Richard Crossman, député aux communes et rédacteur en chef du New Statesman and Nation, nous explique que ce livre est issu du feu de discussions qui eurent lieu, un certain soir, chez Arthur Koestler, dans le Nord du pays de Galles.
Joseph stalin, around 1939, in his office in the kremlin, moscow, ussr. (Photo by: Sovfoto/Universal Images Group via Getty Images)
Ce n’est pas un mince sujet d’étonnement pour l’observateur que de constater la singulière vitalité dont fait preuve dans les pays les plus divers le bolchevisme dégénéré, sous ses aspects sans cesse mouvants, et les succès indéniables qu’il a remportés ici et là, en dépit et peut-être à cause de son caractère essentiellement fugace, changeant, de son habileté à varier, de son opportunisme et de son adaptivité. Ces succès ne s’expliquent évidemment pas par une adhésion consciente de masses sans cesse accrues, à un principe révolutionnaire. En premier lieu, le communisme officiel de notre époque ne cèle même plus qu’il ne se donne pas pour but la révolution ; en second lieu, c’est précisément cet abandon de ses buts initiaux qui lui permet de séduire des couches beaucoup plus larges qu’a l’époque où il faisait profession d’intransigeance.
Article paru dans L’Arme de la critique, supplément à Alarme, n° 3, mai 1987, p. 7-13
FRANCE – APRIL 09: Election Boards In The Streets Of Paris On April 9, 1936. The Front Populaire, A Link Coalition, Won The Elections. We Can See That The Struggle Against Fascism Was A Key Component Of Their Program. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
Deux facteurs visibles dominent les années 30 pour la classe ouvrière. D’une part la crise économique, d’autre part la référence à la révolution russe et sa répercussion mondiale. Mais le facteur déterminant, pressenti et dénoncé par quelques minorités seulement, et qui fait basculer de tout son poids vers la guerre, c’est la contre-révolution, initiée en Russie développée par le stalinisme et qui s’étend silencieusement au monde entier, relayée par les appareils syndicaux, socio-démocrates et fascistes.
Quelques romans ont essayé depuis longtemps de percer le mystère physique et psychologique des « procès de Moscou » : L’Affaire Toulaev, de Victor Serge, Le Zéro et l’Infini de Koestler, plus récemment : Une journée d’Ivan Denissovitch de Soljenitsyne fut publié en Russie au moment du dégel, à la suite de quoi, et d’une seconde nouvelle : La Maison de Matriona, Soljenitsyne fut plus ou moins mis à l’index.
Les lecteurs de la R.P. ont déjà lu dans le numéro d’avril l’avant-propos et la conclusion de l’ouvrage de Rosmer. Ils savent déjà que ce livre est un récit, un « long rapport », selon l’expression de l’auteur. sur les séjours qu’il fit en Russie soviétique de 1920 à 1924, au moment des premiers congrès de l’Internationale Communiste et du congrès constitutif de l’Internationale Syndicale Rouge.
Article de René Michel paru dans Le Libertaire, n° 184, 3 juin 1949, p. 3
ON peut regretter que la littérature et les études sur le système totalitaire soviétique et, sur les camps de concentration de la pseudo « Patrie des Travailleurs », ne soient souvent offerts au grand public français qu’avec un certain retard sur leur parution en langue étrangère. Il en est ainsi de l’érudit ouvrage de Dallin et Nicolaevsky, l’un ex-prisonnier des isolateurs du Guépéou et l’autre révolutionnaire menchevik bien connu pour ses travaux sur la vie de Marx, paru il y a au moins une année aux U.S.A., et dont on annonce une prochaine traduction française, et de bien d’autres encore. Néanmoins, à travers les œuvres de Victor Serge, de Ciliga, le livre un peu moins sincère peut-être, mais plus connu, de Kravchenko, et quelques-uns de ses imitateurs, les divers reportages et enquêtes de la presse, dont, on s’en souvient, celui auquel le « Libertaire » ouvrait, il y a peu ses colonnes, le public français pouvait se faire une opinion, pour autant qu’il consentait à ouvrir les yeux, sur « le pays du grand mensonge ».
