(traduit de Jim Evrard – The Rebel Worker – 5 – Solidarity Bookshop – 1947 – Larrabee Street Chicago – Ill )
Les gens parlent toujours de publicité, de propagande, et de manipulations de l’opinion publique en terres généraux, mais rarement en termes précis. J’aimerais prendre l’exemple concret d’une chanson populaire sur le « five o’clock world » (le monde de 5 heures du soir) pour illustrer quelques aspects des techniques de manipulation auxquelles nous sommes constamment exposés.
Pourquoi parler d’un tel livre ? Le défi américain, cela concerne avant tout ceux qui nous exploitent, ceux qui nous gouvernent, et dont la domination est menacée dans leur propre fief.
L’évolution vers le capitalisme d’état, forme ultime de la concentration capitaliste, est le trait dominant des sociétés industrielles qui tendent à s’industrialiser.
Pour les copains qui ont lu Whyte, Packard, Cl. Julien (I) ce nouveau bouquin sur la vie et l’économie américaine n’apportera pas grand’chose de plus comme documentation. Toutefois, il est à lire, non pas seulement parce que son auteur est un conseiller écouté de Kennedy, qui lui a confié le poste important d’ambassadeur en Inde, mais parce qu’il familiarise avec les notions économiques et complète tout de même ce que les auteurs cités ci-dessus ont exposé.
Publié aux U.S.A. en 1962, sous le titre « The Warfare State » ce livre fut édité en France au début de l’année dernière, avec une préface de l’auteur, datée de décembre 1963. Il n’a rien perdu ni de son actualité, ni de son intérêt.
Nous allons montrer dans une série d’articles les problèmes et la dynamique du mouvement des Noirs aux U.S.A., ce que D. Guérin nomme, dans son dernier ouvrage « La décolonisation des Noirs américains ». Un article de ce journal (1) avait déjà tracé un tableau général de la situation. Ici nous allons approfondir les problèmes dégagés par l’analyse d’un certain nombre d’ouvrages récents consacrés aux différents mouvements noirs.
MAMAN JONES, traduit de l’anglais par Colette Audry et Marina Stalio. Coll. Masses et Militants. Les Editions ouvrières.
Légendes pour images d’Epinal, est-on tenté de dire à première lecture. Et de fait chaque phrase semble solliciter un petit dessin de couleur violente, un peu caricatural avec des capitalistes à gros cigares, arrogants et cruels et des prolétaires ardents et décidés. La simplicité tout enfantine du récit par petites phrases courtes, énoncés dépouillés de faits « à tel endroit il y avais une gréve, je suis venue, la lutte a pris cette forme, la répression s’y est exercée de telle façon, la grève s’y est ainsi terminée », et l’on passe au chapitre suivant qui n’en diffère que par la date et le lieu. Seulement ce récit tout puéril retrace les épisodes d’une des luttes les plus âpres, les plus dures au monde qu’eut à mener le prolétariat.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 56, décembre 1963, p. 9-10
Texas Governor John Connally adjusts his tie (foreground) as President and Mrs. Kennedy, in a pink outfit, settled in rear seats, prepared for motorcade into city from airport, Nov. 22. After a few speaking stops, the President was assassinated in the same car.
