Photographie de George Orwell sur sa carte d’adhérent du Syndicat national des journalistes (National Union of Journalists) en 1943. Source
Nous apprenons la mort, dans un hôpital des environs de Londres, du célèbre écrivain anglais, George Orwell, décédé d’une affection pulmonaire dont il souffrait depuis de nombreuses années. Il était âgé de 46 ans.
Si l’action se déroule dans le même cadre et le même milieu que « Fontamara » (1) nous n’avons retrouvé que par éclairs l’âpreté et la vigueur de ce dernier roman. Là, des personnages taillés à la cognée évoluaient sur de la lave, ici ils sont ciselés par un poète. Nous préférions le bûcheron, et la première manière convenait mieux à ce peuple de « cafoni », véritables serfs du XXe siècle, à ces régions dures et hostiles.
IL ne faut pas chercher à définir et à comprendre les œuvres d’Ignazio Silone indépendamment de ses prises de position politiques. Lui-même nous en avertit :
« Écrire n’a pas été et ne pouvait être, pour moi, sauf en quelque rare moment de grâce, une sereine jouissance esthétique, mais la laborieuse et solitaire continuation d’une lutte, après que je me fus séparé de mes compagnons les plus chers ».
Dans le n° 6 de l’année. 1949 de la revue théorique du P.C.Y., « Communiste », a été publié un long article d’un jeune théoricien dalmate, Makso Bace, membre du C.C. du P.C. croate et ancien chef des partisans slovènes, où sont analysées minutieusement les manifestations de l’emprise bureaucratique sur le Parti bolchévik russe dans l’ère stalinienne. Cet article est presque inconnu hors de Yougoslavie, puisque la seule langue étrangère dans laquelle il a été traduit est l’italien. (Makso Bace: Alcuni Aspetti della Critica e Autocritica nell’ U.R.S.S., Editoriale Periodici italiani, Milan, 1950.) Constituant une des contributions les plus importantes du P.C.Y. à la critique marxiste sur le phénomène de la bureaucratie soviétique, il mériterait d’être largement connu de l’avant-garde révolutionnaire internationale.
Article de Gilbert Sigaux paru dans Combat, 3 août 1950, p. 4
DANS le dernier volume d’Albert Camus, Actuelles, qui réunit, outre un certain nombre d’éditoriaux de Combat, des articles parus dans Caliban, le texte d’un exposé fait au couvent des Dominicains de La Tour Maubourg et trois interviews, on peut voir plusieurs choses. D’abord le journal, sinon involontaire, du moins non prémédité d’un esprit lucide, de 1944 à 1948. Pour la biographie intellectuelle de Camus, Actuelles constitue donc un document capital. Les mouvements d’une sensibilité, ceux d’une intelligence s’y inscrivent dans un style d’une pureté et d’une précision irréprochables (cela compte, quand il s’agit d’idées) style constamment conforme à son sujet, sans « drapé », sans opéra — mais avec une sobre, une constante résonance humaine.
Richard Crossman, député aux communes et rédacteur en chef du New Statesman and Nation, nous explique que ce livre est issu du feu de discussions qui eurent lieu, un certain soir, chez Arthur Koestler, dans le Nord du pays de Galles.
Entretien avec André Breton réalisé par Francis Dumont paru dans Combat, le 16 mai 1950, p. 1 et 4
French writer and poet André Breton (1896 – 1966, right) at a press conference, circa 1955. (Photo by Keystone/Hulton Archive/Getty Images)
Cette enquête tend à définir la position des intellectuels français devant le communisme : mais, pour reprendre une expression de Richard Crossman, « il ne s’agit pas de grossir le flot de la propagande anticommuniste, ni de frayer la voie à des plaidoyers pro domo« .
NOUS : Qu’attendiez-vous exactement du communisme vers 1925, époque à laquelle vous vous en êtes rapproché — à l’occasion de la guerre du Maroc ?