Dans la littérature universelle, la littérature russe du temps des tsars occupe une place plus qu’éminente. La grandeur de cette littérature ne tient pas qu’à des qualités strictement littéraires, artistiques et stylistiques. Elle provient en grande partie du tait que plus que la littérature de tout autre pays, elle était l’expression de la société, de ses couches sociales tourmentées, de ses douleurs, des souffrances d’une société peinant pour accoucher d’un monde nouveau. La littérature russe donne une histoire de la société russe sous les tsars qui est une très remarquable contribution aux études historiques proprement dite. Les écrivains russes furent, en fait, les précurseurs de la Révolution d’Octobre 1917, tout comme les écrivains français du XVIIIe siècle furent les précurseurs de la Grande Révolution française.
Voici les idées, les préoccupations, les mœurs, d’un milieu social donné, en France dans le nouvel après-guerre, un vrai document social écrit avec franchise et des dons incontestables de narrateur.
Général « El Campesino » : LA VIE ET LA MORT EN U.R.S.S. « Les Iles d’or ». Librairie Plon. (Transcription de Julian Gorkin — Traduction de Jean Talbot).
Valentin Gonzalez, « El Campesino », premier commandant communiste pendant la guerre d’Espagne, s’est évadé des « camps de la mort » staliniens, et raconte à celui qui fut son ennemi et qu’il faillit faire fusiller en Espagne, J. Gorkin, sa vie en U.R.S.S. de 1939 à 1949.
Voici un témoignage de premier ordre sur la grande purge, des années 1936-1938, en U.R.S.S. Il est écrit par Alexandre Weissberg, physicien, spécialiste des basses températures, d’origine autrichienne, membre du P.C. autrichien, en 1927, qui se rendit en U.R.S.S. en 1931, appelé par l’Institut technique ukrainien de physique. Il fonda le Journal de Physique soviétique ; en 1933, il est chargé par le gouvernement soviétique de construire un vaste établissement expérimental à Kharkov dont il aurait dû devenir le directeur.
Dans « L’Affaire Toulaév » (+), sa dernière œuvre et en même temps le plus mûr de tous ses romans, Victor SERGE traite le même sujet que « le Zéro et l’Infini » de Koestler, mais il le traite avec une compréhension sociale et psychologique supérieure et avec un art humain qui laissent loin derrière lui les constructions schématiques et purement cérébrales de l’auteur du « Yogi et le Commissaire ».
A. CILIGA : Dix ans derrière le rideau de fer (1926-1936).
La librairie Plon réédite un livre paru la première fois en 1938 : « Au pays du mensonge déconcertant ». Mais l’auteur a voulu développer son expérience de la vie de déporté en un deuxième volume : « Sibérie, terre de l’exil et de l’industrialisation » (1).
Ce livre très dense de 638 pages, expose comme son sous-titre l’indique « la vie publique et privée d’un haut fonctionnaire soviétique », qui s’est échappé de l’enfer stalinien au cours de la seconde guerre, pendant qu’il se trouvait aux Etats-Unis, membre d’une mission soviétique.
Article paru dans Le Prolétaire, organe du communisme révolutionnaire, n° 10, décembre 1946-janvier 1947, p. 3
La barbarie stalinienne et la tragédie trotskiste sous forme de roman
L’Histoire nous a appris que souvent les mensonges la servent mieux que la vérité ; car l’homme est paresseux, et il faut lui faire traverser le désert pendant quarante ans, avant chaque étape de son développement. Et pour le forcer à franchir le désert, force menaces et force promesses sont nécessaires : il a besoin de terreurs imaginaires et d’imaginaires consolations, sans quoi il va s’asseoir et se reposer prématurément et va s’amuser à adorer des veaux d’or.
Il nous arrive de Mexico un texte de Péret pour nous prouver qu’il existe encore des hommes libres. Ce texte est la réaction naturelle d’un poète après la lecture d’un ramassis de mauvaises jérémiades intitulé dérisoirement : « L’honneur des poètes », paru pendant la clandestinité et dû à la collaboration de quelques troubadours stalino-chrétiens.