Nous reproduisons ci-dessous une lettre d’un camarade américain au sujet des conséquences de l’assassinat de Kennedy. Nous ne partageons pas le point de vue de ce camarade selon lequel le capitalisme américain serait incapable de résoudre la question noire et évoluerait rapidement vers un régime de type fasciste. Nous reviendrons sur cette analyse dans un de nos prochains numéros.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 44, octobre 1962, p. 10
A Nation of Islam activist distributing copies of the African-American organisation’s newspaper ‘Muhammad Speaks’ with the headline ‘Muhammad thanks Harlem’, on a busy street in New York City, New York, circa 1962. (Photo by Peter Keegan/Keystone/Hulton Archive/Getty Images)
Opinion d’un de nos lecteurs américain
Jusqu’à ces dernières années, le mouvement noir le plus important était le NAACP (Association pour l’Avancement des Gens de Couleur), qui préconisait de faire ouvrir aux noirs les portes de la société américaine par des moyens exclusivement légaux.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 10, septembre 1959, p. 7-8 et 13
Three young women leave Hall High school in Little Rock without incident after Federal courts ordered the enforcement of desegregation laws. (Photo by Bettmann Archive via Getty Images)
Un préjugé tenace et répandu refuse de reconnaître que les noirs américains soient capables de lutter sérieusement et efficacement contre l’oppression raciale, encore moins d’imposer à tel ou tel moment et dans tel ou tel endroit leur propre loi. Vue dans cette optique, qu’on retrouve aussi fréquemment dans les milieux qui se croient de gauche que dans ceux de droite, le problème de l’intégration et de l’égalité raciale aux Etats-Unis est totalement extérieur aux noirs eux-mêmes : il s’agit de savoir si les blancs libéraux réussiront à imposer leur politique aux blancs racistes, le problème noir est une histoire de famille entre blancs. Si l’on suivait ces idées, on devrait dire que depuis la guerre de Sécession les noirs n’ont jamais eu aucun rôle positif et actif, qu’ils n’ont fait que subir les évènements : hier les blancs du nord les ont délivré de l’esclavage, demain on leur donnera l’égalité raciale.
Entretien avec Daniel Guérin paru dans Révolution africaine, n° 46, 14 décembre 1963, p. 8-9
Daniel Guérin vient de publier aux Editions de Minuit, un nouveau livre, Décolonisation du Noir américain. Ce livre vient à son heure, à l’heure où l’assassinat du président Kennedy et l’enquête qui se mène à Dallas prouvent que le racisme reste puissant aux Etats-Unis.
Daniel Guérin a publie de nombreux ouvrages sur les problèmes de la révolution Depuis Fascisme et grand capital, paru avant-guerre, jusqu’à Front populaire, révolution manquée, son avant-dernier livre, en passant par Au service des colonisés, il n’a cessé de tenter un approfondissement systématique des méthodes et de la stratégie révolutionnaire.
Article signé Jim Crow paru dansL’Humanité, 8 avril 1928, p. 3
La race noire souffre non seulement d’une oppression impérialiste et d’une exploitation capitaliste pires que celles des ouvriers blancs, mais elle est assujettie de plus au martyre des préjuges de races, habilement entretenus par les exploiteurs capitalistes et leurs complices, les réformistes, parmi les ouvriers blancs non conscients. De ces préjugés est né ce qu’on appelle en Amérique le « Jim Crowism » (mesures appliquées contre « Jim le corbeau », sobriquet donné aux nègres) qui va de l’interdiction aux noirs de voyageur dans les infimes wagons que les blancs jusqu’au lynchage.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 62, juillet-août 1964, p. 9-10
Prenez deux idées justes. La première : tout appareil bureaucratique offre un aspect comique ; sa rigidité, sa hiérarchie, sa prétendue rationalité le rendent irréaliste, incapable de s’adapter à une situation nouvelle et de la résoudre simplement ; bien plus, les règles du fonctionnement bureaucratique favorisent ou provoquent elles-mêmes des accidents par lesquels l’appareil est pris au dépourvu. Deuxième idée : aujourd’hui l’organisation de la destruction et de la terreur est bureaucratisée ; elle est l’affaire d’un immense système (dont le Strategic Air Command est, aux États-Unis, une partie) servi par des milliers d’hommes, s’étendant à toute la surface du globe, équipé avec les résultats les plus récents de la science et de l’industrie, prêt à fonctionner dans des délais qui sont de l’ordre de la minute, et suspendu sur la tête de milliards d’hommes.
« Le papier du mois », paru dans Gai Pied, n° 38, mai 1982, p. 7
• James Baldwin, un mot qu’utilisent les homosexuels et que connaissent bien les noirs, c’est celui de ghetto. Le ghetto est-il une mesure de survie ou une fuite ?
