21st June 1976: South African rioters in Soweto use cars as roadblocks during unrest stemming from protests against the use of Afrikaans in schools. (Photo by Keystone/Getty Images)
Forces d’encadrement de la paysannerie pauvre et de la petite bourgeoisie intellectuelle du « tiers monde », organismes patentés de la récupération et du sabotage des luttes parcellaires du prolétariat, bras armés de la restructuration étatique des capitalismes faibles, les fronts patriotiques, les fractions nationalistes ou régionalistes, occupent une place de choix dans le spectacle de la mystification politique, dans le jeu sanglant de la mise en coupe des populations récemment passées sous le signe du salariat…
Article de Monique Gadant paru dans Critique Communiste, n° 120-121, juillet 1992, p. 45-52
Manifestation contre le FIS – Front Islamique Du Salut – à l’appel du FFS – Front des Forces Socialistes – le 2 janvier 1992 à Alger, Algérie. (Photo by Jean-Michel TURPIN/Gamma-Rapho via Getty Images)
Afin d’éclairer et de comprendre la nature de ce qu’on appelle le mouvement des femmes en Algérie, ses objectifs et les difficultés qu’il rencontre, il est nécessaire de revenir en arrière, voire même de se situer dans une perspective un peu historique. Je m’efforcerai ce faisant d’être aussi objective que possible.
Ouarda, la grande chanteuse algérienne a revêtu au Caire la tenue de combat, pour chanter avec ses frères de la troupe Nationale Algérienne la beauté de leur révolution. Elle aussi à sa façon est une militante. (Faîza n° 20 déc. 61)
— Comment s’est posée la question de la participation des femmes au début de l’insurrection ?
— Je crois qu’il faut d’abord situer la position de la société féminine à la veille de l’insurrection. La question de la femme était débattue dans des cercles très restreints et portait surtout sur le voile. A part le parti communiste, personne ne posait réellement la question. Un certain nombre de gens dans le mouvement nationaliste avaient conscience de la nécessité de la participation des femmes, mais cette conscience, par exemple dans le M.T.L.D., se heurtait au traditionalisme de la base du mouvement. A Skikda, en 1951, le M.T.L.D. a fait une expérience avec une jeune fille en classe de Maths Elem. Elle a été chargée de contacter des femmes de militants dans les faubourgs de la ville et de discuter avec elles des questions politiques. Petit à petit elles en sont arrivées à lui parler de leurs problèmes familiaux, de leurs relations au sein de la famille, avec leurs frères aînés, leurs maris, etc. A l’époque, personne n’était en mesure ou ne voulait répondre aux questions posées. Au début de l’insurrection, la participation des femmes a été résolue au coup par coup d’une manière spontanée. Dans les villes, ce sont essentiellement des filles, mal à l’aise dans leur famille, en général des lycéennes, qui ont essayé de rejoindre le maquis. Cela n’a pas été toujours facile parce que les maquis eux-mêmes n’acceptaient pas les femmes. Je connais le cas d’une jeune fille qui a voulu rejoindre le maquis le la région de Guelma ; elle a été renvoyée : on lui a dit que les maquis n’étaient pas pour elle, qu’elle était une jeune fille de famille et qu’il n’était pas question de l’accepter. Elle a fait deux ou trois tentatives avant d’être gardée quelque temps dans le maquis ; elle a d’ailleurs été très vite arrêtée. Le responsable de cette région à l’époque était l’actuel responsable de la région militaire de Constantine, le colonel Hadjerès. Il n’acceptait pas de bon gré les femmes au maquis.
Article de Monique Gadant paru dans les Cahiers du féminisme, n° 61, été 1992, p. 38-39
les Femmes algériennes dans la guerre de Djamila Amrane
Trente ans après la fin de la guerre de libération, ce travail important d’une historienne, qui fut elle-même une de ces femmes dans la guerre, nous donne à voir ce que fut cette participation.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 44, octobre 1962, p. 10
A Nation of Islam activist distributing copies of the African-American organisation’s newspaper ‘Muhammad Speaks’ with the headline ‘Muhammad thanks Harlem’, on a busy street in New York City, New York, circa 1962. (Photo by Peter Keegan/Keystone/Hulton Archive/Getty Images)
Opinion d’un de nos lecteurs américain
Jusqu’à ces dernières années, le mouvement noir le plus important était le NAACP (Association pour l’Avancement des Gens de Couleur), qui préconisait de faire ouvrir aux noirs les portes de la société américaine par des moyens exclusivement légaux.
Article paru dans Lutte de classe, pour le pouvoir des travailleurs, avril 1962, p.1-3
Le Gouvernement algérien vient d’obtenir une indépendance relative.
