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Jean Blanzat : Fontamara. Le chef-d’oeuvre de Silone

Article de Jean Blanzat paru dans Combat, 8 juillet 1949, p. 4

IGNAZIO SILONE est né en 1900 dans un village des Abruzzes. Son père possédait, dans ce pays aride, quelques hectares de terre, et, pour en compléter le revenu, la mère faisait du tissage. Ignazio n’avait pas quinze ans quand sa famille périt presque tout entière dans un tremblement de terre. Orphelin et sans ressources, Silone vint à Rome et gagna sa vie en vendant des journaux. Mais, déjà, la misère des « cafoni », les paysans de sa province, l’avait frappé ; à dix-sept ans, Silone était devenu secrétaire de l’un des premiers syndicats ouvriers agricoles.

Ce fut là les débuts d’une action sociale et politique qui dure encore. Membre du parti communiste, Silone mena sous le fascisme de 1921 à 1930, la vie des clandestins. Avec Togliatti, il représenta l’ « Italie au Comité Exécutif de l’Internationale. » Plusieurs fois arrêté dans son pays, en Espagne et en France, il passa de prison en prison.

Gravement malade, il dut, en 1930, se fixer en Suisse pour se soigner. C’est dans ces loisirs forcés qu’il réalisa son œuvre littéraire. En dix ans, Silone écrivit trois romans traduits en français et dans la plupart des langues : « Fontamara » (1930) ; « Le Pain et le Vin » (1937) ; « Le Grain sous la Neige » (1940), deux essais et une pièce de théâtre.

Après la chute de Mussolini, Silone rentra en Italie. En 1930, il avait rompu avec le communisme. Il fut, dans l’Assemblée Constituante italienne, l’un des leaders du parti socialiste auquel il avait adhéré en 1940. Alors que son passé et son prestige personnel l’autorisaient à toutes les ambitions, Silone s’est démis de son mandat de député et a refusé tous les postes officiels. Cependant, il tient aujourd’hui, dans la politique italienne, un rôle de premier plan : directeur de la revue « L’Europe Socialiste ». Il a été l’initiateur du mouvement international de la « Troisième Force », et c’est autour de lui que le parti socialiste italien, divisé, cherche actuellement son regroupement.

« Fontamara », que « Combat » va publier dans une traduction conforme à la version définitive, éditée à Rome en 1948, est le chef-d’œuvre de Silone.

Il y a mis le meilleur de lui-même, les souvenirs de son village des Abruzzes et de son enfance l’élan de son action de militant.

Silone y retrace le drame des « cafoni », enfermés dans leur pauvreté séculaire, au moment même où le fascisme, dans ses abus et ses exactions policières, commence à les atteindre. Ignorants, naïfs, divisés, les « cafoni » sont une proie facile jusqu’à ce qu’ils se lèvent dans une brusque révolte d’ailleurs aussitôt écrasée.

« L’on n’a encore jamais vu deux pauvres identiques », et pourtant l’histoire des « cafoni » a été, est, et sera, universellement celle de « cette nation à part », de cette « race à part », de cette Église à part, que forment « les hommes qui font fructifier la terre et souffrent de la faim : fellahs, coolies, péons, moujiks. »

« Après tant de peines et de luttes, tant de larmes et de malheurs, tant de sang, tant de haines tant d’injustices et tant de désespoirs, que faire ? »

Et, entre tous ceux, de Gorki à Steinbeck, de Caldwell à Wright, qui ont posé la question, personne ne l’a fait avec plus d’autorité.

Jean BLANZAT

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