CHACUN de nous garde présent à l’esprit des noms d’individus qui, un beau jour, se sont éveillés « pensant » le contraire de ce qu’ils proclamaient la veille en se mettant au lit. Un tel comportement entraîne à juste titre le mépris des trahis et la suspicion provisoire des bénéficiaires de la trahison, si bénéfice il y a, obligeant le traître à multiplier le nombre et la qualité des preuves de sa brusque évolution. S’il a trahi une fois, pourquoi ne recommencerait-il pas ?
Conférence de presse de David Rousset et Rémy Roure au siège de la ‘Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes’, le 16 novembre 1949, à Paris. (Photo by Keystone-France/Gamma-Rapho via Getty Images)
IL est banal de dire, mais toutefois pas tout à fait, que nous vivons non une crise de conjoncture, ni même de régime, mais un de ces phénomènes singuliers qui se produisent assez rarement, semble-t-il, où toute une société s’abandonne, où toutes les classes se défont de telle sorte que, la perspective rétablie, c’est une structure historique séculaire qui se trouve détruite, un type d’humanité qui se présente définitivement refermé sur lui-même.
TANDIS que la nationalisation des moyens de production s’accommode fort bien, comme on peut le voir dans le monde entier, de l’État existant — capitaliste partout — la socialisation implique sa destruction préalable et totale. Celle-ci peut uniquement être l’œuvre de la couche sociale qui, de nos jours, subit le plus lourdement l’oppression politique et économique. Cette dernière se manifeste par une répartition monstrueusement inégale des biens de consommation et de la culture.
Once a prisoner of war himself, David Rousset, famed French writer, is shown as he staged the first rally of his one-man crusade for the investigation of Soviet prison and work camps, where thousands of prisoners of war are still held, many at forced labor. (Photo by Bettmann/Corbis/Getty Images)
AU cœur de la crise morale et intellectuelle de la gauche se trouve cette question à deux faces : pourquoi la révolution socialiste n’a-t-elle pas eu lieu ? Demeure-t-elle possible ?
A. CILIGA : Dix ans derrière le rideau de fer (1926-1936).
La librairie Plon réédite un livre paru la première fois en 1938 : « Au pays du mensonge déconcertant ». Mais l’auteur a voulu développer son expérience de la vie de déporté en un deuxième volume : « Sibérie, terre de l’exil et de l’industrialisation » (1).
Texte d’André Breton paru dans Le Libertaire, n° 225, 21 avril 1950, p. 3
C’est jusqu’au 29 avril 1950 qu’aura lieu à la Galerie Mirador : « Visions de France », peintures de G. Vivancos. Dans le dépliant édité à cette occasion par la Galerie Mirador, André Breton nous présente l’artiste en ces termes :
North Korean prisoners, taken by the Marines in a foothills fight, march single file across a rice paddy, 1950.
La capacité d’une direction révolutionnaire se mesure à son aptitude à juger de la signification profonde des grands événements internationaux qui constituent la trame concrète de l’évolution historique dans laquelle le prolétariat révolutionnaire doit s’insérer comme force indépendante et consciente.
BEAUCOUP de nos camarades reviennent actuellement d’Amérique. Tout ce qu’ils peuvent nous dire nous intéresse toujours passionnément. Toutefois, si vigilant à observer, si lucide soit-on, il n’est pas bien certain qu’en six semaines ou deux mois il soit possible de dégager des appréciations absolument pertinentes sur un pays.
LE futur historien des idées sera sans doute sensible au désarroi de l’intelligentsia révolutionnaire après cette guerre. Le fait que des écrivains et artistes — ralliés plutôt que partisans — quittent aujourd’hui le parti communiste n’en est que l’aspect le plus spectaculaire et le moins important ; plus significatifs sont, par exemple, le duel Rousset-Sartre à propos de l’attitude qu’a prise le premier sur la question des camps de concentration soviétiques, les « révisions » qu’opèrent du marxisme Burnham, Koestler ou Michel Collinet, les congés sourds ou publics que prennent enfin maints anciens révolutionnaires.
COMME tout était simple, pour l’intellectuel d’Occident, il y a vingt ans ! Comme il lui était facile de choisir ! Comme il pouvait aisément se donner bonne conscience ! Quand il avait compris la nature de son rôle : lutter contre l’état de choses existant, pas moins qu’aujourd’hui injuste et fondé sur des valeurs perverties, ne lui suffisait-il pas de regarder vers l’Est pour prendre confiance en lui-même, donner à son espoir et sa révolte une signification qui le dépassait ?