Ce résultat est sans rapport avec les sacrifices consentis par des millions de travailleurs algériens. Dans le nouvel Etat, les paysans n’auront pas la terre, les ouvriers seront exploités dans les usines par des patrons « nationalistes ».
Article de Louis Janover et Bernard Pêcheur paru dans Sédition, n° 1, juin 1961, p. 6-12
3/29/1961-Dar es Salaam, Tanganyika-: Garlanded with flowers, Julius Nyerere, slated to become Tanganyika’s first Prime Minister on May 1st, is carried by supporters at the close of a two-day constitutional conference. Tanganyika, a United Nations trust territory, which Britain has administered since 1919, is to become independent on Dec. 28th. The achievement of independence this year is a personal victory for Nyerere.
« Plus loin que le réveil de l’amour-propre des peuples longtemps asservis qui sembleraient ne pas désirer autre chose que de reconquérir leur indépendance… nous croyons à la fatalité d’une délivrance totale. Plus encore que le patriotisme qui est une hystérie comme une autre, mais plus creuse et plus mortelle qu’une autre, c’est l’idée de patrie qui est vraiment le concept le plus bestial, le moins philosophique dans lequel on essaie de faire entrer notre esprit. »
Article paru dans Combat communiste, n° 106, du 20 septembre au 20 octobre 1985
Washington: Chadli Bendjedid, President of Algeria speaking with President Reagan nearby.
Depuis quelques mois, une campagne dénonçant le colonialisme français se développe en Algérie. L’enquête, menée parallèlement avec le quotidien « Libération », sur la découverte du charnier de Khenchela, n’a pas été une simple initiative des médias algériens, alors que Chadli était aux USA.
Réponse de Maxime Rodinson au questionnaire d’Éléments, n° 5-6, 2e et 3e trimestres 1970, p. 19 et 47-48
(Original Caption) Cairo, Egypt: Egypt will present modified proposals for a peaceful settlement in the Middle east, top Egyptian government officials said 7/19. UPI newsmap spots (L) territories (black and yellow shaded areas), held by Israel before the Six Day war in 1967. Map (R), shows areas Israel occupied after the war.
Texte de Richard Wright paru dans Franc-Tireur, 16 décembre 1948, p. 1 et 4
Richard Wright
VOICI le texte du grand écrivain américain Richard Wright lu par lui, dans la liberté totale de son expression, à la grande Rencontre internationale des écrivains du monde, suscitée par le R.D.R.
De race noire, l’admirable romancier de Native Son et de Black Boy lance avant tout ici un cri d’opprimé, de révolté à la face du monde et des deux Etats géants dont la querelle maintient l’humanité dans l’angoisse et dans la peur.
African-American Muslim minister and civil rights activist Malcolm X (1925 – 1965) on Marshall Street in Smethwick, near Birmingham, 12th February 1965. The local Conservative council is attempting to buy houses on the street for resale to white people only. (Photo by Daily Express/Archive Photos/Getty Images)
L’ASSASSINAT DE MALCOLM X est un coup sévère à la lutte pour la liberté aux USA et, avec elle, à la lutte pour le Socialisme dans le monde.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 85, juillet-août 1967, p.7-13
Israeli Defense Minister, Moshe Dayan, hero of the 1956 Sinai campaign, addresses a press conference. In this, his first meeting with the press since he accepted the ministerial post, Dayan said he did not want American and British soldiers dying for Israel if the present Middle East crisis erupted into war.