Bien des questions traitées dans les plus récents numéros de la « R.P. » méritent une discussion approfondie. Chacune d’elles mériterait un article particulier. Mais je ne veux pas abuser des colonnes de la revue, aussi me bornerai-je à résumer ma position qui, on le sait, n’est pas toujours conforme à celle des camarades du noyau.
Les livres que Georges Friedmann, Yvon et Ciliga viennent de publier sur la Russie ne peuvent être résumés utilement dans le cadre étroit d’une chronique. Je dois me borner à en indiquer la matière, l’esprit et les conclusions.
Deux livres viennent de paraître simultanément, qui nous incitent à repenser les fondements idéologiques du bolchevisme celui de Milovan Djilas – le prisonnier de Tito – et celui de Michel Collinet. Bien que conçus par deux hommes de tempérament et d’origine différents à partir de méthodes assez divergentes, ils aboutissent à peu près aux mêmes conclusions et présentent à peu près les mêmes qualités aussi bien que les mêmes défauts.
Le philosophe Louis Althusser dans son bureau le 15 mai 1978 à Paris, France. (Photo by Laurent MAOUS/Gamma-Rapho via Getty Images)
L’histoire, comme on sait, s’accélère. Les techniques connaissent un prodigieux perfectionnement. Celles de la manœuvre idéologico-politique aussi. Certes, les unes et les autres se caractérisent surtout par la production en masse de gadgets, de gimmicks, de trucs en plastique ou autres matières synthétiques qui durent à peine une saison. Mais c’est précisément là le secret du succès de l’industrie moderne, matérielle ou idéologique : la demande renaît toujours d’elle-même.
On the 66th anniversary of the Russian Revolution, Russians and tourists pour into Moscow to celebrate. Troops, tanks and bands parade through Moscow’s Red Square, Soviet Union, on November 7, 1983. (Photo by Mikki Ansin/Getty Images)
IL fut un temps où on ne pouvait mettre en doute, ni même s’interroger sur le régime soviétique, sans être soupçonné, de soutenir le camp impérialiste yankee, ou d’être un « laquais des réactionnaires ». Cette période semble définitivement close. S’interroger sur la nature sociale de l’URSS est aujourd’hui très à la mode. A gauche, surtout, les analyses foisonnent. Castoriadis ne fait pas partie de cette « tardive compagnie ». Dès les premières années de l’après-guerre, il commence à s’intéresser à l’URSS, en fondant à Paris, avec Claude Lefort, la fameuse revue « Socialisme ou Barbarie« .
LE 5 avril 1944, le « Daily Worker », quotidien communiste des Etats-Unis, apprenait à ses lecteurs qu’un
« soi-disant fonctionnaire de la Commission d’achats soviétique de Washington, Victor Kravchenko, venait de trahir la confiance qu’avait placée en lui le peuple de l’U. R. S. S. »
Article paru dans Le Libertaire, n° 30, 24 mai 1946, p. 2
« La mort de tout homme me diminue, parce que je fais partie du genre humain. Ainsi donc, n’envoie donc jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi. »
(Hemingway.)
Au moment où les écrivains américains avec Faulkner, Miller, Steinbeck, Saroyan se disputent la critique sur le seul plan technique ; l’anglais Arthur Koestler, juif hongrois d’origine, devient le sujet d’une controverse beaucoup plus profonde. « Le Zéro et l’Infini » prend l’allure d’un manifeste.
Correspondance parue dans Pouvoir ouvrier, n° 46, décembre 1962, p. 9
A Nation of Islam activist distributing copies of the African-American organisation’s newspaper ‘Muhammad Speaks’ with the headline ‘Muhammad thanks Harlem’, on a busy street in New York City, New York, circa 1962. (Photo by Peter Keegan/Keystone/Hulton Archive/Getty Images)
Chers camarades,
En tant qu’ancien militant de votre groupe et participant depuis longtemps à la lutte pour la liberté des noirs aux U.S. je me trouve quelque peu embarrassé par l’initiative que vous avez prise, dans le dernier numéro du P.O. de publier, presque sans critique, l’éloge des « Musulmans Noirs » du journal « Correspondance ». (1)
Article paru dans Pouvoir ouvrier,n° 85, juillet-août 1967, p. 14
« Clara se couche sur le ventre et remonte sa robe. Des cicatrices profondes rayent ses cuisses et ses fesses, comme si des bêtes avaient mordu ses chairs…
– Ça, c’est la Gestapo, dit-elle d’une voix rauque. Puis elle s’assied et montrant ses mains, elle ajoute :
– Et ça, c’est le N.K.V.D.
