foucauld, à la face aussi de ceux, Asiatiques ou Africains, qui paradent aujourd’hui dans les couloirs de l’O.N.U., se contentant des prébendes distribuées par les compagnies coloniales, sans toucher à aucune des vieilles structures d’un monde cruel.
Article de Pierre Naville paru dans Perspectives socialistes, n° 25, juin 1959, p. 3-8
VOILA plus de quatre ans que la guerre se poursuit en Algérie. Guerre qualifiée de nationale et de patriotique par le F.L.N., de rébellion et de révolte par les gouvernements français, de théâtre d’opérations de la guerre mondiale par les chefs de l’armée française, de guerre civile par certains socialistes. Quel que soit son sens, en tout cas, il s’agit d’une guerre, tout comme celle qui s’est menée au Vietnam pendant sept ans sans qu’on ait voulu le reconnaître. Bien entendu, les gouvernements français n’ont jamais admis officiellement que l’Etat fut « en » guerre, puisqu’il ne s’agit pas d’un conflit avec une puissance étrangère. Mais les conflits armés qui n’ont pas lieu entre Etats reconnus n’en sont pas moins des guerres, lorsqu’ils atteignent une certaine ampleur, et qu’ils mettent en branle des masses nationales. La France a fait la guerre au Maroc pendant des dizaines d’années, jusqu’à la « révolte » d’Abd el Krim en 1925. En Algérie, la colonisation avait été assez puissante, depuis la destruction des forces d’Abd el Kader, et après l’écrasement des révoltes de 1871, pour instaurer un état de paix fondé sur l’oppression permanente et savamment organisée de la population autochtone. Mais, depuis 1954, les chefs militaires français ont compris qu’ils avaient sur les bras une véritable guerre. Ils sortaient à peine de la guerre du Vietnam – conclue, celle-là, par une bataille dans les règles – et venaient tout juste d’éviter d’en engager une de grande envergure dans tout le Maghreb, à partir des foyers d’insurrection de Tunisie et du Maroc. Sans le retour de Mohamed V sur son trône et l’accession de la Tunisie à l’autonomie, puis à l’indépendance, il est clair que le soulèvement algérien (qui se serait inévitablement produit) aurait entraîné une lutte générale d’Agadir à Gabès, c’est-à-dire sur un front de mer et de terre de plusieurs milliers de kilomètres ; guerre d’indépendance qui aurait vite pris un tour international, et qui aurait conduit la France à accorder en bloc ce qu’elle a partiellement cédé en détail sur les deux ailes du Maghreb. Au fond, Edgar Faure et P. Mendès-France, en accordant au Maroc et à la Tunisie la quasi-indépendance, n’ont nullement « trahi » les intérêts de la puissance colonisatrice, contrairement à ce que prétendent les ultras de la colonisation. Tout au contraire ! Ils ont permis à la France d’engager la guerre d’Algérie – surtout au point de vue militaire – dans les seules conditions où elle pouvait prétendre la gagner, ou du moins l’espérer.
Article paru en deux parties dans Informations ouvrières, n° 251, 26 juin 1965, p. 1-4 et n° 252, 3 juillet 1965, p. 1-4
Notre époque est impitoyable. Les événements balaient les savants édifices bâtis pour la consolation d’intellectuels petits-bourgeois, à la recherche d’un confort rassurant. Ainsi en est-il de la marche concrète de la révolution algérienne qui ne laisse pas pierre sur pierre des illusions intéressées. Tout ce qui, dans le domaine de la théorie et de la pratique est inachevé, ou erroné, toutes les positions qui ne trouvent pas leurs justifications dans la lutte de classes, sont vouées à s’effondrer.
Article paru dans Al Kadihoun, 2e année, n° 4, avril-mai 1974
Le racisme augmente en France et Europe, surtout et presque uniquement le racisme anti-arabe. Le racisme ne tombe pas du ciel, il est lié à la politique et aux intérêts des grands capitalistes. Les grands capitalistes ont besoin des travailleurs immigrés pour faire les boulots les plus dégueulasses, les plus dangereux et les plus mal payés. Mais, de plus en plus, comme à Pennaroya ou à Renault ou chez Ford en Allemagne, les travailleurs immigrés se révoltent, font la grève et souvent occupent leur usine. SI TOUS LES IMMIGRES DE FRANCE FONT GREVE LE MEME JOUR, L’ECONOMIE DE LA FRANCE S’ARRETE.