La crise du Proche-Orient, dont on pouvait redouter les prolongements les plus graves sur le plan international, a provoqué dans la population française une extraordinaire poussée passionnelle. Deux guerres mondiales n’ont, à coup sûr, rien appris aux habitants de ce pays : le bourrage de crâne, à peine moins sot qu’en 1914, conserve la plus large efficacité ; les informations truquées et tronquées sont avalées sans discussion par un bon peuple qui se pique pourtant d’être le moins conformiste de la terre, et il n’a même pas manqué un petit contingent de « révolutionnaires » prêts à découvrir les meilleures raisons de faire l’union sacrée avant même que le premier coup de feu ne soit parti. Mais il est vrai, que face aux bénisseurs des armées de l’Etat sioniste et de ses alliés anglo-américains, les défenseurs du « socialisme arabe » et de ses fournisseurs russes, se portaient au secours de régimes qui n’ont certainement rien à voir avec la libération des travailleurs ou même le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nasser n’est pas Hitler et Israël n’est pas une tendre colombe entourée de vautours. Mais Nasser et ses alliés arabes, y compris ceux d’Alger, quel que soit le rôle positif qu’ils ont joué naguère dans la lutte contre les impérialismes, ne sont plus maintenant que des exploiteurs aussi féroces qu’incompétents des travailleurs arabes – que les Russes ou demain les Chinois leur accordent leur soutien, ne change rien à l’affaire.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 33, octobre 1961, p. 4-5
Match de football devant une usine à Paris, en France, en 1961. (Photo by René MALTETE/Gamma-Rapho via Getty Images)
Les travailleurs vivent avec un système de pensée imprégné d’idées et de formules qu’on leur a inculquées depuis leur enfance soit à l’école primaire, soit au cinéma, la radio, à la Télé ou dans les journaux. Ces idées empêchent les travailleurs de prendre conscience de certaines réalités élémentaires et de leur rôle dans la société. C’est la classe dominante qui les diffuse pour maintenir les travailleurs dans leur rôle d’exploité. Le racisme, le patriotisme, les notions de bon citoyen, d’honnête travailleur, etc… sont autant de formules qui encombrent les esprits et empêchent les ouvriers de résoudre leur propre problème et entretiennent chez la plupart la confusion intellectuelle souvent la plus totale.
Yvonne de Carlo (1922 – 2007) and Carlos Thompson (1923 – 1990) star in ‘Fort Algiers’, 1953. (Photo by United Artists/Archive Photos/Getty Images)
Nous extrayons, de « L’Ecole Républicaine », bulletin de la section d’Alger du Syndicat national des instituteurs et institutrices de l’Union Française, n° 7 d’avril 1953, cette partie d’un texte de notre camarade Doukhan, instituteur à Alger, paru sous le titre « Le Problème colonial ».
Nos camarades et nos amis lecteurs se rendront compte ainsi que nos militants sont présents partout où se mène la lutte révolutionnaire.
Algeria, French Army Recruiting Headquarters In The Fifties (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
EXTRAIT d’un article intitulé « La Patrie », paru dans l’organe nationaliste « La République Algérienne » du 1er juin 1951 :
« …Soyons très fiers d’être Algériens musulmans, rendons à notre pays le tribut d’admiration que les étrangers eux-mêmes ne lui refusent pas. Soyons fiers de notre origine ; nul peuple ne descend d’une race plus vaillante et plus généreuse… Algérien… quand, dans un très proche avenir, ton pays sera débarrassé entièrement de l’odieux joug colonial qui l’opprime, jeune soldat, tu t’exerceras dans le métier militaire, tu défendras le drapeau, tu te feras craindre et respecter… tu entoureras d’un culte reconnaissant la mémoire des martyrs de la liberté, tu obéiras aux lois, tu payeras l’impôt sans murmurer, tu honoreras les magistrats, tu voteras avec réflexion et conscience… » (1).
In Paris in April 1950, North African immigrants talk in front of a hotel named LA VILLE D’ORAN (The City of Oran) where furnished rooms are rented out to immigrants, who are for the most part Algerian. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
AUCUN élément marquant en Algérie. Rien de nouveau outre-mer, si ce n’est le retour au calme après la fièvre électorale. Là encore, nos prévisions — la prophétie était sans risque — se sont réalisées : truquages et violence d’une part, d’autre part, abstentions considérables (30 à 40 %, selon les centres) et enfin infime représentation de « gauche ». Autre événement : la démission du proconsul Naegelen Marcel-Edmond. En bref, rien qui vaille la peine qu’on en parle. Cela me permet de reprendre ce projet que j’avais fait, de reparler du problème nationaliste Dans le « Lib » du 16 février 1951, notre camarade Saïl Mohamed, au long d’un excellent article (La mentalité Kabyle), mettait en relief la duperie nationaliste et le farouche fonds d’individualisme tempéré de fédéralisme du peuple kabyle.
L’ETABLISSEMENT des grands empires coloniaux qui atteignirent leur apogée dans la seconde moitié du siècle passé obéit à des causes presque essentiellement économiques que le marxisme définit d’ailleurs valablement. Les puissances dites coloniales, une fois installées sur le sol conquis, qu’ont-elles fait ? Quelle sera la résultante de l’action divergente des colonisateurs et des colonisés ?
