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Epuration et antisémitisme en Europe orientale

Article paru dans La Vérité, n° 336, du 14 mai au 27 mai 1954, p. 4

DE nouveaux procès se succèdent rapidement dans divers pays d’Europe Orientale, et renouent avec la propagande antisémite développée pendant les derniers mois de la vie de Staline, au moment du procès Slansky et du prétendu « complot des médecins juifs ».

Déjà au procès de Marie Svermova, à Prague, en janvier, et au procès de Patrascanu, à Bucarest, fin avril, figurait une forte proportion d’accusés juifs. Au récent procès de Budapest, le principal accusé, Gabor Peter, ancien membre du Bureau Politique du parti stalinien hongrois, était juif. Mais c’est surtout le récent procès de Bratislava, au cours duquel les anciens dirigeants du Parti Communiste Slovaque, Husak, Horvath, Okali, Holdos et Novomesky, ont été condamnés à des peines de prison allant de 10 ans à perpétuité, qui a été le théâtre d’un déchaînement d’antisémitisme sans précédent.

Les accusés, arrêtés au début de 1950 par Slansky, alors tout puissant, étaient liés à l’ancien ministre des Affaires étrangères de Tchécoslovaquie Clementis, qui fut pendu en même temps que Slansky en décembre 1952. Leur arrestation se situait dans le cadre de l’accélération de la collectivisation forcée des terres, ainsi que de la suppression de tout vestige d’indépendance nationale pour la Slovaquie, dont ils incarnaient la résistance au centralisme bureaucratique de Prague. N’attribuait-on pas à Husak, ancien président du gouvernement slovaque de la libération, cette affirmation qu’il était « d’abord slovaque, et ensuite communiste » ? Quant à Novomesky, ancien ministre slovaque de la culture et écrivain réputé, il professait « qu’on ne peut juger la valeur d’un poète d’après ses opinions politiques ».

Au cours du procès, le Joint, organisation de secours juive déjà mise en cause lors du procès Slansky, et surtout du « complot des médecins » fut violemment attaqué.

Les accusés se virent reprocher d’avoir conspiré avec Clementis pour « anéantir l’indépendance de la Tchécoslovaquie, saboter l’édification économique de la Slovaquie et l’étatisation des entreprises, etc. », accusations rituelles reprises du procès Clementis-Slansky (décembre 1952). Il faut noter que l’accusation, portée à l’époque contre Slansky-Clementis, d’espionnage au profit de Tito, ne fut pas reprise au procès de Bratislava ; elle ne cadre pas avec la politique actuelle de détente des relations avec la Yougoslavie, pratiquée par Moscou et les Etats satellites.

Mais le plus remarquable est que, bien qu’aucun des accusés ne fût juif, ils se virent reprocher d’avoir organisé l’évasion de capitalistes juifs et de leurs capitaux, d’avoir favorisé l’activité de « l’organisation d’espionnage de l’impérialisme américain » le Joint, celle des organisations sionistes. etc. Ces sionistes et ces juifs étaient d’ailleurs des agents de la Gestapo… Voici, par exemple, d’après l’acte d’accusation, un passage des « aveux » de l’accusé Okali, ancien ministre de l’intérieur slovaque à la libération, qui montre que les metteurs en scène de ce procès ne reculent devant aucune invraisemblance :

« J’ai utilisé mon poste pour interdire toute enquête sur l’activité collaborationniste d’éléments sionistes juifs qui se trouvaient à Bratislava au temps de l’Etat fasciste de Mgr Tiso (le Quisling slovaque), et accomplissaient des missions pour la police fasciste de Tiso et la Gestapo. Je me reconnais responsable de n’avoir ordonné aucune enquête sur l’activité diversionniste de l’organisation sioniste « Joint ».

D’après d’autres informations, une série de procès secrets sont actuellement organisés en Roumanie contre des dirigeants de la communauté juive, emprisonnés depuis 4 ans.

De telles mesures ne peuvent être prises que sous l’ordre exprès du Kremlin. La clique Malenkov-Khrouchtchev trouve évidemment plus facile de chercher dans l’antisémitisme un dérivatif au mécontentement des masses, que de tenir ses promesses sur « l’augmentation rapide du niveau de vie », « l’abondance », et le « respect des droits des citoyens ».

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