Article d’Yves B. paru dans Le Monde libertaire, n° 678, 22 octobre 1987, p. 10
Portrait of African-American writer Chester Himes, 1970. (Photo by Afro American Newspapers/Gado/Getty Images)
DÉCÉDÉ récemment, Chester Himes est (avec Richard Wright) le romancier noir américain le plus connu et, à notre humble avis, le meilleur. Mais cette reconnaissance a été tardive. Si Chester Himes est resté longtemps incompris, c’est à cause de la division opérée entre ses romans « classiques » et ses polars (qui l’ont fait connaître en France), considérés comme pas sérieux. Pourtant, après une lecture attentive, on s’aperçoit que son œuvre possède une certaine cohérence. Lui seul a su traduire aussi bien les problèmes de la communauté noire contemporaine.
Article d’Hugues Panassié paru dans Les Cahiers du Sud, n° 288, 1er semestre 1948, p. 352-354
Aucun écrivain noir américain ne me paraît aussi doué, aussi profond que Richard Wright, dont la venue en France, l’année dernière, a été accueillie par une presse aussi bienveillante qu’incompétente, à en juger par les gloses fantaisistes publiées à droite et à gauche sur ses romans.
North Korean prisoners, taken by the Marines in a foothills fight, march single file across a rice paddy, 1950.
La capacité d’une direction révolutionnaire se mesure à son aptitude à juger de la signification profonde des grands événements internationaux qui constituent la trame concrète de l’évolution historique dans laquelle le prolétariat révolutionnaire doit s’insérer comme force indépendante et consciente.
Le bilan global des événements des derniers mois, disons depuis la mort de Staline, démontre l’impossibilité de sortir de l’impasse de la « guerre froide » et d’arriver à un compromis général et durable entre les pays impérialistes et ceux dudit bloc soviétique. En ce sens, la paix à laquelle aspirent avec raison les millions des travailleurs, n’est pas certainement pour demain.
Article paru dans La Vérité, n° 221,5 novembre 1948, p. 3
La réunion de l’Assemblée générale de l’O.N.U. a déplacé le centre de gravité de la « guerre froide » de Berlin à Paris. Pour la galerie, des discours plus spectaculaires l’un que l’autre n’ont cessé de se succéder de jour en jour ; dans les coulisses se sont entre temps poursuivis les pourparlers ultra-secrets qui ont une fois de plus démontré aux peuples combien mensongers sont les procédés de propagande utilisés de part et d’autre pour maintenir en haleine l’opinion publique mondiale.
Article d’Aimé Blanc-Dufour paru dans Les Cahiers du Sud, n° 308, 1er juillet 1951, p. 171-172
Le premier tome de cet ouvrage exhaustif et étonnamment documenté était consacré au Syndicalisme ouvrier. Le tome II porte comme sous-titre « La révolte agraire », « Le problème nègre ».
BEAUCOUP de nos camarades reviennent actuellement d’Amérique. Tout ce qu’ils peuvent nous dire nous intéresse toujours passionnément. Toutefois, si vigilant à observer, si lucide soit-on, il n’est pas bien certain qu’en six semaines ou deux mois il soit possible de dégager des appréciations absolument pertinentes sur un pays.
RICHARD WRIGHT a déjà publié en français deux ouvrages : « Un Enfant du pays », roman d’un noir qui s’assoit sur la chaise électrique après avoir assassine, par peur, une jeune blanche émancipée ; « Les Enfants de l’oncle Tom », recueil de nouvelles où nous est décrite la condition présente du noir américain, paria d’une société qui le craint et se venge cruellement sur lui de sa propre frayeur (1). « Black Boy » (« Jeunesse noire ») (2) diffère de ces deux ouvrages en ce qu’il ne fait nulle place à la fiction. L’auteur raconte sa jeunesse avec les mots les plus courants et sans céder à l’attrait du pittoresque.
Article d’Edgar Morin paru dans Arguments, n° 1, décembre 1956-janvier 1957, p. 1-7
Remarques à propos de : Abdoulaye Ly : Les masses africaines et l’actuelle condition humaine ; Dia Mamadou : Réflexions sur l’économie de l’Afrique Noire ; Cheikh Anta Diop : Nations nègres et culture (tous ces ouvrages aux Editions Présence Africaine) et du 1er Congrès International des Écrivains et Artistes Noirs, Paris, 19-22 septembre 1955, organisé par Présence Africaine.
