Catégories
revues

Jean-Jacques Soudeille : Psychologie du néo-bolchévisme

Article de Jean-Jacques Soudeille alias Jacques Perdu paru dans Masses, n° 2, février 1939, p. 66-73

Joseph stalin, around 1939, in his office in the kremlin, moscow, ussr. (Photo by: Sovfoto/Universal Images Group via Getty Images)

Ce n’est pas un mince sujet d’étonnement pour l’observateur que de constater la singulière vitalité dont fait preuve dans les pays les plus divers le bolchevisme dégénéré, sous ses aspects sans cesse mouvants, et les succès indéniables qu’il a remportés ici et là, en dépit et peut-être à cause de son caractère essentiellement fugace, changeant, de son habileté à varier, de son opportunisme et de son adaptivité. Ces succès ne s’expliquent évidemment pas par une adhésion consciente de masses sans cesse accrues, à un principe révolutionnaire. En premier lieu, le communisme officiel de notre époque ne cèle même plus qu’il ne se donne pas pour but la révolution ; en second lieu, c’est précisément cet abandon de ses buts initiaux qui lui permet de séduire des couches beaucoup plus larges qu’a l’époque où il faisait profession d’intransigeance.

Catégories
revues

Robert Petitgand : La Mentalité réactionnaire et l’Homme nouveau

Article de Robert Petitgand alias Robert Delny paru dans Masses, n° 1, janvier 1939, p. 12-18

German troops parade through the state stadium in Prague, during the German occupation of Czechoslovakia, on the occasion of Adolf Hitler’s 50th birthday, 20th April 1939. The troops were reviewed by General Viktor von Schwedler, Commander of the 4th Army Corps. (Photo by Ceteka/Pix/Michael Ochs Archives/Getty Images)

Une révolution profonde est toujours précédée d’un vaste mouvement d’idées qui bouleverse de fond en comble les conceptions morales de l’ancienne société. A l’image idéale que l’on se faisait de l’homme se substitue une éthique nouvelle née des rapports originaux que la vie a introduits dans le corps social et dont la pression irrésistible fait éclater l’enveloppe des institutions arriérées. La brusque rupture d’équilibre qui fait chanceler l’ancienne organisation, se traduit d’abord par la démoralisation du vieil homme, incapable de contenir plus longtemps l’afflux des tendances juvéniles, endiguées jusque là par une contrainte aussi avisée que tyrannique. La philosophie des Lumières au 18e siècle ne se borna pas à dénoncer les privilèges ; elle entreprit également la critique des vertus séculaires de l’homme bien né, railla l’honneur aristocratique, réduisit la gloire féodale à la mesure d’un simple et parfois chimérique appétit. Le Jacobinisme n’aurait jamais pu accomplir sa tâche historique, si préalablement la doctrine philosophique n’avait précipité de leur piédestal, pour les faire rentrer dans la commune nature, les personnes héroïques des potentats féodaux.

Catégories
presse

Remarques sur le livre « Présent et avenir » de Jung

Article paru dans les Cahiers de discussion pour le socialisme de conseils, n° 3, octobre 1963, p. 12-15

Dans « Présent et Avenir », la psychologie prend la valeur d’un dogme. Cette sorte de testament spirituel dans lequel sont condamnées la pensée rationnelle et la science comme des éléments responsables de l’aliénation de l’homme et de l’individu, ne suffit pas à nous éclairer, même avec ses méthodes psychanalytiques, sur la vraie nature des contradictions dans lesquelles les hommes ce débattent depuis des siècles.

Catégories
revues

Joseph Gabel : L’âme néo-stalinienne. Esquisse d’une psychopathologie

Article de Joseph Gabel alias Lucien Martin paru dans Masses, n° 12, décembre 1947-janvier 1948, p. 25-28


DANS la presse « libre » d’une des « démocraties nouvelles », l’auteur de ces lignes a lu, il y a un an, un article étonnant. Il s’agit de la « Chine victorieuse ». Le journaliste y démontrait que la Chine n’était pas victorieuse du tout, son rôle ayant consisté à gagner du temps pour permettre aux Etats-Unis, à l’Angleterre et à l’Union Soviétique de battre le Japon…

Certes, nous n’avons aucune sympathie pour le régime dictatorial du maréchal Tchang Kaï Chek. Mais de là à nier ce miracle de ténacité que constitue cette résistance de dix ans contre l’envahisseur japonais, où les Chinois, tout comme le firent les Russes, utilisèrent stratégiquement l’immensité de leur pays et à mettre cette résistance sur le même plan que l’intervention de trois jours que fit l’U.R.S.S. en Extrême-Orient pour pouvoir participer à la curée, il y a là de quoi choquer toute intelligence normalement constituée.