A relever dans le numéro de novembre de cette revue d’extrême-droite, dont les prétentions à la largeur de vues dissimulent mal le rabâchage des mythes réactionnaires les plus éculés, un article de Th. Maulnier, sur les résultats de la crise internationale de Septembre. L’auteur, ancien collaborateur de l’Insurgé, et qui continue de s’insurger avec la plus grande véhémence contre la possibilité de la révolution européenne, explique avec une louable franchise les raisons de la répugnance des partis de droite à faire la guerre à Allemagne :
Les bourgeoisies française et internationale ont poussé un soupir de soulagement quand, le 11 octobre, le lendemain du discours du président Chadli, les médias ont annoncé le « retour à l’ordre » en Algérie. Mais dans le silence assourdissant, résonnaient encore, dans les têtes des Algériens, le staccato sinistre des armes automatiques et les cris des blessés et des agonisants. L’« ordre » imposé dans le sang est lourd de rage contenue contre un régime qui n’hésite pas à tirer à la mitrailleuse sur des adolescents et des enfants. Est-ce pour ça que sont morts un million d’Algériens dans leur lutte contre la terreur coloniale française ?
Tract de la Fédération d’Alger du MNA, 19 décembre 1960
Muslim supporters of the National Liberation Front (FLN) demonstrate in the Casbah, Algiers, in front of a cordon of French troops. (Photo by Keystone/Getty Images)
Une fois de plus, le peuple Algérien tout entier vient d’affirmer dans les rues d’Alger son désir à la liberté et de prouver au monde par son action courageuse, que rien ne le fera reculer pour faire triompher sa part à la justice et à la dignité humaine.
The War In Algiers, Algeria In 1960 – Riots. (Photo by Dominique BERRETTY/Gamma-Rapho via Getty Images)
Depuis le 9 décembre 1960, pendant plusieurs jours, l’Algérie a connu des événements graves. Les 11, 12 et 13 décembre ont vu le sang couler dans les rues d’Alger, d’Oran, de Bône et de leurs banlieues. Des centaines de tués, des milliers de blessés, voilà le bilan de ces événements. Mais ce ne sont pas seulement les « forces de l’ordre » qui ont mitraillé les Algériens ; il est établi officiellement que plusieurs dizaines d’Algériens ont été assassinés par des Européens. Ils se sont acharnés sur des vieillards et même des enfants qui jouaient. Cette férocité des « pieds noirs » contre les nôtres s’est particulièrement déployée à Bab-El-Oued, à Belcourt et au Ruisseau. C’était sous les hurlements de « l’Algérie française » que les hordes de LAGAILLARDE, de SUSINI et d’ORTIZ massacraient de pauvres innocents ; elles ont ainsi vidé leur haine bestiale et leur racisme odieux et, de ce fait, elles ont tué les mythes de la « fraternisation » et de tous les mensonges que leur « Echo d’Alger » leur « Dépêche Quotidienne d’Alger » n’ont cessé de scribouiller depuis le 13 mat 1958.
Article de Luiza Maria paru dans Inprecor, n° 319, du 23 novembre au 6 décembre 1990, p. 7
Monument à l’effigie de Mouammar Kadhafi à Tripoli, circa 1990, Libye. (Photo by Christian SAPPA/Gamma-Rapho via Getty Images)
« Le Koweït est une partie du Nedj (1) (…). L’Arabie saoudite est une partie de l’Irak, l’Irak est une partie de la Syrie, elle-même partie intégrante de la Palestine (…). Nous sommes tous partie intégrante les uns des autres et formons une terre arabe et un seul peuple arabe (…). Ce qui est arrivé entre le Koweït et l’Irak est négatif pour le projet d’unité arabe. Je suis contre l’invasion et contre l’exode des femmes et des enfants. » Ainsi s’exprimait le colonel Kadhafi, le 1er septembre 1990, devant le Congrès général du peuple libyen (2).
Un mois après, il appelait à boycotter le pèlerinage annuel à la Mecque et, le 1er novembre 1990, il s’instituait « dirigeant du monde islamique ».
Editorial suivi d’une interview de Sami Naïr par Daniel Bensaïd parus dans Critique Communiste, revue mensuelle de la Ligue communiste révolutionnaire, n° 35, novembre 1984, p. 3-4 et p. 21-27
Photos publiées dans El Djeich, novembre 1984, p. 98
Il y a trente ans en Algérie Le 1er novembre des parias et des opprimés
EN ce jour de Toussaint 1954. quelques centaines de militants nationalistes algériens attaquaient, à travers toute l’Algérie, des commissariats de police et des postes de gendarmerie. Leurs moyens étaient dérisoires face à la puissance de l’impérialisme français. Pourtant, le 1er novembre 1954 reste dans l’histoire comme le lancement de la guerre de libération. L’action du 1er novembre répondait à l’attente du peuple algérien dominé, exploité et humilié depuis la conquête française. Ce peuple, dont la lutte pour sa libération n’avait pas cessé, désespérait devant l’attentisme ou le légalisme de ses dirigeants nationalistes. Le 1er novembre 1954 fut l’étincelle qui mit le feu à la plaine, au lendemain de la défaite du colonialisme français en Indochine et tandis que s’intensifiait la lutte pour l’indépendance au Maroc et en Tunisie, sous protectorat français.