Article de Guy Ducornet paru dans Les Langues modernes, n° 4, juillet-août 1969, p. 394-401
RALPH ELLISON
HOMME INVISIBLE, POUR QUI CHANTES-TU ?
Grasset, 1969, traduction de Robert Merle
Invisible Man est une longue métaphore dans la tradition de The Wasteland ou de Moby Dick ; Ellison nous fait participer à un rituel qui sous-tend l’histoire de la société américaine, qui en est la définition et le produit. L’inévitable question, l’éternelle préoccupation des meilleures œuvres américaines, c’est le « qui suis-je ? » dans le contexte américain, que l’on retrouve de Marc Twain à Philip Roth, de Stephen Crane à Bellow, L’oeuvre est toujours une manière parti-culière de résoudre le problème de l’identité. Elle ne se contente pas de décrire une expérience, elle la crée sous nos yeux.
Titre curieux, certes, que celui de ce roman américain de bon aloi, mais on comprend assez mal le rapport qu’il offre avec le roman lui-même. En réalité, il est extrait d’une tontine nègre, du genre Am, Stram, Gram, — Pic et pic et Colégramme…
Article d’Albert Camus paru dansFranc-Tireur, 7 décembre 1948, p. 1 et 3
LA paix a les inconvénients de l’amour. On croit savoir ce qu’elle est et puis l’épreuve arrive, la voici menacée, et personne ne s’entend sur le sens de ce mot. Les premiers venus, dont je suis, pensent que la paix est l’absence de guerre et qu’une politique pacifiste est une politique qui ne multiplie pas les chances de guerre. Ils pensent, en outre, qu’on a d’autant moins le droit de courir ces chances que la guerre à venir menace d’être plus générale et plus destructive. Autrement dit, s’il faut être prudent quand il s’agit de risquer une guerre de canons et d’avions entre la France et l’Allemagne, il faut l’être d’autant plus quand il s’agit d’une catastrophe où les continents seront atomisés.
LE 5 avril 1944, le « Daily Worker », quotidien communiste des Etats-Unis, apprenait à ses lecteurs qu’un
« soi-disant fonctionnaire de la Commission d’achats soviétique de Washington, Victor Kravchenko, venait de trahir la confiance qu’avait placée en lui le peuple de l’U. R. S. S. »
Article de Michel Gordey paru dans Les Etoiles, n° 76, 22 octobre 1946, p. 4
RICHARD WRIGHT, l’écrivain noir dont les œuvres sont des cris de révolte et de souffrance, —Richard Wright que l’on s’imaginerait volontiers comme un homme aux mâchoires et aux poings serrés, enfermé dans son amertume, — Richard Wright m’ouvre la porte de son appartement, et tout de suite je sens le calme, la bonté, la raison qui émanent de cet homme à la taille moyenne, au teint sombre et mat, aux veux doux et intelligents derrière des lunettes sans monture, des lunettes de professeur de collège américain.
Article de Jane Albert-Hesseparu dans Franc-Tireur, 25 octobre 1947, p. 2
C’est d’ailleurs que nous vient le souffle… – Les grands romanciers de la race noire : Richard Wright, Langston Hugues. – Mémoires d’un poète et d’un homme. – Solidarité dans la lutte et dans l’art.
LA réputation de Richard Wright a précédé chez nous la traduction de ses œuvres. « Black Boy » (1) et « Native Son », premier ouvrage publié en librairie (2), montrent que cette réputation n’est pas usurpée. Avec Wright, nous nous trouvons, en vérité, devant un des grands écrivains du moment. Dire qu’il est noir et Américain n’est pas plus le définir que de considérer seulement Kafka comme Juif et Tchèque, ou Tolstoï comme noble et Russe. Par quelque endroit, le génie transgressé les catégories raciales, sociales et nationales au sein desquelles il est né et a prospéré. De moins grands que Wright, le pittoresque Claude Mc Kay ou l’émouvant Langston Hugues laissent clairement voir leurs caractères ethniques. Ils se définissent d’abord par eux. Quand nous lisons « Native Son », nous oublions la nationalité de l’auteur et la couleur de sa peau.