Les bouts de ses doigts sont comme broyés, violacés, gonflés. Elle n’a plus d’ongles ».
Article de Pierre Saint-Germain et de Patrice Vermeren paru dans Les révoltes logiques, n° 2, printemps-été 1976, p. 121-128
« La réputation d’héroïsme que fit (à Dimitrov) la presse de l’univers entier (…) ne fut à vrai dire que le résultat d’une mise en scène habile et méthodique (…). Des mois avant que le célèbre procès ne commençât, des négociations secrètes étaient déjà en cours entre Moscou et Berlin pour échanger Dimitrov et ses deux complices bulgares contre trois officiers allemands arrêtés pour espionnage en territoire soviétique. Il importait d’épargner à Dimitrov l’épreuve des tortures de la Gestapo, non pas pour le sauver, mais pour sauvegarder le fonctionnement du service secret soviétique et préserver le Komintern dont il connaissait trop bien les rouages intimes.
Devant le danger, Dimitrov s’était montré moins ferme que beaucoup de ses subordonnés. Il donna notamment à la Gestapo l’adresse du couple qui le cachait. Dimitrov livra également à la Gestapo le nom et l’adresse de sa maîtresse (…). Le marché conclu entre Moscou et Berlin le fut le soir qui précéda le procès. Mais pour sauvegarder les apparences Dimitrov fut retenu en Allemagne jusqu’à la fin de la grande comédie de Leipzig. Cet homme (…) bénéficie de privilèges que ne connurent jamais la masse des détenus anonymes (…). Les « petits » camarades, pendant ce temps, ne recevaient eux, que des coups – voire une balle dans la tête. » (1).
Le général de Gaulle salue la foule à son arrivée à Marseille, France le 19 avril 1948. (Photo by Keystone-France/Gamma-Rapho via Getty Images)
Un passé de probité intellectuelle et de courage personnel ne tient pas lieu d’intelligence politique. Je crois en la bonne foi d’Emmanuel Mounier et de la part des gens de son équipe. Il n’est que plus urgent de dénoncer leur position actuelle (1).
Article de Jean Léger paru dans Socialisme ou Barbarie,n° 7, août-septembre 1950, p. 110-111
Dans les premiers jours de juin s’est déroulé à Prague le procès des Treize, premier grand procès politique que connaisse la Tchécoslovaquie.
Les condamnations prononcées le 8 juin ont révolté de nombreux intellectuels en France, en Autriche, en Norvège. Des télégrammes ont été adressés au Président de la République tchécoslovaque pour qu’il renonce à exécuter la sentence frappant le principal accusé : Kalandra.
L’exécution de Zavis Kalandra et de ses trois coaccusés est passée inaperçue au milieu des événements de Corée qui angoissent l’opinion mondiale : le tribunal suprême de Prague ayant rejeté l’appel, la pendaison des quatre condamnés à mort du « procès des Treize » (dont une femme) a eu lieu le mardi 27 juin 1950. Encore une date de deuil à retenir pour les socialistes libres.
Article de Lucien Martin paru dans Masses,n° 12, décembre 1947-janvier 1948,p. 25-28
Residents of the Rose Valley town of Kazanlik hold a great celebration in observance of the 30th anniversary of the Russian Revolution. Some of the posters read: « Long Live the Slav Unity. » The portraits are of Georgi Dimitrov, Bulgarian Communist leader: Josef Stalin, Russian Leader, and Marshal Tito, Yugoslave Communist leader (left to right).