Catégories
revues

Robert Petitgand et Paul Bénichou : Psychologie du fascisme (fin)

Article de Robert Petitgand alias Delny et Paul Bénichou paru dans Masses, n° 18, juin 1934, p. 7


(Voir n° 14 de Masses)

RÉGRESSION SOCIALE ET VOYOUCRATIE

L’idéal fasciste peut ainsi se définir comme une profonde régression dans tous les domaines. Les aspirations à une Société militaire supposent, pour que celle-ci deviennent une réalité, la destruction radicale des formes de production, des rapports humains et de la culture de notre temps ; disons en un mot, l’anéantissement de la civilisation. Certes le fascisme n’est pas le premier à préconiser une semblable régression, et, bien avant lui les vieilles cliques réactionnaires extrémistes en France comme en Allemagne ont partagé ces idéaux. Mais ce qui le distingue des mouvements des doctrines antérieures, c’est la frénésie avec laquelle il se revendique de ces concepts et l’importance du recul qu’il envisage. Le Parti des hobereaux et des officiers allemands, le parti des Hugenberg, professe, lui aussi, des théories férocement réactionnaires. Et pourtant, s’il avait tenu les rênes du pouvoir, il n’aurait pas commis la moitié des atrocités dont l’hitlérisme s’est rendu coupable. Ceci peut s’expliquer très simplement ; la réaction classique, si violente qu’elle soit, limite toujours ses ravages ; elle exprime les intérêts de couches aristocratiques auxquelles leur propriété, leur pouvoir économique et politique, leur formation culturelle enfin, confèrent une certaine stabilité. Ces classes ont une grande expérience politique ; raffinées dans leurs manières et imbues de l’esprit de caste, elles ont horreur de se commettre avec des éléments populaires et conservent jusque dans l’énoncé de leurs principes, une certaine mesure et une modération relative. Au fond, elles sont trop attachées aux formes sociales existantes, trop conservatrices pour ne pas craindre tes débordements de la masse, quel que soit leur sens.

Catégories
revues

Robert Petitgand et Paul Bénichou : Psychologie du fascisme

Article de Robert Petitgand alias Delny et Paul Bénichou paru dans Masses, n° 14, mars 1934, p. 8-10


Depuis le développement du mouvement national-socialiste en Allemagne, et surtout depuis son triomphe, on constate un peu partout, et parfois dans les esprits les moins désignés jusque là pour le subir, une sorte de vertige devant l’hitlérisme et sa démagogie. A vrai dire, les premiers responsables de ce vertige ont été les révolutionnaires, coupables de n’avoir pas dès le début, stigmatisé comme il le fallait la vague de profonde régression psychique et morale que recouvrait mal le verbiage hurlant de la « révolution » fasciste. Les communistes les premiers ont accrédité la légende des prétendues aspirations révolutionnaires de la masse hitlérienne, dont le comportement faussé par l’influence des chefs, cachait, paraît-il, les meilleures intentions.

Catégories
livres

Joseph Gabel : La fausse conscience

Joseph Gabel, La fausse conscience, Paris, éditions de Minuit, 1962, p. I-IV

AVANT – PROPOS

L’histoire récente a été témoin de deux explosions majeures de fausse conscience : le racisme et l’idéologie stalinienne. Elles appartiennent au passé mais leur passage a fourni la preuve, qui demeure valable, que la fausse conscience — traitée par le marxisme traditionnel quelque peu en concept livresque — guette notre vie quotidienne et peut, le cas échéant, tourner à la tragédie.

Catégories
revues

Joachim Israel : L’humanisme dans les théories de Marx

Article de Joachim Israel paru dans L’Homme et la société, n° 11, janvier-février-mars 1969, p. 109-126

Nombreux sont ceux pour qui le socialisme signifie un système social, fortement centralisé et un contrôle s’exerçant sur toute la vie individuelle. En ce qui nous concerne, nous partageons l’opinion d’Erich Fromm lorsqu’il affirme : « Pour Marx, le but du socialisme était l’émancipation de l’homme ».

Catégories
revues

Michel Jacob : Comment lire et ne pas lire Reich

Article de Michel Jacob paru anonymement dans Spartacus, n° 1, novembre-décembre 1975, p. 18-19


DIE FUNKTION DES ORGASMUS
(LA FONCTION DE L’ORGASME)

Venu de la sexologie à la psychanalyse, Wilhelm Reich (1897-1957) est d’abord attiré par la cohérence et le caractère révolutionnaire des premières conceptions de Freud. Mais tandis que celui-ci, en gros à partir de 1920, à la fois recule devant la critique de l’ordre établi et renonce à approfondir sa théorie du rôle fondamentale de la sexualité dans le psychisme, tâches qui étaient impliquées par ses propres prémisses, Reich va poursuivre hardiment l’exploration de ces deux voies. Celles-ci se recouperont dans la théorie de la répression sexuelle, c’est-à-dire dans l’idée que la répression sexuelle assure une fonction essentielle dans le mécanisme de la domination sociale, produisant des caractères mieux préparés à la soumission qu’à la liberté. C’est ainsi que Reich rejoint et complète Marx en lui apportant la dimension psychologique qui lui manquait. C’est aussi par ce biais qu’il démasqua, de son côté, le caractère pseudo-révolutionnaire de la société soviétique.