Discours de Maxime Rodinson prononcé lors de l’attribution du prix de l’Union rationaliste 1997 à Mohammed Harbi et paru dans Les Cahiers Rationalistes, n° 523, mars 1998, p. 7-13
Maxime Rodinson, Philosopher in France in October, 1993 (Photo by Louis MONIER/Gamma-Rapho via Getty Images)
02/18/1992. Mohamed Harbi, historian. (Photo by Nacerdine ZEBAR/Gamma-Rapho via Getty Images)
Je dois dire que j’ai été enthousiasmé, qu’une bouffée d’ardeur juvénile m’a pénétré quand une lettre de l’Union rationaliste m’a appris qu’elle décernait, cette année, son prix à Mohammed Harbi. Je fus d’autant plus enthousiaste, je l’avoue, que j’étais assez mécontent de diverses attitudes qui s’exprimaient depuis quelque temps dans les publications de l’Union. J’en étais même irrité et, à certains moments, prêt à envoyer ma démission. Je ne l’ai pas fait parce que je suis un peu rationnel et que je sais que toute association manifeste sur certains points des erreurs d’appréciation qui ne portent pas atteinte à sa ligne directrice, à l’utilité de son combat. Tout en souffrant de voir que, selon ma perception, le critère de rationalité auquel, par son titre même, l’Union s’engageait à être fidèle, me paraissait parfois dominé, dans ces occasions, par une soumission à la doxa, à la vulgate répandue dans le grand public (et très souvent chez les intellectuels), largement adoptée, en partie sous l’influence de réactions des plus légitimes. Mais il ne m’en paraissait pas moins que l’on violait gravement ce critère de rationalité notamment de lorsqu’on aboutissait à sacraliser tout un peuple, à l’affranchir des obligations morales exigées de tout autre peuple au point de rendre tabou toute critique à des membres (individuels ou collectifs) de celui-ci, en assimilant cette critique à une complicité envers ses ennemis, voire ses bourreaux. L’argument invoqué pour ce traitement spécial, les souffrances immenses, indéniablement subies par un peuple, ne sauraient rationnellement parlant, exempter toujours et partout tous ses membres et toutes ses institutions de répondre de torts qu’ils infligent aux autres.
Extrait de Maxime Rodinson, Peuple juif ou problème juif ?, Paris, La Découverte, 1997 [1ère édition : Paris, François Maspero, 1981], p. 5-18
Une famille de colons juifs armés en Cisjordanie en juillet 1981, Israël. (Photo by Francois LOCHON/Gamma-Rapho via Getty Images)
INTRODUCTION
Ce recueil de textes — nouveaux et anciens — étalés sur une quinzaine d’années espère provoquer quelque intérêt en vertu d’un seul facteur, une même ligne de pensée qui en est le fil conducteur. Il s’agit en effet d’un phénomène très rare : une réflexion sur les problèmes juifs qui n’est pas judéocentrique, qui se veut même critique de l’optique judéocentrique.
Extrait de Maxime Rodinson, Islam et capitalisme, Paris, Demopolis, 2014 [1ère édition : Paris, Le Seuil, 1966], p. 222-243
A large crowd of Muslims prostrates themselves in prayer in India. They pray for peace between India and Pakistan, and between Muslims and Hindus.
ISLAM ET SOCIALISME
Les Etats du monde musulman sont précisément aujourd’hui à un de ces moments décisifs où il leur est possible de choisir leur voie. La décolonisation généralisée, la renonciation des impérialismes occidentaux aux méthodes de domination directe, la concurrence des deux grands systèmes économiques de la société industrielle ont créé une situation révolutionnaire où il est possible de rompre, dans une certaine mesure, avec le passé et de repartir d’un nouveau pied. Partout des équipes dirigeantes, dans certaines limites, sous certaines conditions, peuvent opter.