DANS la presse « libre » d’une des « démocraties nouvelles », l’auteur de ces lignes a lu, il y a un an, un article étonnant. Il s’agit de la « Chine victorieuse ». Le journaliste y démontrait que la Chine n’était pas victorieuse du tout, son rôle ayant consisté à gagner du temps pour permettre aux Etats-Unis, à l’Angleterre et à l’Union Soviétique de battre le Japon…
Certes, nous n’avons aucune sympathie pour le régime dictatorial du maréchal Tchang Kaï Chek. Mais de là à nier ce miracle de ténacité que constitue cette résistance de dix ans contre l’envahisseur japonais, où les Chinois, tout comme le firent les Russes, utilisèrent stratégiquement l’immensité de leur pays et à mettre cette résistance sur le même plan que l’intervention de trois jours que fit l’U.R.S.S. en Extrême-Orient pour pouvoir participer à la curée, il y a là de quoi choquer toute intelligence normalement constituée.
Article de Victor Serge paru dans Masses, n° 4-5, novembre 1946, p. 29-32
JE ne veux considérer ici ce problème que sous les aspects les plus redoutables de la réalité immédiate. Ces notes sont d’un écrivain qui a le sentiment d’avoir combattu depuis une vingtaine d’années au milieu d’événements de plus en plus étouffants où sans cesse il voyait périr diversement des hommes (et des œuvres) dont la vocation essentielle était d’exprimer la conscience.
Dans une petite revue qui se discute beaucoup parmi les intellectuels de la rive gauche (« Arguments »), une poignée d’anciens communistes s’efforcent de remettre en question la plupart des formules dites d’extrême gauche. Effort désordonné et inégal quant aux sujets traités, mais effort sympathique, car les « ex » qui le mènent ne sont ni de vieux fonctionnaires du parti ni des professionnels de la politique. Ni des Marty, ni des Hervé. Ils en sont à se demander si la révolte de Cronstadt ne signifiait pas le premier exemple, suffisant, de l’opposition entre parti et classe ouvrière. Ils publient des études sur l’évolution de la structure des classes salariées. Leur jargon se ressent encore de leur passage dans le parti communiste, et bien des tics défigurent leurs raisonnements qu’ils s’efforcent de mener droit. Cependant, ils ne pontifient ni ne tranchent. Ils cherchent. Si bien que dans l’étonnante sécheresse de la pensée socialiste qui caractérise notre époque, ce filet d’eau ou ces gouttes de sueur ne sont pas à dédaigner.
Article d’Aimé Patri paru dans Masses, n° 7-8, février-mars 1947, p. 28-30
Monsieur Maurice Merleau-Ponty publie actuellement dans les « Temps Modernes » (Nos 13 et 14, le reste est à suivre), une bien étrange réponse au recueil d’essais de Koestler : « Le Yogi et le Commissaire » (1). Cette réponse est intitulée : « Le Yogi et le Prolétaire », Il s’agit en réalité, bien plus que de répondre au « Yogi et le Commissaire », de reprendre la question posée dans « Zéro et Infini » (2), à propos des procès de Moscou. M. Merleau-Ponty a soigneusement compulsé les dossiers des procès, notamment celui de Boukharine et il a entrepris de prononcer un plaidoyer rétrospectif… en faveur des juges. On ne s’attendait guère à voir Kierkegaard et Heidegger appelés à témoigner dans cette affaire, en se disant au surplus « marxistes », mais.c ‘est pourtant un fait. M. Merleau-Ponty, philosophe, « existentialiste » de son état, est aujourd’hui « marxiste » aussi bien que M. E. Mounier, théoricien du « personnalisme » spiritualiste. Lorsqu’on dit « marxiste » il faut naturellement entendre « stalinien » ou mieux « stalinophile », puisqu’il ne s’agit que de velléités néophytes accueillies avec la réserve qui convient, par les services inquisiteurs.
Article de Gajo Petrović paru dans L’Homme et la société,n° 21, juillet-août-septembre 1971, p. 199-209
I
La philosophie marxiste a été conçue par les stalinistes comme une combinaison du « matérialisme dialectique » — ontologie et théorie de la connaissance d’ordre philosophique abstrait — et du « matérialisme historique » – conception économique, non philosophique de l’histoire. Aucune de ces deux parts de la version staliniste de la philosophie marxiste ne contenait une théorie explicite de l’homme. Cependant, en rejetant expressément la possibilité même d’un concept philosophique de l’homme, les stalinistes ont en effet élaboré un concept matérialiste vulgaire, selon lequel l’homme est au fond un « animal qui fait des instruments », un être entièrement déterminé par sa propre production économique.