Texte de Richard Wright paru dans Franc-Tireur, 16 décembre 1948, p. 1 et 4
Richard Wright
VOICI le texte du grand écrivain américain Richard Wright lu par lui, dans la liberté totale de son expression, à la grande Rencontre internationale des écrivains du monde, suscitée par le R.D.R.
De race noire, l’admirable romancier de Native Son et de Black Boy lance avant tout ici un cri d’opprimé, de révolté à la face du monde et des deux Etats géants dont la querelle maintient l’humanité dans l’angoisse et dans la peur.
RICHARD WRIGHT, qui compte aujourd’hui parmi les cinq ou six plus grands écrivains américains et qui est incontestablement le plus grand prosateur noir des Etats-Unis, me reçoit dans son petit appartement du boulevard Saint-Michel, quelques jours avant son retour en Amérique. Une fois de plus, tout au long d’un entretien qui dure plus de deux heures, je suis frappé pas le calme, par la sérénité lucide de cet homme dont les cris de révolte et de protestation retentissent pourtant depuis quelque dix années avec une vigueur croissante. Cris de révolte qui sont entendus, puisque les livres de Wright battent les records de vente aux Etats-Unis et paraissent partout dans le monde : en France, en Italie, en Angleterre, en Suisse, au Danemark et en Suède.
Article de Frédéric Stane parudans Gavroche, n° 95, 20 juin 1946, p. 5
APRES-DEMAIN, la Société des gens de lettres reçoit en son hôtel Richard Wright. J’ignore si la majorité des messieurs-dames que l’on rencontre ordinairement à ces raouts savent exactement qui est Richard Wright. Peut-être est-il charitable de les avertir qu’il s’agit non seulement d’un de ces romanciers américains qui font rougir les émules de M. Henry Bordeaux lorsqu’ils en entendent parler, mais encore d’un écrivain noir, le plus brillant des écrivains noirs de sa génération. Mme Camille Marbo est prévenue.
Portrait of American author Richard Wright (1908 – 1960), 1946. (Photo by Fred Stein Archive/Archive Photos/Getty Images)
SUR les quais de la gare Saint-Lazare. Le train spécial ayant embarqué au Havre les passagers du « Brazil » a du retard. Le soleil matinal n’arrive pas à percer les hautes verrières enfumées ; un petit vent frais souffle en courant d’air.
DIS-MOI chéri que je suis ta chérie. C’est pas une fille jaune qui te tombera…
Des refrains amoureux, des couples déchaînés dans la fureur du jazz. Des peaux d’un noir nuancé : chocolat, marron, olive, café, acajou, crème, mastic. Des étoffes aux couleur criardes : cravate rose, jaune et bleue, écharpe orange, jupe verte, bas champagne. On boit — gin ou whisky — on joue — poker ou zanzi — on se drogue — opium ou coco. On s’oublie, on s’enivre, on s’aime, on se bat, on assiste à tous les débordements d’une animalité intense.
Claude Mc Kay est un écrivain à peu près inconnu en France. C’est un noir américain né à la Jamaïque en 1890. Son enfance fut celle des petits paysans de couleur vivant dans les îles. L’un de ses frères, qui était instituteur, fut son premier éducateur.
23rd July 1967, Police in riot gear escort an African-American man who they said had been looting after rioting and looting broke out on the west side of Detroit, Michigan. (Photo by American Stock/Getty Images)
Nous pensons consacrer un texte spécial aux révoltes des noirs de cet été 1967. Les textes qui suivent concernent autant les noirs que la situation aux Etats-Unis ; ils peuvent donner un aperçu de la société américaine que l’on à peine à imaginer. Nous reviendrons aussi sur la signification de ces faits dans l’état capitaliste le plus puissant du monde, celui qui met en oeuvre les techniques les plus avancées dans tous les domaines.
