Article de Claude Lefort paru dans Arguments, n° 8, juin 1958, p. 18-21
Du 13 mai au 1er juin, chacun s’est situé face à l’événement, et seulement face à l’événement. Nous voulons dire : face au coup de force d’Alger et à la candidature de de Gaulle au pouvoir. De là des attitudes réflexes et un pouvoir fascinant des dilemmes : de Gaulle ou la guerre civile ; de Gaulle ou la défense de la république ; le fascisme ou le front populaire. Il est bien vrai qu’il y a des situations qui appellent un engagement immédiat et ne laissent d’autre choix qu’un oui ou un non. Mais étions-nous en face d’une telle situation, l’événement engendrait-il nécessairement une alternative, ou l’une des alternatives communément formulées ? N’était-ce pas plutôt faire de l’événement un mythe que de le prendre pour seule référence en refoulant dans l’ombre le contexte dans lequel il se produisait ?