Article paru dans Le Prolétaire, n° 380, décembre 1984, p. 2
ALGÉRIE – CIRCA 1984: un timbre imprimé en Algérie montre Constantine en 1830, vers 1984
Le trentième anniversaire de l’insurrection de la Toussaint 1954 a été l’occasion pour les nostalgiques de l’ère coloniale de se manifester avec force mais, plus significativement, il a mis en lumière l’accord profond de tous les partis avec toutes les aspirations de l’impérialisme, même lorsque celles-ci ont été battues en brèche par l’histoire. On a vu défiler coudes à coudes devant les monuments aux morts les gaullistes ex-barbouzards et les anciens OAS (définitivement blanchis et réintégrés dans le corps des officiers pour toucher leurs retraites par le gouvernement PC-PS) ; on a vu les drapeaux en berne aux frontons des mairies de droite, mais aussi du PS ; on a vu le maire PCF de Martigues interdire la projection du film « la bataille d’Alger ».
Non, décidément, la vieille France colonialiste n’est pas morte. Elle vit et prospère sous des habits à peine rafraîchis de l’exploitation de ses prolétaires (français ou immigrés) comme du pillage et de la sur-exploitation des masses pauvres et des prolétaires des pays du Tiers-Monde, au premier rang desquels, ses anciennes colonies.
Article paru dans Le Prolétaire, n° 183, du 4 au 17 novembre 1974, p. 1-4
Ici, le ministre algérien des affaires étrangères Abdelaziz Bouteflika entouré par le président des Etats-Unis Gerald Ford à sa droite et le secrétaitre d’état américain Henry Kissinger à sa gauche (Photo by Christian SIMONPIETRI/Sygma via Getty Images)
II Y a vingt ans, l’étincelle de l’insurrection allumait en Algérie l’incendie de la guerre d’indépendance nationale, qui allait mettre fin à plus d’un siècle d’esclavage colonial et ouvrir la voie à la naissance d’une nation moderne.
Article paru dans Syndicat de classe, n° 23, 14 juin-18 juillet 1971, supplément au Prolétaire, n° 107, 28 juin-18 juillet 1971
Portuguese immigrant child playing in a large dirt hole near a housing project that had been newly built at the time, La Grande Borne, located in the Paris suburbs, 1971 in La Grande Borne, France. (Photo by Francois LE DIASCORN/Gamma-Rapho via Getty Images)
Depuis quelque temps les exactions, brimades et voies de fait contre les travailleurs étrangers défrayent la chronique. Rixes entre Nord-Africains et jeunes en province, commandos fascistes contre étudiants et ouvriers de couleur, réaction imbécile, à odeur de pétrole, qui confond dans le même ressentiment Boumediène et la chair à travail qu’il expédie de l’autre côté de la Méditerranée. Le fait le plus grave, c’est que cette réaction gagne jusqu’aux milieux ouvriers.
Article de Saïd Akli paru dans Inprecor, n° 38, 16 novembre 1978, p. 19-25
Réunion du Front du Refus : Houari Boumediene et Abdelaziz Bouteflika (Photo by Jacques Pavlovsky/Sygma via Getty Images)
La politique pratiquée par les staliniens en Algérie a déjà « fait ses preuves » au Soudan, en Egypte, en Syrie et en Irak, se soldant régulièrement par des bains de sang. Or, l’indépendance de classe du prolétariat, impliquant l’existence d’organisations communistes, est une condition indispensable pour résoudre la crise de la société algérienne ou profit des masses populaires.