Article de Maxime Rodinson paru dans Le Monde, 5 juin 1967
At the window of the Embassy of Israel, Johnny Hallyday waves to the crowd in Paris, France, on june 1, 1967. (Photo by Keystone-France\Gamma-Rapho via Getty Images)
Le 9 août 1903, le comte Serge de Witte, ministre des finances du tsar Nicolas II, expliquait benoîtement au journaliste viennois Theodor Herzl, qui venait lui démontrer comment l’application de la doctrine du sionisme politique (qu’il venait de fonder) devrait être soutenue par l’empereur orthodoxe :
« J’avais l’habitude de dire au pauvre empereur Alexandre III : ‘S’il était possible, Majesté, de noyer dans la mer Noire six ou sept millions de juifs, j’en serais parfaitement satisfait. Mais ce n’est pas possible. Alors nous devons les laisser vivre !' »
Entretien avec Maxime Rodinson paru dans Le Monde, 15 février 1991
Baghdad, Iraq: A guard stands in front of a picture of Saddam Hussein stroking a young boy, outside a baby milk factory bombed by Allied forces during Operation Desert Storm, Gulf War, 19th February 1991. The American military was advised that the factory was a chemical weapons site and upon that intelligence report they bombed the factory, however, no signs were found to prove them right. (Photo by Kaveh Kazemi/Getty Images)
Universitaire, sociologue, spécialiste du monde arabe, M. Maxime Rodinson observe les événements du Golfe avec le recul de l’historien. L’auteur de Israël et le refus arabe, qui a étudié de près le parti Baas dont est issu Saddam Hussein, souligne dans l’entretien ci-dessous la légèreté de certains arguments employés par le président irakien et la confusion idéologique qui marque ce conflit.
Article de Maxime Rodinson publié dans Le Monde des 6, 7 et 8 décembre 1978
Mollahs dans une manifestation à Téhéran, pendant la Révolution iranienne, en décembre 1978, Iran. (Photo by Michel SETBOUN/Gamma-Rapho via Getty Images)
I. – Où Dieu n’est pas mort
Un renouveau de l’intégrisme musulman ? Telle est l’interprétation que suggèrent à beaucoup d’observateurs une série d’événements et d’incidents récents : les accusations contre l’ancien premier ministre du Pakistan, M. Bhutto, l’application des lois coraniques avec quelques excès spectaculaires, en Libye et en Arabie Saoudite, le rôle dirigeant joué par les ayatollah chiites dans le vaste mouvement contestataire en Iran, la vigueur de la réaction antikémaliste en Turquie, des troubles anti-coptes en Égypte, l’affaire Maschino en Algérie… J’en passe.
Articles parus dans Le Prolétaire, n° 327, 9 au 23 janvier 1981, p. 1-2
Discours de Paul Laurent lors d’une manifestation à l’appel du Parti communiste pour soutenir le maire de Vitry-sur-Seine Paul Mericeca qui à provoqué un tollé en détruisant un foyer de travailleurs maliens le 10 janvier 1981 à Vitry-sur-Seine, France. (Photo by Laurent MAOUS/Gamma-Rapho via Getty Images)
Après le transfert de 300 travailleurs maliens de Saint-Maur à un foyer de Vitry, un commando PCF n’a pas trouvé mieux pour « défendre ces travailleurs » contre la barbarie des quotas, du parcage et des ghettos que de rendre le foyer inhabitable à coups de bulldozers. Tout le monde — mairies de Saint-Maur et de Vitry, gouvernement et PC — se renvoie hypocritement la balle pour s’accuser de racisme. Mais le racisme n’est-il pas le produit inévitable d’un système social que toutes ces forces défendent collectivement ?
Article paru dans Le Prolétaire, n° 323, 4 au 27 novembre 1980, p. 1-4
Manifestation d’immigrés à Paris, en mai 1980, France. (Photo by Remi BERLI/Gamma-Rapho via Getty Images)
Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Hauts-de-Seine, ces départements à direction PCF composant la ceinture ouvrière de Paris, sont désormais interdits à l’immigration. Par la voix de ses représentants municipaux, le PCF exige l’arrêt de l’immigration et l’envoi des immigrés… à Neuilly.
Articles parus dans Le Prolétaire, n° 283, 9 au 22 février 1979, p. 6
Paris: Champs-Elysées, travailleur immigré devant des affiches de propagande nationaliste, 1979. (Photo by Pierre MICHAUD /Gamma-Rapho via Getty Images)
Un des aspects particulièrement cynique et odieux de l’offensive capitaliste contre la classe ouvrière est le refoulement des ouvriers immigrés vers leurs pays d’origine.