Textes parus dans Tout !, n° 11, 29 mars 1971, p. 6
Huey Newton sits on a couch with Bobby Rush and Lucy Montgomery, Chicago, Illinois, February 20, 1971. (Photo by Chicago Sun-Times Collection/Chicago History Museum/Getty Images)
Voilà, c’est moins bien qu’on croyait : la couverture du journal « The Black Panter », ces derniers temps, ça ressemble de plus en plus à France-Dimanche. Tout le monde voyait les Panthères comme le parti lié aux masses, pas dogmatique, pas chiant : on ne s’emmerdait jamais en lisant leur journal, c’était le cauchemar des docteurs en marxisme : ils avaient osé dire que l’avant-garde aux U.S.A. ce n’était pas la classe ouvrière mais le Lumpen-prolétariat. Chaque texte de Huey ouvrait des tas d’horizons nouveaux, bouleversait complètement la façon qu’on avait de se servir du marxisme et surtout dans la pratique, ça marchait. Brusquement, on apprend que ça ne marchait plus si bien. La presse bourgeoise est bien contente et n’arrête pas de demander si les panthères vont disparaître. On ne reconnaît plus rien ; c’est vrai que là-bas le niveau de violence est tel qu’il se trouve forcément reflété dans les arguments échangés mais on n’en a quand même rien à foutre que Connie Matthews soit plus vieille que son mari. Pourtant, à part quelques bandes vidéo venant d’Alger et la lettre des 21, la polémique tourne autour de trucs comme ça. Tout ce qu’on peut faire pour le moment, c’est essayer, par-delà la guerre des communiqués et la guerre sur le terrain – à ce jour, un mort – de cerner les questions de fond qui sous-tendent la scission.
Article paru dans La Daille, n° 4, octobre 1967, p. 7-9
July 1967, Stokely Carmichael (1941-1998) Trinidadian-American black activist, active in the 1960’s American Civil Rights Movement, pictured speaking in London (Photo by Bentley Archive/Popperfoto via Getty Images/Getty Images)
Avec les émeutes de 1965 à Watts et celles, toutes récentes, de cet été, il apparaît clairement qu’une période de luttes vient de mourir et qu’une autre, offensive commence. On dira : « c’était avant Watts ». Avec les trois jours de guerre civile de Détroit, c’est une mutation violente qui vient de s’opérer.
Article paru dans L’Insurgé, n° 10, 15 février 1969, p. 2
Gold medalist Tommie Smith (C) and bronze medalist John Carlos (R) of the United States raise their fists on the podium at the medal ceremony for the Athletics Men’s 200m during the Mexico City Olympic Games at the Estadio Olimpico Universitario on October 14, 1968 in Mexico City, Mexico. (Photo by The Asahi Shimbun via Getty Images)
L’hypocrisie collective de l’Est comme de l’Ouest ne voulait pas voir que, dans les sacro-saintes Olympiades, s’affrontaient les grandes puissances politiques qui président à la destinée du monde.
Protesters with Signs at March on Washington for Jobs and Freedom, Washington, D.C., USA, photo by Marion S. Trikosko, August 28, 1963. (Photo by: Universal History Archive/Universal Images Group via Getty Images)
Une petite dépêche, provenant de Washington au mois d’Août de cette année, n’a guère trouvé l’attention qu’elle méritait pourtant : cette dépêche nous informait que la Centrale des Syndicats américains, l’AFL-CIO, avait décidé de ne pas participer à la fameuse « Marche sur Washington », organisée par la quasi-totalité des organisations noires et patronnée, presque officiellement, par l’administration du président Kennedy.
Article de Daniel Blanchard alias Paul Canjuers paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 38, octobre-décembre 1964, p.98-101
Dr. Martin Luther King, Jr., winner of the Nobel Peace Prize, and his wife Coretta, laugh with reporters at a press conference after the Kings’ visit to President Johnson at the White House.