On March 1, 1949, on his action for libel against the magazine LES LETTRES FRANCAISES, the former apparatchik Victor KRAVCHENKO showing the mnuscript of his book J’AI CHOISI LA LIBERTE (I’VE CHOSEN LIBERTY) as the resounding piece of evidence prooving he is the author. Indeed, the magazine stood in 3 articles that the writer was not the author of the book J’AICHOISI LA LIBERTE which describes misery in USRR and the existence of concentration camp. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
« Combat » ayant ouvert une enquête sur l’affaire Kravchenko, j’ai cru devoir préciser notre position en un papier remis directement à M. Claude Bourdet, rédacteur en chef.
Il est normal que le journal n’ait pas publié toutes les réponses reçues. Mais il est regrettable que le rédacteur chargé de l’enquête n’ait fait aucune allusion à l’opinion de ceux dont l’antistalinisme, né de leur fidélité à la Révolution russe, ne se confond pas avec l’anticommunisme vulgaire et réactionnaire. Je soumets donc le papier au jugement de nos lecteurs.
Article de Jean Seurel paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 2, mai-juin 1949, p. 116-121
In France on February 23, 1949, the wife of the German Communist leader Heinz NEUMANN, Margaret BUBER-NEUMANN, incarcerated by STALIN at a camp in Kazakhstan, handed over to the SS in 1940 then sent to Ravensbruck, testified on her deportation at the defamation trial of Viktor KRAVCHENKO against the magazine LES LETTRES FRANCAISES. The magazine asserted, in three articles, that the writer, a former apparachik, is not the author of the book J’AI CHOISI LA LIBERTE (I Chose Liberty) which describes misery in the U.S.S.R and the existence of concentration camps. The trial became the stage of clashes between French Stalinist Communists accusing him of lies and former Soviet deportees. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
Pendant deux mois le procès Kravchenko-Lettres Françaises a passionné l’opinion publique. Il est une source de larges profits pour la presse et l’édition qui se disputent les mémoires des témoins. Aux uns il apporte une célébrité subite (Mme Buber-Neuman), aux autres il coûte une maison (le général Rudenko aurait, paraît-il, perdu la sienne). A la longue tout ceci apparaît comme une immense parade publicitaire et chacun est prêt à retourner chez lui, c’est-à-dire à ses idées, ou en revient un peu plus écœuré car il sent monter de partout l’odeur fétide des marais. Ce dégoût a une valeur positive. Et pourtant il vaut la peine de s’arrêter sur ce procès car il est à bien des points de vue un fait très significatif et plein d’enseignements.
Usine de liquéfaction de gaz naturel de Skikda, le 5 juin 1978 en Algérie. (Photo by Gilbert UZAN/Gamma-Rapho via Getty Images)
Le projet de statut général du travailleur a été définitivement adopté par l’assemblée algérienne, sans être fondamentalement modifié, comme nous le prévoyions dans un article de notre bulletin n° 23. Cette nouvelle législation vise à accroître l’exploitation des travailleurs. Elle institutionnalise notamment la liaison entre le salaire et la productivité, et elle autorise l’allongement de la durée du travail (de huit à douze heures par jour) et les licenciements individuels ou collectifs ; elle supprime les allocations familiales qui représentent une, part importante des salaires ; enfin, elle fait de la grève un crime économique dans le secteur d’Etat.
Article de Joseph Gabel paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 37, juillet-août 1964, p. 54-64
L’écrivain Roger Garaudy dédicaçant son livre, à Paris, France, le 2 décembre 1968. (Photo by KEYSTONE-FRANCE/Gamma-Rapho via Getty Images)
(A propos de l’essai : D’un réalisme sans rivages *)
NOTE DE LA REDACTION. – Il est sans doute superflu de présenter aux lecteurs de SOCIALISME OU BARBARIE, le Dr Joseph Gabel, un des rares penseurs qui ont tenté, pendant les vingt dernières années, de maintenir vivants les éléments les plus féconds de la théorie marxiste et de les appliquer à des problèmes neufs. Nous comptons, du reste, publier dans un de nos prochains numéros, une analyse critique de son important ouvrage LA FAUSSE CONSCIENCE (Editions de Minuit, 1963).