Article paru dans Syndicat de classe, n° 23, 14 juin-18 juillet 1971, supplément au Prolétaire, n° 107, 28 juin-18 juillet 1971
Portuguese immigrant child playing in a large dirt hole near a housing project that had been newly built at the time, La Grande Borne, located in the Paris suburbs, 1971 in La Grande Borne, France. (Photo by Francois LE DIASCORN/Gamma-Rapho via Getty Images)
Depuis quelque temps les exactions, brimades et voies de fait contre les travailleurs étrangers défrayent la chronique. Rixes entre Nord-Africains et jeunes en province, commandos fascistes contre étudiants et ouvriers de couleur, réaction imbécile, à odeur de pétrole, qui confond dans le même ressentiment Boumediène et la chair à travail qu’il expédie de l’autre côté de la Méditerranée. Le fait le plus grave, c’est que cette réaction gagne jusqu’aux milieux ouvriers.
Article paru dans Le Prolétaire, n° 97, 1er février-14 février 1971, p. 1-4
Portuguese immigrant children playing in a large dirt hole near a housing project that had been newly built at the time, La Grande Borne, located in the Paris suburbs, 1971 in La Grande Borne, France. (Photo by Francois LE DIASCORN/Gamma-Rapho via Getty Images)
Chacun sait que les difficultés surgies entre la France et l’Algérie au sujet du prix du pétrole ont inauguré une demande de hausse plus générale de la part des pays producteurs. La bourgeoisie des grands pays capitalistes crie son indignation tandis qu’en face on parle de pillage et d’impérialisme.
Parions cependant que les adversaires parviendront à un résultat « honorable pour tous ». En effet, les moyens de pression des Compagnies pétrolières sont puissants et leurs soi-disant opposants, trop corrompus pour être vraiment dangereux.
Public dans le stade d’Annaba pendant un match de football, en Algérie, en juillet 1977. (Photo by Christian SAPPA/Gamma-Rapho via Getty Images)
Ces derniers jours, Alger a été le théâtre d’affrontements violents entre flics et spectateurs venus assister à un match de football. Ces derniers, mécontents de voir l’équipe « nationale » se faire battre par l’équipe tunisienne, « défilent à travers les artères de la ville, agressant et détruisant tout sur leur passage. Autobus de la RSTA, et de la SNTV, vitrines, subissent la colère de ces bandes de voyous. Ce phénomène prend de l’ampleur : dès qu’arrive le vendredi, le service d’ordre est sur la brèche et les populations d’El Biar s’enferment à double tour. On signale des cas similaires à l’Est et à l’Ouest du pays, avant et après chaque match. »
La passivité des humains est bien le fait le plus incroyable qui s’offre à nos méditations. La grandeur de l’Etat nous a valu plus que l’amoindrissement, l’anéantissement de l’individu. Au rebours de ce que tous les maniaques du centralisme nous affirment, le fait d’appartenir à cette énorme entité, l’Etat, dominant et disposant à son gré des forces immenses d’un pays, a détruit et non augmenté la puissance de chaque sujet. L’individu ne sait plus être par et pour lui-même ; il ne garde que la valeur d’un instrument plus ou moins perfectionné et dont le rendement est proportionné à l’habileté et à la chance de celui qui aura à s’en servir.
Article paru dans Jalons, n° 14, décembre 1986, p. 22-29
Voici trente ans, le prolétariat hongrois se soulevait contre l’exploitation capitaliste imposée par la clique stalinienne de Géroé-Rakosy s’appuyant, elle-même, sur la police de sûreté de l’Etat, l’AVH, dont les pratiques de tortionnaire n’avaient rien à envier à celles de la Gestapo.
Les premiers coups de feu ont été tirés à Paris il y aura bientôt trois ans. Depuis, ils se sont multipliés et ont fait des victimes tant parmi les Nord-Africains que dans la population française.
Après toutes ses années de prison ou de déportation, Messali Hadj, libéré de Belle-Ile, et gardant de là bas le souvenir de nos camarades du Cercle Zimmerwald de Niort, a répondu à l’invitation de la « R. P. » et du Cercle Zimmerwald de Paris et est venu nous parler des problèmes de l’Afrique du Nord. Parmi nous, dit-il, il se sent chez lui. Ainsi y a-t-il toujours eu, même dans les moments les plus sombres de son combat, une poignée d’amis, la « baraka », où des Français ont été mêlés aux Algériens.
La motivation première de ce présent texte est la parution, il y a trois mois, d’une luxueuse (et chère) brochure, intitulée «Manifeste Breton», qui a été déposée un peu partout en Bretagne, en tant que supplément à «Combat Breton» qui lui-même est réapparu à la faveur du créneau économique offert par l’arrestation et la détention des supposés membres du FLB. Cette brochure présente une nouvelle fois (après l’UDB, le PCB, le FASSAB*) une idéologie nationaliste bretonne qui se voudrait «de gauche», voire «révolutionnaire ». Elle est l’occasion de réaffirmer nos positions vis-à-vis de tout nationalisme quel qu’il soit, y compris celui des différents Fronts de libération nationaux du Tiers-Monde.