Chronique d’Aimé Blanc-Dufour parue dans Les Cahiers du Sud, n° 302, 1er juillet 1950, p. 156-158
LE MONDE DESACCUSES, par Walter Jens (Plon).
1984, par George Orwell (Gallimard).
Jadis, les romans d’anticipation étaient surtout remarquables par leur optimisme. Du XVIe siècle, avec Thomas More, jusqu’au XIXe siècle avec Jules Verne, en passant par Morelly et d’autres, ces écrits annonçaient soit une société libertaire et heureuse, soit l’asservissement des forces de la nature. Toutes leurs projections imaginaires aboutissaient non seulement à une amélioration du sort matériel de l’homme, mais aussi à une satisfaction des besoins de liberté par la suppression d’entraves sociales jugées caduques, ainsi qu’à une extension illimitée de la connaissance, étant sous-entendu que davantage de science enrichirait la conscience et ferait de la Terre un paradis retrouvé. Nos parents, trop pressés, ont bu le verjus et les dents nous font mal.
6th November 1948: Novelist and essayist Aldous Leonard Huxley (1894 – 1963) being interviewed in London after a 12 year absence from England. Original Publication: Picture Post – 4662 – Aldous Huxley – pub. 1948 (Photo by Elizabeth Chat/Picture Post/Hulton Archive/Getty Images)
LA lecture d’un récent livre du polémiste anglais George Orwell : « 1984 » nous fait tout à coup, brutalement, heurter du nez le pitoyable contraste entre les écrivains d’imagination des siècles précédents et ceux du XXe.
Article de Jean Léger paru dans Socialisme ou Barbarie,n° 7, août-septembre 1950, p. 110-111
Dans les premiers jours de juin s’est déroulé à Prague le procès des Treize, premier grand procès politique que connaisse la Tchécoslovaquie.
Les condamnations prononcées le 8 juin ont révolté de nombreux intellectuels en France, en Autriche, en Norvège. Des télégrammes ont été adressés au Président de la République tchécoslovaque pour qu’il renonce à exécuter la sentence frappant le principal accusé : Kalandra.
Around 1950 in a school in Algeria, children work diligently at learning French culture. One can see the map of France hanging on the wall. In a context where all hope of social advancement has to pass by the learning of the coloniser’s culture, these children come to learn and idealise the French language and culture. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
EN 1945, l’administration algérienne élabora un plan de scolarisation échelonné sur 20 ans, qui devait scolariser 1.250.000 enfants.
Par un rapport présenté par M. Bertrand, rapporteur général de la Commission de l’Education Nationale auprès de l’Assemblée Algérienne, au moment de la discussion du budget de 49, on pouvait apprendre que : les crédits proposés s’élevaient à 3 milliards 231 millions, au lieu de 12 milliards 206 millions, qu’il fallait compter au 1er novembre un reliquat de 3.869 classes et 2.100 logements, que le retard du plan de coordination pour les années 45 jusqu’à 49 s’élevait à 1.200 classes, que sur les 1.800 classes nouvelles, 1.072 fonctionnaient à mi-temps.
Le comité de scolarisation réunissant les délégués du syndicat des instituteurs, des partis politiques (sauf le P.C.A. et les partis nationalistes, ces derniers s’étant retirés en raison de leur désaccord sur la laïcité), le M.P.F., la Libre Pensée, le M.F.A., etc., où les délégués du S.N.I. sont « persona grata », fait remarquer dans une lettre envoyée au président de l’Assemblée Algérienne qu’il fallait reprocher, en plus de ce fameux plan, d’avoir oublié de compter avec un excédent de naissances annuelles de 150.000 unités et que « faute de crédits, la reconduction, d’année en année, risque de devenir continuelle, que la situation de la scolarité à temps réduit ne fera qu’empirer et que tous les enfants d’âge scolaire ne pourront pas être scolarisés ».