Article paru dans Al Kadihoun, n° 2, février-mars 1973, p. 25-27
Pour une partie de l’opinion arabe et mondiale, l’Algérie est le modèle que devraient suivre tous les pays néo-colonisés pour échapper au sous-développement, à l’assujettissement et à la misère. La direction actuelle de l’Algérie fait beaucoup de publicité sur l’industrialisation « intensive » du pays qui devrait lui permettre de « décoller » économiquement et ce, à coups de plans quadriennaux. Nous y reviendrons.
Article de Robert Vaez-Olivera paru dans Correspondance Socialiste Internationale, 11e année, n° 105, mars 1960, p.5
La recrudescence de l’antisémitisme et du racisme justifie la publication de l’article ci-dessous que nous avons demandé à notre ami Vaez Olivera. Dans cette analyse claire et concise, notre ami exprime un point de vue qui peut ne pas être celui de nombre de nos lecteurs. Nos colonnes sont largement ouvertes aux observations ou réflexions dont vous voudrez bien nous faire part.
A la Conférence de San Francisco, en 1945, un mot singulier a été prononcé au cours des débats : « le colonialisme est mort ! »
Depuis, huit ans se sont écoules. Imaginons ce qui se passerait aujourd’hui, huit ans après, si à San Francisco ou ailleurs se tenait une conférence analogue. Nul doute que des voix désillusionnées s’élèveraient et clameraient : « le colonialisme est loin d’être mort… »
Article de Marceau Pivert paru dans Correspondance Socialiste Internationale, n° 20, mai 1952, p. 12
LECTURES RECOMMANDEES
Albert CAMUS : « L’Homme révolté » (Gallimard).
Il serait souhaitable que chaque militant socialiste soit en mesure de lire, de méditer, de discuter et de mettre à profit le livre de Camus et plus particulièrement le chapitre « Révolte et Révolution » (pp. 302 à 309). Certains camarades m’ont dit avoir éprouvé une sorte de déception à cette lecture. C’est qu’ils y recherchaient peut-être un système doctrinal reposant, une sociologie politique toute faite, alors que Camus présente tout le contraire : une mise en état de défense individualiste, une autoprotection libertaire en face du « délire historique » dont le stalinisme illustre, hélas ! les terribles errements. Il propose donc plutôt une règle de conduite individuelle (mais qui devrait précisément valoir aussi pour la classe opprimée) infiniment plus dangereuse pour les dogmes et les systèmes que les armées et les échafauds : « vivre et faire vivre pour créer ce que nous sommes » au lieu de « tuer et de mourir pour produire l’être que nous ne sommes pas ».
Article de Michel Lesure paru dans Le Monde libertaire, n° 13, décembre 1955, p. 3
La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’une époque sans esprit, c’est l’opium du peuple.
(K. MARX.)
FAISANT sienne la conception de Feuerbach sur l’esprit déiste, Marx la complétait en assignant à d’autres abstractions le soin de régler le sens des évolutions. C’est du commentaire des sophismes marxistes qu’est née la caste des clercs et des mandarins : les intellectuels dits de gauche, l’Intelligentsia, qu’il appartient à Raymond Aron de radiographier.
Historiquement, la violence apparaît comme un instrument essentiel du maintien de chaque société de classe, et comme l’accoucheuse de la nouvelle société qui se forme au sein de la société existante. Ce double caractère suffit pour montrer l’absurdité de la condamnation systématique de toute violence (que prononcent les humanistes et pacifistes de tout poil) aussi bien que de son exaltation unilatérale de la part des terroristes. Il est donc ridicule de se prononcer pour ou contre la violence en général, en assaisonnant cette prise de position de considérations morales ou tactiques : le seul problème consiste a replacer l’action violente dans le cadre des rapports sociaux qu’elle exprime.
Une demi-douzaine de gros pétards ont explosé il y a quelque temps devant des succursales Citroën ; à la même époque, au Quartier Latin, un café fréquenté par des fascistes du Mouvement « Occident » était incendié ; depuis, d’autres incidents ont également eut lieu en divers autres endroits ; des arrestations ont été opérées.
Article paru dans Alarme, n° 8,avril-mai-juin 1980, p. 5-6
Depuis de longues années les mass-média nous rabâchent les oreilles, avec un frisson d’horreur hypocrite, des actions d’éclat menées par la « Révolution en marche ». Ce ne sont que détournement d’avion, prise d’otage, pose de bombe dans les lieux publics, etc. (question subsidiaire : à votre avis qui va la prendre dans la gueule la bombe ? Réponse : vous et moi, vous avez gagné), et tout cela pour la « Sainte Cause ». Et plus il y aura de morts et plus il y aura de sang et de violence et plus les auteurs de ces actes pris d’une sorte de confusion mentale dans leur recherche d’une fausse radicalité, et plus ces énergumènes s’affubleront avec cynisme du nom de révolutionnaires et seront crus autour d’eux.