Article paru dans Et-thaoura, organe révolutionnaire marxiste d’Algérie, n° 3, mai 1982, p. 32
1982 World Cup Finals, Oviedo, Spain, 24th June, 1982, Algeria 3 v Chile 2, Algeria’s Tedj Bensaoula celebrates after scoring the winning goal against Chile (Photo by Bob Thomas Sports Photography via Getty Images)
Après un long débat, le comité de rédaction d’Et Thaoura n’enverra pas de reporters à Madrid, ou plus exactement, car il ne faut pas rêver, à Gijon, modeste ville de troisième catégorie du nord de l’Espagne. Bien sûr, nous sommes conscients de décevoir l’attente qu’avaient placé en nous des millions de supporters de l’ « équipe nationale ». Vu l’ampleur de nos moyens, nous nous excusons du préjudice porté à nos lecteurs. Il ne leur restera en effet, pour suivre ces événements, que la télévision, les trois chaînes de radio, les quotidiens, les hebdomadaires, les mensuels…
Dans le numéro précédent de notre journal, nous avions dénoncé le PRS (Parti de la Révolution Socialiste) comme un parti nationaliste petit-bourgeois. Nous avions montré que le PRS n’avait pas rompu quant au fond avec la politique du FLN ; le même populisme, le même langage socialisant, et aussi, et c’est le principal, le même nationalisme…
Article d’Edgar Morin paru dans Arguments, 2e année, n° 10, novembre 1958, p. 27-31.
III. La révolution algérienne et la gauche française
Que l’on s’entende bien. Je suis internationaliste et non nationaliste. Je ne respecte pas le nationalisme algérien comme un nationaliste éclairé respecterait un nationalisme étranger, légitime comme le sien propre. Au fait, je ne respecte rien. Ce qui mérite d’être reconnu et défendu, dans le nationalisme algérien, c’est la revendication à la dignité et l’égalité de 8 millions d’êtres humains, et c’est la condamnation d’un système colonial et raciste.
Extrait de l’article paru dans Jeune Taupe, n° 10, juin 1976, p. 17-18
Le Moyen-orient connait une crise grave à tous les échelons : crise économique, politique et sociale dont le Liban est la tragique illustration. Depuis quelques années, le mouvement ouvrier a fait une réapparition de plus en plus radicale sur son terrain de classe. C’est le moment qu’ont choisi des révolutionnaires arabes et israéliens, dont la radicalité est le produit de cette remontée des luttes prolétariennes, pour dégager une perspective communiste au Moyen-orient.
Article paru dans Le Communiste, organe central en français du Groupe communiste internationaliste, n° 14, juillet 1982, p. 36-37.
Pendant un mois, bien plus de vingt-quatre pays ont vécu à l’heure du football. A l’heure des restrictions, des mesures d’austérité qui nous viennent de tous côtés, on nous a offert une indigestion de buts, de magouilles organisatives de la compétition, de scandales d’arbitrages et de leçons de tactiques collectives.
Le Mundial qui s’est déroulé en Argentine vient nous rappeler que le sport n’est pas neutre, et qu’il sert avant tout les intérêts de la bourgeoisie. En effet, dans les pays capitalistes, le sport est loin de servir à développer harmonieusement nos capacités physiques, ou à nous amuser, mais reproduit au contraire tous les avatars d’une société basée sur le profit
Extrait de l’entretien de Maxime Rodinson avec Gilbert Achcar réalisé en 1986 et paru dans Mouvements, n° 36, novembre-décembre 2004, p. 75-76
Political prisoners, who have recanted their views and now support the Islamic Republic, take part in a press conference at the high security Evin Prison in Tehran, Iran, 10th February 1986. (Photo by Kaveh Kazemi/Getty Images)
L’intégrisme islamique est une idéologie passéiste. Les mouvements intégristes musulmans ne cherchent pas du tout à bouleverser la structure sociale, ou ne le cherchent que tout à fait secondairement. Ils n’ont modifié les bases de la société, ni en Arabie Saoudite, ni en Iran. La « nouvelle » société que les « révolutions islamiques » établissent ressemble de façon frappante à celle qu’elles viennent de renverser. Je me suis fait réprimander en 1978 lorsque j’ai affirmé, de manière très modérée, que le cléricalisme iranien ne laissait présager rien de bon. Je disais « au mieux, Khomeiny sera Dupanloup, au pire Torquemada ». Hélas, c’est le pire qui est arrivé.