La réélection de Johnson à la Présidence des Etats-Unis avec une très forte majorité avait beau être attendue et escomptée ; ces élections n’en marquent pas moins une étape dans la vie politique des Etats-Unis qui conduira probablement à des changements importants. Pour la première fois depuis 1940, ces élections ont en effet posé les électeurs américains devant un choix réel, même s’il était fort limité et essentiellement négatif. Depuis l’acceptation du New Deal et de ses résultats irréversibles, les élections étaient progressivement devenues une question de choix entre les « personnalités » des candidats de deux partis dont les différences s’étaient amenuisées à l’extrême. En désignant Goldwater comme candidat à la présidence, l’aile extrémiste du parti républicain a explicitement remis en cause une série d’aspects essentiels de l’orientation de la politique américaine, intérieure et extérieure, ceux précisément qui expriment la tentative du capitalisme américain de s’adapter au monde moderne. Peu importe si cette remise en question était confuse, si Goldwater, longtemps avant les élections, avait été obligé de mettre beaucoup d’eau dans son bourbon, et si finalement, élu Président, il aurait été obligé de faire à peu près ce que Johnson fait. Les électeurs ont voté contre le retour (utopique, faut-il le dire) à un capitalisme totalement privé et sans intervention de l’Etat fédéral dans l’économie, contre l’autonomie des Etats l’égard de la fédération, contre les va-t-en guerre en politique internationale, contre l’anti-communisme à outrance et la persécution des minorités, contre surtout l’aggravation de la guerre raciale qu’aurait certainement induit l’élection de Goldwater.
Article d’André Bell paru dans Masses,n° 2, mai-juin 1931, p. 8
Ce livre est un exposé de la question noire aux Etats-Unis. L’auteur raconte comment la race noire a été introduite en Amérique, comment elle y a vécu avant et après l’abolition. Elle fait historique de la loi Lynch et montre les deux races en présence séparées par la ligne de couleur. Frontière d’ailleurs théorique, variable, d’une incertitude déconcertante. D’un côté, le privilège, la haine. De l’autre, la misère, l’effort d’une humanité méprisée et qui veut vivre. La poussée vers le Nord aujourd’hui arrêtée d’ailleurs par la crise économique. En dépit des lois, les noirs n’ont pas de droits. Et quoique leur situation ne soit pas la même dans le Sud et dans le Nord, ils restent partout les parias. Pas de contact avec la race maudite. Les blancs ne touchent pas les peaux noires, sauf aux jours de lynchage.
Article d’André Santon paru dans Masses, n° 14, avril-mai 1948, p. 33-34
On connaît les attaques dont l’écrivain noir Richard Wright est l’objet de la part des staliniens. Il a eu le tort d’abandonner le parti communiste américain il y a quelques années. Sa littérature ne saurait donc plus qu’être « réactionnaire » ou pis « existentialiste ». Malgré les protestations isolées d’un Vittorini en Italie, il est évident que Richard Wright, comme Dos Passos, Hemingway et peut-être Steinbeck, depuis son retour d’U.R.S.S., sont devenus des agents du « State Department ». Ou bien, comme Milles, « ils travaillent pour l’exportation », c’est-à-dire visent, sur un autre plan que la bombe atomique, la désintégration de la conscience révolutionnaire.
Je comprends mieux ces yeux levés vers lui dans les rues de Harlem, qui donnaient la complicité et la confiance ; cette haine mortelle que lui dédiait ses ennemis et qui dépassa sa mort même. Je comprends mieux cette stupeur qui me parvint aussi quand, soudain : « Ils l’ont tué ! » Car la route qu’il suivit, et qui fut si étrange parfois, était restée jusqu’au bout lucide et sereine, pourtant chaude. Il se sera trompé en quelques moments, mais ne se sera jamais égaré, par le désir de satisfaire une tâche dont la richesse ne faisait qu’ajouter à la difficulté !
African-American Muslim minister and civil rights activist Malcolm X (1925 – 1965) on Marshall Street in Smethwick, near Birmingham, 12th February 1965. The local Conservative council is attempting to buy houses on the street for resale to white people only. (Photo by Daily Express/Archive Photos/Getty Images)
L’ASSASSINAT DE MALCOLM X est un coup sévère à la lutte pour la liberté aux USA et, avec elle, à la lutte pour le Socialisme dans le monde.