L’exécution de Zavis Kalandra et de ses trois coaccusés est passée inaperçue au milieu des événements de Corée qui angoissent l’opinion mondiale : le tribunal suprême de Prague ayant rejeté l’appel, la pendaison des quatre condamnés à mort du « procès des Treize » (dont une femme) a eu lieu le mardi 27 juin 1950. Encore une date de deuil à retenir pour les socialistes libres.
Around 1950 in a school in Algeria, Algerian children doing their schoolwork. In a context where all hope of social advancement had to pass through learning the colonizer’s culture, these children learned and idealized the French language and culture. (Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)
LE statut de l’Algérie (article 56) reconnaît l’autonomie du culte musulman et délègue à l’assemblée algérienne pouvoir d’assurer la séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Toutes les religions, jusques et y compris l’Islam (nous devons cette vérité crue à nos camarades musulmans) sont des doctrines de résignation, de paternalisme et de respect du Chef. Il importe aux Etats de s’assurer l’alliance de cette force cauteleuse d’asservissement. (La séparation, en France, de l’Eglise et de l’Etat, n’a pas rompu l’alliance antique et traditionnelle inaugurée par saint Augustin en Africa-Romana.) Cette vérité est valable pour l’Islam et pour les trois subdivisions arbitraires de l’Afrique du Nord (Algérie-Tunisie-Maroc).
Textes parus dans Le Libertaire, n° 235, 14 juillet 1950, p. 1, 2 et 4
Personnes attendant un train sur le quai d’une gare, à El Affroun, Algérie, circa 1950. (Photo by Keystone-France/Gamma-Rapho via Getty Images)
LE 8 mai 1945, alors qu’à la drôle de guerre allait succéder la drôle de paix, les zélateurs de Pétain, et ceux de De Gaulle, réconciliés sur le dos de « l’Arabe », célébraient en un gigantesque autodafé de 40.000 victimes, la renaissance de l’impérialisme français et de son article d’exportation d’outre-mer : le colonialisme. Le peuple algérien, qui avait copieusement payé l’impôt du sang, commençait à s’agiter et las de jouer alternativement le rôle de sale bicot et de valeureux héros (selon des circonstances indépendantes de sa volonté) manifestait sa volonté au moins partielle, de se refuser au destin de chair à canon ou de chair à travail. Il fallait bien montrer aux frères de ceux tombés à Cassino que la France ne saurait abandonner sa tutelle civilisatrice… 40.000 nord-africains purent juger de l’efficacité libératrice des bombardiers Hunderbolts et des tanks Shermans. Pendant ce temps, le brave « prolo » français applaudissait la Sainte Trinité : De Gaulle-Bidault-Thorez, et toute une vertueuse littérature aragonisante jetait l’anathème sur les nazis qui appliquaient les barbares principes de la responsabilité collective et des expéditions punitives.
Déclaration du Mouvement libertaire nord-africain parue dans Le Libertaire,n° 231, 2 juin 1950, p. 3
Algérois montant dans un bus, Alger, Algérie, circa 1950. (Photo by Keystone-France/Gamma-Rapho via Getty Images)
Le Mouvement Libertaire Nord-Africain vient de naître. Jusqu’ici les groupes d’Afrique du Nord formaient la 13e Région de la Fédération Anarchiste française.
Les conditions politiques, économiques et sociales particulières à cette région rendaient nécessaire la constitution d’un mouvement particulier.
George Orwell – an seiner Schreibmaschine (Photo by ullstein bild/ullstein bild via Getty Images)
GEORGE ORWELL, écrivain et socialiste, est mort dans un hôpital londonien, le 21 janvier, à l’âge de 46 ans. Né d’une famille de classe moyenne en Inde, il alla à Eton, et plus tard rejoignit les forces de police de Burma. Mais l’honnêteté de l’œil avec lequel il vit le rôle de l’Impérialisme britannique le repoussa — non seulement de la police de Burma, mais aussi de la classe dans laquelle il était né.
Ses livres disent la pauvreté matérielle qui l’accabla, et 1936 le trouva en Espagne, où il fut blessé dans les lignes républicaines.