A maintes reprises, la R.P. a souligné l’importance exceptionnelle du livre de Kravchenko : « J’ai choisi la liberté ! ». Ce n’était pas pour recommander la liberté toute relative en faveur de laquelle l’auteur avait opté (et c’était bien compréhensible dans sa situation), mais plutôt parce que cet ouvrage a mis à nu, pour la première fois à cette échelle, la vie quotidienne du citoyen soviétique, ses misères, ses souffrances, et l’absence de perspectives sur une vie meilleure. Mieux que des dissertations théoriques sur le caractère social de la société russe. cet ouvrage a dévoilé l’une des plus grandes mystifications de l’histoire contemporaine.
Article paru dans Jalons, n° 14, décembre 1986, p. 22-29
Voici trente ans, le prolétariat hongrois se soulevait contre l’exploitation capitaliste imposée par la clique stalinienne de Géroé-Rakosy s’appuyant, elle-même, sur la police de sûreté de l’Etat, l’AVH, dont les pratiques de tortionnaire n’avaient rien à envier à celles de la Gestapo.
Extrait de l’article paru dans Guerre de classes, n° 7, janvier 1974, p. 3.
C’est la quatrième fois en vingt-cinq ans que l’hostilité entre Israël et les pays arabes dégénère en guerre ouverte. Une fois de plus, c’est une véritable levée de boucliers dans le monde. Le concert des positions remet face à face pro-arabes et pro-israéliens. Les organisations de gauche et d’extrême-gauche se sont lancées dans la confusion générale, pour avancer des mots d’ordre tout aussi confus qui reviennent toujours, plus ou moins directement, à soutenir les pays arabes : « Soutien aux peuples arabes de Palestine, d’Egypte et de Syrie en guerre pour récupérer leurs territoires occupés… », « A bas l’agression israélienne ». « Lutte des peuples arabes contre le sionisme et l’impérialisme » … « Le Golan aux Syriens, le Sinaï aux Egyptiens »… Les révolutionnaires sont bien prompt au soutien, mais peu à l’analyse. Voilà qu’ils se mettent à soutenir sans broncher un camp capitaliste contre un autre ; voilà qu’ils mettent en avant leur internationalisme bâtisseur d’Etats en revendiquant « les droits légitimes » des peuples ou des nations.
Article paru dans Alarme, organe du Ferment Ouvrier Révolutionnaire en France, n° 15, janvier-février-mars 1982, p. 12-13.
Bientôt la coupe de monde de Foot en Espagne. Où est le C.O.B.E. (Comité organisateur du Boycott de la coupe du monde en Espagne) ? Y’en a pas encore ? M’enfin, qu’est-ce qui se passe ? On a pourtant eu le COBA et le COBOM pour l’Argentine et pour Moscou. Ah ! … D’accord ! Fallait le dire plutôt : l’Espagne, c’est une Démocratie, alors forcément : pas de Boycott.
Article de René Lustre paru dans Le Libertaire, n° 369, 30 juillet 1953.
L’ASSASSINAT des sept Nord-Africains sur la place de la Nation, le 14 juillet, a soulevé l’indignation populaire. Malgré toute la bonne volonté déployée par la presse dite d’information pour enlever la responsabilité directe aux forces policières de l’impérialisme, personne ne put croire aux versions données et toutes différentes.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 10, septembre 1959, p. 1-3.
Les travailleurs sont pour la paix en Algérie, mais ils ne sont pas pour les Algériens. Ils ne font rien pour les aider dans leur lutte à l’échelle politique. Ils ne manifestent pas leur solidarité. Même sur le plan personnel, dans leurs rapports de travail avec les ouvriers algériens, ils témoignent d’une certaine méfiance : ils disent que ce sont des types qui ne savent pas travailler, ou bien qui ne veulent pas travailler, ou bien qui ne cherchent pas à se mêler à eux.
Il y a quelques jours est sorti aux éditions de L’Harmattan, dans la collection du CREAC dirigé par Jacques Simon un ouvrage signé par ce dernier et auquel mon nom est associé. Je tiens par cette lettre à affirmer que je n’ai signé aucun document ou contrat d’édition concernant un livre de cette nature et je ne peux donc en cautionner ni la forme ni le contenu dont certains aspects ne sont pas sans poser des problèmes méthodologiques et philosophiques.